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Décisions | Chambre de surveillance

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C/6716/2015

DAS/298/2024 du 17.12.2024 sur DTAE/3346/2024 ( PAE ) , REJETE

Recours TF déposé le 17.01.2025, rendu le 20.03.2025, CONFIRME, 5A_52/2025
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6716/2015-CS DAS/298/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MARDI 17 DECEMBRE 2024

 

Recours (C/6716/2015-CS) formé en date du 3 juin 2024 par Madame A______, domiciliée ______ [GE], représentée par Me Diana ZEHNDER LETTIERI, avocate.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 18 décembre 2024 à :

- Madame A______
c/o Me Diana ZEHNDER LETTIERI, avocate
Rue Ferdinand-Hodler 7, 1207 Genève.

- Monsieur B______
______, ______ [GE].

- Madame C______
Monsieur D______
SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Route des Jeunes 1E, case postale 75,1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.              a) E______ et F______, nés respectivement les ______ 2015 et ______ 2019, sont issus de la relation hors mariage entre A______ et B______. Les parents exercent l’autorité parentale conjointe sur les mineurs.

b) Le 9 juin 2015, les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après: HUG) ont signalé le cas de l’enfant E______, laquelle souffrait d’hypotonie d’origine indéterminée. La mineure était demeurée hospitalisée depuis sa naissance jusqu’au 30 avril 2015, avant d’intégrer le domicile de sa mère qui habitait chez ses parents. Un suivi avait été organisé avec une sage-femme et un pédiatre qui avait de nouveau fait hospitaliser l’enfant le 20 mai 2015 pour des problèmes digestifs. Durant l’hospitalisation, les soignants avaient observé des difficultés de la mère à comprendre les signaux émis par son enfant. Ils avaient noté une interaction très pauvre entre elle et sa fille, suscitant des doutes sur la compréhension qu’elle avait des besoins de la mineure et de la gestion de son quotidien. La mère refusait l’aide proposée en pédopsychiatrie et ne voulait pas que l’équipe médicale prenne contact avec son médecin.

c) L’enfant étant suivie au domicile des grands-parents maternels par une sage-femme et se développant correctement, le Service de protection des mineurs (ci-après: SPMi) avait renoncé à solliciter le retrait du droit de garde à ses parents. La mère qui s’opposait quasi-systématiquement aux suivis de l’enfant, avait accepté finalement ces derniers. Les parents poursuivaient la guidance parentale qu’ils avaient entreprise, ainsi que le suivi de l’enfant en physiothérapie et en pédiatrie.

d) Par ordonnance du 22 septembre 2015, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection) a instauré une curatelle d’assistance éducative en faveur de la mineure E______ et fait instruction aux parents de poursuivre les suivis précités.

e) Le 12 décembre 2016, le SPMi informait le Tribunal de protection du fait que la mère s’opposait aux suivis nécessaires au bon développement de la mineure et ne suivait pas les consignes des professionnels. Un placement en foyer de E______ apparaissait nécessaire.

f) Dans un rapport médical du 16 décembre 2016, les HUG préconisaient que l’enfant fréquente la crèche à plein-temps, que le suivi à la G______ soit repris, qu’un suivi par le pédiatre soit fait régulièrement et qu’un bilan approfondi soit effectué auprès de l’Unité de développement (l’UD). Les médecins craignaient que le développement de la mineure ne soit compromis par la discontinuité de ses suivis, les changements de pédiatre et l’arrêt du soutien à domicile décidés unilatéralement par la mère, laquelle se montrait méfiante et d’une grande anxiété. L’équipe médicale s’interrogeait également sur l’adéquation du lieu de vie de l’enfant, si des mesures thérapeutiques et éducatives n’étaient pas mises en place. La mineure présentait des difficultés de communication, avec un certain retard de langage, des difficultés au niveau du développement psychomoteur, des difficultés affectives et de concentration et manifestait une certaine monotonie des affects, une opposition et des attitudes d’évitement.

g) La famille s’étant mobilisée autour de la mineure et engagée à reprendre, respectivement poursuivre, les suivis nécessaires à son bon développement, le SPMi derechef a renoncé à solliciter le placement de l’enfant en foyer.

h) Par requête du 23 avril 2019 adressée au Tribunal de protection, A______ a sollicité la levée de la curatelle d’assistance éducative, en relevant l’évolution favorable de sa fille et la pleine collaboration des parents concernant les suivis ordonnés.

