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Décisions | Chambre de surveillance

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C/16308/2015

DAS/89/2025 du 15.05.2025 sur DJP/497/2024 ( AJP ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16308/2015 DAS/89/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 15 MAI 2025

 

Appel (C/16308/2015) formé en date du 30 avril 2024 par Madame A______, B______ et C______, tous trois domiciliés ______ (Genève).

* * * * *

Arrêt communiqué par plis recommandés du greffier
du 16 mai 2025 à :

- Madame A______
______, ______.

 

- Mademoiselle C______
______, ______.

 

- Monsieur B______
______, ______.

 

- JUSTICE DE PAIX.

 


EN FAIT

A.           a) D______, né le ______ 1968, de nationalité roumaine, est décédé le ______ 2015 à E______ (Genève), sans laisser de dispositions testamentaires.

b) Il a laissé pour héritiers légaux son épouse, A______, et ses deux enfants, B______ et C______ (ci-après: les héritiers).

c) F______, notaire à Genève, a établi le 27 novembre 2015 un certificat d'héritiers légitimant les héritiers dans leur qualité, puis, le 12 juillet 2016, un certificat de coutume, précisant les quotes-parts héréditaires de chacun, sollicité par ces derniers afin de faire valoir leurs droits à l'étranger.

d) Un décompte-partage a été signé en date du 26 février 2019. Ce décompte mentionne notamment l'existence de deux portefeuilles de titres (G______ et H______) déposés auprès de la banque I______ sise à J______ (USA), propriété du de cujus.

e) Les héritiers exposent que le partage des biens du défunt a pu être effectué à l'exclusion de ces deux portefeuilles de titres, respectivement de leur contre-valeur, des formalités préalables ayant été rendues nécessaires auprès du fisc américain pour pouvoir solliciter le partage des titres.

f) Ils indiquent que suite à une erreur de la banque I______ aux Etats-Unis, qui a considéré qu'il s'agissait de valeurs non réclamées, ces titres ont été transmis au Service des biens non réclamés du Département des Finances de l'Etat du Delaware (USA) (ci-après: Service des biens non réclamés).

g) Le 20 décembre 2021, les trois héritiers ont formé une réclamation auprès dudit service afin d'obtenir la restitution des titres. Ils indiquaient être les héritiers du propriétaire des titres.

h) Par courrier du 28 novembre 2023, le Service des biens non réclamés a sollicité des héritiers qu'ils lui transmettent une lettre officielle testamentaire désignant l'administrateur de la succession ou une copie certifiée conforme du testament. Les héritiers étaient priés de demander à l'autorité judiciaire compétente de leur pays qu'elle nomme une personne en tant qu'héritier ou représentant unique de la succession.

i) Selon les héritiers, le Service des biens non réclamés a maintenu sa position malgré leurs explications concernant l'absence de dispositions testamentaires et d'administrateur officiel de la succession de feu D______.

Cela ne ressort toutefois pas des pièces produites.

j) Les héritiers allèguent encore que le Service des biens non réclamés a vendu les titres dans l'intervalle, de sorte qu'est dorénavant consignée leurs contre-valeur, soit une somme d'environ 353'000 USD.

k) Par courriel du 8 février 2024, le Service des biens non réclamés s'est déclaré prêt à restituer les fonds consignés aux héritiers par virement bancaire.

Il leur a transmis un "Formulaire d'accord et de décharge de responsabilité pour la restitution des biens par virement bancaire" à compléter, duquel il ressort notamment que les héritiers ont présenté une réclamation valable concernant la propriété de biens déclarés non réclamés.

Les héritiers devaient mentionner sur le formulaire un numéro de compte bancaire ainsi que le nom associé à ce compte. À ce sujet, le Service des biens non réclamés a indiqué dans son courriel précité que le nom inscrit sur la réclamation devait parfaitement correspondre à celui figurant sur le compte bancaire du requérant. Dans le cas d'une réclamation conjointe, le compte bancaire devait être libellé au nom des mêmes personnes que celles apparaissant dans la réclamation et dans le même ordre. Si la réclamation était formulée par une seule personne, le virement des fonds ne pourrait pas être effectué sur un compte joint. Lorsque la réclamation concernait une entreprise, le compte bancaire devait être ouvert au nom de l'entreprise. Enfin, si la réclamation concernait une succession, le compte bancaire devait être au nom de la succession.

