Aller au contenu principal

Décisions | Chambre de surveillance

1 resultats
C/22380/2019

DAS/123/2025 du 03.07.2025 sur DTAE/5145/2025 ( PAE ) , REJETE

Normes : CC.426; CC.433
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22380/2019-CS DAS/123/2025

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU JEUDI 3 JUILLET 2025

 

Recours (C/22380/2019-CS) formé en date du 26 juin 2025 par A______, actuellement hospitalisée à la Clinique de B______, Unité C______, sise ______ (Genève), représentée par Me D______, avocate.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 3 juillet 2025 à :

- Madame A______
c/o Me D______, avocate
______, ______.

- Madame E______
______, ______.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

Pour information :

-       Direction de la Clinique de B______
______, ______.


EN FAIT

A.           a. A______ est née le ______ 1945. Elle est veuve depuis le ______ 2013 et n'a pas d'enfants.

Sa situation a été signalée au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection) le 4 octobre 2019 par la Régie F______. Son appartement présentait "un encombrement inquiétant"; la baignoire était inutilisable et l'intéressée refusait qu'un nouveau lavabo soit installé (déposé en 2017 à la suite d'un dégât d'eau), prétextant ne pas en avoir besoin. Elle n'avait par ailleurs pas réagi à divers courriers qui lui avaient été envoyés, notamment à la résiliation de son contrat de bail à loyer pour le 30 juin 2019. D'autres locataires de l'immeuble, en particulier le concierge, se plaignaient de son comportement.

b. Par ordonnance rendue sur mesures provisionnelles le 18 novembre 2019, le Tribunal de protection a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de A______ et désigné deux intervenantes en protection de l'adulte aux fonctions de curatrices.

Le Tribunal de protection a par ailleurs sollicité l'expertise psychiatrique de A______.

c. Par ordonnance du 6 avril 2020, le Tribunal de protection, statuant sur mesures superprovisionnelles, a ordonné le placement à des fins d'assistance de A______ au sein de la Clinique de B______.

Des photographies adressées au Tribunal de protection par les curatrices montraient un appartement tellement encombré d'effets de toute sorte qu'il paraissait pratiquement impossible d'accéder, par exemple, aux WC; les curatrices ignoraient comment l'intéressée parvenait encore à se laver, à se faire à manger et même à dormir.

d. Un rapport d'expertise a été rendu le 30 avril 2020 par le Centre Universitaire Romand de Médecine Légale (CURML). Les experts ont diagnostiqué chez l'intéressée un trouble délirant persistant, un trouble cognitif léger non associé à un trouble physique et un syndrome de Diogène.

e. Par ordonnance du 10 novembre 2021, le Tribunal de protection a confirmé, sur le fond, la curatelle de gestion et de représentation instaurée sur mesures provisionnelles en faveur de A______.

f. Le 20 avril 2022, la curatrice a informé le Tribunal de protection de la dégradation de l'état de santé somatique et psychique de A______. Elle avait été conduite à deux reprises au Service des Urgences des HUG, notamment à la suite d'une chute. Elle refusait l'aide de l'IMAD, ainsi que toute offre de soins. Selon sa voisine, elle se sentait persécutée par son voisinage et elle avait déposé des objets devant la porte palière de ladite voisine afin de la "barricader" chez elle.

Le Tribunal de protection a sollicité une nouvelle expertise de l'intéressée.

g. Dans son rapport du 14 juillet 2022, le CURML a confirmé l'existence d'un trouble délirant et d'un trouble d'accumulation compulsive avec une conscience des troubles faible.

h. Par ordonnance du 21 juillet 2022, statuant sur mesures provisionnelles, le Tribunal de protection a prononcé le placement à des fins d'assistance de A______ au sein de la Clinique de B______.

i. Par ordonnance du 5 octobre 2022, le Tribunal de protection a confirmé, sur le fond, le placement à des fins d'assistance de A______.

