Aller au contenu principal

Décisions | Chambre de surveillance

1 resultats
C/3142/2016

DAS/263/2024 du 12.11.2024 sur DTAE/3262/2024 ( PAE ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3142/2016-CS DAS/263/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MARDI 12 NOVEMBRE 2024

 

Recours (C/3142/2016-CS) formé en date du 12 juin 2024 par A______, domicilié c/o B&B B______, ______ (Genève).

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 14 novembre 2024 à :

- Monsieur A______
c/o B&B B______
______, ______.

- Madame C______
Madame D
______
SERVICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Route des Jeunes 1C, case postale 107, 1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance DTAE/3262/2024 du 6 mai 2024, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: Tribunal de protection) a rappelé que A______, né le ______ 1992, originaire de E______ (Genève), était au bénéfice d'une curatelle de représentation et de gestion (ch. 1 du dispositif), rappelé que F______ et G______, respectivement intervenante en protection de l’adulte et chef de secteur auprès du Service de protection de l'adulte (SPAd), exerçaient le mandat de curatelle, avec le pouvoir de se substituer l’un à l’autre dans l’exercice de leur mandat, chacun avec les pleins pouvoirs de représentation (ch. 2), limité l’exercice des droits civils de la personne concernée en matière contractuelle (ch. 3), privé la personne concernée de l’accès à toute relation bancaire ou à tout coffre-fort, en son nom ou dont elle était ayant-droit économique, et révoqué toute procuration établie au bénéfice de tiers (ch.4) et laissé les frais judiciaires à la charge de l’Etat (ch. 5).

En substance, le Tribunal de protection a considéré qu'il était nécessaire de maintenir, au vu de la situation psychique de l'intéressé décrite par les curateurs et susceptible de l'amener à procéder à des actes préjudiciables à ses intérêts, "les limitations de l'exercice des droits civils en matière contractuelle et d'accès aux biens prononcées le 14 mars 2024".

Cette ordonnance a été communiquée pour notification à l'intéressé le 16 mai 2024.

B. Par acte du 12 juin 2024, A______ a recouru contre cette ordonnance. Il expose ne pas tant contester la mesure existante à son égard ni la nécessité de la collaboration des curateurs pour les actes juridiques qu'il pourrait être amené à conclure, mais plutôt la privation de l'accès à ses comptes bancaires qu'il trouve excessive et disproportionnée, le privant notamment de l'utilisation de sa carte de débit pour opérer ses achats quotidiens.

En date du 11 juillet 2024, le Tribunal de protection a déclaré ne pas souhaiter revoir sa décision.

Par courrier du 30 juillet 2024, le SPAd a souhaité le maintien des mesures prononcées, de manière à ce que A______ ne puisse pas mettre sa situation financière en danger par des démarches propres ou des engagements excessifs, susceptibles de se produire régulièrement, en particulier en période de stress, du fait de la pathologie de celui-ci.

Le 1er octobre 2024, A______ a répliqué persistant dans ses conclusions précédentes.

Suite à quoi, la cause a été gardée à juger.

C. Ressortent pour le surplus de la procédure les faits pertinents suivants:

a) A______, né le ______ 1992, originaire de E______ (Genève), a été mis au bénéfice d'une curatelle de représentation et de gestion étendue à tous les domaines de protection, confiée à des collaborateurs du Service de protection de l'adulte, par décision provisionnelle du Tribunal de protection du 31 octobre 2022, confirmée au fond le 27 mars 2023.

Il était ressorti de l'instruction à cette date qu'il souffrait d'une schizophrénie paranoïde et était notamment empêché d'assurer la gestion de ses affaires administratives et financières comme le démontraient ses changements de baux inopinés et ses dépenses injustifiées au-dessus de ses moyens.

b) Par décision médicale du 30 mars 2023, prolongée par le Tribunal de protection pour une durée indéterminée le 4 mai 2023, le placement à des fins d'assistance de l'intéressé a été ordonné.

Au vu de l'évolution favorable de l'état psychique de celui-ci et de la possibilité d'un suivi psychiatrique ambulatoire, le Tribunal de protection a prononcé le sursis à l'exécution du placement le 1er juin 2023.

c) Par rapport d'entrée du 12 mai 2023 à l'adresse du Tribunal de protection, le SPAd avait fait état de revenus mensuels du protégé de 4'082 fr., composés d'une rente de l'assurance-invalidité, de prestations complémentaires et d'autres prestations, pour des dépenses mensuelles de 2'684 fr., soit un solde positif de l'ordre de 1'400 fr. Il ressortait en outre de ce rapport que la fortune du protégé était de l'ordre de 800 fr. pour des dettes de l'ordre de 10'000 fr.

d) L'intéressé a, en date du 4 juin 2023, demandé la mainlevée de la curatelle, sollicitant le versement de sa rente de l'assurance-invalidité ainsi que des prestations complémentaires sur son compte courant, ce afin de régler une somme de 15'000 fr. de loyers en retard, notamment.

