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Décisions | Chambre de surveillance

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C/5299/2024

DAS/179/2025 du 17.09.2025 sur DTAE/8755/2024 ( PAE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5299/2024-CS DAS/179/2025

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MERCREDI 17 SEPTEMBRE 2025

 

Recours (C/5299/2024-CS) formé en date du 27 décembre 2024 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève), représentée par Me Jeanne MORAND, avocate.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 29 septembre 2025 à :

- Madame A______
c/o Me Jeanne MORAND, avocate,

Rue des Alpes 15bis, case postale 2088, 1211 Genève 1.

- Maître B______
______, ______.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A. a) A______, née le ______ 1949, est atteinte de la maladie d'Alzheimer, diagnostiquée en 2020.

b) Elle vit dans une maison, dont elle est propriétaire et dans laquelle elle a vécu seule jusqu'en mai 2024.

Elle est également propriétaire de plusieurs autres biens immobiliers sis à Genève et actionnaire principale de sociétés actives dans le domaine de l'architecture, lesquels sont gérés par un administrateur indépendant depuis 2021.

c) Jusqu'en mai 2024, sa petite-fille, C______, s'est occupée d'elle et était très présente.

Les contacts sociaux réguliers de A______ étaient alors ceux qu'elle entretenait avec sa petite-fille, ses assistantes sociales (avec qui elle allait se promener) et les personnes des foyers de jour qu'elle fréquentait à raison de trois jours par semaine.

d) Le 28 février 2024, C______ a signalé A______ au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le Tribunal de protection), estimant ne plus être en mesure de s'occuper seule d'elle.

e) Par décision DTAE/1574/2024 du 8 mars 2024, une curatrice d'office lui a été désignée.

f) Par décision DTAE/3823/2024 du 27 mai 2024, le Tribunal de protection a pris acte de la désignation de C______ en qualité de mandataire pour cause d'inaptitude, institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de A______ et désigné Me B______ en qualité de curatrice de représentation et de gestion (ci-après : la curatrice).

g) Dans le courant du mois de mai 2024, la fille de la protégée et tante de C______, D______, qui réside en Israël, est venue à Genève pour rendre visite à sa mère.

Quelques jours plus tard, E______, l'ex-mari de A______ (dont elle est divorcée depuis 1987), père de D______ et grand-père de C______, a emménagé chez la protégée.

A la suite de ces évènements, A______ a refusé de voir C______ et de se rendre aux foyers de jour, et n'a plus jugé nécessaires les interventions des assistantes sociales.

h) Par courrier du 4 juin 2024, C______ a informé le Tribunal de protection d'un conflit familial et de potentiels risques de mise en danger des intérêts de sa grand-mère, tant sur le plan personnel que patrimonial, lequel a, par décision DTAE/3918/2024 du 7 juin 2024 et à titre superprovisionnel, étendu la curatelle confiée à Me B______ à l'assistance personnelle.

i) Par décision DTAE/7152/2024 du 19 août 2024, le Tribunal de protection a pris acte de la résiliation par C______ de son mandat pour cause d'inaptitude et confirmé l'étendue de la curatelle confiée à Me B______.

j) D______ a quitté la Suisse dans le courant du mois d'août 2024, laissant sa mère seule avec E______.

k) Par décision DTAE/6229/2024 du 29 août 2024, le Tribunal de protection a informé E______ des pouvoirs conférés à Me B______ et du fait que l'autorité avait été informée qu'il interférait dans la situation de la protégée et entravait certaines décisions prises par la curatrice la concernant, en annulant ou modifiant les activités quotidiennes mises en place pour elle, l'enjoignant à cesser cela, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP.

l) Par courriers des 24 juin, 18 juillet, 22 août et 16 septembre 2024, Me B______ a fait part au Tribunal de protection de ses inquiétudes s'agissant de la situation de sa protégée.

m) En date du 4 novembre 2024, le Tribunal de protection a tenu une audience, lors de laquelle ont été interrogés A______, Me B______, C______, E______, ainsi que F______, intervenante du foyer G______, et H______, assistante sociale au sein de I______ [association en faveur des personnes âgées]. Il ressort notamment ce qui suit :

- A______ a déclaré que son ex-mari - de qui elle était séparée depuis "un petit temps" - habitait chez elle depuis "[pas] très longtemps", pour ne pas la laisser seule. Avant cela, ce n'était pas facile pour elle, car elle devait tout faire. Elle avait alors des aides, mais elles coûtaient beaucoup trop cher, alors que ce n'était pas nécessaire. Elle n'était pas satisfaite de l'accompagnement aux promenades par l'assistante sociale. Dorénavant, elle se promenait seule ou avec E______.

