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Décisions | Chambre de surveillance

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C/308/1988

DAS/231/2024 du 04.10.2024 sur DTAE/1661/2024 ( PAE ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/308/1988-CS DAS/231/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU VENDREDI 4 OCTOBRE 2024

 

Recours (C/308/1988-CS) formé en date du 18 avril 2024 par Monsieur A______, domicilié ______ (Genève), représenté par Me Laïla BATOU, avocate.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 8 octobre 2024 à :

- Monsieur A______
c/o Me Laïla BATOU, avocate.
Rue des Pâquis 35, 1201 Genève.

- Madame B______
c/o Me C______, avocate.
______, ______ [GE].

- Monsieur D______
______, ______ [VD].

- Madame E______
______, ______ [GE].

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.


EN FAIT

A.           a) B______, née le ______ 1963, souffre depuis sa naissance d’un handicap moteur-cérébral ; elle est incapable de discernement et ne peut se passer de soins permanents. Elle vit au sein du foyer F______.

G______ et H______, parents de B______, sont demeurés ses représentants légaux au-delà de sa majorité.

A______ et D______, sont les frères de B______.

b) Par ordonnance DTAE/4416/2014 du 11 août 2014, le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : le Tribunal de protection) a maintenu la curatelle de portée générale ayant succédé, par l’effet de la loi, à l’autorité parentale prolongée prononcée en faveur de B______, l’a privée de l’exercice de ses droits politiques aux niveaux cantonal et communal, a relevé G______ et H______ de leurs fonctions de co-curateurs de leur fille et a désigné A______ aux fonctions de curateur de sa sœur.

c) Par ordonnance DTAE/6443/2017 du 8 décembre 2017, le Tribunal de protection a maintenu la curatelle de portée générale instituée en faveur de B______, relevé avec effet immédiat A______ de ses fonctions de curateur, désigné A______ et D______ aux fonctions de curateurs, confié à A______ les tâches d’assistance personnelle et de représentation dans le domaine médical et à D______ les autres domaines de la curatelle, notamment la représentation de la personne concernée dans ses rapports juridiques avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques, ainsi que la gestion de ses revenus et biens.

d) Par courrier du 26 mai 2023, la direction du foyer F______ a informé le Tribunal de protection de l’existence de « dysfonctionnements graves » dans les relations entre l’institution et les deux co-curateurs de B______. L’institution faisait état de comportements inadéquats, agressifs, de propos virulents et mensongers, d’un refus de collaborer et de s’accorder sur des principes de base (annonce des absences prévues par exemple), ce qui perturbait et influençait négativement le travail des équipes.

Le foyer F______ a joint à son courrier divers échanges intervenus avec les co-curateurs, soit plus particulièrement avec A______. Il en résulte notamment que ce dernier reprochait au foyer une prise en charge déficiente des résidents, en raison d’un effectif et d’une formation insuffisants. A______, dans un courrier adressé à I______, Président du conseil de la fondation F______, faisait état de « maltraitance systémique » au sein du foyer. Copie de ce courrier a été adressée à d’autres représentants légaux de personnes résidant au sein du foyer, ainsi qu’à divers députés du Grand-Conseil, Conseiller d’Etat, Conseiller national et autres membres du conseil de fondation.

Il ressort du dossier que les horaires de visite de A______ à sa sœur ont été limités et qu’il a été invité à annoncer à l’avance les sorties avec celle-ci, ce qu’il a interprété comme des mesures de rétorsion.

e) Par ordonnance du 31 mai 2023, le Tribunal de protection a nommé C______, avocate, en qualité de curatrice d’office de B______, son mandat étant limité à sa représentation dans la procédure civile pendante devant l’autorité de protection.

f) Dans un courrier du 30 juin 2023 adressé au Tribunal de protection, C______ exposait que selon les échanges qu’elle avait eus avec A______ et D______ et certains intervenants du foyer F______, les premiers avaient relevé des dysfonctionnements au sein de la structure d’accueil et ne se sentaient pas entendus par les responsables. Ces tensions avaient pour conséquence que le partenariat qui existait entre les curateurs et le foyer avait pris fin. Il était notamment reproché à A______, lorsqu’il prenait en charge sa sœur pour des sorties, de ne pas respecter les recommandations médicales concernant son alimentation, qui avaient pour but de lui éviter des fausses-routes. La curatrice de représentation recommandait une médiation entre les frères A______/D______ et les responsables du foyer F______.

g) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 3 juillet 2023.