j. Le 30 octobre 2022, le traitement de A______ sans son consentement a été ordonné, décision contre laquelle elle a recouru auprès du Tribunal de protection, lequel a ordonné une nouvelle expertise de l'intéressée.

k. Le diagnostic de trouble délirant persistant et de syndrome de Diogène a été confirmé par un rapport du CURML du 14 novembre 2022; un diabète de type II a également été mentionné. Le rapport relevait en outre le fait que l'intéressée n'avait pas la capacité de discernement pour saisir la nécessité d'un traitement. Toutefois, un défaut de traitement ne mettait pas gravement en péril sa santé, ou la vie ou l'intégrité corporelle d'autrui. Un retour à domicile avec un suivi par une équipe mobile psychiatrique pouvait être envisagé avant d'instaurer un traitement sans consentement.

l. Par ordonnance du 17 novembre 2022, le Tribunal de protection a admis le recours formé par A______ contre le traitement sans consentement.

m. Il ressort d'un courrier de la curatrice de A______ adressé le 9 novembre 2022 au Tribunal de protection que trois entreprises de déménagement et nettoyage s'étaient succédées au domicile de l'intéressée. Les deux premières avaient toutefois cessé leur intervention, A______, qui avait obtenu des autorisations de sortie de la clinique afin d'assister au désencombrement de son appartement, les ayant accusées de vol. La troisième entreprise était disposée à continuer. Les travaux avaient été menés durant vingt jours déjà, mais l'appartement était encore encombré; les pièces principales n'étaient pas encore totalement accessibles et fonctionnelles. Afin d'accélérer les travaux, la curatrice avait sollicité de A______ la remise des clés de son appartement, afin de pouvoir intervenir hors sa présence. L'intéressée avait toutefois refusé et avait proféré des menaces suicidaires.

n. Par ordonnance du 6 décembre 2022, le Tribunal de protection a sursis à l'exécution du placement à des fins d'assistance institué en faveur de A______ et a soumis le sursis aux conditions suivantes: suivi régulier auprès du Centre ambulatoire de psychiatrie et psychothérapie de l'âgé (CAPPA) et du Dr G______, passage quotidien pour les soins infirmiers et passage hebdomadaire pour le ménage.

o. Il ressort d'un courrier de la curatrice au Tribunal de protection du 21 décembre 2024 que A______ avait reçu une nouvelle résiliation de son contrat de bail, au motif qu'elle avait à nouveau entreposé des objets sur son palier. Pour le surplus, l'intéressée ne collaborait pas avec le Service de protection de l'adulte et refusait d'ouvrir sa porte.

Dans un nouveau courrier du 3 mars 2025, la curatrice indiquait au Tribunal de protection que A______ s'était présentée à l'Hospice général en indiquant ne plus avoir d'argent pour manger; elle semblait assez faible, mais avait refusé qu'il soit fait appel à un médecin. Depuis lors, elle était injoignable. Le concierge de l'immeuble était pour sa part en arrêt maladie et mentionnait ne plus pouvoir tolérer les injures, menaces et attitudes désobligeantes de la part de A______.

Par courriel du 20 mars 2025, la curatrice a informé le Tribunal de protection de ce que la police l'avait appelée afin de l'informer que A______ était sur son palier depuis la veille au soir, couverte de ses excréments; une ambulance avait été sollicitée et elle avait été conduite au Service des urgences des HUG.

p. Dans un certificat médical du 24 mars 2025, les HUG ont indiqué avoir constaté une anémie importante, avec suspicion d'infection urinaire ou colique dans le contexte de diarrhées; les examens avaient mis en évidence une masse colique qui nécessitait d'autres investigations et la prise d'antibiotiques. A______ refusait toutefois toute prise en charge et prise de médicaments, niant la problématique infectieuse ou intestinale; elle refusait également les soins d'hygiène.

q. Le Tribunal de protection a tenu une audience le 26 mars 2025, à laquelle A______, toujours hospitalisée, n'a pas comparu. La curatrice de la mesure a expliqué que la situation était complexe; une masse tumorale avait été détectée aux intestins, ainsi que des kystes ovariens. Les médecins n'étaient pas d'accord entre eux sur un éventuel retour à domicile.

