Décisions | Chambre de surveillance
DAS/253/2024 du 04.11.2024 sur DTAE/7634/2024 ( PAE ) , ADMIS
En droit
Par ces motifs
republique et | canton de geneve | |
POUVOIR JUDICIAIRE C/29795/2018-CS DAS/253/2024 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU LUNDI 4 NOVEMBRE 2024 |
Recours (C/29795/2018-CS) formés en dates des 10 et 28 octobre 2024 par Monsieur A______, représenté par Me B______, avocat.
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Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 5 novembre 2024 à :
- Monsieur A______
c/o Me B______, avocat.
______, ______ [GE].
- Madame C______
Madame D______
SERVICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Route des Jeunes 1C, case postale 107, 1211 Genève 8.
- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT.
Pour information :
- Direction de la Clinique E______
______, ______ [GE].
A. A______, né le ______ 1952, de nationalité néerlandaise, est au bénéfice d'une curatelle de représentation et de gestion confiée à deux collaborateurs du Service de protection de l'adulte (SPAd) et étendue à tous les domaines de la protection.
Sa maison a été rendue inhabitable début 2023 par plusieurs incendies, dont il est soupçonné d'être à l'origine.
B. a. Par deux ordonnances du 10 mars 2023, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le Tribunal de protection) a ordonné le placement de A______ à des fins d'assistance au sein de l'Hôpital F______, ainsi que son expertise psychiatrique.
Par expertise psychiatrique du 13 mars 2023, G______, médecin psychiatre, a établi que l'expertisé présentait une dépendance à l'alcool avec une consommation excessive d'au moins une bouteille de vin par jour, avec des conséquences graves telles que des chutes, deux incendies et des troubles cognitifs, ainsi que la nécessité de mettre un sevrage en place pour éviter un delirium tremens. En outre, il présentait des troubles cognitifs légers, conséquence de ses consommations excessives et chroniques d'alcool, mais aussi liés à un processus dégénératif léger. Selon l'experte, A______ ne pouvait pas retourner dans son logement trop endommagé et donc inhabitable, la problématique de son lieu de vie devant faire l'objet d'une expertise plus complète.
Le 14 mars 2023, le Tribunal de protection a confirmé au fond le placement à des fins d'assistance au motif que A______ présentait une dépendance à l'alcool et des troubles cognitifs débutants susceptibles de représenter un risque pour sa vie ou son intégrité personnelle, respectivement celles d'autrui, le précité étant à l'origine de deux incendies survenus dans sa maison.
En outre, son placement à des fins d'assistance permettait au Tribunal de protection d'ordonner un complément d'expertise sur la question de son lieu de vie et la réalisation de celle-ci, tout en lui permettant de bénéficier d'un lieu de vie adéquat et nécessairement protégé dans l'intervalle.
Dans un certificat médical du 17 mai 2023 transmis au Tribunal de protection par le SPAd le 30 mai 2023, H______, médecin chef de clinique de l'hôpital F______, a exposé la nécessité d'envisager la prise en charge institutionnelle du patient.
Par décision superprovisionnelle du 13 juin 2023, le Tribunal de protection a prescrit l’exécution du placement à des fins d’assistance institué auprès de l'EMS I______, à J______ [GE], à compter du 16 juin 2023, et autorisé trois sorties hebdomadaires.
Dans son complément d'expertise rendu le 14 juin 2023, l'experte a considéré que A______ n'avait plus besoin d'une prise en charge hospitalière, dans la mesure où le sevrage à l'alcool et aux benzodiazépines avait pu être réalisé avec succès. Il convenait qu'il puisse quitter l'hôpital pour intégrer un lieu de vie à plus long terme. Il se montrait volontaire pour intégrer l'EMS I______, sans qu'il soit par conséquent nécessaire de maintenir le placement à des fins d'assistance ordonné. Elle relevait que la poursuite des soins pouvait s'effectuer en mode ambulatoire depuis l'EMS et concluait en déclarant soutenir "un transfert en mode volontaire à l'EMS I______".