- C______ a indiqué que, depuis le divorce en 1987, sa grand-mère n'avait pas revu son ex-mari, hormis à une reprise en 2017 au moment du décès du père de ce dernier. Elle n'avait elle-même jamais eu de contacts avec son grand-père et ne le connaissait pas. Elle ne savait pas pourquoi il était réapparu, mais pensait que c'était pour des raisons financières. Elle avait des craintes sur la prise en charge de sa grand-mère par celui-ci, sa mère et d'autres membres de la famille lui ayant rapporté des actes de violences conjugales avant le divorce. Elle souhaitait renouer le lien avec sa grand-mère.

- H______ a été l'accompagnatrice de promenade de A______ dès février 2024. Jusqu'à l'arrivée de D______, la témoin avait collaboré avec C______, qui s'occupait bien de sa grand-mère. Les promenades se déroulaient de manière satisfaisante. Elle n'avait jamais trouvé la maison en mauvais état. Puis, "tout [avait] été chamboulé dans [le] quotidien [de la protégée]". A______ avait elle-même changé, particulièrement en présence de sa fille et de son ex-mari. Plusieurs rendez-vous avaient été annulés.

- F______ a déclaré que A______ avait été bouleversée par l'arrivée de sa fille et de son ex-mari et que la protégée s'était posée beaucoup de questions. Sa venue au foyer n'avait plus été aussi régulière et son comportement s'était modifié. Elle était, par la suite, revenue régulièrement et était redevenue elle-même. E______ était présent pour elle et montrait de l'intérêt concernant son état de santé et sa maladie. Tous deux semblaient bien s'entendre, se souriaient et se donnaient la main. Selon F______, la protégée n'avait plus l'autonomie de vivre seule. Elle ne pouvait se prononcer quant à savoir si E______ répondait aux besoins de A______.

- E______ a indiqué avoir été marié avec A______ durant 22 ans. Au moment de la prise de sa retraite, il était parti vivre dans le sud-ouest de la France. Il n'avait plus eu de contacts avec son ex-épouse depuis le divorce, hormis à deux ou trois occasions. Il n'avait gardé des contacts qu'avec sa fille, de laquelle il était très proche. Il était en instance de divorce et avait dû quitter précipitamment le domicile conjugal. Il pensait alors retourner chez des parents en Valais. C'est en chemin, alors qu'il séjournait chez un ami dans le canton de Vaud, que sa fille l'avait contacté, lui avait dit qu'elle arrivait à Genève pour voir sa mère et qu'ils s'étaient mis d'accord pour se retrouver chez cette dernière. Lorsqu'il était arrivé chez elle, il l'avait trouvée affaiblie, en danger, et elle ne l'avait pas reconnu, raison pour laquelle il n'avait "pu faire autrement que de rester près d'elle". Il l'avait "bourrée de compléments alimentaires". Elle allait maintenant beaucoup mieux. Il ne percevait que 1'650 fr. par mois de rente de retraite. Il ne participait pas au loyer, mais "avait apporté des meubles car il en manquait [dans la maison]". Selon lui, la maison était très sale et le ménage n'y avait pas été fait depuis "au moins un an". A______ et lui-même dormaient dans des chambres séparées. Il a déclaré que la protégée était "l'amour de [sa] vie", qu'il était maintenant là pour elle et qu'il comptait rester auprès d'elle. Ils marchaient tous les jours ensemble. Selon lui, elle avait besoin de faire du sport. Elle lui avait dit qu'elle s'ennuyait au foyer J______. Il pensait que deux jours au foyer G______ était peut-être trop et qu'un jour pourrait être remplacé par "autre chose". Il ne pensait pas qu'elle pourrait vivre seule. Il avait constaté une amélioration de son état de santé, qui, selon lui, pouvait se stabiliser et ne plus se dégrader, affirmant que l'on pouvait "[se] sortir" de la maladie d'Alzheimer.