Selon sa curatrice de représentation nommée d'office pour la procédure, Me D______, l'intéressée avait déjà décidé de ne pas se présenter avant son hospitalisation, considérant que le Tribunal de protection n'était pas "une vraie institution", de sorte qu'elle n'avait aucun intérêt à venir parler "à des voleurs qui lui veulent du mal". Elle n'avait plus revu son médecin depuis un an et paraissait très affaiblie. Elle avait indiqué à Me D______, lors d'une rencontre, que sa cuisinière ne fonctionnait plus, qu'elle ne pouvait plus aller à la laverie et n'avait plus de chauffage; elle avait prétendu s'être fait voler son téléphone. Elle refusait que quiconque entre chez elle. Me D______ avait constaté la présence de denrées alimentaires périmées sur son palier. L'intéressée lui avait expliqué qu'il lui arrivait parfois de dormir sur son palier, n'ayant pas la force de rentrer chez elle.

r. Le 9 avril 2025, la curatrice de la mesure a indiqué au Tribunal de protection avoir accédé au logement de A______, en présence d'une employée de la Régie F______ ainsi que des îlotiers du poste de police de H______. Toutes les pièces de l'appartement étaient encombrées et il était impossible de s'y déplacer sans marcher sur des objets. Il ne paraissait pas possible de vivre dans un logement présentant un tel état d'encombrement. L'intéressée était toujours hospitalisée à l'hôpital des I______.

s. Par décision d'un médecin du 19 mai 2025, le placement à des fins d'assistance de A______ a été ordonné. La décision fait état d'un syndrome délirant persistant avec refus de soins, une anosognosie vis-à-vis des différents problèmes de santé, le maintien impossible à domicile et la mise en danger de la personne elle-même.

t. Le 3 juin 2025, les HUG ont établi un plan de prise en soins au sens de l'art. 433 CC. Les buts fixés étaient la stabilisation de l'état psychique, l'évaluation du projet de vie et l'acceptation des soins et des investigations somatiques nécessaires. Au chapitre de l'approche non médicamenteuse étaient mentionnés les éléments suivants: mise en place d'un cadre de soin contenant avec programme de soins en unité, entretiens médico-infirmiers réguliers, soins infirmiers quotidiens, prise en charge ergothérapeutique, psychomotricité et physiothérapie si besoin et participation à des groupes thérapeutiques, travail sur l'acceptation des investigations supplémentaires concernant des lésions suspectes, évaluation du projet de sortie et mise en place des mesures de contrainte dans le cas d'une mise en danger de soi-même ou d'autrui; au chapitre des traitements médicamenteux, la prise d'aripiprazole avec possibilité d'administration du traitement injectable intramusculaire si refus et de lorazépam avec la même possibilité étaient mentionnés.

Le refus d'investigations exposait la patiente à un retard diagnostique potentiel d'un cancer, avec risque d'occlusion, de progression métastatique, de souffrance importante et, à terme, d'issue potentiellement fatale par absence de prise en charge adaptée.

u. Le 6 juin 2025, A______ a déclaré vouloir former recours contre la décision de traitement sans consentement.

Par ordonnance du 10 juin 2025, le Tribunal de protection a ordonné l'expertise psychiatrique de l'intéressée.

v. Le CURML a rendu son rapport le 12 juin 2025. Le diagnostic de trouble délirant et de syndrome de Diogène a été confirmé, de même que la nécessité de la traiter avec des neuroleptiques tels que l'aripiprazole, afin de lui permettre de procéder à un choix libre et éclairé vis-à-vis de sa prise en charge somatique. Elle n'avait, en l'état, pas sa capacité de discernement vis-à-vis des soins. En revanche, le traitement par lorazépam ne semblait pas indiqué, car elle ne présentait pas de troubles du sommeil ou de comportement, ni de troubles anxieux. En l'absence de traitement, la santé psychique et physique de l'intéressée risquait de se dégrader fortement.

w. Le Tribunal de protection a tenu une audience le 17 juin 2025.