Le Tribunal de protection a procédé à l'audition de l'experte, du curateur du SPAd, du curateur d'office et de A______, qui a déclaré qu'il se plaisait au sein de l'EMS I______.
Par courrier du 22 janvier 2024, le curateur d'office a remis au Tribunal de protection le bilan neuropsychologique du 9 janvier 2024 auquel A______ s'était engagé à se soumettre. Il en résulte un déficit cognitif moyen, dont l'évolution doit être surveillée à intervalle d'un an, aucun traitement médicamenteux ou prise en charge non médicamenteuse à visée cognitive n'étant indiqué.
Dans ses dernières déterminations au Tribunal de protection du 16 février 2024, le curateur d'office a principalement requis la levée du placement.
Par ordonnance du 6 mars 2024 (DTAE/1581/2024), le Tribunal de protection a rejeté la demande de mainlevée du placement à des fins d'assistance ordonné par décisions DTAE/1903/2023 et DTAE/2017/2023 des 10 et 14 mars 2023 en faveur de A______ et prescrit l'exécution du placement au sein de l'EMS I______, notamment.
b. Par arrêt DAS/73/2024 du 27 mars 2024 la Chambre de surveillance a levé le placement de l'intéressé, moyennant maintien volontaire de celui-ci au sein de l'EMS qui l'accueillait.
Le 9 avril 2024, l'EMS en question a fait savoir aux curateurs de l'intéressé qu'il ne lui semblait plus possible de continuer à accueillir celui-ci, à défaut du respect des règles de l'établissement. Le contrat d'accueil a été résilié pour le 31 mai 2024.
Par courrier du 4 juillet 2024 au Tribunal de protection, une cheffe de clinique du service de psychiatrie adulte des HUG a signalé la situation de l'intéressé exposant qu'il n'existait alors "plus de critère psychiatrique qui nécessite la prolongation de l'hospitalisation à E______", mais estimant que du fait de son alcoolisme il n'était pas capable de discernement "concernant ses difficultés médicales et pour se prononcer sur son lieu de vie".
Le 11 juillet 2024, les curateurs de l'intéressé ont confirmé au Tribunal de protection le fait que celui-ci se trouvait en hospitalisation volontaire à E______ et sollicitaient le prononcé d'une nouvelle mesure de placement en l'absence de lieu de vie de l'intéressé.
c. Le 11 septembre 2024, un médecin a ordonné l'hospitalisation non volontaire de l'intéressé à la Clinique E______, et requis par la suite sa prolongation par le Tribunal de protection, prolongation ordonnée par ordonnance DTAE/7634/2024 du 17 octobre 2024.
Parallèlement, cette décision médicale avait fait l'objet d'un recours de l'intéressé, rejeté sur la base d'une expertise diligentée préalablement par le Tribunal de protection par ordonnance DTAE/7191/2024 du 3 octobre 2024.
Le 30 septembre 2024, une expertise psychiatrique rendue par le CURML relativement à l'intéressé, diagnostiquait chez celui-ci une forme de démence et une dépendance à l'alcool. L'expertise concluait qu'en cas d'absence de placement, il en découlerait un risque autoagressif, voire un risque d'état d'abandon par exposition à des conditions de vie précaires (…) mais aussi un risque d'agresser ou de se faire agresser vu son irritabilité.
A______ a formé recours contre ces deux ordonnances en dates des
10 et 28 octobre 2024.
La Chambre de surveillance a joint les recours et procédé à l'audition de l'intéressé en date du 1er novembre 2024, lors de laquelle celui-ci a déclaré persister dans ses recours et souhaiter sa libération considérant les conditions de son placement comme non réalisées, aucun danger concret ne menaçant sa santé ou la sécurité d'autrui. D'éventuels traitements médicamenteux pouvaient être suivis ambulatoirement. Il disposait de connaissances pouvant l'héberger à sa sortie. Il voulait une fois pour toute retrouver sa liberté de mouvement.