Cette requête a été rejetée par ordonnance du Tribunal de protection rendue le 26 juin 2023.

e) A teneur d'un rapport du CAPPI [du quartier de] H______ du 15 décembre 2023, établi dans le cadre de l'examen périodique de la mesure de placement à des fins d'assistance, l'intéressé était décrit comme régulier dans son suivi psychiatrique, compliant dans son traitement psychotrope et stable sur le plan clinique, sans signes de désorganisation psycho-comportementale, avec la persistance toutefois d'idées délirantes de type paranoïaque mais non envahissantes.

f) Le 11 mars 2024, les curateurs du SPAd ont sollicité du Tribunal de protection le prononcé urgent d'une limitation des droits civils de leur protégé, exposant que celui-ci présentait une péjoration de son état psychique se manifestant par la réapparition d'idées de persécution, un grand état de stress et un "état de vigilance". Il avait adressé à ses curateurs de nombreux mails, indiquant notamment qu'il s'était inscrit comme indépendant auprès de l'AVS et faisait du commerce en ligne, sans avoir envisagé les conséquences de ses actions, mettant par ses initiatives sa situation administrative et financière en danger.

Par ordonnance du 14 mars 2024 sur mesures superprovisionnelles, le Tribunal de protection a limité l’exercice des droits civils de l'intéressé en matière contractuelle et l'a privé de l’accès à toute relation bancaire, ordonnance confirmée après instruction par l'ordonnance faisant l’objet de la présente procédure de recours.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet, dans les trente jours, d'un recours écrit et motivé, devant le juge compétent, à savoir la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 et al. 3 et 450b CC; art. 126 al. 3 LOJ; art. 53 al. 1 et 2 LaCC).

Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).

Formé dans le délai utile et suivant la forme prescrite par la loi, devant l'autorité compétente et par la personne concernée, le recours est recevable.

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC).

2. Le recourant ne conteste pas, dans le cadre de son recours, le maintien de la mesure de curatelle en sa faveur. Il ne conteste pas non plus la privation de l'exercice des droits civils prononcée et expose l'avoir parfaitement comprise. Il conteste cependant la privation prononcée de l'accès à toute relation bancaire, l'estimant disproportionnée.

2.1 Selon l'art. 390 al. 1 ch. 1 CC, l'autorité de protection de l'adulte institue une curatelle lorsqu'une personne majeure est partiellement ou totalement empêchée d'assurer elle-même la sauvegarde de ses intérêts en raison d'une déficience mentale, de troubles psychiques ou d'un autre état de faiblesse qui affecte sa condition personnelle. L'autorité de protection de l'adulte prend alors les mesures appropriées pour garantir l'assistance et la protection de la personne qui a besoin d'aide (art. 388 al. 1 CC), dans le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité (art. 389 al. 2 CC). Les affaires en cause doivent être essentielles pour la personne à protéger, de sorte que les difficultés qu'elle rencontre doivent avoir, pour elle, des conséquences importantes. Les intérêts touchés peuvent être d'ordre patrimonial ou personnel (arrêts du Tribunal fédéral 5A_551/2021 du 7 décembre 2021 consid. 4.1.1; 5A_417/2018 du 17 octobre 2018 consid. 4.2.1).

L'application du principe de subsidiarité implique que l'autorité de protection de l'adulte ne peut prendre des mesures de protection que si l'aide dont a besoin la personne concernée ne peut pas être procurée par sa famille, ses proches ou par les services publics ou privés compétents. Si l'autorité de protection de l'adulte constate que l'aide apportée par ce cercle de personnes ne suffit pas ou est d'emblée insuffisante, elle doit ordonner une mesure qui respecte le principe de la proportionnalité, à savoir une mesure nécessaire et appropriée (art. 389 al. 1 ch. 1 et al. 2 CC; ATF 140 III 49 consid. 4.3.1). Cette mesure doit donc se trouver en adéquation avec le but fixé, représenter l'atteinte la plus faible possible pour être compatible avec celui-ci et rester dans un rapport raisonnable entre lui et l'atteinte engendrée (arrêts du Tribunal fédéral 5A_551/2021 précité consid. 4.1.1; 5A_417/2018 précité consid. 4.2.1).