La Dre J______, cheffe de clinique au sein de la Clinique de B______, a indiqué qu'en l'état le traitement n'avait pas été administré; la situation n'avait pas évolué. A______ présentait un délire de persécution avec une forte adhésion à son délire et une anosognosie de son état. La Dre J______ a formulé, lors de l'audience, une requête de prolongation du placement à des fins d'assistance. L'hospitalisation était nécessaire au motif que l'intéressée vivait dans un appartement insalubre et son état somatique nécessitait des soins. Il existait une forte suspicion d'un cancer du côlon; elle avait toutefois refusé une coloscopie et la chirurgie. L'intéressée n'avait pas la capacité de discernement pour se prononcer en matière de chirurgie intestinale. La question des soins sur le plan somatique était prédominante, mais l'état de l'appartement laissait entrevoir la gravité des troubles psychiatriques. L'hospitalisation était également nécessaire afin de mettre en place un traitement et d'évaluer son efficacité en espérant une diminution du délire de persécution notamment à l'encontre de l'hôpital. Sans traitement sur le plan psychiatrique, il existait un risque que la situation somatique de l'intéressée s'aggrave; le risque que sa vie hors cadre hospitalier se détériore existait également. Selon la Dre J______, A______ était persuadée que les médecins voulaient lui faire du mal en l'opérant plutôt que d'essayer de la soigner.

A______, présente à l'audience, a indiqué que son corps était en train de s'adapter, puisqu'elle avait pris du poids et récupéré de la force.

Au terme de l'audience, la cause a été mise en délibération.

B.            Par ordonnance DTAE/5145/2025 du 17 juin 2025, le Tribunal de protection a rejeté le recours formé contre le traitement sans consentement (chiffre 2 du dispositif) et a prolongé, pour une durée indéterminée, le placement à des fins d'assistance institué le 19 mai 2025 en faveur de A______ (chiffre 3), ordonné son maintien en la Clinique de B______ (ch. 4), rendu attentive l'institution de placement au fait que la compétence de libérer la personne concernée, de lui accorder des sorties temporaires ou de transférer le lieu d'exécution du placement, appartenait au Tribunal de protection (ch. 5), rappelé que la décision était immédiatement exécutoire (ch. 6) et la gratuité de la procédure (ch. 7).

En substance, le Tribunal de protection a considéré qu'à teneur de l'expertise à laquelle l'intéressée avait été soumise, l'absence de traitement conduirait à une dégradation physique et psychique telle qu'elle pourrait aboutir à un risque pour la vie de l'intéressée ou son intégrité corporelle, respectivement celles d'autrui. En raison de ses troubles, A______ ne disposait plus de la capacité de discernement requise pour saisir la nécessité du traitement, lequel était indispensable afin de stabiliser son état psychique et de lui permettre de comprendre l'importance d'être soignée sur le plan somatique. Compte tenu de son anosognosie, le traitement ne pouvait être administré de manière ambulatoire et n'était pas accepté volontairement. Il n'existait par conséquent pas de mesures appropriées moins rigoureuses pour préserver l'intégrité corporelle de l'intéressée. Par ailleurs, le maintien de l'hospitalisation demeurait indispensable afin d'apporter à l'intéressée l'assistance et le traitement médicamenteux requis, dès lors que son délire de persécution n'était pas stabilisé. Une sortie prématurée risquait de mettre sa vie ou sa santé en danger. Il y avait dès lors lieu de prolonger la mesure de placement.

C.           a. Le 24 juin 2025, A______, représentée par sa curatrice de représentation désignée d'office, a formé recours contre l'ordonnance du 17 juin 2024, concluant à son annulation.