A______ s’est montré réticent à entreprendre une médiation avec l’institution F______, dans la mesure où il n’y avait « pas de bonne foi ». D______ pour sa part y était disposé, à condition que la fondation F______ se remette en question.

Il est apparu, lors de l’audience, que l’un des problèmes entre A______ et la direction du foyer concernait l’alimentation que le premier donnait à sa sœur lorsqu’il la prenait en charge, qui n’était pas mixée (mais seulement « amaincie »), et pas épaissie s’agissant des liquides, contrairement aux repas qu’elle prenait au sein de l’institution. A______ a affirmé avoir constaté que sa sœur ne rencontrait aucune difficulté lorsqu’il lui donnait des aliments « amincis » et il ne pensait pas que la fondue (qu’il avait indiqué avoir mangée avec elle) puisse provoquer une fausse-route. Selon A______, les exigences du foyer sur ce point avaient pour seul but de le mettre en difficulté, afin de démontrer qu’il était un mauvais curateur. A______ a précisé n’avoir jamais eu de conflits ou tenu des propos vifs au sein de l’institution ; ce n’était qu’avec les membres de la direction qu’il avait pu avoir de tels échanges.

Selon la représentante du foyer, ce n’était pas ce dernier qui décidait du type de textures des aliments à donner aux résidents, mais les médecins. Or, les HUG, suite à un examen, avaient prescrit, pour B______, une alimentation à consistance lisse. A______ ne s’était par ailleurs pas présenté à deux rendez-vous aux HUG les 25 mai et 20 juin 2023 concernant sa sœur. L’intéressé a expliqué les raisons ponctuelles qui l’avaient empêché d’être présent ces jours-là.

Au terme de l’audience, le Tribunal de protection a exhorté A______ et D______ d’une part, ainsi que deux représentants du foyer F______, dont le Directeur général, à entreprendre une médiation, en indiquant qu’il allait leur recommander un médiateur, la suite de la procédure étant réservée.

Une liste des médiateurs civils assermentés a été transmise aux parties par le Tribunal de protection le 19 juillet 2023.

h) Le 5 septembre 2023, le Directeur général de F______ informait le Tribunal de protection de ce qu’il était sans nouvelles de A______ et D______ concernant le choix d’un médiateur.

Il a par ailleurs transmis au Tribunal de protection un courriel adressé par A______ à l’assistante de direction du foyer, dont la teneur est la suivante : « Sinon quoi ? Des menaces ? Vous être autant ridicule qu’inefficace. Votre emploi surnuméraire plombe avec d’autres postes directionnels les comptes de la fondation (un million et CHF 200'000 .- en deux ans, c’est dire l’inefficacité d’une équipe qui doit gérer une population captive, muette et surtout solvable) au détriment de la prise en charge de nos proches. Honte à vous. Au déplaisir de vous lire ».

i) Le 15 septembre 2023, la Dre J______ a fait parvenir au Tribunal de protection une compte-rendu de la situation de B______, qu’elle suivait depuis le mois de mai 2021. Elle a fait état de troubles de la déglutition, de fausses-routes y compris aux liquides, d’une incompétence labiale et de reflux gastro-œsophagien sévère, ce qui majorait les risques de fausses-routes, d’où la nécessité de repas mixés et d’un épaississement des liquides. En cas de non-respect des recommandations médicales, il existait un risque majeur de fausse-route, avec risque de broncho-aspiration et de pneumonie pouvant mettre en jeu la vie de la patiente, qui n’avait toutefois pas présenté de pneumonie depuis novembre 2020. Les curateurs minimisaient parfois les problèmes de santé de leur sœur (alimentation moins strictement suivie par exemple), mais avaient une bonne compréhension des explications fournies, « sous réserve de la composante émotionnelle ».

