Aller au contenu principal

Décisions | Chambre de surveillance

1 resultats
C/20049/2019

DAS/262/2024 du 07.11.2024 sur DTAE/4550/2024 ( PAE ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/20049/2019-CS DAS/262/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU JEUDI 7 NOVEMBRE 2024

 

Recours (C/20049/2019-CS) formé en date du 18 juillet 2024 par Madame A______, p.a. Mme B______, ______ (Genève), représentée par Me Dominique BAVAREL, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 12 novembre 2024 à :

- Madame A______
c/o Me Dominique BAVAREL, avocat.
Boulevard de Saint-Georges 72, 1205 Genève.

- Monsieur C______
______, ______.

- Madame D______
Madame E
______
Madame F
______
SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Route des Jeunes 1E, case postale 75,1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.


EN FAIT

A. Par décision DTAE/4550/2024 du 20 juin 2024, prise par apposition de son timbre humide sur un préavis du Service de protection des mineurs (ci-après: SPMi), le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection), faisant siens les motifs contenus dans ledit préavis, a réservé à A______ un droit aux relations personnelles avec les mineurs G______, H______ et I______, à raison d'une visite hebdomadaire d'une heure en modalité "un pour un" au Point Rencontre et, lorsqu'une place serait disponible à J______ [centre de consultation en éducation spécialisée], à raison d'une visite médiatisée de deux heures par semaine.

B. a) Par acte du 18 juillet 2024 adressé à la Chambre de surveillance de la Cour de justice (ci-après: la Chambre de surveillance), A______, mère des mineurs, a formé recours contre cette décision, qu'elle a reçue le 28 juin 2024. Elle a exposé en substance que le droit aux relations personnelles tel que fixé dans la décision attaquée était trop restrictif.

b) Par déterminations du 31 juillet 2024, le SPMi a, pour l'essentiel, conclu au rejet du recours.

c) C______, père des mineurs, ne s'est pas déterminé.

d) Le Tribunal de protection n'a pas souhaité revoir sa décision.

e) Par courrier du 30 août 2024, A______ a produit des pièces nouvelles.

f) Par réplique du 19 septembre 2024, A______ a persisté dans ses conclusions.

g) La cause a été gardée à juger à l'issue de ces échanges.

C.  Ressortent pour le surplus de la procédure les faits pertinents suivants:

a) A______ et C______ sont les parents non-mariés de G______, née le ______ 2019, de H______, né le ______ 2021, et de I______, né le ______ 2022.

b) A la suite d'un signalement émanant de la police dans un contexte de violences conjugales, des décisions portant sur l'exercice des relations personnelles par le père, la mise en place d'une aide éducative en milieu ouvert (AEMO) de crise ainsi que l'instauration de diverses curatelles ont été rendues par le Tribunal de protection dans le courant de l'année 2023.

c) A______ a été arrêtée le 28 janvier 2024 puis placée en détention provisoire le 30 janvier 2024.

Le 5 février 2024, le SPMi a adressé une dénonciation au Ministère public portant sur des actes de maltraitance qui auraient été commis par A______ sur les mineurs.

A______ est également prévenue d'autres faits, sans lien avec ses enfants.

d) Par décision sur mesures superprovisionnelles du 9 février 2024, le Tribunal de protection, faisant siens les motifs exposés dans le préavis du SPMi du même jour, a notamment retiré à A______ la garde et le droit de déterminer le lieu de résidence des mineurs, confié la garde de ceux-ci à C______ et suspendu les relations personnelles entre les mineurs et leur mère.

Par ordonnance du 4 mars 2024, le Tribunal de protection a confirmé les mesures prononcées le 9 février 2024.

e) Le 28 mai 2024, le SPMi a informé le Tribunal de protection que A______ avait été libérée le 21 mai 2024 par décision du Tribunal des mesures de contrainte, lequel avait prononcé des mesures de substitution comprenant notamment l'interdiction de prendre contact avec ses enfants en dehors des modalités fixées par le Tribunal de protection.