La banque devait en outre être située dans le pays du domicile du requérant.

l) Par requête du 14 mars 2024 adressée à la Justice de paix, A______, B______ et C______ ont sollicité la désignation d'un représentant de la communauté héréditaire de feu D______ au sens de l'art. 602 al. 3 CC, en la personne de son épouse A______, "cette représentation valant de manière générale auprès de l'Etat du Delaware", dont la mission serait notamment de remplir et signer le formulaire transmis par le Service des biens non réclamés de cet Etat pour obtenir la restitution des valeurs ayant appartenu au de cujus, actuellement consignés auprès dudit service, de transmettre les références bancaires du compte sur lequel ces valeurs devront être versées et d'entreprendre toute démarche nécessaire afin de recevoir de l'Etat de Delaware la restitution des fonds consignés, A______ s'engageant, à réception, à répartir les valeurs restituées conformément aux droits de chaque héritier.

B.            Par décision DJP/497/2024 du 19 avril 2024, la Justice de paix a débouté A______, B______ et C______ de toutes leurs conclusions (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 634 fr. 20 et les a mis à la charge de la succession (ch. 2).

En substance, elle a relevé que la situation ne justifiait pas la désignation d'un représentant à la communauté héréditaire dans la mesure où ses membres apparaissaient en mesure d'agir entre eux sans aucune mésentente, le blocage dont ils faisaient état résultant uniquement de la position d'un tiers qui ne souhaitait actuellement pas réserver une suite favorable à leur demande. Les requérants ne démontraient de surcroît pas en quoi la substance successorale serait mise en péril dans la mesure où le patrimoine successoral concerné consistait en des liquidités consignées auprès d'un service étatique. Ils pouvaient par ailleurs, d'entente entre eux, désigner sous seing privé un représentant conventionnel et décider des pouvoirs plus ou moins étendus qui lui seraient confiés.

C.           Par acte du 30 avril 2024, A______, B______ et C______ ont formé appel contre cette décision, reçue le 24 avril 2024, concluant à son annulation et, cela fait, à ce qu'un représentant de la communauté héréditaire soit désigné.

Ils relevaient que, s'il était exact qu'aucune dissension n'existait entre eux au sujet des démarches entreprises pour récupérer les avoirs successoraux de feu D______, actuellement bloqués sur un compte du Service des biens non réclamés de l'Etat du Delaware aux Etats-Unis, la Justice de paix n'avait pas tenu compte de la particularité du cas d'espèce qui était régi par la législation américaine. Les héritiers n'avaient pas réussi à obtenir jusqu'à ce jour la restitution des avoirs précités en raison des différences entre le système juridique suisse et le système juridique américain au sujet de la représentation de la succession, respectivement des héritiers. D______ étant décédé ab intestat, il n'y avait pas d'exécuteur testamentaire et, selon le droit suisse, les héritiers pouvaient valablement faire valoir leur qualité et leurs droits sur le patrimoine du défunt en agissant ensemble ou en désignant un représentant, en définissant ses pouvoirs, comme l'avait relevé la Justice de paix. Cependant, selon la législation américaine, les héritiers ne pouvaient agir directement, ni désigner eux-mêmes un représentant, dès lors que l'Etat du Delaware exigeait que les héritiers fournissent : "a legible official Letters Testamentary appointing administrator to the Estate OR a certified copy of the Will for all deceased owner (s). Please have the court appoint one person as sole heir or personal representative of the estate." Au vu de la divergence existant entre les deux systèmes juridiques, ils ne voyaient pas d'autre solution que de solliciter de la Justice de paix qu'elle désigne A______ en qualité de représentante de la communauté héréditaire de feu D______ afin de pouvoir récupérer les avoirs du précité, qui reviennent à sa succession. A défaut, celle-ci risquait de ne jamais obtenir la restitution desdits avoirs, estimés à 353'000 USD, ce qui entamerait la substance successorale de manière importante. Les héritiers avaient déjà entrepris de nombreuses démarches, en vain, depuis 2021 pour tenter de récupérer ces avoirs, à l'origine sous forme d'actions déposées auprès de I______ branche USA puis transformées en liquidités et transférées au Service des biens non réclamés de l'Etat du Delaware.