j) Dans un courrier adressé au Tribunal de protection le 21 septembre 2023, A______ mentionnait le fait qu’il cherchait, avec d’autres proches de résidents, à « constituer une base suffisamment solide pour être entendus dans le milieu politique », en raison du fait que la prise-en-charge des personnes en situation de handicap était très préoccupante dans le canton de Genève. Or, c’était précisément ce que le Président du conseil de fondation de F______ et le Directeur de cette institution cherchaient à empêcher à tout prix, « quitte à s’en prendre directement aux familles, comme c’était malheureusement notre cas ».

k) Constatant qu’aucune médiation n’avait été mise en œuvre, le Tribunal de protection a informé les parties et intervenants, par courrier du 12 octobre 2023, qu’il entendait poursuivre l’instruction visant un changement de curateur.

l) Par courrier du 7 novembre 2023 adressé au Tribunal de protection, la curatrice de représentation de B______ relevait que la relation tendue entretenue par A______ et D______ avec la direction et le personnel de l’institution F______ était défavorable à leur sœur, laquelle se retrouvait au centre d’un important conflit, ce qui pouvait mettre en péril son bien-être au sein de la structure. Les frères A______/D______ n’avaient pas l’intention de chercher une autre structure d’accueil pour leur sœur, F______ étant, selon eux, le seul lieu pouvant accueillir des personnes polyhandicapées. Le processus de médiation n’avait pas pu débuter, les parties n’étant même pas parvenues à trouver un médiateur sur la liste de ceux recommandés. La seule issue paraissait être la désignation d’un curateur neutre, externe à la famille, lequel serait en mesure d’avoir la distance suffisante pour gérer les biens de B______ et veiller à son bien-être.

m) Par courrier du 18 décembre 2023, D______ et A______ ont indiqué que leur sœur ne pouvait être soutenue par de meilleurs curateurs qu’eux-mêmes. Ils étaient attentifs aux informations reçues de l’équipe soignante de F______. Ce personnel de proximité avait toute leur confiance, qui était réciproque. Ils tenaient par ailleurs également compte des rapports médicaux des HUG. Ils étaient certes critiques quant à la manière dont la fondation F______ était dirigée et ils n’appréciaient pas particulièrement son Directeur et le Président du conseil de fondation. Leurs constats vis-à-vis de la direction étaient toutefois « politiques » et ils n’affectaient pas leur capacité et leur désir de prendre soin de leur sœur. Ils entretenaient de bons rapports avec les éducateurs et le personnel de soin, avec lesquels ils collaboraient quotidiennement.

B.            Par ordonnance DTAE/1661/2024 du 12 février 2024, le Tribunal de protection a libéré A______ de ses fonctions de curateur de portée générale de B______ pour les tâches relatives à l’assistance personnelle et à la représentation dans le domaine médical (chiffre 1 du dispositif), réservé l’approbation de son rapport final (ch. 2), désigné E______ aux fonctions de co-curatrice de portée générale au côté de D______ (ch. 3), confié à la curatrice les tâches suivantes : veiller au bien-être social de la personne concernée et la représenter pour tous les actes nécessaires dans ce cadre ; veiller à son état de santé, mettre en place les soins nécessaires et, en cas d’incapacité de discernement, la représenter dans le domaine médical (ch. 4), autorisé la curatrice à prendre connaissance de la correspondance de la personne concernée, dans les limites du mandat et avec la faculté de la faire réexpédier à l’adresse de son choix, et, si nécessaire, à pénétrer dans son logement (ch. 5), rappelé que D______ exerce les fonctions de co-curateur de portée générale avec pour tâches de représenter la personne concernée dans ses rapports juridiques avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques, ainsi que pour la gestion de ses revenus et biens (ch. 6) ; les frais ont été laissés à la charge de l’Etat (ch. 7).

