Aller au contenu principal

Décisions | Chambre de surveillance

1 resultats
C/17221/2004

DAS/170/2024 du 25.07.2024 sur DTAE/5119/2024 ( PAE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17221/2004-CS DAS/170/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU JEUDI 25 JUILLET 2024

 

Recours (C/17221/2004-CS) formé en date du 16 juillet 2024 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève).

Recours (C/17221/2004-CS) formé en date du 19 juillet 2024 par Madame B______ et Monsieur C______, tous deux représentants du Service de protection de l’adulte, p.a. Route des Jeunes 1C, case postale 107, 1211 Genève 8.

 

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 26 juillet 2024 à :

- Madame A______
______, ______ [GE].

- Madame B______
Monsieur C______
SERVICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Route des Jeunes 1C, case postale 107, 1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A. a. A______ est connue pour un trouble délirant persistant grave et chronique notamment à caractère hypocondriaque, auquel s’associent des comportements réactionnels marqués par des revendications répétées, des harcèlements et des agissements procéduriers envers les différents professionnels et autorités intervenant dans sa situation.

Elle a été amenée, à plusieurs reprises, à des passages à l’acte hétéro-agressif ayant justifié son hospitalisation en milieu psychiatrique, sur rupture de traitement, étant relevé qu'elle est anosognosique.

b. Le 11 juin 2024, le Service de protection de l'adulte (ci‑après : SPAd) a dénoncé A______ au Ministère public pour menaces de mort à l'encontre de sa curatrice.

Le même jour, le SPAd a informé le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection) que, selon sa curatrice, A______ était en rupture de soin avec le Centre Ambulatoire de Psychiatrie et Psychothérapie Intégrée (CAPPI) et n'avait plus de traitement.

c. Par ordonnance DTAE/4011/2024 du 12 juin 2024, le Tribunal de protection a ordonné, sur mesures superprovisionnelles, le placement à des fins d’assistance de A______ au sein de la Clinique de D______.

d. Par ordonnance DTAE/4042/2024 du 12 juin 2024, le Tribunal de protection a en outre ordonné l’expertise psychiatrique de la précitée.

e. Par courrier du même jour au Tribunal de protection, A______ a sollicité "la levée totale de la curatelle de portée générale" prononcée à son encontre.

f. Par courriel daté du 8 juillet 2024 au Tribunal de protection, elle a sollicité la levée de la mesure de placement à des fins d’assistance prononcée à son égard.

g. Il ressort du rapport d’expertise du 10 juillet 2024 établi par la Dre E______, psychiatre psychothérapeute FMH, et le Dr F______, médecin chef de clinique, que A______ présente, au premier plan, des idées délirantes de persécution en réseau, ciblées sur les autorités suisses qui seraient les persécuteurs dans sa vie, que la temporalité est chronique et que ceci est associé à une forte réaction émotionnelle, amenant la personne concernée à réagir fortement, parfois de manière agressive et que des éléments hypocondriaques sont également présents.

L'expertisée présente une anosognosie de son trouble délirant, actuellement symptomatique.

Il ressort également dudit rapport qu’un traitement psychotique régulier est nécessaire pour assurer la qualité de vie de l'expertisée et que le seul moyen pour elle de conserver une stabilité psychique est un traitement par dépôt via une imposition dans le cadre d’un placement à des fins d’assistance ou d’un sursis de ce placement. L’état de santé psychique de A______ nécessite une hospitalisation afin que le traitement par dépôt puisse être mis en place et que le suivi en ambulatoire puisse être organisé pour sa sortie. En l’absence d’hospitalisation et de traitement par dépôt, l'expertisée risquerait de présenter une péjoration de son état de santé, les idées délirantes, déjà très envahissantes, risqueraient de prendre toute la place dans sa vie et de l’amener à perpétuer de manière incessante ses revendications au point d’avoir des comportements hétéro-agressifs envers ceux qu’elle estime être ses persécuteurs. Le risque auto-agressif ne doit pas être négligé.

h. Lors de l'audience devant le Tribunal de protection dans sa composition pluridisciplinaire du 16 juillet 2024, A______ s'est opposée à un traitement par dépôt et a, dans un premier temps, déclaré être d’accord de prendre ses traitements médicamenteux, soit le Rexulti (1mg) qui lui faisait du bien. Dans un second temps, elle a affirmé ne pas être d’accord avec le traitement médicamenteux.