- Me B______ a indiqué être très inquiète pour sa protégée, avoir déposé plainte pénale contre E______ (en raison de ses actes d'entrave) et avoir péniblement réussi à maintenir les activités mises en place. Elle considérait que ce dernier était dans le déni complet de la pathologie de A______, qui lui semblait très vulnérable. Si cette dernière se disait amoureuse et verbalisait être heureuse d'avoir retrouvé son ex-mari (en présence de celui-ci), la curatrice partageait les inquiétudes de C______. Elle craignait un dérapage à tout moment, tant il était difficile de vivre avec des personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer.

n) Lors de cette audience, la curatrice d'office de A______ a remis au Tribunal de protection une attestation rédigée le 3 novembre 2024 par un voisin de cette dernière, K______, dans laquelle il a indiqué la connaître depuis environ 18 ans, qu'elle avait toujours été très sportive, qu'à un moment donné, elle avait cessé de faire du sport, s'était enfermée de plus en plus chez elle, n'allait plus dans son jardin, avait commencé à avoir des troubles de la mémoire, ne s'apprêtait plus et semblait affaiblie. Après leur arrivée, D______ et E______ avaient fait un grand nettoyage de la maison. Actuellement, elle semblait aller mieux (elle sortait, allait dans son jardin, discutait et souriait). Selon lui, la présence de son ex-mari lui était bénéfique. Il avait constaté qu'elle avait fait des "progrès quant à sa mémoire" et qu'elle avait "repris goût à la vie".

o) Après cette audience, E______ s'est conformé aux activités hebdomadaires mises en place par la curatrice.

B. Par décision DTAE/5299/2024 du 25 novembre 2024, remise pour notification à A______ le 28 novembre suivant, le Tribunal de protection - dans sa composition pluridisciplinaire - a informé Me B______ que la protection de A______ imposait le départ de E______ de son domicile dans les meilleurs délais et l'a invitée, en application de l'art. 419 al. 1 ch. 9 CC (sic), à agir par toutes voies de droit utiles, tant civile que pénale, pour que E______ évacue de sa personne et de ses biens le domicile de A______ dans les meilleurs délais.

Les premiers juges ont retenu qu'il ressortait des éléments recueillis que :

- A______ et son ex-mari n'avaient plus eu aucun contact depuis leur divorce en 1987, soit depuis plus près de trente-sept ans,

- sa petite-fille avait rapporté des violences conjugales lors de leur vie commune,

- un conflit familial existait depuis de nombreuses années,

- E______ était arrivé dans la vie de A______ sans aucune anticipation et sans renouer le lien au préalable, en s'imposant chez elle du jour au lendemain, sans le consentement éclairé de celle-ci,

- en raison de ses troubles cognitifs, cette dernière avait beaucoup de peine à le resituer dans sa vie,

- E______ avait débarqué chez elle par opportunisme, parce qu'il venait de quitter précipitamment son domicile conjugal, dans un contexte de conflit conjugal dont on ignorait tout, et se trouvait sans domicile,

- E______ avait peu de ressources financières, ne donnait aucune rétribution à titre de frais d'hébergement à A______ et avait donc un intérêt financier patent à vivre avec elle,

- bien qu'il ne connaissait pas sa petite-fille, C______, ni le dévouement de celle-ci envers sa grand-mère, il avait, dès sa venue, critiqué ouvertement la prise en charge qu'elle avait mise en place et avait fait obstacle au maintien des relations personnelles entre la grand-mère et sa petite-fille, alors que cette dernière était la seule proche-aidante et que ses qualités étaient reconnues par tout le réseau,