En substance, le Tribunal de protection a retenu que A______ ne parvenait pas à collaborer avec l’institution F______, car il était obnubilé par le conflit qui l’opposait à la hiérarchie de ladite institution et se montrait extrêmement interprétatif à son égard. Il ne parvenait ainsi pas à distinguer ses revendications à l’encontre de l’institution, qu’il considérait comme étant « politiques », des relations qu’il devait entretenir, au quotidien, pour une bonne prise en charge de sa sœur au sein de l’établissement. Il perdait ainsi de vue les intérêts de cette dernière pour se concentrer uniquement sur le conflit qui l’opposait à l’institution. A titre d’exemple, il ne parvenait pas à s’entendre avec la fondation pour assister aux rendez-vous médicaux de sa sœur et n’avait pas pris au sérieux, pendant longtemps, la question de l’alimentation de celle-ci, pensant que les directives établies par les médecins étaient dirigées contre lui. Le médecin de B______ avait d’ailleurs relevé que les curateurs pouvaient minimiser les problèmes de santé de la concernée. Si cette mauvaise évaluation des risques était compréhensible au regard de l’implication émotionnelle des curateurs dans la relation avec leur sœur, elle posait problème lorsque le curateur chargé des aspects de santé ne tenait lui-même pas compte des recommandations médicales. Bien qu’il ait désormais affirmé mettre en œuvre les conseils des médecins, les agissements de A______ en lien avec l’alimentation de sa sœur étaient de nature à mettre directement en danger la santé de celle-ci et à « transmettre un message tronqué quant aux besoins médicaux de sa protégée ». La procédure de médiation proposée par le Tribunal de protection n’ayant pu être mise en œuvre, la situation n’évoluait pas et les intérêts de B______ en matière d’assistance personnelle et médicale n’étaient plus correctement préservés par son curateur, qu’il convenait de relever de ses fonctions.

D______ pour sa part ne présentait pas de difficultés particulières de collaboration et aucun manquement dans l’exercice de ses tâches n’avait été constaté, de sorte qu’il se justifiait de le maintenir dans ses fonctions.

C.           a) Le 18 avril 2024, A______ a formé recours contre cette ordonnance, concluant à son annulation et à sa réinstauration aux fonctions de curateur pourvu de la représentation médicale et assistance personnelle de B______, au côté de D______, co-curateur.

Préalablement, le recourant a conclu à être entendu et à l’audition de la Dre J______, de Me C______, de K______, L______, M______, N______, O______ et P______.

Le recourant a relaté les actions qu’il avait entreprises auprès de la direction de F______ et du conseil de fondation, en raison du constat de prise en charge déficiente des résidents. Ceux-ci étaient insuffisamment mobilisés durant la journée, installés pour la nuit dès 18h00 afin de soulager les équipes surmenées, ne sortaient pas à l’air libre parfois pendant plusieurs jours d’affilée et leur agitation était gérée par l’administration d’anxiolytiques ; des séances d’activité prescrites pour le renforcement musculaire étaient fréquemment annulées faute de personnel, les repas n’étaient pas suffisamment surveillés, induisant des risques de fausses-routes et des accidents ainsi que des erreurs médicales s’étaient produits. Le recourant a soutenu ne pas avoir été suffisamment écouté par la direction de F______ et le conseil de fondation. Selon le recourant, cette situation avait impacté le bien-être de sa sœur, qu’il avait plusieurs fois trouvée dans un état d’extrême agitation et d’anxiété.