i) Dans le rapport du 15 octobre 2019 sollicité par le Tribunal de protection, le SPMi a préavisé le maintien de la curatelle d’assistance éducative en faveur de E______, en exhortant les parents à coopérer, notamment pour la mise en place d’une action éducative en milieu ouvert (ci-après: AEMO) petite enfance en faveur de F______, né le ______ 2019. La mère avait caché sa grossesse aux curateurs. L'évaluation par l'Unité pédopsychiatrique des HUG, comme la sage-femme qui avait effectué un suivi à domicile, avaient constaté un bon lien mère-fils avec des soins adéquats malgré des inquiétudes exprimées par les parents pour la santé du mineur, lequel présentait un problème cardiaque. Le couple s’était récemment mis en ménage avec leurs deux enfants en bas-âge, de sorte que la situation familiale demeurait fragile.

j) Dans leur rapport périodique du 3 décembre 2019, les curateurs ont maintenu leur préavis, en relevant que E______ avait pu progresser dans son évolution et ses apprentissages grâce à la prise en charge coordonnée du réseau de professionnels qui l’entourait. Ce soutien lui était encore nécessaire, bien qu’il soit compliqué à mettre en œuvre en raison de l’opposition parentale systématique à toute intervention extérieure.

k) Le SPMi a encore établi un rapport complémentaire le 25 février 2020, à la demande du Tribunal de protection, par lequel il a de nouveau préavisé le maintien de la curatelle d’assistance éducative en faveur de E______ et l’instauration d’une curatelle d’assistance éducative en faveur de F______. Il a également sollicité que le Tribunal de protection ordonne une expertise afin d’analyser le fonctionnement familial et les compétences parentales et qu’il exhorte les parents à collaborer avec les curateurs et les professionnels accompagnant les enfants, notamment par des rendez-vous réguliers et la mise en place d’une AEMO.

Sur le plan scolaire, il relevait un absentéisme de E______ pour raisons médicales et un léger retard dans ses apprentissages. Les enfants étaient régulièrement suivis par la Dre H______, pédiatre, et le Dr I______, généraliste. Durant sa seconde grossesse, la mère avait été suivie à J______ [VD] et avait accouché à Genève en raison de la malformation cardiaque présentée par F______. Il n'y avait plus de crainte à son sujet et il présentait une croissance normale. La mère avait un bon lien avec lui. E______ allait bien selon sa pédiatre; elle présentait une intolérance au lactose qui pouvait être compensée par un régime ou une prise de médicaments permettant une meilleure digestion. Des investigations étaient en cours concernant une suspicion d'épilepsie chez E______.

Sur le plan familial, la mère était retournée vivre auprès de ses parents avec ses enfants. Selon le SPMi, elle répondait aux besoins de base des mineurs mais les inquiétudes permanentes du milieu familial concernant leur santé multipliaient les interventions médicales, les investigations et les traitements dans le seul but de se rassurer, ce qui créait un climat anxiogène qui pouvait être défavorable au développement des mineurs. La mère refusait tout suivi thérapeutique et toute évaluation psychologique. Elle n’acceptait pas d’avis divergent du sien.

l) Le Tribunal de protection a entendu les parents de la mineure et sa curatrice lors de l'audience du 23 juin 2020.

A l'issue de celle-ci, il a invité les parents à produire les rapports de l’UD (que le père avait offert de fournir), et les certificats médicaux concernant l’épilepsie diagnostiquée chez la mineure E______, ainsi que sa prise en charge en psychomotricité.

m) Le rapport de l’UD du 10 juillet 2019 produit indiquait que l’enfant E______ présentait un développement cognitif en décalage modéré par rapport aux normes de son âge, en raison principalement de sa difficulté à maintenir ses efforts face aux difficultés. Elle montrait une grande fatigabilité et se dégageait rapidement des différentes activités proposées. Elle avait fait des progrès sur le plan langagier mais son langage réceptif restait encore faible pour son âge. Une prise en charge en psychomotricité était proposée afin d’aider l’enfant à mieux utiliser ses ressources attentionnelles.

