Décisions | Chambre de surveillance
DAS/183/2025 du 06.10.2025 sur DTAE/8147/2025 ( PAE ) , ADMIS
En droit
Par ces motifs
| republique et | canton de geneve | |
| POUVOIR JUDICIAIRE C/22450/2011-CS DAS/183/2025 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU LUNDI 6 OCTOBRE 2025 | ||
Recours (C/22450/2011-CS) formé en date du 29 septembre 2025 par Madame A______, actuellement hospitalisée à la Clinique de B______, Unité C______, sise ______ (Genève).
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Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 6 octobre 2025 à :
- Madame A______
Clinique de B______, Unité C______
______, ______.
- Madame D______
Monsieur E______
OFFICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Route des Jeunes 1C, case postale 107, 1211 Genève 8.
- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT.
Pour information à :
- Direction de la Clinique de B______
______, ______.
A. a. A______, originaire de Genève, est née le ______ 1980; elle est célibataire, sans enfants et sans emploi. Elle est sous curatelle de portée générale confiée à deux collaborateurs de l'Office de protection de l'adulte depuis le 22 novembre 2013. Elle est connue de longue date pour une schizophrénie paranoïde se manifestant par des idées délirantes ayant nécessité plusieurs fois son hospitalisation en milieu psychiatrique. A______ est totalement dans le déni de cet état de santé.
b. Le 1er avril 2025, le placement à des fins d'assistance de A______ a été ordonné par un médecin, lequel a constaté que la schizophrénie paranoïde dont souffrait l'intéressée était décompensée ce qui entraînait des délires à thématiques multiples; A______ n'était pas consciente de sa maladie et refusait tout traitement. Une hospitalisation était nécessaire, afin de réintroduire un traitement médicamenteux.
c. A______ a recouru contre son placement auprès du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection).
Le Tribunal de protection a requis l'expertise psychiatrique de l'intéressée.
d. Le Centre universitaire romand de médecine légale (CURML) a rendu son rapport le 9 avril 2025. Il en ressort notamment que A______, qui résidait au F______ [lieu de vie et de travail], ne prenait plus aucun traitement depuis sept semaines. Elle présentait des délires, affirmant notamment être une journaliste de l'ONU et enquêter sur "des morts qu'il y aurait eus au F______", ainsi que des idées de grandeur; elle refusait tout traitement neuroleptique. L'expert a relevé un discours logorrhéique et délirant à mécanisme imaginatif et du registre mégalomaniaque. Elle présentait également une désorganisation idéique et montrait une irritabilité lorsque ses idées délirantes étaient remises en question. Elle considérait ne pas avoir besoin de soins. Selon l'expert, son hospitalisation était nécessaire, car elle n'était pas en mesure d'adhérer à des soins ambulatoires en raison de son anosognosie et de son refus de traitement; elle n'avait pas sa capacité de discernement sur ce point. L'absence de traitement représentait un grave péril pour sa santé, de sorte qu'un traitement contre sa volonté était indiqué. En l'absence de placement à des fins d'assistance et de traitement, sa décompensation psychotique risquait de se péjorer, avec un risque de marginalisation, de négligence pour sa santé somatique et psychiatrique et d'incurie.
e. Par ordonnance DTAE/3163/2025 du 15 avril 2025, le Tribunal de protection a rejeté le recours formé par A______ contre la décision médicale du même jour ayant ordonné son placement à des fins d'assistance.
f. Le 16 avril 2025, un plan de prise en soins a été établi par la Clinique de B______. Il prévoyait la reprise d'un traitement neuroleptique (Aripiprazole ou apparenté, en forme orale puis dépôt intramusculaire) et au besoin un traitement anxiolytique par benzodiazépine. En cas de refus du traitement d'Aripiprazole, il était prévu de procéder à des injections d'Halopéridol. Des entretiens infirmiers et médico-infirmiers réguliers étaient également proposés, ainsi que la participation à des groupes thérapeutiques, dans le but d'aider l'intéressée à réintégrer un logement adapté et de reprendre un suivi ambulatoire.
