Décisions | Chambre de surveillance
DAS/219/2024 du 30.09.2024 sur DTAE/3174/2024 ( PAE ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
republique et | canton de geneve | |
POUVOIR JUDICIAIRE C/225/2021-CS DAS/219/2024 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU LUNDI 30 SEPTEMBRE 2024 |
Recours (C/225/2021-CS) formé en date du 31 juillet 2024 par Monsieur A______, domicilié c/o Madame B______, ______ (Genève), représenté par Me C______, avocat.
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Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 2 octobre 2024 à :
- Monsieur A______
c/o Me C______, avocat
______, ______.
- Madame D______
Madame E______
SERVICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Route des Jeunes 1C, case postale 107, 1211 Genève 8.
- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT.
A. a. A______, né le ______ 1981, connu pour un trouble bipolaire, a fait l’objet d’un placement à des fins d’assistance au sein de la Clinique de F______ par décision d’un médecin le 8 décembre 2020.
Cette mesure a été suspendue le 16 février 2021, à la condition que l’intéressé soit régulièrement suivi par le Centre Ambulatoire de Psychiatrie et Psychothérapie intégrée (CAPPI) et qu’il prenne son traitement.
b. A______ a fait l’objet d’un nouveau placement à des fins d’assistance à la Clinique de F______ le 6 juin 2023 et d’un nouveau sursis accordé par ordonnance du 11 juillet 2023, à condition qu’il soit suivi par le CAPPI et qu’il prenne régulièrement son traitement médicamenteux.
Il a toutefois dû être réhospitalisé le 24 juillet 2023.
c. En novembre 2023, son épouse, B______, a sollicité le prononcé du divorce. Le couple n’a pas d’enfant.
d. Selon un rapport du 17 janvier 2024, la police s’était rendue au domicile de A______ le 2 janvier 2024, sur appel du concierge de l’immeuble. Une inondation, provenant de l’appartement de A______, se propageait dans celui situé à l’étage inférieur. Les photographies prises à cette occasion montraient un appartement très encombré, voire saccagé. A______ a été conduit aux urgences psychiatriques.
e. Par décision DTAE/905/2024 du 12 février 2024, le Tribunal de protection a désigné Me C______, avocat, en qualité de curateur d’office de A______, son mandat étant limité à la représentation de celui-ci dans la procédure civile pendante devant l’autorité de protection.
f. Selon une attestation établie le 22 février 2024 par un médecin de la Clinique de F______, A______ pouvait, pendant ses périodes de décompensation, présenter une incapacité passagère de discernement. Durant lesdites périodes, il présentait des symptômes tels qu’une agitation psychomotrice, de l’irritabilité, des troubles du sommeil, une désorganisation idéo-comportementale et des idées délirantes. Au moment de la rédaction de cette attestation, l’état psychique du patient avait pu être stabilisé, de sorte qu’il n’était pas empêché d’assurer lui-même la sauvegarde de ses intérêts; il était apte à désigner un mandataire et s’il continuait de recevoir son traitement et de bénéficier d’un suivi psychiatrique, il pouvait contrôler les activités de celui-ci de façon appropriée à la sauvegarde de ses intérêts sur le moyen et le long terme. A______ ne présentait donc pas une incapacité durable de discernement.
g. Par courrier du 11 mars 2024, A______, représenté par son curateur de représentation, s’est opposé au prononcé d’une mesure de curatelle, considérant ne jamais avoir été dans une situation qui l’aurait empêché de prendre des décisions ou de veiller à ses intérêts. Il était au bénéfice d’un permis B (son permis dépendant de celui de son épouse), dépourvu de tout revenu et de tout logement.
Selon son curateur de représentation, A______ avait urgemment besoin d’être représenté dans le cadre de la procédure de divorce initiée par son épouse.
h. A______ a fait l’objet d’une nouvelle mesure de placement à des fins d’assistance, décidée par un médecin le 15 mars 2024.
i. Le Tribunal de protection a tenu une audience le 23 avril 2024.
A______, lequel était toujours hospitalisé à la Clinique de F______, a confirmé dépendre financièrement de son épouse, qui ne lui versait toutefois que 150 fr. par mois. Il était opposé au divorce, en raison de ses convictions religieuses. Il a admis aller « plus ou moins bien selon les périodes ». Il avait besoin de l’aide que le Tribunal de protection était prêt à lui offrir. Il souhaitait toutefois que le curateur ne prenne pas de décisions à sa place, même quand il serait moins bien.
Selon le médecin de la Clinique de F______ entendu lors de la même audience, A______ avait besoin d'aide pour effectuer ses démarches administratives, telles que celles liées à son permis de séjour. Bien que des indications lui permettant de contacter l’Hospice général et G______ lui aient été données, il n’avait pas été en mesure de « se débrouiller » par lui-même. Selon le médecin, une curatelle visant à le soutenir semblait nécessaire. Après sa précédente sortie de la Clinique de F______, A______ avait été hébergé dans un abri d’urgence durant quinze jours et avait rapidement décompensé à nouveau.