n) Il ressort du rapport du 6 juillet 2020 de l’UD que l’enfant E______ présentait un fonctionnement cognitif dans la moyenne pour son âge et une croissance staturo-pondérale harmonieuse. Elle avait nettement amélioré ses compétences attentionnelles et se montrait appliquée. Au vu de son excellente évolution, il était proposé à la mère d’arrêter le suivi à la consultation du développement. Aucune mesure thérapeutique n’était préconisée et le service se tenait à disposition pour un prochain contrôle. Le rapport relevait que la mineure était suivie par le Dr K______ (service de neurologie pédiatrique HUG) pour les problèmes de chutes, d’absences et une suspicion d’épilepsie (dont souffrent également la mère et la grand-mère maternelle), par la Dre L______ pour des caries dentaires, et un rendez-vous auprès d’un allergologue était prévu pour une suspicion d’allergie au pollen. Elle était également suivie par un gastroentérologue et un nutritionniste pour des difficultés alimentaires.

o) Par ordonnance du 8 septembre 2020, le Tribunal de protection a maintenu la curatelle d’assistance éducative instaurée en faveur des deux enfants, ordonné la mise en œuvre d’une action éducative en milieu ouvert petite enfance et exhorté les parents à collaborer avec les curateurs et le réseau de professionnels qui accompagnaient leurs enfants.

p) Par arrêt du 7 juin 2021, la Chambre de surveillance, considérant notamment que l’enfant E______ avait fait d’énormes progrès au niveau cognitif, langagier et de l’attention, certes en raison de la mise en place de la mesure d'assistance éducative (laquelle semblait avoir atteint ses limites selon les curateurs), mais également en raison de l'attention que ses parents lui avait prodiguée, a annulé l'ordonnance précitée et a fixé, en lieu et place d'une curatelle d'assistance éducative, un droit de regard et d'information en faveur de la mineure E______.

q) Par courrier du 24 mars 2023, le SPMi a porté à la connaissance du Tribunal de protection des éléments nouveaux concernant les mineurs. L'infirmière du Service de santé de l'enfance et de la jeunesse (SSEJ) lui avait indiqué que E______ était régulièrement absente de l'école, sans justification médicale. La mère lui avait dit que l'enfant souffrait probablement (comme elle et d'autres membres de sa famille) d'épilepsie et avait été hospitalisée suite à des convulsions. L'école n'avait cependant pas reçu de certificat médical dans ce sens. La mère avait également expliqué que sa fille ne pouvait pas faire de sport, de sorte qu'elle n'avait pas participé à la journée sportive, sans toutefois transmettre de certificat médical. Elle avait indiqué à l'infirmière qu'elle souhaitait changer E______ d'école, alors que cette dernière était passé de justesse en 4ème primaire.

La mère avait finalement, après plusieurs tentatives du SPMi, accepté la levée du secret médical de la pédiatre de E______, la Dre H______. Celle-ci avait confirmé l'hospitalisation de la mineure durant 48h00 en avril 2022 aux HUG. Un encéphalogramme avait conclu à des crises chez la mineure qui ne relevaient pas d'un problème d'épilepsie. Il avait été indiqué à la mère de cesser de donner à l'enfant des médicaments contre les convulsions. La mère ne croyait pas au diagnostic et aurait, selon la pédiatre, consulté un autre neurologue à J______. La pédiatre était inquiète pour le développement de E______, ainsi que pour l'état psychique et le fonctionnement de la mère.

Le 5 décembre 2022, l'Ecole de M______ avait informé le SPMi que la mère avait de nouveau changé d'école la mineure pour l'inscrire à l'Ecole N______, qu'elle fréquentait auparavant. La mère avait expliqué ce changement en raison de sa séparation d'avec le père des mineurs et du retour chez ses propres parents. Elle indiquait que les enfants allaient bien et que E______ était suivie pour son épilepsie auprès de la Clinique O______.

Le 23 janvier 2023, une réunion de réseau s'était tenue entre l'ancienne et la nouvelle école, le SSEJ et le conseil de la mère de la mineure. La mineure faisait le programme de 3ème primaire avec un soutien, alors qu'elle était en 4ème primaire, et se trouvait malgré tout en difficulté. Elle se mettait de plus en plus en retrait de ses camarades et racontait parfois des choses fausses ou incohérentes. Elle avait manqué un quart du temps au premier trimestre et les certificats médicaux provenaient de divers endroits. La Dre H______ avait indiqué au SPMi que la mère ne l'avait plus consultée depuis avril 2022, de sorte que la mineure n'avait plus de suivi pédiatrique. La Dre P______, neuropédiatre nouvellement consultée, avait réintroduit la médication en cas de survenance de crises chez la mineure. Un travail de logopédie était nécessaire.