EN DROIT

1.             1.1 Les décisions du juge de paix, qui relèvent de la juridiction gracieuse et sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. e CPC), sont susceptibles d'un appel auprès de la Chambre civile de la Cour de justice (art. 120 al. 2 LOJ) dans le délai de dix jours (art. 314 al. 1 CPC) si la valeur litigieuse est égale ou supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

Ces décisions sont de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 5A_797/2017 du 22 mars 2018 consid. 1; 5A_725/2010 du 12 mai 2011 consid. 1.2).

1.2 En l’espèce, la succession comprend à tout le moins des liquidités d'une valeur d'environ 353'000 USD, de sorte que la voie de l’appel est ouverte.

Interjeté en temps utile et selon la forme prescrite (art. 311 al. 1 CPC) par l’ensemble des héritiers de la succession, l’appel est recevable.

1.3 Le juge établit les faits d'office (maxime inquisitoire, art. 255 let. b CPC). Les moyens de preuve sont limités à ceux qui sont immédiatement disponibles (HOHL, Procédure civile, tome II, 2ème éd., 2010, n. 1556, p. 283). La cognition du juge, qui revoit la cause en fait et en droit (art. 310 CPC), est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit (HOHL, op. cit., n. 1072 et 1554 et ss, p. 198 et 282).

2.             Les appelants reprochent à la Justice de paix d'avoir refusé de désigner un représentant à la communauté héréditaire, alors que la particularité du cas le justifiait.

2.1 S'il y a plusieurs héritiers, tous les droits et obligations compris dans la succession restent indivis jusqu'au partage (art. 602 al. 1 CC). A la demande de l'un des héritiers, l'autorité compétente peut désigner un représentant de la communauté héréditaire jusqu'au moment du partage (art. 602 al. 3 CC).

L'autorité ne peut désigner un représentant que si la communauté héréditaire dure encore et si la représentation n'est pas déjà assurée par un exécuteur testamentaire, un administrateur officiel ou un liquidateur officiel (Spahr,
CR-CC II, 2016, n. 71 ad art. 602 CC).

La désignation d'un représentant de la communauté héréditaire jusqu'au partage, est une mesure ordonnée dans le cadre de la dévolution successorale (arrêt du Tribunal fédéral 5A_267/2012 du 21 novembre 2012 consid. 3.1).

L'autorité bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation pour décider si elle accueille la requête favorablement ou non. Elle «peut», mais ne doit pas donner suite à la requête. Dans le cadre de cette appréciation, l’autorité doit apprécier les intérêts de la succession dans son ensemble, et non pas seulement ceux de certains héritiers, et examiner objectivement si une intervention paraît nécessaire. Si l’autorité parvient à la conclusion que la communauté héréditaire est incapable d’agir, son pouvoir d’appréciation prend fin et elle est objectivement tenue de désigner un représentant des héritiers (Minnig, BSK ZGB II, 2023, n. 51 ad art. 602 CC). Elle nommera un représentant chaque fois que les circonstances justifient une telle solution, par exemple, lorsque les héritiers sont incapables d'administrer le patrimoine successoral, lorsqu'ils n'arrivent pas à prendre une décision importante ou à choisir un représentant, lorsqu'ils sont en conflit, si certains d'entre eux sont absents ou en cas de mise en danger de la substance voire des revenus de la succession. (Spahr, op. cit., n. 73 ad art. 602 CC; Steinauer, Le droit des successions, 2015, n. 1223b; Rouiller, Commentaire du droit des successions, 2ème éd., 2023, n. 94 ad art. 602 CC).