Préalablement, elle a sollicité l'octroi de l'effet suspensif, lequel a été accordé, s'agissant du traitement sans consentement, par décision du 27 juin 2025.

La recourante a notamment allégué avoir la volonté et la capacité de gérer elle-même certains aspects de sa santé, de sorte qu'il convenait de lui laisser l'opportunité de choisir librement les intervenants médicaux, plutôt que de recourir à des mesures contraignantes et non justifiées par son état de santé.

Les conditions de l'art. 434 CC n'étaient pas réunies. Elle comprenait en effet parfaitement les enjeux médicaux liés à la présence de la masse tumorale détectée. Son refus du traitement psychiatrique forcé ne traduisait pas une négation de son état, mais une décision réfléchie, fondée sur sa connaissance des effets secondaires et potentiellement graves pour une personne de son âge d'un tel traitement, avec la précision qu'elle avait une formation de biologiste. L'hypothèse de la présence d'un cancer intestinal n'était pas confirmée, de sorte que cette situation ne l'exposait pas à un risque grave pour sa santé. Elle avait d'ailleurs déclaré, lors de l'audience du 17 juin 2025, avoir repris du poids et des forces depuis le début de son hospitalisation. Il n'existait dès lors pas de situation d'urgence médicale justifiant la mise en œuvre d'un traitement sans consentement.

Les conditions permettant la prolongation du placement à des fins d'assistance n'étaient pas réunies non plus. Elle avait pris la décision, en pleine conscience, de "laisser faire la nature et de refuser des examens et traitements intrusifs tels que des coloscopies". Cette position, qui relevait de l'autonomie personnelle, ne pouvait être assimilée à une mise en danger grave de sa personne, dès lors qu'elle l'avait prise en toute connaissance de cause, après avoir reçu les explications nécessaires du corps médical. Il était par ailleurs possible de mandater une entreprise afin de désencombrer son appartement, ce qui permettrait un retour à domicile "dans des conditions optimales".

b. Le juge délégué de la Chambre de surveillance a tenu une audience le 2 juillet 2025, au terme de laquelle la cause a été gardée à juger.

A______ a persisté dans les termes de son recours. Elle a expliqué continuer à souffrir de diarrhées, mais la clinique de B______ ne lui prescrivait aucun traitement. Elle avait été "kidnappée" par un médecin de l'Hôpital des I______ et avait subi un scanner du cerveau et du bas-ventre, sans aucune information préalable. Selon elle, on voulait lui "couper le ventre". Par ailleurs, les images faites au moyen d'un scanner se vendaient très bien, en particulier en Afrique; elles se vendaient contre "ce dont la Suisse a besoin, par exemple des céréales et de l'or". Elle souhaitait pouvoir rentrer chez elle. Elle a affirmé ne jamais avoir eu de problèmes intestinaux à domicile, car elle cuisinait elle-même; elle était donc sûre que si elle quittait la Clinique de B______, elle n'aurait plus de tels problèmes. Elle connaissait par ailleurs une personne avec laquelle elle s'entendait bien, qui pourrait l'aider une fois rentrée à la maison. Elle ne souhaitait pas recevoir de l'aide pour la préparation de ses repas, car elle avait du plaisir à cuisiner et ne voulait pas manger "n'importe quoi". Elle a répondu, à la question de savoir si elle était prête à accepter qu'une entreprise vienne désencombrer son appartement, que de telles entreprises "volent".