Le réseau constatait une surmédication de E______ et une perte d'information entre les professionnels. Les lacunes scolaires de la mineure ne s'expliquaient pas uniquement par ses absences; il y avait des interrogations autour d'un trouble de l'apprentissage et du langage. La question d'une Procédure d'évaluation standardisée (PES) en vue d'une scolarisation spécialisée était évoquée mais il fallait l'accord des parents. La collaboration avec les parents était cependant mauvaise: le père n'était pas présent et la mère ne se manifestait pas. Une liste de professionnels avait été remise à la famille pour faire un bilan logopédique mais aucune suite n'y avait été donnée. La mère était hésitante à lever le secret professionnel des médecins de sorte que les informations nécessaires à comprendre le contexte médical de E______ n'étaient pas transmises aux surveillants du SPMi, ce qui ne leur permettait pas de répondre aux besoins de l'enfant. La pédiatre était également dans l'impossibilité d'effectuer le suivi de la mineure et de jouer son rôle de centralisation de l'information. La situation médicale de E______ était inquiétante.

r) Dans son rapport du 17 mai 2023, le Dr K______, médecin de l'unité de neuropédiatrie des HUG, a précisé avoir reçu E______ en consultation à plusieurs reprises entre 2015 et 2021, pour des épisodes décrits par la mère comme des crises d'épilepsie, qui n'avaient cependant pas pu être objectivées. Il avait été demandé à la mère de filmer l'enfant durant les crises qui duraient parfois plus de 5 minutes, ce qu'elle n'avait jamais fait. Le doute sur la nature de ces crises persistant, il avait évoqué la possibilité en décembre 2019 d'introduire un traitement d'épreuve (acide valproïque), certaines formes d'épilepsie pouvant exceptionnellement se présenter sans que des anomalies encéphalographiques ne puissent être mises en évidence sur les enregistrements. Lors du premier contrôle en février 2020, il avait relevé que le traitement était donné très irrégulièrement, l'enfant refusant de le prendre et la mère n'ayant pas trouvé de moyens pour le lui administrer. Les jours cependant où E______ acceptait de prendre son traitement, aucun épisode de crise ne survenait. En novembre 2020, la situation étant identique, il avait décidé d'arrêter le traitement. De nouvelles crises étant apparues, la mineure avait été hospitalisée en avril 2022 aux HUG ce qui avait permis l'enregistrement de trois crises typiques permettant d'exclure définitivement l'origine épileptique. L'équipe médicale n'avait ainsi pas retenu d'indication d'usage de traitement antiépileptique ni de benzodiazépines en cas de nouvelles crises. Il avait été proposé à la mère de consulter un pédopsychiatre pour E______, ce qu'elle avait refusé. Elle avait demandé un avis externe; le nom du Dr Q______, médecin responsable de l'unité de neuropédiatrie à [l'hôpital] R______ lui avait été communiqué. Elle avait ensuite sollicité le transfert du dossier de E______ au Dr S______, généraliste à Genève, ce qui avait été fait le 24 mai 2022.

s) Le Tribunal de protection a fixé une audience le 22 août 2023, à laquelle le père de la mineure ne s'est pas présenté.

A______ a indiqué vivre séparée de celui-ci; le père ne voyait que rarement ses enfants depuis la séparation. Elle vivait depuis lors chez ses propres parents avec les enfants, ce qui avait occasionné un nouveau changement d'école pour E______, laquelle avait doublé son année de 4ème primaire, compte tenu de ses difficultés scolaires. F______ allait débuter l'école à mi-temps. S'agissant du suivi médical, ses enfants consultaient régulièrement le Dr I______, médecin de famille. Elle recherchait une nouvelle pédiatre, expliquant que l'ancienne, la Dre H______, n'était pas suffisamment disponible. E______ était également suivie par la Dre P______, neuro-pédiatre à la Clinique O______, qui avait reconnu que la mineure souffrait d'un problème d'épilepsie; elle lui avait prescrit un traitement pour éviter les bégaiements. A______ n'était pas d'accord avec cette prescription mais constatait cependant que lorsqu'elle ne lui donnait pas ce médicament, sa fille bégayait lorsqu'elle était fatiguée. Elle avait mis en place des séances de logopédie, deux fois par semaine, pour travailler les sons et E______ allait aux études surveillées une fois par semaine. E______ n'était plus suivie par l'Unité de développement, qui avait considéré que ce n'était plus nécessaire. Elle avait encore consulté le Dr T______, généraliste, en urgence car sa fille avait des douleurs en urinant. Elle avait donné à une seule reprise la Ritaline préconisée par la Dre P______, mais avait peur des effets secondaires. Elle savait qu'il fallait faire des tests avant de donner ce médicament. Elle avait un rendez-vous avec la Dre P______ après la prise de sang préconisée par cette dernière pour ce traitement mais elle avait "perdu ce rendez-vous".