La requête doit être admise en principe lorsque les membres de la communauté ne peuvent pas agir envers les tiers ou s'il y a rupture de leur rapport de confiance. Toutefois, de simples divergences internes sur la manière d'exploiter et de gérer le patrimoine successoral ne justifient en principe pas la désignation d'un représentant (Spahr, op. cit., n. 73-74 ad art. 602 CC).

2.2 En l'espèce, pour requérir la nomination d'un représentant de l'hoirie, les appelants se prévalent, non pas d'une mésentente entre eux, mais de l'impossibilité de recouvrer une partie de la succession se trouvant à l'étranger, l'Etat du pays concerné, soit les Etats-Unis, exigeant, selon eux, qu'un représentant à la communauté héréditaire soit désigné par l'autorité compétente de l'ouverture de la succession. Ils se réfèrent à cet égard au courrier du Service des biens non réclamés du Département des Finances de l'Etat du Delaware du 28 novembre 2023.

Cela étant, bien qu'aucun représentant de la communauté héréditaire n'ait été désigné par la Justice de Paix depuis l'envoi de ce courrier, il apparaît, à teneur d'un courriel postérieur adressé le 8 février 2024 aux appelants par le Service des biens non réclamés, que ce dernier s'est malgré tout déclaré prêt à restituer aux appelants les fonds consignés par virement bancaire, sous réserve de la signature par les héritiers d'un formulaire d'accord, de décharge de responsabilité et de la fourniture des informations nécessaires en vue dudit virement.

Selon les indications du Service des biens non réclamés, le libellé du compte bancaire à fournir par les appelants doit correspondre à celui de leur réclamation, laquelle a été formée à leurs trois noms. Ainsi, afin de respecter l'exigence dudit service, le compte bancaire qui devra recevoir les fonds de la succession doit être ouvert à leurs trois noms, dans le même ordre que celui figurant sur la réclamation. Contrairement à ce qui ressort de l'appel, il n'apparait ainsi plus nécessaire à ce stade de désigner un représentant de la communauté héréditaire, le Service des biens non réclamés ne l'exigeant plus à la lecture de son courriel du 8 février 2024 précité. Or, les appelants n'ont pas démontré ou allégué avoir ouvert en Suisse un compte bancaire à leurs trois noms aux fins de recevoir les fonds que l'Etat du Delaware est prêt à leur verser, ni proposé de recevoir lesdits fonds sur un compte ouvert au nom de la succession, lequel serait par hypothèse encore existant. A fortiori, ils n'ont pas non plus prouvé, ni même allégué, avoir transmis au Service des biens non réclamés les coordonnées d'un compte bancaire suisse conforme aux conditions susmentionnées, ni que ledit service aurait refusé de procéder au virement des fonds consignés sur un tel compte. Objectivement, les appelants n'ont ainsi pas démontré avoir entrepris toutes les démarches possibles pour obtenir la restitution des fonds par le Service des biens non réclamés.

En conséquence, la désignation d'un représentant de la communauté héréditaire ne se justifie pas.

Le grief est infondé et la décision entreprise sera donc confirmée.

3. Les frais judiciaires seront arrêtés à 500 fr. (art. 26 et 35 RTFMC), mis conjointement et solidairement à la charge des appelants qui succombent (art. 106 al. 1 CPC), et compensés avec l'avance de frais versée, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Il n'est pas alloué de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé le 30 avril 2024 par A______, B______ et C______ contre la décision DJP/497/2024 rendue le 19 avril 2024 par la Justice de paix dans la cause C/16308/2015.

Au fond :

Le rejette.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 500 fr., les met, conjointement et solidairement, à la charge de A______, B______ et C______ et les compense avec l'avance de frais effectuée, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Monsieur
Cédric-Laurent MICHEL et Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges;
Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.