L'autorité de protection de l'adulte détermine, en fonction des besoins de la personne concernée, les tâches à accomplir dans le cadre de la curatelle (art. 391 al. 1 CC). Ces tâches concernent l'assistance personnelle, la gestion du patrimoine et les rapports juridiques avec les tiers (art. 391 al. 2 CC).

2.2 En vertu de l'art. 394 CC, une curatelle de représentation est instituée lorsque la personne qui a besoin d'aide ne peut accomplir certains actes et doit de ce fait être représentée (al. 1 CC); l'autorité de protection peut limiter en conséquence l'exercice des droits civils de la personne concernée (art. 394 al. 2 CC). Parmi les mesures qui peuvent être prononcées, la curatelle de représentation est celle qui retranscrit le plus directement le leitmotiv du nouveau droit: une protection strictement ciblée sur les besoins de la personne concernée (arrêts du Tribunal fédéral 5A_551/2021 précité consid. 4.1.2; 5A_417/2018 précité consid. 4.2.2).

Malgré la restriction de l'exercice des droits civils, la personne concernée conserve la capacité inconditionnelle de régler "les affaires mineures" se rapportant à sa vie quotidienne (règle inspirée du "Taschengeldparagraph" du droit allemand) et possède également une compétence de disposition des biens que le curateur laisse à sa libre disposition conformément à l'art. 409 CC (MEIER, CommFam, Protection de l'adulte, no 21 ad art. 394 CC).

Aux termes de l'art. 409 CC, le curateur met à la libre disposition de la personne concernée des montants appropriés qui sont prélevés sur les biens de celle-ci.

Le nouveau droit implique, avec le système des mesures sur mesure, que celles-ci soient adaptées à la situation de la personne à protéger: les limitations de l'exercice des droits civils doivent être aussi restreintes que possible et les atteintes à l'autodétermination sont pondérées (HÄFELI, op. cit., no 1 ad art. 409 CC). Le montant approprié se mesure notamment en fonction de la situation patrimoniale de la personne concernée (ibidem, no 2). Dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, le curateur peut limiter voire supprimer le pouvoir de disposer de la personne sous curatelle s'il s'avère que celle-ci gère mal les avoirs à sa libre disposition (ibidem, no 4).

2.3 En l'espèce, la seule question que pose le recours est celle de la proportionnalité de la privation complète prononcée à l'égard du recourant de l'accès à ses comptes bancaires. Si certes, l'on comprend aisément, au vu de la situation de santé psychique fluctuante du recourant, qu'il est indispensable que les curateurs puissent avoir la maîtrise de la gestion des ressources du protégé, dans l'intérêt de celui-ci qui le comprend parfaitement, il ne ressort pas du dossier, ni des motifs du Tribunal de protection à l'appui de la privation complète d'accès aux comptes, comment est sauvegardée la capacité du recourant à gérer ses affaires quotidiennes, respectivement quel est le montant à sa libre disposition pour ce faire. La Chambre de céans s'avère ainsi dans l'impossibilité de contrôler le respect des dispositions qui prescrivent la sauvegarde de cette capacité, de sorte que sur ce point la décision sera annulée et la cause renvoyée au Tribunal de protection pour nouvelle décision.

Il appartiendra au Tribunal de protection de réexaminer si la mesure de privation complète d'accès aux comptes est indispensable à la sauvegarde des intérêts du protégé, sachant que la mesure de privation de l'exercice des droits civils, non contestée, est acquise. Devra également être examinée la question des montants laissés à la libre disposition de l'intéressé et par quel moyen, de manière à sauvegarder au maximum son autonomie.

3. Vu l'issue de la procédure de recours, les frais seront laissés à la charge de l'Etat de Genève et l'avance de frais effectuée par le recourant à hauteur de 400 fr. lui sera restituée.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 12 juin 2024 par A______ contre l’ordonnance DTAE/3262/2024 rendue le 6 mai 2024 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/3142/2016.

Au fond :

Annule le chiffre 4 du dispositif de l'ordonnance attaquée et retourne la procédure au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant pour suite d’instruction et nouvelle décision sur ce point au sens des considérants.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 400 fr. et les laisse à la charge de l'Etat.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ l'avance de frais de 400 fr. perçue.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.