La Chambre de surveillance a en outre procédé à l'audition de la curatrice du SPad, qui a exposé ne pas disposer de solution de relogement pour le recourant dans la mesure où celui-ci n'en est pas preneur et que son comportement (fumer) créait un risque d'incendie où qu'il réside. Le protégé était encore convaincu de pouvoir retourner dans sa maison qui avait brûlé.
Le médecin responsable de la clinique a également été entendu. Il a exposé qu'à son avis le placement était encore justifié du fait du défaut de capacité de discernement du patient aux fins d'organiser son lieu de vie, notamment. Cela étant, il a relevé que la Clinique ne paraissait pas un lieu de placement adapté au recourant, en l'absence de traitement nécessaire. La crainte des médecins était le retour d'un grave état d'abandon du recourant en cas de levée du placement, du fait de sa dépendance à l'alcool.
Suite à quoi la cause a été gardée à juger.
1. 1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge compétent (art. 450 al. 1 CC). Dans le domaine du placement à des fins d'assistance, le délai de recours est de dix jours à compter de la notification de la décision entreprise (art. 450b al. 2 CC). Le recours formé contre une décision prise dans le domaine du placement à des fins d'assistance ne doit pas être motivé (art. 450e al. 1 CC).
1.2 En l'espèce, les recours ont été formés dans le délai utile de dix jours, devant l'autorité compétente (art. 72 al. 1 LaCC), par la personne directement concernée par la mesure. Il sont donc recevables à la forme. Ils seront traités dans le même arrêt.
1.3 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).
2. 2.1 Aux termes de l'art. 426 al. 1 CC, une personne peut être placée dans une institution appropriée lorsque, en raison de troubles psychiques, d'une déficience mentale ou d'un grave état d'abandon, l'assistance ou le traitement nécessaire ne peuvent lui être fournis d'une autre manière. Les cantons peuvent désigner des médecins qui, outre l'autorité de protection de l'adulte, sont habilités à ordonner un placement dont la durée est fixée par le droit cantonal (art. 429 al. 1 CC; art. 60 al. 1 LaCC). La personne concernée est libérée dès que les conditions du placement ne sont plus remplies (art. 426 al. 3 CC).
La loi exige la réalisation de trois conditions cumulatives, à savoir une cause de placement (troubles psychiques, déficience mentale ou grave état d'abandon), un besoin d'assistance ou de traitement ne pouvant lui être fourni autrement et l'existence d'une institution appropriée permettant de satisfaire les besoins d'assistance de la personne placée ou de lui apporter le traitement nécessaire (MEIER/LUKIC, Introduction au nouveau droit de la protection de l'adulte, p. 302, n. 666).
En cas de troubles psychiques, la décision de placement à des fins d'assistance doit être prise sur la base d'un rapport d'expertise (art. 450e al. 3 CC). Dans son rapport, l'expert doit se prononcer sur l'état de santé de l'intéressé. Il doit également indiquer en quoi les éventuels troubles psychiques risquent de mettre en danger la vie de la personne concernée ou son intégrité personnelle, respectivement celles d'autrui, et si cela entraîne chez lui la nécessité d'être assisté ou de prendre un traitement (ATF 137 III 289 c. 4.5.; arrêt 5A_469/2013 c. 2.4). Dans l'affirmative, il incombe à l'expert de préciser quels seraient les risques concrets pour la vie ou la santé de cette personne, respectivement pour les tiers, si la prise en charge préconisée n'était pas mise en œuvre (à propos de la notion de danger concret : arrêts 5A_288/2011 c. 5.3; 5A_312/2007 c. 2.3). Il doit encore indiquer si, en vertu du besoin de protection de l'intéressé, un internement ou une rétention dans un établissement est indispensable, ou si l'assistance ou le traitement nécessaire pourrait lui être fourni de manière ambulatoire. Le rapport d'expertise doit préciser également si la personne concernée paraît, de manière crédible, prendre conscience de sa maladie et de la nécessité d'un traitement.