L'intervenante du SPMi a indiqué que la pédiatre des mineurs était inquiète pour leur suivi, ne les ayant pas revus depuis plus d'une année, la mère lui ayant par ailleurs demandé de lui restituer les dossiers médicaux des enfants par l'intermédiaire de son conseil. Elle a relevé que les démarches afin de trouver un logopédiste pour E______ n'avaient pas abouti.

Le conseil de A______ a précisé que sa mandante avait perdu confiance en la Dre H______ et elle avait obtenu que le Dr U______, gastroentérologue et pédiatre, reprenne le suivi des enfants.

Il a remis un rapport médical de la Dre P______ du 20 avril 2023 adressé au Dr T______, dans lequel celle-ci évoquait une suspicion d'épilepsie, un trouble de l'attention et d'hyperactivité (TDAH) avec prédominance du déficit d'attention, un trouble du langage écrit ainsi qu'un léger trouble du langage oral et constatait des difficultés dans l'administration du traitement médical prescrit à la mineure. Elle proposait une consultation de génétique, compte tenu de l'anamnèse familiale, qui n'avait cependant pas pu avoir lieu. Le problème principal était la mauvaise compliance médicamenteuse, tant sur le plan antiépileptique que sur le plan psychostimulant. E______ semblait refuser tout traitement et ni la mère ni les grands-parents ne parvenaient à lui administrer les médicaments. Elle avait ainsi proposé le passage de l'IMAD, ainsi qu'une réunion de réseau avec le médecin, afin de trouver la meilleure solution pour la poursuite de la scolarité de E______.

t) Dans leur rapport périodique du 22 juin 2023, couvrant la période du 8 septembre 2020 au 8 septembre 2022, les surveillants de la mesure de droit de regard et d'information auprès du SPMi ont relevé la nécessité de maintenir cette mesure en faveur des deux mineurs E______ et F______ lequel, selon sa pédiatre, présentait un développement somatique normal et parlait bien. Il était cependant agité par manque de cadre et sa scolarisation prochaine permettrait de mieux étayer le regard des professionnels sur l'évolution de cet enfant. Compte tenu de la défiance des parents et de leur difficulté à prendre conscience des besoins de leurs enfants au-delà de leur propres inquiétudes et représentations, les surveillants demeuraient inquiets de sa bonne évolution, notamment au niveau psycho-affectif, cognitif et relationnel.

u) Dans son rapport du 31 août 2023 à l'attention du SPMi, V______, logopédiste, a attesté avoir reçu E______ dès le 28 avril 2023, suite au bilan logopédique effectué par W______. La mère était très confuse dans ses explications concernant le suivi de la mineure depuis sa naissance. Un contact téléphonique avec X______, logopédiste à l'OMP, lui avait permis de mieux comprendre la situation. Elle a évoqué la nécessité de deux séances par semaine, lesquelles devaient être poursuivies durant l'été. Elle avait observé à chaque séance avec E______, une résistance de la mère. Elle avait pris le temps, à chaque séance, de lui expliquer qu'elle reprenait les bases de la phonologie avec E______ et qu'elle travaillait avec elle les sons et non les lettres (que la mère voulait qu'elle travaille).