Le Dr G______ a exposé qu'il avait été observé depuis mi-juin, date d'hospitalisation de A______, que son système de pensées était extrêmement systématisé. Tout revenait vers la curatelle et le fait d'être bafouée dans ses droits et de ne pas être entendue. Un traitement pour l'apaiser avait été introduit. Il avait été renoncé aux traitements trop sédatifs, et le Rexulti lui avait été administré, lequel lui convenait bien. Il n'avait alors plus constaté de troubles du comportement. Les neuroleptiques n'étaient pas adaptés à la situation de A______. Il fallait diminuer son impulsivité et mettre en place une thérapie qui pourrait l'aider à travailler autour de ses complexes et l'entendre dans ses demandes. Si elle ne prenait pas son traitement per os, il faudrait introduire le dépôt. Un passage infirmier quotidien pour s'assurer de la prise du médicament était envisagé. Actuellement, A______ ne présentait plus de troubles du comportement, ni de risques hétéro-agressifs ou auto-agressifs et il ne se justifiait plus qu’elle soit hospitalisée.

i. Par ordonnance DTAE/5119/2024 du 16 juillet 2024, le Tribunal de protection a confirmé le placement à des fins d’assistance ordonné par décision sur mesures superprovisionnelles DTAE/4011/2024 du 12 juin 2024, en la Clinique de D______, en faveur de A______, née le ______ 1975, originaire de H______ (GE) (ch. 1 du dispositif), cela fait, sursis à l’exécution du placement à des fins d’assistance (ch. 2), soumis le sursis aux conditions de suivi thérapeutique régulier auprès du CAPPI I______, de prise du traitement médicamenteux prescrit par le CAPPI I______, de collaboration effective avec une institution d’aide et de soins à domicile (IMAD ou autre prestataire) visant à assurer la prise du traitement médicamenteux prescrit, à raison d’un passage infirmier quotidien à domicile (ch. 3), invité les curateurs de la personne concernée ainsi que les médecins du CAPPI I______ à l’informer de tout fait nouveau pouvant justifier la révocation du sursis ou la levée définitive du placement ainsi que tout changement de thérapeute (ch. 4), rappelé que l'ordonnance était immédiatement exécutoire nonobstant recours et que la procédure était gratuite (ch. 5 et 6).

j. Le même jour, A______ a écrit au Tribunal de protection pour se plaindre qu'on lui imposait des médicaments qui la faisaient grossir et qu'on l'empêchait de prendre des probiotiques ce qui lui éviterait une nouvelle hospitalisation.

B. a. Le 16 juillet 2024, A______ s'est adressée au Tribunal de protection pour solliciter "la levée de curatelle de portée générale" ou, à défaut, "son expatriation en Espagne".

Elle a également demandé à la Chambre de surveillance "la levée de curatelle" et l'annulation de l'obligation de soins.

b. Par acte du 19 juillet 2024 adressé à la Chambre de surveillance, le SPAd a également formé recours contre l'ordonnance DTAE/5119/2024 du 16 juillet 2024, concluant à son annulation et à la confirmation du PAFA prononcé le 12 juin 2024 en la Clinique de D______, en faveur de A______. Il a exposé qu'à ce jour, le traitement par dépôt préconisé n'avait pas été administré, puisque le traitement était suivi per os uniquement.

c. La juge déléguée de la Chambre de surveillance a tenu une audience le 23 juillet 2024.

A______ a déclaré qu'elle était d'accord de suivre son traitement pendant deux ou trois semaines, mais pas davantage à cause des effets secondaires importants. Elle avait besoin de probiotiques, achetés en France, pour soigner sa candidose, responsable de ses troubles, ce que la curatrice l'empêchait de faire. Elle s'était rendue au CAPPI mais la psychiatre rencontrée l'avait empêchée de parler et s'était montrée déloyale. Elle avait rendez-vous le lendemain avec une autre médecin, la Doctoresse J______, à la rue 1______. Elle recevait de l'aide quotidienne pour ses repas et ses soins pour la candidose, non pas de l'IMAD mais de K______ SA. Elle était disposée à porter un bracelet électronique pour parer à tout risque ou menace à l'encontre de sa curatrice. Elle était capable d'adapter son traitement en fonction de ses besoins, alors qu'une injection avait un effet linéaire qui ne lui convenait pas du tout. Elle n'avait jamais agressé personne, mais avait proféré des menaces. Elle avait lancé quelques petits objets mais jamais donné de coup de poing.

La curatrice a exposé que la situation de A______ se péjorait depuis l'arrêt du traitement suite à la dernière hospitalisation en 2022. En fait de "petits objets" lancés, la précitée avait brisé toutes les fenêtres du Tribunal de protection, de l'IMAD et de la permanence des avocats avec un marteau. A______ prenait jusqu'à cinquante comprimés de médicaments naturels par jour, dont des probiotiques. La curatrice a relevé que la précitée était "très en forme", alors qu'elle disait avoir pris deux comprimés des médicaments prescrits par les médecins.

Le Dr L______, entendu comme témoin, n'a pas été délié de son secret médical par A______. C'est lui qui avait reçu celle-ci lors de son entrée à D______, avant qu'elle ne soit transférée à l'Unité M______. La précitée était opposée à son hospitalisation qu'elle jugeait inadaptée à sa situation.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge compétent (art. 450 al. 1 CC). Dans le domaine du placement à des fins d'assistance, le délai de recours est de dix jours à compter de la notification de la décision entreprise (art. 450b al. 2 CC). Le recours formé contre une décision prise dans le domaine du placement à des fins d'assistance ne doit pas être motivé (art. 450e al. 1 CC).

En l'espèce, les recours ont été formés dans le délai utile de dix jours et devant l'autorité compétente (art. 72 al. 1 LaCC). Ils sont donc recevables à la forme.