A l’issue de l’audience, la cause a été gardée à juger.
j. Par décision du 25 juillet 2024, le Tribunal de protection a étendu la curatelle de représentation en faveur de A______ à sa représentation dans la procédure de divorce initiée par son épouse et a désigné une juriste auprès du Service de protection de l’adulte aux fonctions de curatrice ad hoc, cette décision ayant été déclarée exécutoire nonobstant recours.
k. Selon ce qui ressort de la procédure, A______ est demeuré hospitalisé au sein de la Clinique de F______ jusqu’à fin juillet 2024 à tout le moins. Son intégration dans un appartement de l’Hospice général et la reprise d’un suivi au CAPPI étaient prévues.
l. L’extrait du registre des poursuites du 14 février 2024 fait état de plusieurs actes de défaut de biens pour des créances, respectivement, de 346 fr. 25, 1'288 fr. 90 et 1'296 fr. 95 en faveur d’une assurance et des HUG; A______ fait également l’objet d’un avis de saisie portant sur 200 fr., montant dont l’Etat de Vaud est le créancier.
B. Par ordonnance DTAE/3174/2024 du 23 avril 2024, le Tribunal de protection a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de A______ (chiffre 1 du dispositif), désigné deux intervenants en protection de l’adulte aux fonctions de curateurs, l’un pouvant se substituer à l’autre dans l’exercice du mandat (ch. 2), leur a confié les tâches suivantes : représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques ; gérer ses revenus et biens et administrer ses affaires courantes ; veiller à son bien-être social et la représenter pour tous les actes nécessaires dans ce cadre ; veiller à son état de santé et mettre en place les soins nécessaires (ch. 3), autorisé les curateurs à prendre connaissance de la correspondance de la personne concernée, dans les limites du mandat et avec la faculté de la faire réexpédier à l’adresse de leur choix, et, si nécessaire, à pénétrer dans le logement de la personne concernée (ch. 4), les frais judiciaires étant laissés à la charge de l’Etat (ch. 5).
En substance, le Tribunal de protection a retenu que A______ souffrait de troubles psychiques qui l’empêchaient d’assurer la sauvegarde de ses intérêts, de sorte qu’une mesure de protection apparaissait nécessaire.
C. a. Le 31 juillet 2024, A______, représenté par son curateur de représentation, a formé recours contre cette ordonnance, concluant à l’annulation des chiffres 1 à 4 de son dispositif et à ce qu’il soit dit qu’il n’y avait pas lieu d’instituer une mesure de protection en sa faveur. Préalablement, le recourant a conclu à ce qu’un rapport actualisé soit sollicité auprès des médecins de l’Unité H______ de la Clinique de F______ au sujet de sa situation, en les invitant à se prononcer sur la réalisation des conditions de l’art. 390 al. 1 CC et à ce qu’un rapport, portant sur les mêmes points, soit également sollicité auprès de l’Hospice général, soit I______.
Le recourant a allégué que son état s’était stabilisé et qu’il demeurait hospitalisé pour des raisons d’ordre social plutôt que médicales; il bénéficiait désormais des prestations de l’Hospice général, de sorte qu’il avait « un revenu propre », ce qui n’était pas le cas auparavant. Bien que ne contestant pas avoir besoin de soutien, il a exposé pouvoir s’appuyer, sur les plans social et administratif, sur une assistante sociale, en la personne de I______, du Centre d’action sociale (CAS) de J______, ainsi que sur une autre assistante sociale de l’Hospice général. Son état s’étant amélioré, il avait par ailleurs repris des activités telles que la peinture et la fréquentation de l’église. Il n’était par conséquent plus d’accord avec l’instauration d’une curatelle de représentation. Ses dettes étaient peu importantes et il ne souhaitait pas, pour des raisons « spirituelles », participer à la procédure de divorce initiée par son épouse.
Le recourant a fait grief au Tribunal de protection de ne pas avoir suffisamment motivé sa décision et d’avoir prononcé une mesure de curatelle alors que les conditions légales n’étaient pas remplies.
b. Le Tribunal de protection a persisté dans les termes de l’ordonnance litigieuse.
c. Par avis du 19 septembre 2024 du greffe de la Chambre de surveillance, le recourant a été informé de ce que la cause était gardée à juger.
1. 1.1.1 Les décisions de l'autorité de protection peuvent faire l'objet d'un recours (art. 450 al. 1 CC) dans les trente jours à compter de leur notification (art. 450b al. 1 CC), auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 53 al. 1 LaCC).
Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).
1.1.2 Interjeté en temps utile et selon la forme prescrite, par la personne concernée par la mesure, le recours est recevable.
1.2 Le recours peut être formé pour violation du droit, constatation fausse ou incomplète des faits pertinents et inopportunité de la décision (art. 450a al. 1 CC).
2. 2.1 En principe, il n’y a pas de débats devant la Chambre de surveillance de la Cour de justice, sauf en matière de placement à des fins d’assistance (art. 53 al. 5 LaCC).