La Dre J______ a été entendue. Sur le plan psychique, le délire de persécution dont souffrait la recourante était toujours présent. Il n'y avait pas vraiment eu d'évolution, sous réserve du fait que le contact avec certains soignants était un peu plus apaisé. La recourante avait reçu, par injections, de faibles doses de neuroleptiques entre le 17 et le 29 juin 2025, puis plus depuis le prononcé de la décision sur effet suspensif; il était trop tôt pour se prononcer sur l'effet des médicaments. La recourante persistait à refuser tout examen complémentaire, tel que prise de sang ou scanner. Selon les spécialistes, il était probable qu'elle souffre d'un cancer. La tumeur intestinale mesurait 6 centimètres et il y avait en outre une masse au niveau des ovaires. Idéalement, il aurait fallu pouvoir investiguer sur ce point également. Sans traitement sur le plan psychique, la recourante allait demeurer dans son délire de persécution, son refus de soins et son absence de collaboration avec sa curatrice. Elle risquait ainsi de mettre en péril sa situation sociale déjà précaire. Il existait également un risque pour sa santé physique, à savoir un risque de décès, soit de manière très douloureuse avec une occlusion intestinale, soit par la propagation de métastases aux autres organes internes. La recourante avait reçu ces mêmes explications. Selon la Dre J______, elle n'avait toutefois pas la capacité de discernement pour les comprendre. Elle était, la plupart du temps, dans le déni de la présence d'une tumeur. Par moments, elle parvenait à admettre qu'elle avait "quelque chose de grave", mais affirmait que la nature l'aiderait à surmonter ce problème. Elle n'envisageait donc pas l'issue fatale de la maladie. Elle affirmait également que les médecins mentaient et qu'ils voulaient lui ouvrir le ventre pour écrire des articles scientifiques.

La curatrice de la mesure, pour sa part, a précisé que la dernière intervention visant à désencombrer l'appartement de la recourante avait eu lieu à la fin de l'année 2023. Lors de sa dernière hospitalisation, l'appartement était à nouveau encombré. Des inscriptions préventives dans des EMS avaient été faites sans l'accord de l'intéressée.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge compétent (art. 450 al. 1 CC). Dans le domaine du placement à des fins d'assistance, le délai de recours est de dix jours à compter de la notification de la décision entreprise (art. 450b al. 2 CC). Le recours formé contre une décision prise dans le domaine du placement à des fins d'assistance ne doit pas être motivé (art. 450e al. 1 CC).

En l'espèce, le recours a été formé dans le délai utile de dix jours et devant l'autorité compétente (art. 72 al. 1 LaCC). Il est donc recevable à la forme.

1.2 La Chambre de surveillance jouit d’un pouvoir de cognition complet (art. 450a al. 1 CC).

2. La recourante s'oppose à la prolongation de son placement à des fins d'assistance.

2.1 Une personne peut être placée dans une institution appropriée lorsque, en raison de troubles psychiques, d'une déficience mentale ou d'un grave état d'abandon, l'assistance ou le traitement nécessaires ne peuvent lui être fournis d'une autre manière (art. 426 al. 1 CC).

La personne concernée est libérée dès que les conditions du placement ne sont plus remplies (art. 426 al. 2 CC).

Le placement ordonné par un médecin prend fin au plus tard après 40 jours, sauf s'il est prolongé par une décision du Tribunal de protection (art. 60 al. 2 LaCC). Le médecin responsable de l'unité présente au plus tard 30 jours après le début du placement une requête de prolongation du placement, accompagnée des éléments pertinents du dossier médical (art. 60 al. 3 LaCC).

2.2 En l'espèce, il ressort des différentes expertises psychiatriques auxquelles la recourante a été soumise qu'elle souffre d'un trouble délirant et du syndrome de Diogène. Bien qu'elle soit hospitalisée au sein de la Clinique de B______ depuis le 19 mai 2025, son état psychique ne s'est pas amélioré selon les déclarations de la Dre J______, le délire de persécution étant toujours présent, ce que les déclarations de la recourante devant le juge délégué de la Chambre de surveillance n'ont fait que confirmer. La recourante persistant à refuser tout traitement, elle n'en prendrait aucun si le placement à des fins d'assistance devait être levé, de sorte qu'elle continuerait de refuser tous les soins proposés, y compris sur le plan somatique, ce qui l'exposerait à un risque vital, tel qu'expliqué par la Dre J______.