Il a fait grief au Tribunal de protection de ne pas avoir investigué la légitimité des critiques qu’il avait formulées s’agissant des dysfonctionnements au sein du foyer de F______ et de ne pas avoir entendu les personnes dont il persistait à solliciter l’audition. Il s’est également plaint d’une violation de son droit d’être entendu. Il avait en effet été convoqué par le Tribunal de protection le 3 juillet 2023, sans connaître le contenu du signalement du Directeur du foyer de F______ à son encontre et malgré ses requêtes, il n’avait pas eu accès au dossier. Il n’avait par ailleurs eu connaissance du certificat de la Dre J______ qu’à la lecture de l’ordonnance attaquée et n’avait par conséquent pas pu l’interroger, ni formuler d’observations sur le contenu dudit certificat. Pour le surplus, il a soutenu qu’il n’était pas démontré que les critiques qu’il avait émises concernant le fonctionnement du foyer de F______ puissent nuire à la prise en charge de B______. Il était au contraire envisageable que les critiques qu’il avait émises entrent dans le cadre de ses devoirs de curateur, même si la manière de les formuler n’était peut-être pas « optimale ». Or, ses inquiétudes étaient importantes, compte tenu de certains événements survenus au sein du foyer de F______ (notamment chute d’un résident, personne épileptique laissée sans surveillance) et des articles parus dans la presse concernant le foyer de Q______ ; le fait que ses inquiétudes se soient heurtées à un mur avait contribué à les attiser et à nourrir son sentiment d’injustice. Il avait exercé ses fonctions de curateur pendant près de dix ans sans s’attirer le moindre reproche et la problématique liée à l’alimentation de sa sœur semblait être une préoccupation « de circonstance ». Aucun reproche n’avait, jusque-là, été formulé concernant sa disponibilité lors des rendez-vous médicaux. Il ne ressortait pas des faits établis qu’il serait inapte, pour un autre motif que ses désaccords avec la fondation, à veiller au bien-être social de sa sœur et à mettre en place les soins nécessaires. Il avait par ailleurs continué, pendant l’instruction de la cause, à se présenter aux bilans de santé de cette dernière et à s’entretenir avec ses médecins, sous réserve de deux occurrences ponctuelles. Les conditions permettant de le relever de ses fonctions de curateur n’étaient pas remplies. Par ailleurs, du fait de son implication auprès de sa sœur, il était en mesure d’identifier chez elle les signes d’un mal-être ou les besoins inexprimés, contrairement à un curateur externe, de sorte qu’un changement de curateur n’était pas dans son intérêt. Enfin, la direction du foyer F______ était sur le point de changer.

b) Le Tribunal de protection a persisté dans les termes de l’ordonnance attaquée.

c) Me C______ a indiqué que contrairement à ce que le recourant avait allégué, elle avait déposé des observations devant le Tribunal de protection. Des auditions avaient eu lieu et son associée l’avait excusée lors de l’audience devant ce même Tribunal. Elle s’est par ailleurs référée à ses observations et à ses conclusions prises devant le Tribunal de protection.

D. Il résulte d’informations relayées par la presse que l’actuel Directeur général de F______, R______, quittera son poste à la fin de l’année 2024.

EN DROIT

1. 1.1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet, dans les trente jours, d'un recours écrit et motivé, devant le juge compétent, à savoir la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 et al. 3 et 450b CC; art. 126 al. 3 LOJ; art. 53 al. 1 et 2 LaCC).

Ont qualité pour recourir les personnes parties à la procédure et les proches (art. 450 al. 2 ch. 1 CC). Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).

En l'espèce, le recours a été formé dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi, devant l'autorité compétente et par la personne placée sous curatelle.

Il est, partant, recevable.

1.1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC).

1.1.3 Les maximes inquisitoire et d'office sont applicables, en première et en seconde instance (art. 446 CC).

2. 2.1.1 Le droit d'être entendu - dont le respect doit être examiné en premier lieu - est une garantie constitutionnelle de nature formelle, dont la violation entraîne, par principe, l'annulation de la décision attaquée, sans égard aux chances de succès du recours au fond (ATF 135 I 279 consid. 2.6.1). Toutefois une violation - pas particulièrement grave - du droit d’être entendu peut exceptionnellement être guérie si l’intéressé peut s’exprimer devant une instance de recours ayant libre pouvoir d’examen en fait comme en droit (ATF 137 I 195 consid. 2.2 et 2.3.2).