2. 2.1 En application de l'art. 426 al. 1 CC, une personne peut être placée dans une institution appropriée lorsqu'en raison de troubles psychiques, d'une déficience mentale ou d'un grave état d'abandon, l'assistance ou le traitement nécessaires ne peuvent lui être fournis d'une autre manière, l'art. 429 al. 1 CC prévoyant par ailleurs que les cantons peuvent désigner des médecins qui, outre l'autorité de protection de l'adulte, sont habilités à ordonner un placement dont la durée est fixée par le droit cantonal.

La loi exige la réalisation de trois conditions cumulatives à ce type de placement, à savoir une cause de placement (troubles psychiques, déficience mentale ou grave état d'abandon), un besoin d'assistance ou de traitement ne pouvant lui être fourni autrement et l'existence d'une institution appropriée permettant de satisfaire les besoins d'assistance de la personne placée ou de lui apporter le traitement nécessaire (MEIER/LUKIC, Introduction au nouveau droit de la protection de l'adulte, p.302, n. 666).

Les troubles psychiques précités englobent toutes les pathologies mentales reconnues en psychiatrie, d'origine physique (exogènes, organiques, symptomatiques) ou non (endogènes) : psychoses, psychopathies ayant des causes physiques ou non, démence. Les dépendances, telles que la toxicomanie, l'alcoolisme ou la pharmacodépendance, relèvent du trouble psychique [Message du Conseil fédéral concernant la révision du code civil suisse (Protection de l'adulte, droit des personnes et droit de la filiation) du 28 juin 2006,
FF 2006 6676].

En outre, un placement doit être nécessaire et approprié (art. 389 al. 2 CC par analogie) et la loi prévoit par ailleurs qu'il peut être sursis pendant deux ans au plus à l'exécution d'une telle mesure de placement, moyennant le respect de conditions posées par le juge (art. 57 al. 1 LaCC).

Un tel sursis peut enfin être révoqué lorsque ses conditions ne sont pas observées par la personne faisant l'objet de la mesure moins incisive ordonnée (art. 57 al. 1 LaCC).

2.2 En l'espèce, le placement ordonné n'est pas remis en cause, seul le sursis, respectivement les conditions de celui-ci, font l'objet de griefs.

Il ressort des éléments du dossier, ainsi que de l'ordonnance prononcée par le Tribunal de protection et faisant l'objet du présent recours, que la recourante souffre de troubles psychiques qui l'amènent, en phase de décompensation, à de graves actes hétéro-agressifs en visant des objets et constructions tels que l'endommagement des locaux du Tribunal au moyen d'un marteau ou encore de plusieurs menaces de mort à l'encontre de ses curateurs et du directeur du SPAd.

Il est manifeste, comme l'a retenu le Tribunal, que l'état clinique de la recourante demeure fragile, compte tenu notamment du risque de rupture de soins. A cet égard, il apparaît que celle-ci continue de prendre le traitement prescrit, mais de manière irrégulière et à sa guise. Le passage d'un infirmier pour contrôler la prise de médicament n'a pas (encore) été mis en place. En revanche, la recourante s'est rendue au CAPPI et a fait appel à K______ SA, respectant en cela les conditions au sursis du placement. Elle a pris rendez-vous chez un psychiatre de son choix. Aucun signalement que les conditions posées dans l'ordonnance entreprise ne seraient pas respectées n'a été adressé au Tribunal de protection par les différents intervenants.

Le médecin entendu par le Tribunal de protection a déclaré que les conséquences des troubles de l’intéressée s'étaient réduites, de sorte que la mise en danger en résultant avait pour le moment disparu, et qu’une sortie ne présentait plus de risque immédiat de détérioration de son état.

Il ressort des déclarations de la recourante à l'audience devant la Chambre de céans, que la situation ne s'est pas véritablement modifiée depuis le prononcé de l'ordonnance entreprise. Les actes hétéro-agressifs mentionnés par la curatrice sont anciens. La position de la recourante au sujet du traitement médicamenteux est ambivalente, puisqu'elle soutient qu'elle avait besoin essentiellement de probiotiques, mais affirme prendre les médicaments prescrits lorsqu'elle en ressent le besoin.

Au vu de ces différents éléments, la décision rendue par le Tribunal de protection, qui a sursis à l'exécution du placement dans l’attente de déterminer si la situation se stabilisera, en imposant le respect de conditions visant à consolider les progrès accomplis, à savoir un suivi thérapeutique ainsi qu'une adhésion au traitement médicamenteux prescrit, sera confirmée.

Il paraît en effet à tout le moins prématuré de révoquer le sursis prononcé, alors qu'il n'est pas établi que la recourante ne se soumettrait pas du tout aux conditions posées, aucun signalement n'ayant été fait en ce sens par les intervenants.

L'ordonnance entreprise sera ainsi confirmée.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 16 juillet 2024 par A______ contre l'ordonnance DTAE/5119/2024 rendue le 16 juillet 2024 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/17221/2004.

Déclare recevable le recours formé le 19 juillet 2024 par le Service de protection de l'adulte contre cette ordonnance.

Au fond :

Rejette ces recours.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente ad interim; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.