Durant le mois d'août, la mère avait trouvé des excuses pour ne pas venir (séances trop tôt, trop tard, ne lui permettant pas de prendre en charge son fils). La reprise des séances le 18 août 2023 avait essuyé également un refus: la mère avait expliqué qu'elle reviendrait de vacances le 16 août et aurait des lessives à faire. Lui ayant dit que cela ne pouvait être considéré comme une excuse valable, la mère a répondu que "E______ ferait sûrement une crise d'épilepsie ce jour-là". Lors de la reprise des séances le 22 août 2023, E______ avait perdu tous les acquis et il avait été nécessaire de reprendre toutes les notions en phonologie. A la fin de la séance du 25 août 2023, la mère lui avait demandé si E______ avait pleuré, ce qui l'avait étonnée. Le matin du 29 août 2023, la mère lui avait dit que E______ avait peur de venir en séance, ce à quoi elle lui avait répondu qu'elle n'en voyait pas la raison, mais qu'elle en parlerait avec E______. La mère lui avait rétorqué que sa peur venait du fait que la thérapeute l'aurait "claquée" durant la séance précédente. La logopédiste avait décidé de mettre fin à sa prise en charge compte tenu de ces propos calomnieux.

v) Dans son rapport du 3 novembre 2023, le SPMi a indiqué qu'une réunion de réseau regroupant la directrice de l'école N______, les enseignantes de E______, l'enseignante spécialisée, l'enseignante de F______, l'infirmier SSEJ, la logopédiste OMP, la pédiatre H______ (que la mère avait de nouveau chargée de la prise en charge des mineurs), la surveillante SPMi, la Dre P______ et le conseil de la mère avait eu lieu.

Tous les professionnels s'accordaient sur le fait que la prise en charge actuelle des enfants était non seulement négligente mais représentait une mise en danger de ceux-ci, qui nécessitaient des mesures de protection. En effet, le manque de continuité de prise en charge, le manque de compliance, l'errance médicale et scolaire, les ruptures permanentes avaient des répercussions à terme, déjà constatées dans les difficultés psychosociales et cognitives que manifestait E______. Il était compliqué d'avancer, la mère ne tenant pas compte de ce qui était proposé. La question de la compréhension et de la santé psychique des parents avait été posée: il fallait adapter le discours des professionnels avec des mots simples, répéter et faire reformuler pour s'assurer que le message soit compris, mais cela ne semblait pas suffisant. La mère avait des problèmes de compliance et les résolvait en changeant de thérapeute, qui n'avait, à chaque fois, qu'une vision partielle de la situation. Il était constaté que la prise en charge devenait plus cohérente lorsque l'information circulait dans le réseau.

Une expertise psychiatrique familiale paraissait nécessaire afin de mieux comprendre le enjeux réels présents au sein de la famille et de proposer des mesures de protection proportionnelles et en adéquation avec les difficultés rencontrées par les mineurs, la mesure de droit de regard et d'information ne semblant plus suffisante.

w) Par courrier du 17 novembre 2023 adressé au SPMi, le père a relevé certaines "erreurs" contenues dans le rapport précité mais ne s'est pas opposé à la mesure préconisée.

x) Par courrier du 1er décembre 2023, la mère s'est opposée à la réalisation d'une expertise familiale, considérant que celle-ci était injustifiée, disproportionnée et de nature à traumatiser les enfants.

B.              Par ordonnance DTAE/3346/2024 du 9 janvier 2024, le Tribunal de protection a, statuant préparatoirement, ordonné une expertise familiale (ch. 1 du dispositif) et imparti un délai à A______, à B______ et au SPMi pour lui faire parvenir la liste des questions qu'ils souhaitaient voir posées à l'expert (ch. 2).

Sur le fond, il a maintenu la mesure de droit de regard et d'information en faveur des mineurs E______ et F______ (ch. 3), confirmé les intervenants en protection de l'enfant d'ores et déjà nommés aux fonctions de surveillants (ch. 4), ordonné un bilan neuropsychologique de la mineure E______ (ch. 5) et rappelé que la procédure était gratuite (ch. 6).

En substance, sur la seule question qui demeure litigieuse de l'expertise, il a considéré que, compte tenu des difficultés rencontrées par les professionnels entourant les mineurs pour mettre en place les suivis médicaux et les aides scolaires nécessaires, du manque de collaboration des parents et des questions sur leur capacité à prendre conscience des besoins de leurs enfants, il était opportun de diligenter une expertise familiale afin de comprendre les enjeux réels présents au sein de cette famille et ainsi d'évaluer les mesures à prendre en faveur des mineurs.

C.              a) Par acte du 3 juin 2024, A______ a formé recours contre cette ordonnance, qu'elle a reçue le 24 mai 2024, dirigeant son recours exclusivement contre les mesures préparatoires, soit les chiffres 1 et 2 du dispositif de l'ordonnance, dont elle a sollicité l'annulation, les frais devant être laissés à la charge de l'Etat et des dépens devant lui être octroyés.