2.1.2 En principe, il n’y a pas de débats devant la Chambre de surveillance de la Cour de justice, sauf en matière de placement à des fins d’assistance (art. 53 al. 5 LaCC).

2.2 Le recourant fait notamment grief au Tribunal de protection de ne pas lui avoir donné accès au dossier avant la première audience et de ne pas lui avoir communiqué l’attestation de la Dre J______. Même si ce grief était fondé, le recourant a toutefois pu prendre connaissance de la procédure par la suite et a pu faire valoir tous ses moyens devant la Chambre de céans, qui dispose d’un plein pouvoir d’examen. Par conséquent, une éventuelle violation du droit d’être entendu du recourant serait désormais guérie.

Pour le surplus, il n’appartenait pas au Tribunal de protection, dont ce n’est pas le rôle, d’instruire l’existence d’éventuels dysfonctionnements dans la gestion du foyer F______, de sorte qu’il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir procédé aux auditions souhaitées par le recourant.

Quoiqu’il en soit, cette question peut demeurer indécise, dans la mesure où le recours doit être admis pour les raisons qui vont suivre.

3. 3.1 A teneur de l'art. 423 CC, l'autorité de protection de l'adulte libère le curateur de ses fonctions s'il n'est plus apte à remplir les tâches qui lui sont confiées (al. 1 ch. 1) ou s'il existe un autre motif de libération (al. 1 ch. 2).

L'art. 423 CC permet la libération du mandataire indépendamment de sa volonté. Comme pour l'art. 445 al. 2 aCC, c'est la mise en danger des intérêts de la personne à protéger qui est déterminante et non le fait qu'il y ait eu un dommage ou non.

L'autorité de protection dispose d'un pouvoir d'appréciation étendu aussi bien lorsqu'elle examine l'aptitude du mandataire (art. 400 CC) que lorsqu'elle le libère pour inaptitude. La notion d'aptitude est relative et doit être appréciée par rapport aux tâches du mandataire. Le mandataire peut aussi être libéré de ses fonctions sur la base d'un autre juste motif. Dans ce cas également, l'accent sera mis sur les intérêts de la personne à protéger. Il sera aussi tenu compte de motifs axés plus nettement sur la confiance (ROSCH, CommFam, 2013, Protection de l'adulte, no 7-8 ad art. 423 CC).

L'application de l'art. 423 CC est gouvernée par le principe de proportionnalité. Les autorités de protection doivent exiger une sérieuse mise en danger des intérêts ou du bien-être de la personne protégée pour prononcer la libération du curateur. Dans le cadre de l'application de l'art. 423 al. 1 ch. 2 CC, on pense notamment à la grave négligence dans l'exercice du mandat, à l'abus dans l'exercice de sa fonction, à l'indignité du mandataire et de son comportement, à son défaut de paiement en particulier. Tous ces motifs doivent avoir pour résultante la destruction insurmontable des rapports de confiance ("unüberwindbare Zerrüttung des Vertrauensverhältnisses") (Fassbind, Erwachsenenschutz, 2012, p. 273; DAS/89/2015).

3.2 En l’espèce, le Tribunal de protection a été alerté par la Direction du foyer F______, qui faisait état de dysfonctionnements graves dans les relations entre l’institution et les co-curateurs de B______, en raison de comportements inadéquats, agressifs et mensongers de ceux-ci, ainsi que d’un refus de collaborer et de s’accorder sur des principes de base, en particulier l’annonce des absences prévues, ce qui perturbait et influençait négativement le travail des équipes.