- il avait immédiatement contrecarré les actes de la curatrice, notamment en annulant ou modifiant unilatéralement et sans préavis les activités quotidiennes de A______, contraignant le Tribunal de protection, par décision du 29 août 2024, à le mettre en demeure de cesser d'entraver le mandat de curatelle sous la menace de l'art. 292 CP,

- la curatrice n'avait pas eu d'autre choix que de le dénoncer pénalement, en raison du non-respect de la décision précitée,

- il estimait toujours que A______ avait trop d'activités et qu'il pouvait s'occuper seul d'elle et entendant l'isoler totalement,

- ses allusions en audience sur la beauté du corps de A______ et les problèmes gynécologiques de cette dernière laissaient penser qu'ils entretenaient des relations sexuelles, alors qu'elle n'avait pas la capacité de discernement pour consentir ou non à de tels actes ni l'aptitude à y résister,

- l'attitude non collaborante et de toute-puissance de E______ - qui ne se conformait ni aux décisions de la curatrice ni aux injonctions du Tribunal de protection - montrait qu'il imposait sa volonté sans considération d'autrui et que le risque de comportements inappropriés voire violents de sa part à l'encontre de A______ ne pouvait être exclu,

- il était dans le déni des limitations d'autonomie de celle-ci et croyait que la maladie d'Alzheimer pouvait se guérir.

Selon le Tribunal de protection, ce faisceau d'indices révélait que la présence permanente de E______ au côté de la protégée, sans surveillance, représentait un risque concret de mise en danger de celle-ci, au vu de son absence de discernement et, partant, de son incapacité à résister à toute emprise ni à se protéger d'éventuelles violences physiques, psychiques et sexuelles.

L'autorité a relevé que sa décision tenait compte du risque en découlant qu'une institutionnalisation apparaissait inévitable, que, dans la mesure où, à l'heure actuelle, A______ montrait un attachement affectif envers E______, des relations personnelles pouvaient être maintenues, toutefois, de manière programmée et cadrée et ce, hors du domicile, que, dans un tel contexte, il était probable qu'il se désintéresse d'elle aussi vite qu'il s'en était passionné, mais qu'un tel risque ne pouvait primer la garantie du respect des autres droits strictement personnels de la protégée.

C. a) Par acte expédié le 27 décembre 2024 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a recouru contre cette décision, dont elle a sollicité l'annulation.

Cela fait, elle a conclu à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal de protection pour nouvelle décision et à ce que les frais de la procédure soient laissés à la charge de l'Etat de Genève.

b) Le Tribunal de protection a renoncé à faire application des prérogatives offertes par l'art. 450d CC.

c) Dans sa réponse du 27 mars 2025, Me B______ a conclu au rejet du recours.

Elle a, à cette occasion, produit de nouvelles pièces.

d) Par réplique du 14 avril 2025, A______ a persisté dans ses conclusions.

e) Par avis du 12 mai 2025 du greffe de la Chambre de surveillance, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

f) Par courrier du 19 mai 2025, Me B______ a adressé à la Cour une copie d'un courrier de signalement envoyé au Tribunal de protection en lien avec de nouvelles obstructions de E______.

g) En date du 22 mai 2025, le Tribunal de protection a informé la Cour du prononcé d'une nouvelle décision en date du 22 mai 2025 à l'encontre de E______ en lien avec ce dernier signalement.

D. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure de recours :

a) Dans les jours qui ont suivi l'audience précitée du 6 novembre 2024, Me B______ a mis en place un suivi psychiatrique assuré par le Centre ambulatoire de psychiatrie et de psychothérapie de l'âgé (le CAPPA). A la suite du premier rendez-vous qui s'en est suivi, le thérapeute a constaté que A______ était psychologiquement stable.

b) Depuis cette date, la protégée se rend trois jours par semaine en foyer et bénéficie de la présence d'un accompagnant de I______ le mercredi matin.

c) Par courrier électronique adressé le 11 mars 2025, C______ a fait part à la curatrice de nouvelles inquiétudes concernant sa grand-mère, E______ ayant essayé de reprendre contact avec elle après de longs mois sans nouvelles et ayant également contacté une sœur de A______, L______.