2.2 Il ne sera pas donné suite à la requête préalable du recourant portant sur la sollicitation d’un rapport actualisé des médecins de l’Unité H______ de la Clinique de F______ et de l’Hospice général.
Il sera relevé, d’une part, que le recourant pouvait, s’il s’estimait fondé à le faire, solliciter directement de tels documents. D’autre part, le dossier apparaît suffisamment instruit pour qu’une décision puisse être rendue sans qu’il soit nécessaire d’ordonner des actes d’instruction supplémentaires.
3. 3.1 Les mesures prises par l'autorité de protection de l'adulte garantissent l'assistance et la protection de la personne qui a besoin d'aide (art. 388 al. 1 CC). Elles préservent et favorisent autant que possible son autonomie (art. 388 al. 2 CC).
L'autorité de protection de l'adulte ordonne une mesure lorsque l'appui fourni à la personne ayant besoin d'aide par les membres de sa famille, par d'autres proches ou par les services privés ou publics ne suffit pas ou semble a priori insuffisant (art. 389 al. 1 ch. 1 CC).
Une mesure de protection de l'adulte n'est ordonnée par l'autorité que si elle est nécessaire et appropriée (art. 389 al. 2 CC).
Selon l'art. 390 CC, l'autorité de protection de l'adulte institue une curatelle, notamment lorsqu'une personne majeure est partiellement ou totalement empêchée d'assurer elle-même la sauvegarde de ses intérêts en raison d'une déficience mentale, de troubles psychiques ou d'un autre état de faiblesse qui affecte sa condition personnelle (ch. 1).
3.2.1 En l’espèce, le recourant fait grief au Tribunal de protection de ne pas avoir suffisamment motivé la décision querellée. La motivation contenue dans cette dernière est certes sommaire; il n’en demeure pas moins que le Tribunal a considéré que le recourant souffrait de troubles psychiques qui l’empêchaient d’assurer la sauvegarde de ses intérêts, de sorte qu’il avait besoin d’une mesure de protection. Cette motivation est claire et suffisante; elle a été comprise par le recourant.
Ce premier grief est dès lors infondé.
3.2.2 Pour le surplus, il résulte de la procédure que le recourant souffre de troubles psychiatriques. Ceux-ci ont nécessité, durant les dernières années, plusieurs hospitalisations, parfois de longue durée. Si l’état du recourant est aujourd’hui stabilisé, il n’en demeure pas moins qu’il est fragile. Il résulte également de la procédure que le recourant a besoin d’aide pour effectuer les démarches administratives le concernant, ce qu’il ne conteste pas. Une procédure de divorce étant en cours, il ne peut désormais plus compter sur le soutien de son épouse, avec laquelle il ne fait plus ménage commun. N’ayant pas d’autres proches sur lesquels s’appuyer, il ne peut compter que sur les assistants sociaux. Or, si ceux employés par l’Hospice général et les divers centres d’action sociale sont en mesure de fournir une aide ponctuelle, ils ne sauraient gérer, de manière continue, les affaires administratives du recourant, notamment lorsqu’il est hospitalisé. Dès lors, la mesure de curatelle instaurée par le Tribunal de protection permettra d’assurer un suivi régulier des intérêts du recourant, sans qu’il ait besoin de s’en soucier, ce qui lui permettra de se concentrer sur sa santé et ses activités quotidiennes, sans prendre le risque de se voir notifier de nouvelles poursuites, quand bien mêmes celles-ci sont peu nombreuses en l’état.
La curatelle instaurée par le Tribunal de protection sera par conséquent intégralement confirmée.
S’il devait s’avérer, dans les prochains mois, que le recourant est parfaitement en mesure de gérer seul ses affaires, ce qu’il lui appartiendra d’établir, le Service de protection de l’adulte en informera le Tribunal de protection, qui pourra lever la mesure. En l’état, une telle décision apparaîtrait prématurée.
Infondé, le recours sera rejeté.
3.2.3 La Chambre de surveillance n’est pas en mesure de se prononcer sur l’opportunité de la mesure de curatelle instaurée afin de représenter le recourant dans la procédure de divorce pendante devant le Tribunal de première instance. En effet, cette mesure n’a pas été instaurée par l’ordonnance du 23 avril 2024 objet de la présente procédure de recours, mais par une ordonnance du 25 juillet 2024, laquelle ne semble pas avoir été contestée.
4. Les frais judiciaires de la procédure, en 400 fr., seront mis à la charge du recourant, qui succombe; ils seront compensés avec l’avance de frais de même montant, qui reste acquise à l’Etat de Genève.
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La Chambre de surveillance :
A la forme :
Déclare recevable le recours formé par A______ contre l’ordonnance DTAE/3174/2024 rendue le 23 avril 2024 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/225/2021.
Au fond :
Le rejette.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires de la procédure à 400 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l’avance de frais versée, qui reste acquise à l’Etat de Genève.
Siégeant :
Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.