La personne concernée est libérée dès que les conditions du placement ne sont plus remplies (art. 426 al. 3 CC).
2.2 En l'espèce, dans son dernier arrêt du 27 mars 2024 rendu dans la présente cause, la Cour avait considéré que les conditions à un placement au moment de son audience n'étaient "clairement pas réalisées", retenant que le recourant était conscient de son problème d'addiction à l'alcool, ce qui était un préalable à une prise en charge éventuelle volontaire, l'experte mise en œuvre par le Tribunal de protection ayant relevé qu'un traitement éventuel de ce problème pouvait avoir lieu de manière ambulatoire. En outre, la Cour avait retenu que si certes, le recourant connaissait un déficit cognitif moyen, notamment dû à l'excès d'alcool, aucun traitement médicamenteux n'était à prescrire à son propos. Par ailleurs, l'experte, dans son complément d'expertise portant spécifiquement sur la question du lieu de vie du recourant, avait relevé qu'il n'existait plus de motif pour un placement à des fins d'assistance.
La situation de fait ne semble pas avoir changé depuis lors.
Certes, la dernière expertise ordonnée avant la prolongation du placement par le Tribunal de protection parvenait à la conclusion que, sans placement, le recourant risquait de mettre sa propre vie en danger. Cela étant le disgnostic posé était le même que précédemment. Par ailleurs, le rapport médical émis par les HUG le
4 juillet 2024, relevait qu'il n'existait plus de critère psychiatrique justifiant un placement.
Point n'est besoin de revenir sur la réalisation au moment du prononcé de l'ordonnance de placement, respectivement du placement par un médecin, des critères de celui-ci pour constater qu'à ce jour, les conditions à une prolongation dudit placement ne sont pas réalisées. En effet, en l'absence de maladie psychique le nécessitant et en l'absence, en l'état, de grave état d'abandon, il n'y a plus de critère au maintien de l'hospitalisation. Si certes, tous les intervenants sont d'accord sur le fait qu'en l'absence de solution pérenne de relogement, le recourant est susceptible de retomber, du fait de son mode de vie, dans un grave état d'abandon dans le futur, il n'en demeure pas moins que des conjectures ne peuvent être considérées comme suffisantes à la réalisation des conditions du maintien du placement. En l'état, le recourant ne remplit plus les conditions d'un placement.
Le Tribunal de protection ne s'y est d'ailleurs pas trompé en retenant que le placement avait plus un caractère social que médical. Se poserait, dès lors, la question de l'adéquation du lieu de placement, ce que relève avec pertinence le recourant. Cette question n'a cependant pas besoin d'être tranchée vu la levée.
Reste qu'il appartiendra aux curateurs du recourant de tenter de lui trouver un lieu de vie dans les meilleurs délais. Pour ce faire, la libération du recourant sera ordonnée avec effet au 18 novembre 2024, de manière à permettre d'organiser un point de chute.
Les recours seront par conséquent admis dans la mesure de ce qui précède et le placement ordonné en faveur de A______ levé dès lors avec effet au
18 novembre 2024.
3. La procédure est gratuite (art. 22 al. 4 LaCC).
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La Chambre de surveillance :
A la forme :
Déclare recevables les recours formés les 10 et 28 octobre 2024 par A______ contre les ordonnances DTAE/7191/2024 et DTAE/7634/2024 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/29795/2018.
Au fond :
Lève avec effet au 18 novembre 2024 la mesure de placement à des fins d'assistance instituée en faveur de A______.
Dit que la procédure est gratuite.
Siégeant :
Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et
Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Barbara NEVEUX, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14