Les mineurs n'avaient pas revu leur mère depuis son incarcération le 28 janvier 2024. Au vu des éléments graves transmis dans le rapport du 9 février 2024, il paraissait indispensable qu'une reprise des liens soit accompagnée et médiatisée.

Le SPMi priait donc le Tribunal de protection de bien vouloir, sur mesures superprovisionnelles, réserver à A______ un droit aux relations personnelles avec les mineurs G______, H______ et I______, à raison d'une visite hebdomadaire d'une heure, en modalité "un pour un" au Point Rencontre, et, lorsqu'une place serait disponible à J______, modifier les modalités des relations personnelles à raison d'une visite médiatisée de deux heures par semaine.

f) Par décision du 28 mai 2024 sur mesures superprovisonnelles prise par l'apposition de son timbre humide sur le préavis susmentionné, le Tribunal de protection a ordonné les mesures préconisées par le SPMi.

g) Par courrier du même jour, le Tribunal de protection a imparti un délai au 18 juin 2024 aux parties pour se déterminer et faire valoir leurs offres de preuve éventuelles.

h) Le 14 juin 2024, A______ a adressé des déterminations au Tribunal de protection. Elle a sollicité l'audition de deux témoins et demandé à bénéficier d'un droit aux relations personnelles qui devrait s'exercer sur ses trois enfants à raison d'une journée par semaine en milieu surveillé, en modalité passage au Point Rencontre. A l'appui de ses conclusions, elle a notamment persisté à contester les faits dénoncés à l'autorité pénale par le SPMi et exposé qu'un droit de visite d'une heure par semaine avec trois enfants en bas âge n'était pas adapté à leurs besoins.

i) Sur cette seule base et sans avoir entendu A______ lors d'une audience, le Tribunal de protection a rendu la décision querellée, par apposition, à nouveau, de son timbre humide sur le même préavis du SPMi du 28 mai 2024, cette décision valant décision au fond.

EN DROIT

1. 1.1.1 Les décisions du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant sont susceptibles de recours à la Chambre de surveillance de la Cour de justice dans un délai de trente jours à compter de leur notification (art. 440 al. 3, 450b al. 1 et 450f CC; art. 153 al. 1 et 2 LaCC; art. 126 al. 3 LOJ). Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).

1.1.2 Introduit dans le délai utile et selon la forme prescrite auprès de l'autorité compétente, par une personne habilitée à le déposer (art. 450 al. 2 ch. 1 CC), le recours est en l'espèce recevable.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen, les faits étant établis et le droit appliqué d'office (art. 446 al. 1 et 4 CC, applicable par renvoi de l'art. 314 al. 1 CC).

2. La recourante soulève une violation de son droit d'être entendue, plus précisément de son droit à la preuve et à l'obtention d'une décision motivée.

2.1.1 La procédure applicable au Tribunal de protection est réglée par les art. 31 et suivants LaCC.

Comme la Cour de céans a déjà eu l'occasion de le rappeler (not.: DAS/248/2023, DAS/143/2017 et, très récemment: DAS/252/2024), dans les procédures concernant les mineurs, le Tribunal de protection entend personnellement les père et mère de l'enfant. S'ils ne comparaissent pas, ils peuvent être amenés par la force publique (art. 38 let. b LaCC). Cette disposition correspond à l'ancien art. 36 al. 4 aLaCC, qui prévoyait l'audition obligatoire des père et mère par le Tribunal tutélaire dans les causes concernant les enfants.

L'audition obligatoire des parents dans les procédures applicables aux enfants est également prévue par le Code de procédure civile fédérale (art. 297 al. 1 CPC).

Elle l'était également sous le régime de la LPC, l'importance que le législateur avait attaché à cette audition s'exprimait par la possibilité de mise en œuvre de la force publique à l'égard des parents récalcitrants (Bertossa/Gaillard/Guyet/ Schmidt, Commentaire de la LPC ad art. 368b n° 1 et ad art. 372 n° 1 et 2).