Le même jour, la Dre G______, médecin au sein de la Clinique de B______, a rendu une décision de traitement sans consentement. Elle a fait état d'une précarisation sociale et financière de A______ et d'une mise en danger grave en lien avec une capacité de jugement et un raisonnement altérés. Le traitement envisagé était l'administration d'Aripiprazole par voie orale et en cas de refus des injections d'Halopéridol.
g. Le même jour, A______ a formé un recours auprès du Tribunal de protection contre la décision de traitement sans consentement.
Une expertise psychiatrique de l'intéressée a été demandée.
h. Le CURML a rendu son rapport le 22 avril 2025. Il en ressort que A______ présentait toujours des idées délirantes de grandeur; elle avait notamment conçu des faux documents de propriété (notamment un acte notarié) et des faux contrats de travail. Elle indiquait s'être mariée en 2000, avant d'épouser religieusement une dizaine de personnes; elle avait eu trois enfants "portés" et soixante-sept autres issus de fécondation in vitro.
Le Dr H______ a indiqué que l'intéressée persistait à refuser tout traitement. Aucun médicament ne lui avait été administré de force, l'équipe médicale ayant préféré attendre la décision du Tribunal de protection. A______ présentait toujours des idées délirantes. Au sein de la Clinique de B______ et en raison de son cadre contenant, l'intéressée ne présentait pas d'autres troubles du comportement, comme cela pouvait être le cas lorsqu'elle se trouvait à l'extérieur.
i. Par ordonnance DTAE/3624/2025 du 29 avril 2025, le Tribunal de protection a admis le recours formé par A______ contre la décision de traitement sans consentement du 16 avril 2025.
Selon le Tribunal de protection, les modalités d'administration du traitement médicamenteux prévu dans la décision contestée ne coïncidaient pas intégralement avec le plan de traitement daté du même jour s'agissant des étapes préalables à une administration forcée d'Halopéridol, de sorte que l'une des conditions au traitement sans consentement faisait défaut.
j. Par ordonnance DTAE/3874/2025 du 8 mai 2025, le Tribunal de protection a prolongé pour une durée indéterminée le placement à des fins d'assistance institué le 1er avril 2025 en faveur de A______.
k. Le 15 mai 2025, un nouveau plan de prise en soins a été établi. S'agissant des propositions thérapeutiques, il prévoyait l'administration d'Aripiprazole per os jusqu'à 20 mg/j et si refus, d'Halopéridol IM jusqu'à 20 mg/j.
l. Le 15 mai 2025 également, la Dre G______ a rendu une décision de traitement sans consentement. Celle-ci mentionnait, sous la rubrique "traitement envisagé", un traitement identique à celui figurant dans le plan de prise en soins.
m. A______ a formé recours le même jour auprès du Tribunal de protection contre la décision de traitement sans consentement.
Une nouvelle expertise a été rendue par le CURML le 19 mai 2025. Il en ressort que l'intéressée présentait des symptômes psychotiques actifs, dominés par des idées délirantes de grandeur, un relâchement des associations et une anosognosie complète. Elle refusait tout traitement et présentait une incapacité de discernement sur ce point. L'instauration d'un traitement antipsychotique sous contrainte était jugée indispensable pour stabiliser son état, d'autant qu'aucune alternative moins rigoureuse ne serait efficace. Sans hospitalisation et sans médication, son état risquait de se péjorer, avec une intensification des symptômes délirants, une perte accrue de contact avec la réalité et un retour des comportements d'incurie et de marginalisation, comme cela avait été observé lors des précédentes décompensations.
n. Par ordonnance DTAE/4547/2025 du 27 mai 2025, le Tribunal de protection a rejeté le recours formé par A______ contre la décision médicale du 15 mai 2025 prescrivant un traitement sans son consentement (chiffre 2 du dispositif), a rappelé que la décision était immédiatement exécutoire nonobstant recours (ch. 3) et a rappelé la gratuité de la procédure (ch. 4).