d) Par email du 16 mars 2025, L______ a informé la curatrice que E______ - avec qui elle n'avait plus eu de contacts depuis 30 ans - lui avait instamment demandé de venir à Genève en raison de problèmes qu'il avait avec A______ en lien avec un manque de vêtements, d'électroménager et de moyens financiers. Elle a confirmé que la présence de E______, qui était, selon elle, une "persona non grata" au sein de la famille [de] A______, avait pour conséquence de priver A______ de l'affection de sa famille.

e) La curatrice allègue que, depuis son arrivée, E______ avait cherché à obtenir des informations sur la situation financière de A______ et avait contacté à plusieurs reprises l'administrateur d'une société dont cette dernière était actionnaire à cette fin.

La curatrice d'office de A______ a admis que E______ avait cherché à obtenir des informations financières, le justifiant par le fait qu'il organisait désormais le quotidien de celle-ci et vivait avec elle.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions de l'autorité de protection peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 CC et 53 al. 1 LaCC) dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision (art. 450b al. 1 CC).

Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).

En l'espèce, le recours a été formé dans le délai utile et selon les formes prescrites, de sorte qu'il est recevable.

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

1.3 Les pièces nouvelles produites dans la procédure de recours avant que la cause a été gardée à juger sont recevables, l'art. 53 LaCC - qui régit de manière exhaustive les actes accomplis par les parties en seconde instance, à l’exclusion du CPC - ne prévoyant aucune limitation au dépôt en procédure de recours de pièces nouvelles.

Il ne sera, en revanche, pas tenu compte des pièces nouvelles et allégués de fait y relatifs après que la cause a été gardée à juger (ATF 144 III 117 consid. 2.2; 143 III 272 consid. 2.3.2; 142 III 413 consid. 2.2.3-2.2.6), étant relevé qu'ils ne sont en tout état pas déterminants pour l'issue de la présente procédure de protection.

2. La recourante s'oppose au bien-fondé de la décision entreprise.

Elle fait valoir que cette décision conduira inévitablement à son institutionnalisation, ce qui aura pour effet d'aggraver son état de faiblesse, d'affecter ses capacités cognitives en raison de son déracinement, de nuire à son autonomie et de lui faire perdre son indépendance.

Elle soutient également que la décision litigieuse viole les principes de proportionnalité, de subsidiarité et de rapport raisonnable, au motif qu'elle ne serait pas appropriée et ne répondrait à aucun besoin de protection, dès lors que sa situation s'est stabilisée depuis le départ de sa fille, que F______ et K______ ont attesté que son ex-époux lui prodiguait les soins nécessaires, qu'elle est heureuse et qu'elle n'a jamais évoqué des potentielles violences physiques, sexuelles ou psychologiques.

En ce qui concerne le faisceau d'indices retenus par le Tribunal de protection, elle souligne que les violences conjugales évoquées par la petite-fille de la protégée ne sont pas avérées et dateraient en tout état d'il y a 37 ans, que ses intérêts financiers ne sont pas menacés, que son ex-mari respecte dorénavant le planning hebdomadaire de ses activités, qu'il collabore bien avec le réseau et qu'aucune allusion sexuelle ou à des problèmes gynécologiques ne ressort du procès-verbal de l'audience tenue le 4 novembre 2024. Il n'existerait donc aucun indice de danger concret justifiant l'évacuation de son ex-mari et sa propre institutionnalisation.

Elle relève, en outre, que les inquiétudes en lien avec le déni exprimé par son ex-conjoint concernant l'évolution de la maladie d'Alzheimer ne rendent pas non plus nécessaire la mesure d'évacuation, puisqu'elle bénéficie d'un encadrement hebdomadaire et d'un suivi par le CAPPA.