Elle a produit des pièces nouvelles soit notamment un courriel de Y______, logopédiste (pièce 8), attestant de la prise en charge de E______, à raison de deux séances hebdomadaires, depuis le 15 janvier 2024. Il en ressort que les objectifs portent essentiellement sur le langage écrit (lecture et orthographe), que la lecture est imprécise et ne permet pas d'accéder au sens des phrases, avec des progrès notés en orthographe lexicale, que l'orthographe est péjorée par d'importantes difficultés graphomotrices. La logopédiste observait des performances fluctuantes au cours de la séance et s'interrogeait sur les capacités mnésiques, attentionnelles et cognitives, qui pourraient être objectivées par un bilan neuropsychologique.

Il ressort de la pièce 10 produite qu'un bilan neuropsychologique auprès de Z______, psychologue, a été fixé en mai 2024 à raison de 5 rendez-vous étalés du 20 novembre au 18 décembre 2024 et de la pièce 17 que E______ est passée en 5ème primaire avec un projet individuel puisque la PEE avait été refusée par le SPS, une réunion ayant été fixée pour parler aux parents de la scolarité de leur fille.

b) Le Tribunal de protection n'a pas souhaité reconsidérer sa décision.

c) Par déterminations du 12 juin 2024, les surveillants du SPMi ont conclu à la confirmation de l'ordonnance.

d) La cause a été gardée à juger à l'issue de ces échanges.

EN DROIT

1.                1.1 La recourante ne conteste que la décision préparatoire contenue dans l'ordonnance rendue par le Tribunal de protection, laquelle est une ordonnance d'instruction, dès lors qu'elle se rapporte à la préparation et à la conduite des débats (Jeandin, in Commentaire du Code de procédure civile, 2ème éd, 2019, ad art. 319 n. 14; DAS/43/2015 du 16 mars 2015 consid. 1.1).

Les décisions du Tribunal de protection peuvent faire l'objet d'un recours devant la Chambre de surveillance de la Cour de justice dans un délai de dix jours à compter de leur notification lorsqu'il s'agit d'une ordonnance d'instruction (art. 450 et 450b al. 1 CC; 53 al. 1 LaCC; 321 al. 2 CPC).

Les ordonnances d'instruction ne sont attaquables que si elles sont susceptibles de causer un dommage difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC). Tel est toujours le cas des ordonnances ordonnant préparatoirement une expertise psychiatrique (arrêt du Tribunal fédéral 5A_655/2023 consid. 2.3).

1.2 En l'espèce, déposé dans les forme et délai prévus par la loi, contre une ordonnance d'instruction pouvant causer un préjudice difficilement réparable, le recours est recevable.

2.                2.1 L’autorité de protection de l’adulte établit les faits d’office (art. 446 al. 1 CC, applicable aux mineurs par le biais de l’article 314 al. 1 CC). Elle procède à la recherche et à l’administration des preuves nécessaires. Elle peut charger une tierce personne ou un service d’effectuer une enquête. Si nécessaire, elle ordonne un rapport d’expertise (art. 446 al. 2 CC).

Pour s'éclairer sur une question de faits qui requiert l'avis d'un spécialiste, le Tribunal de protection peut ordonner une expertise confiée à un ou plusieurs experts (art. 44 al. 1 LaCC).

L'expertise constitue une mesure probatoire parmi d'autres, soumise à la libre appréciation du juge (arrêt du Tribunal fédéral 5A_154/2022 du 20 mai 2022 consid. 4.2.4). Le juge doit l'ordonner lorsqu'elle apparaît comme le seul moyen de preuve idoine, en particulier lorsqu'il ne bénéficie pas de connaissances personnelles suffisantes pour se prononcer sur le bien de l'enfant, par exemple lorsque celui-ci souffre d'une maladie ou présente un comportement pathologique, ou encore lorsque le juge ne dispose d'aucun élément de preuve sur des faits pertinents pour la décision; il jouit à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation (art. 4 CC; arrêts du Tribunal fédéral 5A_793/2020 du 24 février 2021 consid. 4.3.2; 5A_228/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1.2; 5A_266/2019 du 5 août 2019 consid. 3.3.2).