En substance, le Tribunal de protection a considéré que A______ présentait une décompensation de la schizophrénie dont elle souffrait, dont découlaient des symptômes psychotiques tels que des idées délirantes de grandeur et une perte de contact avec la réalité. L'absence de traitement conduisait à une péjoration de l'état de l'intéressée, soit à une accentuation des symptômes délirants, de son irritabilité, de la perte de lien avec la réalité ainsi qu'à des comportements de mise en danger, avec des risques pour son intégrité corporelle. A______, en raison de ses troubles, ne disposait plus de la capacité de discernement requise pour saisir la nécessité du traitement. Il n'existait dès lors pas de mesure appropriée moins rigoureuse pour préserver l'intégrité corporelle de l'intéressée.
o. Son recours a été rejeté par la Chambre de céans le 10 juin 2025. En substance, elle a retenu qu’il était établi par le long parcours médical de la recourante que celle-ci souffrait d'un trouble psychiatrique sévère ayant nécessité de nombreuses hospitalisations. L'état de santé psychique de la recourante ne s'était pas amélioré malgré l’hospitalisation. Le médecin entendu avait expliqué qu'en l'absence de traitement et à l'extérieur du cadre hospitalier, la recourante présentait un risque de précarisation. La Cour a retenu en outre qu’un risque hétéro-agressif ne pouvait être totalement exclu. Elle a relevé cependant enfin, que le traitement autorisé devait permettre une amélioration de l’état de la patiente indispensable à l'organisation de la fin de son hospitalisation, « qui ne saurait perdurer indéfiniment ».
p. Le 15 septembre 2025, A______ a requis du Tribunal de protection la levée de son placement suite à quoi ledit tribunal a tenu une audience le 23 septembre 2025, lors de laquelle le médecin entendu a déclaré ne pouvoir faire qu’un constat d’échec de l’hospitalisation de la concernée et du traitement prodigué. Le traitement était sans effet. Les traitements passés l’avaient été de même ou avaient entraîné des effets secondaires importants. L’hospitalisation restait nécessaire dans la mesure où il n’existait pour elle aucun projet.
q. Par ordonnance du 23 septembre 2025 (DTAE/8147/2025), le Tribunal de protection a rejeté la demande de mainlevée du placement en l’absence de projet et au vu du risque de précarisation.
Contre cette décision, A______ a formé recours le 29 septembre 2025.
r. Le juge délégué de la Chambre de surveillance de la Cour a procédé à l’audition de la recourante, à celle de sa curatrice et à celle du médecin lors de l’audience du 2 octobre 2025. La recourante a confirmé sa volonté de voir se terminer son placement. Elle a réitéré ses déclarations sur un prétendu domicile en France et sa volonté de ne pas réintégrer le F______. Son état ne justifiait pas la prolongation de son placement. La curatrice a confirmé le fait qu’hormis le F______, la recourante n’avait pas d’autre domicile. Le placement lui paraissait encore justifié du fait de l’absence de « point de chute » de la recourante. Enfin, le médecin H______ a réitéré le constat d’échec du placement et des traitements prodigués, fait lors de l’audience du Tribunal de protection. Le traitement actuel était pris par la patiente mais sans aucun effet. La maladie psychique de la recourante existait depuis longtemps. La patiente fonctionnait toutefois avec son état délirant. Le problème consistait dans son absence de volonté de retourner au F______.
Suite à quoi la cause a été gardée à juger.
1. 1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge compétent (art. 450 al. 1 CC). Dans le domaine du placement à des fins d'assistance, le délai de recours est de dix jours à compter de la notification de la décision entreprise (art. 450b al. 2 CC). Le recours formé contre une décision prise dans le domaine du placement à des fins d'assistance ne doit pas être motivé (art. 450e al. 1 CC).
En l'espèce, le recours a été formé dans le délai utile de dix jours et devant l'autorité compétente (art. 72 al. 1 LaCC). Il est donc recevable à la forme.
1.2 La Chambre de surveillance jouit d’un pouvoir de cognition complet (art. 450a al. 1 CC).
2. 2.1 Aux termes de l'art. 426 al. 1 CC, une personne peut être placée dans une institution appropriée lorsque, en raison de troubles psychiques, d'une déficience mentale ou d'un grave état d'abandon, l'assistance ou le traitement nécessaire ne peuvent lui être fournis d'une autre manière. Les cantons peuvent désigner des médecins qui, outre l'autorité de protection de l'adulte, sont habilités à ordonner un placement dont la durée est fixée par le droit cantonal (art. 429 al. 1 CC; art. 60 al. 1 LaCC). La personne concernée est libérée dès que les conditions du placement ne sont plus remplies (art. 426 al. 3 CC).