Ladite curatrice considère, pour sa part, que la mesure d'évacuation critiquée est le seul moyen d'éviter la mise en danger de la recourante. Elle indique que différents membres du réseau ont exprimé des inquiétudes lors de l'arrivée de l'ex-mari de la protégée et de sa fille, ainsi que concernant l'isolement social et la coupure avec la famille qui s'en étaient suivis. Une institutionnalisation ne serait pas forcément nécessaire au moment du départ de ce dernier (des aides supplémentaires pouvant être mises en place), mais devrait vraisemblablement se faire à terme au vu de l'état de santé de la recourante. La décision querellée répond, selon la curatrice, à un besoin de protection de la protégée, au vu de son absence de discernement et de son incapacité à se protéger de toute emprise. Si les violences conjugales lors du mariage ne ressortent certes d'aucun document, il n'en demeure pas moins que le comportement de son ex-mari a conduit à une rupture des liens avec sa famille durant plus de 30 ans et que celui-ci est revenu dans la vie de la protégée sans y être invité et sans qu'elle ne soit en mesure d'y consentir de manière éclairée. Il existe un enjeu financier, puisqu'il ne paie aucun loyer et cherche à obtenir des informations sur la situation financière de la recourante. Ce n'est que suite à la dénonciation pénale qu'il s'est conformé au planning mis en place et il apparaît probable qu'il s'opposera à toute nouvelle mesure nécessaire. La présence constante et les interventions de l'ex-mari de la protégée montreraient l'emprise et la volonté de contrôle de ce dernier. Les mesures d'encadrement prises ne permettent pas d'éviter le risque concret de mise en danger dans l'intimité, d'autant qu'il était probable que la recourante ne soit plus capable de communiquer d'éventuels incidents.

2.1 Les mesures prises par l'autorité de protection de l'adulte garantissent l'assistance et la protection de la personne qui a besoin d'aide (art. 388 al. 1 CC). Elles préservent et favorisent autant que possible leur autonomie (art. 388 al. 2 CC).

Une mesure de protection de l'adulte n'est ordonnée par l'autorité que si elle est nécessaire et appropriée (art. 389 al. 2 CC).

Les affaires en cause doivent être essentielles pour la personne à protéger, de sorte que les difficultés qu'elle rencontre doivent avoir, pour elle, des conséquences importantes. Les intérêts touchés peuvent être d'ordre patrimonial ou personnel (arrêts du Tribunal fédéral 5A_551/2021 du 7 décembre 2021 consid. 4.1.1; 5A_417/2018 du 17 octobre 2018 consid. 4.2.1).

L'application du principe de subsidiarité implique que l'autorité de protection de l'adulte ne peut prendre des mesures de protection que si l'aide dont a besoin la personne concernée ne peut pas être procurée par sa famille, ses proches ou par les services publics ou privés compétents. Si l'autorité de protection de l'adulte constate que l'aide apportée par ce cercle de personnes ne suffit pas ou est d'emblée insuffisante, elle doit ordonner une mesure qui respecte le principe de la proportionnalité, à savoir une mesure nécessaire et appropriée (art. 389 al. 1 ch. 1 et al. 2 CC; ATF 140 III 49 consid. 4.3.1). Cette mesure doit donc se trouver en adéquation avec le but fixé, représenter l'atteinte la plus faible possible pour être compatible avec celui-ci et rester dans un rapport raisonnable entre lui et l'atteinte engendrée (arrêts du Tribunal fédéral 5A_551/2021 précité consid. 4.1.1; 5A_417/2018 précité consid. 4.2.1).

2.2 En l'occurrence, la protégée avait rompu le lien avec son ex-mari depuis leur divorce en 1987, soit durant 37 ans. Comme l'a retenu à raison le Tribunal de protection, ce dernier est arrivé dans la vie de la recourante sans aucune anticipation et sans avoir renoué le lien au préalable, en s'imposant chez elle du jour au lendemain, sans le consentement éclairé de celle-ci, alors qu'elle peine à le resituer dans le cours de sa vie et évalue leur séparation à "un petit temps". L'arrivée de l'ex-époux, qui se trouvait alors sans domicile, dispose de très peu de ressources financières et ne participe pas à ses frais d'hébergement, semble fondée sur des motifs opportunistes et sur un intérêt financier, lesquels sont confirmés par les demandes de renseignements financiers et l'intervention de L______ qu'il a tenté d'obtenir. Si la situation financière de la protégée – dont les biens sont gérés par la curatrice et un administrateur indépendant – n'est pas en danger, le comportement de E______ fait cependant douter de ses motivations profondes et de la sincérité de sa démarche.