Les démarches de l'autorité dans l'établissement des faits selon l'art. 446 al. 1 et 2 CC s'opèrent d'office et ne sont pas liées à une requête des parties à la procédure (ATF 130 I 180).

2.2 En l'espèce, la recourante soutient que la réalisation de l'expertise constituerait un préjudice "irréparable", en ce sens qu'elle causerait une perturbation psychologique aux enfants du couple.

Si certes, comme exposé supra, la jurisprudence considère que la réalisation d'une expertise psychiatrique est de nature à causer un préjudice difficilement réparable par nature, puisqu'elle porte atteinte à la liberté fondamentale, il n'en demeure pas moins que l'intérêt supérieur des enfants du couple prime en l'occurrence cet éventuel préjudice. En effet, les professionnels entourant les mineurs ont fait part de leurs inquiétudes concernant la bonne compréhension par les parents des besoins de leurs enfants, particulièrement de la mineure E______, laquelle présente des difficultés au niveau scolaire et au niveau de la prise en charge médicale.

La recourante ne peut être suivie lorsqu'elle soutient que l'expertise pourrait faire naître chez les enfants du couple, plus particulièrement E______, un "sentiment de stigmatisation", lequel pourrait affecter son estime de soi et lui faire perdre confiance, ce d'autant qu'elle se sent parfois mise de côté en classe. C'est précisément afin de comprendre l'origine des difficultés dont souffre E______, de lui permettre d'être mieux intégrée en classe (ou scolarisée dans un établissement adapté) et d'aider à son intégration et à l'acquisition d'un sentiment de bien-être, que l'expertise est nécessaire.

Si certes, le bilan neuropsychologique ordonné par le Tribunal de protection apportera certains éléments de réponse permettant de mettre en place l'aide scolaire, voire l'orientation en classe spécialisée, nécessaire à la mineure, ainsi que le suivi médical dont elle a besoin, l'expertise est également nécessaire afin de mettre également en lumière la compréhension qu'ont les parents de l'état et des besoins de leur fille et leurs capacités à y répondre de manière adéquate. Il est en effet apparu que la recourante semble peiner à comprendre les implications de certaines prises en charge de sa fille, dès lors que les explications doivent lui être répétées, avec des mots simples, et à chaque reprise par les thérapeutes. Elle met par ailleurs en échec les prises en charge de la mineure E______, déjà complexes, en changeant sans cesse de thérapeute, sans aviser le nouveau des suivis et diagnostics précédents, ce qui ne permet pas de déterminer les réels besoins de l'enfant ni d'assurer sa prise en charge; elle persiste notamment, malgré les examens pratiqués aux HUG, qui ont exclu une épilepsie chez la mineure, à la conduire auprès d'autres thérapeutes, notamment dans un autre canton, et à solliciter la prescription de médicaments, sans leur soumettre le résultat des examens d'ores et déjà effectués. Il est donc primordial de comprendre le fonctionnement psychologique des parents, notamment de la mère, et de déterminer dans quelle mesure elle est capable de prendre soin de sa fille E______ de manière conforme à son intérêt, faute de quoi des mesures de protection plus importantes que celles actuellement mises en place (tel un retrait de l'autorité parentale en matière de soins ou un retrait de garde) pourraient être envisagées.

L'intérêt propre des parents au refus de la réalisation de l'expertise et l'intrusion dans le cercle familial qu'ils redoutent ne sauraient représenter un obstacle à la réalisation de cette mesure d'instruction, l'intérêt de la mineure E______ prévalant l'inconfort que cette expertise procure à ses parents.

Ainsi, le choix du Tribunal de protection d'ordonner une expertise psychiatrique n'apparaît pas critiquable, le préjudice qu'elle cause étant largement compensé par l'intérêt des mineurs, particulièrement E______, à sa réalisation.

Le recours sera rejeté et les chiffres 1 et 2 du dispositif de l'ordonnance seront ainsi confirmés.

3.                S'agissant de mesures de protection de mineurs, la procédure est gratuite
(art. 81 al. 1 LaCC).

Il n'est pas alloué de dépens.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 3 juin 2024 par A______ contre l'ordonnance DTAE/3346/2024 rendue par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant le 9 janvier 2024 dans la cause C/6716/2015.

Au fond :

Le rejette et confirme l'ordonnance attaquée.

Dit que la procédure est gratuite et qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.