La loi exige la réalisation de trois conditions cumulatives, à savoir une cause de placement (troubles psychiques, déficience mentale ou grave état d'abandon), un besoin d'assistance ou de traitement ne pouvant lui être fourni autrement et l'existence d'une institution appropriée permettant de satisfaire les besoins d'assistance de la personne placée ou de lui apporter le traitement nécessaire (MEIER/LUKIC, Introduction au nouveau droit de la protection de l'adulte, p. 302, n. 666).
En cas de troubles psychiques, la décision de placement à des fins d'assistance doit être prise sur la base d'un rapport d'expertise (art. 450e al. 3 CC). Dans son rapport, l'expert doit se prononcer sur l'état de santé de l'intéressé. Il doit également indiquer en quoi les éventuels troubles psychiques risquent de mettre en danger la vie de la personne concernée ou son intégrité personnelle, respectivement celles d'autrui, et si cela entraîne chez lui la nécessité d'être assisté ou de prendre un traitement (ATF 137 III 289 c. 4.5.; arrêt 5A_469/2013 c. 2.4). Dans l'affirmative, il incombe à l'expert de préciser quels seraient les risques concrets pour la vie ou la santé de cette personne, respectivement pour les tiers, si la prise en charge préconisée n'était pas mise en œuvre (à propos de la notion de danger concret : arrêts 5A_288/2011 c. 5.3; 5A_312/2007 c. 2.3). Il doit encore indiquer si, en vertu du besoin de protection de l'intéressé, un internement ou une rétention dans un établissement est indispensable, ou si l'assistance ou le traitement nécessaire pourrait lui être fourni de manière ambulatoire. Le rapport d'expertise doit préciser également si la personne concernée paraît, de manière crédible, prendre conscience de sa maladie et de la nécessité d'un traitement.
La personne concernée est libérée dès que les conditions du placement ne sont plus remplies (art. 426 al. 3 CC).
2.2 En l'espèce, le recours doit être admis.
En effet, il ressort du dossier que les conditions au maintien du placement de la recourante, sans qu'il soit ici nécessaire d'examiner leur réalisation au moment du prononcé de la mesure, ne sont plus réalisées.
D'une part, la Cour de céans avait déjà exprimé l’opinion selon laquelle le placement de la recourante ne pourrait pas durer indéfiniment dans sa précédente décision du 10 juin 2025 relative au traitement sans consentement prodigué en sa faveur.
Or, il s’avère, ce qu’a confirmé le médecin entendu par le Tribunal de protection et par la Cour de céans, que le traitement administré suite à cette décision est de nul effet. De même les traitements tentés précédemment n’avaient eu aucun effet ou des effets secondaires importants. L’état psychique de la patiente n’a pas pu être amélioré par le placement.
En l’absence de traitement effectif et efficace, l’une des conditions au placement, qui dure déjà depuis 5 mois, fait défaut.
Par ailleurs, le médecin entendu par la Cour a relevé que le placement lui-même était un échec. Il ressort du dossier et des auditions, que le motif retenu pour maintenir l’hospitalisation est un éventuel risque de précarisation de la recourante dans la mesure où celle-ci refuse, en l’état, de retourner à son ancien lieu de résidence, le F______. Ce risque ne saurait justifier cependant le maintien du placement. On relèvera à ce propos que le médecin entendu a déclaré que la recourante, dont les idées délirantes sont connues de longue date, « fonctionne » malgré son état. Il en découle qu’elle ne présente ni pour elle-même ni pour les tiers un danger concret et immédiat qui conduirait à permettre de continuer de la priver de sa liberté pour ce seul motif. Il n’y a dès lors aucune raison de maintenir l’hospitalisation de la recourante sur cette base.
Par conséquent, dans la mesure où les conditions au maintien de l’hospitalisation de la recourante ne sont plus réalisées, sa mainlevée doit être prononcée.
3. La procédure est gratuite (art. 22 al. 4 LaCC).
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La Chambre de surveillance :
A la forme :
Déclare recevable le recours formé par A______ contre l'ordonnance DTAE/8147/2025 rendue le 23 septembre 2025 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/22450/2011.
Au fond :
L’admet.
Prononce la mainlevée du placement à des fin d’assistance prononcé à l’égard de la recourante.
Ordonne sa libération immédiate.
Dit que la procédure est gratuite.
Siégeant :
Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Monsieur
Cédric-Laurent MICHEL et Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges;
Madame Barbara NEVEUX, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.