Un retour à domicile semble également en l'état impossible, sans exposer la recourante à un grave état d'abandon. Son appartement, à nouveau très encombré, est d'autant plus inadéquat que la recourante est âgée, malade et faible. Contrairement à ce que sa curatrice de représentation a plaidé, il n'est pas envisageable de prévoir un encadrement à domicile, la recourante y étant clairement opposée.

Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que le Tribunal de protection a prolongé le placement à des fins d'assistance de la recourante, les soins et l'assistance dont elle a besoin ne pouvant lui être prodigués à domicile, où elle serait exposée au risque de tomber dans un grave état d'abandon. Il est également indispensable que la recourante puisse recevoir un traitement visant à améliorer ses troubles psychiatriques, question qui sera examinée ci-dessous, un tel traitement ne pouvant lui être administré de manière ambulatoire compte tenu de son opposition.

3. La recourante s'oppose au traitement sans consentement, soutenant ne pas en avoir besoin.

3.1 Lorsqu’une personne est placée dans une institution pour y subir un traitement en raison de troubles psychiques, le médecin traitant établit un plan de traitement écrit avec elle (art. 433 al. 1 CC). Le plan de traitement est soumis au consentement de la personne concernée (art. 433 al. 3 première phrase CC).

Si le consentement de la personne concernée fait défaut, le médecin-chef du service concerné peut prescrire par écrit les soins médicaux prévus par le plan de traitement lorsque le défaut de traitement met gravement en péril la santé de la personne concernée ou la vie ou l’intégrité corporelle d’autrui (al. 434 al. 1 ch. 1 CC); la personne concernée n’a pas la capacité de discernement requise pour saisir la nécessité du traitement (ch. 2); il n’existe pas de mesures appropriées moins rigoureuses (ch. 3).

3.2 En l'espèce, il est établi, bien que contesté par la recourante, que celle-ci souffre d'un trouble psychiatrique. Il appert également qu'elle souffre potentiellement d'un cancer. Afin de poser un diagnostic précis et de permettre aux équipes médicales de proposer des soins adéquats, des investigations complémentaires devraient être effectuées, auxquelles la recourante s'oppose. Or, il ressort des expertises psychiatriques auxquelles elle a été soumise ainsi que des déclarations de la Dre J______ que la recourante, en l'état, nie le plus souvent le fait qu'elle puisse être atteinte d'une pathologie potentiellement mortelle ou considère que la nature l'aidera à guérir, sans envisager l'issue fatale de la maladie. La recourante, qui considère que les médecins veulent lui ouvrir le ventre dans le but d'écrire des articles scientifiques ou vendre les clichés des scanners à des pays africains ne dispose de toute évidence pas de la capacité de discernement nécessaire pour comprendre la possible gravité de son état et les conséquences qui en découleront en l'absence de soins adéquats. Elle aurait certes le droit de refuser tout traitement, ou de choisir des soins palliatifs, à condition toutefois qu'elle ait pu, au préalable, comprendre les enjeux de sa situation. Tel n'est manifestement pas le cas pour l'instant.

Or, le but du traitement sans consentement que l'équipe médicale de la Clinique de B______ souhaite mettre en œuvre a justement pour but de réduire les troubles psychiatriques dont souffre la recourante, afin de lui permettre de comprendre la nécessité de procéder à des examens complémentaires aux fins de diagnostic, puis de prendre, en toute connaissance de cause, les décisions qu'elle estimera être dans son intérêt.

Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre qu'un traitement sans consentement a été ordonné.

4. Totalement infondé, le recours sera rejeté.

5. La procédure est gratuite (art. 22 al. 4 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre l'ordonnance DTAE/5145/2025 rendue le 17 juin 2025 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/22380/2019.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Paola CAMPOMAGNANI, présidente ad interim; Monsieur
Cédric-Laurent MICHEL et Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges;
Madame Barbara NEVEUX, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.