2.1.2 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. implique pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; 139 IV 179 consid. 2.2; 134 I 83 consid. 4.1 arrêt du Tribunal fédéral 5D_265/2017 du 15 juin 2018 consid. l 3.1). En revanche, si dans la motivation de la décision, il manque toute discussion sur des arguments importants d'une partie, elle viole le droit d'être entendu, indépendamment du bien-fondé, au fond, de l'argumentation qui n'a pas été prise en considération (arrêt du Tribunal fédéral 5A_790/2015 du 18 mai 2016 consid. 4.3 et 4.4).

Malgré son caractère formel, la garantie du droit d'être entendu ne constitue pas une fin en soi. La violation de ce droit peut être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC) ou lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 137 I 195 consid. 2.2 et 2.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_453/2016 du 16 février 2017 consid. 4.2.4; 5A_925/2015 du 4 mars 2016 consid. 2.3.3.2 n.p. in ATF 142 III 195).

2.1.3 Le droit à la preuve n'existe que s'il s'agit d'établir un fait pertinent, qui n'est pas déjà prouvé, par une mesure probatoire adéquate, laquelle a été régulièrement offerte selon les règles de la loi de procédure (ATF 135 I 187 consid. 2.2;
133 III 295 consid. 7.1, SJ 2007 I 513; arrêt du Tribunal fédéral 5A_763/2018 du 1er juillet 2019 consid. 2.1.1.1). Le droit à la preuve ne s'oppose pas à ce que l'autorité mette un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier sa position (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2, p. 376 et autres arrêts cités par le Tribunal fédéral dans son arrêt 5A_621/2014 du 11 novembre 2014, consid. 5.5 rendu dans la même cause).

2.2 Dans le cas d'espèce, le Tribunal de protection a statué au fond sur les relations personnelles entre les mineurs et leur mère par apposition de son timbre humide sur un rapport du SPMi du 28 mai 2024, sans audition préalable des parents, en particulier de la recourante. Cette dernière s'est certes déterminée par écrit. Il n'en demeure pas moins que l'audition des parents par le juge n'a pas pour seule vocation de respecter le droit des parties à être entendues, mais constitue également un moyen pour le juge d'établir les faits. Ainsi, en se dispensant d'auditionner les parents, le Tribunal de protection a violé la loi et la jurisprudence constante de la Cour de céans, telles que rappelées ci-dessus.

Au demeurant, en faisant siens les motifs exposés dans le préavis du SPMi du 28 mai 2024, le Tribunal de protection n'a pas pris position sur les déterminations et les offres de preuve présentées par la recourante dans son acte du 14 juin 2024, violant ainsi son droit d'être entendue. Dès lors que le premier motif exposé ci-dessus conduit déjà à l'annulation de la décision attaquée, la question de savoir si cette violation pourrait être réparée par la Chambre de céans peut demeurer indécise.

Par conséquent, au regard des développements qui précèdent, la décision attaquée doit être annulée sans qu'il soit besoin d'aborder le fond et la cause retournée au Tribunal de protection pour suite d’instruction et nouvelle décision.

3.  Les causes en fixation de relations personnelles ne sont pas gratuites (art. 67A et B RTFMC et 77 LaCC). Compte tenu de l’issue de la procédure de recours, les frais judiciaires, arrêtés à 400 fr., seront laissés à la charge de l’Etat.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 18 juillet 2024 par A______ contre la décision DTAE/4550/2024 rendue le 20 juin 2024 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/20049/2019.

Au fond :

L'admet et annule la décision attaquée.

Cela fait:

Retourne la cause au Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant pour suite d’instruction dans le sens des considérants et nouvelle décision.

Laisse les frais à la charge de l’Etat.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Stéphanie MUSY, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.