Le dossier atteste en effet de désaccords entre le recourant et la direction du foyer F______, le premier ayant mis en cause la gestion de l’institution par la seconde dans des termes agressifs et inadéquats, à l’image du courriel adressé en septembre 2023 à l’assistante de direction du foyer, dont la teneur et le ton ne sont pas acceptables. Le recourant ne saurait se justifier en invoquant les articles de presse concernant le foyer de Q______ ou les inquiétudes qu’il nourrissait concernant sa sœur. Si les proches des résidents d’une institution peuvent certes adresser des requêtes à la direction ou lui faire part de leurs doléances, il leur appartient toutefois de maîtriser leurs émotions et leur langage.

L’attitude, certes déplaisante, du recourant à l’égard de la direction du foyer ne saurait toutefois justifier, à elle seule, de le libérer de ses fonctions de curateur. Encore faudrait-il pouvoir retenir, en raison de cette attitude, une mise en danger des intérêts de B______, ce que l’instruction du dossier n’a pas permis d’établir. Si la direction du foyer doit certes pouvoir collaborer avec les curateurs dans le cadre de la prise de décisions concernant leurs résidents, le présent dossier ne contient aucun élément permettant de considérer que des décisions importantes pour le bien-être ou la santé de B______ n’auraient pas pu être prises ou seulement tardivement en raison des différends existant entre le recourant et la direction du foyer. Il n’est pas davantage établi que le recourant se serait mal comporté à l’égard de l’équipe soignante, à savoir les personnes quotidiennement en contact avec B______, au détriment de celle-ci.

Par ailleurs, il convient de ne pas perdre de vue le fait que le recourant est certes le curateur de cette dernière, mais qu’il est également son frère. Or, il a été fait grand cas, dans le cadre de la procédure, du fait que le recourant ne respectait pas les consignes données par les médecins s’agissant de la consistance de l’alimentation et des boissons données à B______ lorsqu’il la prend en charge. Cette problématique ne sera toutefois pas réglée en retirant au recourant son mandat de curateur, puisqu’il continuera à passer du temps avec sa sœur hors de l’institution et à lui servir des repas. Ce point n’est par conséquent pas directement lié au mandat de curatelle, mais relève plutôt des liens familiaux qui unissent le recourant et la personne protégée, qui font qu’ils passent du temps ensemble hors de l’institution. Le Tribunal de protection ne saurait par conséquent se fonder sur cet élément pour relever le recourant de ses fonctions, étant relevé que la motivation selon laquelle il transmettrait « un message tronqué quant aux besoins médicaux de sa protégée » n’est pas clair.

Pour le surplus, rien ne permet de retenir que le recourant, en sa qualité de curateur, négligerait les tâches qui lui ont été confiées. Il était certes absent lors de deux rendez-vous médicaux, mais, à teneur de dossier, il s’agissait-là d’exceptions. Ainsi, aucun manquement mettant en péril les intérêts de la personne protégée ne peut lui être imputé.

Il est en outre dans l’intérêt de B______ de conserver le même curateur, qui est également son frère et qu’elle connaît depuis toujours. Un curateur extérieur à la famille saurait certes faire preuve de davantage de modération dans ses relations avec la direction du foyer, mais serait également moins empathique à l’égard de la personne protégée. Or, c’est l’intérêt de cette dernière qui doit primer.

Il résulte enfin des écritures du recourant qu’il semble avoir pris conscience du caractère inadéquat de ses interventions auprès de la direction de F______, ce qui permet d’espérer moins d’agressivité à l’avenir et un meilleur dialogue. Les changements qui interviendront prochainement au sein de la direction de l’institution donneront également la possibilité aux intéressés de repartir sur des bases plus saines.

Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et l’ordonnance attaquée annulée.

4. Les frais de la procédure, arrêtés à 400 fr., seront laissés à la charge de l’Etat de Genève compte tenu de l’issue de la procédure.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre l’ordonnance DTAE/1661/2024 rendue le 12 février 2024 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/308/1988.

Au fond :

Annule l’ordonnance attaquée.

Laisse les frais à la charge de l’Etat de Genève.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.