De plus, dès sa venue, celui-ci a critiqué ouvertement la prise en charge que sa petite-fille avait mise en place et a fait obstacle au maintien des relations personnelles entre la recourante et sa petite-fille, alors que cette dernière était la seule proche-aidante et que ses qualités étaient reconnues par tout le réseau. Il a également entravé les mesures prises par la curatrice, notamment en annulant ou modifiant unilatéralement et sans préavis les activités quotidiennes de la protégée, ne laissant d'autre choix à la curatrice que de porter plainte contre lui. Il a ainsi adopté un comportement parfaitement inapproprié et ayant conduit à isoler son ex-épouse tant de sa famille que des intervenants du réseau. Bien que ce dernier se soit par la suite conformé à l'organisation instaurée par la curatrice, l'attitude de toute puissance et la volonté de contrôle de E______, conjuguées avec son déni de l'évolution inéluctable de la maladie d'Alzheimer, laissent présager à nouveau l'apparition d'entraves et de tensions lorsque la curatrice sera amenée à devoir prendre de nouvelles mesures en faveur de sa protégée, que la situation et/ou l'évolution de l'état de santé rendraient nécessaires, ce qui représente un risque concret de mise en danger de la recourante.

Si rien en l'état ne permet de retenir l'existence avérée de maltraitance, d'abus ou de violence, si la recourante se dit heureuse de la situation et si elle semble aller bien, il convient néanmoins de souligner qu'en raison de son déclin cognitif, elle ne dispose plus de la pleine capacité pour se protéger contre d'éventuelles violences, pour résister à l'emprise de son ex-mari et pour communiquer au réseau d'éventuels incidents. Ainsi, quand bien même elle bénéficie d'un encadrement extérieur et d'un suivi psychothérapeutique, son quotidien à son domicile avec son ex-conjoint ne peut être appréhendé et il existe un risque de mise en danger dans l'intimité.

Quant à savoir si la décision critiquée aura pour conséquence de devoir institutionnaliser la protégée et de l'affecter sur le plan sentimental, sa perte d'autonomie apparaît malheureusement inévitable à terme en raison de sa maladie. La curatrice entreprendra toutes les démarches en vue de préserver autant que possible son autonomie et de maintenir la relation entre la recourante et E______, si tous deux le souhaitent.

C'est ainsi à raison que le Tribunal de protection a retenu qu'il existait un risque concret de mise en danger de la recourante. Le départ de E______ du domicile de la protégée apparaît tant nécessaire qu'approprié au vu des circonstances et être la seule mesure permettant la sauvegarde des intérêts de la protégée, l'intérêt à la protection contre le risque concret de mise en danger l'emportant sur le risque d'une prochaine institutionnalisation.

Par conséquent, le recours est infondé.

Néanmoins, afin d'éviter toute ambiguïté avec une procédure d'évacuation au sens du droit du bail, la décision entreprise sera modifiée en ce sens que la curatrice sera invitée à agir par toutes voies de droit utiles pour obtenir le départ de E______ du domicile de A______.

3. Les frais judiciaires de recours sont arrêtés à 400 fr., mis à la charge de la recourante, qui succombe, et compensés avec l'avance de frais fournie, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 95 ss, 106 al. 1 et 111 al. 1 CPC; art. 19 al. 1 LaCC; art. 67A et 67B RTFMC).

Il n'est pas alloué de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 27 décembre 2024 par A______ contre la décision DTAE/8755/2024 rendue le 25 novembre 2024 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/5299/2024.

Au fond :

Modifie la décision entreprise en ce sens que la curatrice sera invitée à agir par toutes voies de droit utiles pour obtenir le départ de E______ du domicile de A______.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 400 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance effectuée, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'y a pas lieu à l'allocation de dépens.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Monsieur
Cédric-Laurent MICHEL et Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges;
Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.