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Décisions | Chambre de surveillance

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C/15473/2023

DAS/119/2024 du 27.05.2024 sur DTAE/718/2024 ( PAE ) , PARTIELMNT ADMIS

Normes : CC.400.al1; CC.401
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15473/2023-CS DAS/119/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 27 MAI 2024

 

Recours (C/15473/2023-CS) formés en date du 19 février 2024 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève), d'une part, et le 27 février 2024 par Monsieur B______, domicilié c/o [Hôtel] C______, sis ______ (Genève), représenté par Me D______, avocat, d'autre part.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 28 mai 2024 à :

- Madame A______
______, ______ [GE].

- Monsieur B______
c/o Me D______, avocat
______, ______ [GE].

- Maître E______
______, ______ [GE].

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.              a. Le 25 juillet 2023, A______ s’est adressée au Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après: le Tribunal de protection), afin de solliciter le prononcé d’une mesure de curatelle en faveur de son fils B______, né le ______ 1996, célibataire, lequel était dépendant à la cocaïne et à l’alcool. Il avait été détenu du 24 janvier au 3 juillet 2023, à la suite de quoi elle n’avait plus eu de ses nouvelles et avait annoncé sa disparition à la police. Il s’était avéré que B______ était à Genève et qu’il consommait du crack. Il avait hérité de son père, décédé fin ______ 2023, une somme de 268'000 fr. et avait dépensé 35'000 fr. en trois semaines.

b. Par décision du 27 juillet 2023, le Tribunal de protection a désigné D______, avocat, en qualité de curateur d’office de B______, son mandat étant limité à sa représentation dans la procédure pendante devant lui.

c. Il résulte d’un extrait du registre des poursuites du 27 juillet 2023 que B______ faisait l’objet d’une seule poursuite, pour 1'030 fr., initiée par le Service des contraventions.

d. Par ordonnance du 3 août 2023, le Tribunal de protection, statuant sur mesures superprovisionnelles, a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de B______, désigné E______, avocat, aux fonctions de curateur, lui a confié les tâches suivantes: représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques; gérer ses revenus et biens et administrer ses affaires courantes; veiller à son bien-être social et la représenter pour tous les actes nécessaires dans ce cadre; veiller à son état de santé, mettre en place les soins nécessaires. Le Tribunal de protection a par ailleurs privé B______ de l’accès à son compte bancaire auprès de [la banque] F______, et a autorisé le curateur à prendre connaissance de sa correspondante, dans les limites du mandat et, si nécessaire, à pénétrer dans son logement.

e. Par courrier du 4 septembre 2023, le curateur de représentation de B______ a informé le Tribunal de protection de ce qu’il s’était entretenu avec A______. Celle-ci avait rencontré son fils, auquel elle avait remis à deux reprises une somme de 1'500 fr. afin qu’il rembourse les dettes contractées à la suite de l’achat de drogue. Le premier montant avait prétendument été égaré; le second aurait permis de désintéresser les créanciers. A______ s’était sentie contrainte d’agir de la sorte, puisque son fils portait les traces d’une agression dont il avait été victime. B______ ne souhaitait pas rencontrer ses curateurs. Il avait par contre à nouveau rendez-vous avec sa mère.

f. Le Tribunal de protection a tenu une audience le 20 septembre 2023, à laquelle B______ ne s’est pas présenté.

E______ a expliqué que son assistante ou lui-même, avait rencontré à trois reprises B______ en son étude, lequel était venu chercher son argent de poche, soit la somme de 250 fr. par semaine. L’intéressé s’était montré vague s’agissant de son lieu de vie et, en liberté conditionnelle, il n’avait honoré aucun des trois rendez-vous fixés dans ce cadre. Son épargne ne s’élevait plus qu’à 160'000 fr. environ.

A______ a expliqué que voyant son fils dilapider son argent, elle avait retiré 20'000 fr. de son compte pour les mettre à l’abri, somme qu’elle allait restituer puisque le compte était désormais bloqué. Elle avait en outre payé 19'000 fr. à l’administration fiscale, ainsi que quelques factures.

g. Par ordonnance du 20 septembre 2023, le Tribunal de protection a confirmé les mesures prononcées à titre superprovisionnel le 3 août 2023.

h. Par courrier du 13 octobre 2023, E______ a sollicité que la mesure de protection prononcée en faveur de B______ soit étendue aux soins médicaux. Ce dernier allait devoir purger une peine de prison et ne semblait pas avoir l’intention de se soumettre à son obligation de suivre une thérapie, ordonnée par le Tribunal d’application des peines et mesures; il consommait des stupéfiants de manière importante et régulière, avait des fréquentations malsaines et se mettait en danger. Il convenait par conséquent également de limiter l’exercice de ses droits civils en matière contractuelle. E______ affirmait par ailleurs avoir discuté avec A______, laquelle acceptait, compte tenu de sa situation « en porte-à-faux », que la curatelle de soins soit confiée au curateur.

i. Par ordonnance du 18 octobre 2023, le Tribunal de protection, statuant sur mesures provisionnelles, a étendu le mandat de curatelle de représentation institué en faveur de B______ à la représentation dans le domaine médical en cas d’incapacité de discernement, les tâches y relatives ayant été confiées à E______. Le Tribunal de protection a également limité l’exercice des droits civils de B______ en matière contractuelle et de gestion de son patrimoine.

j. Le 22 octobre 2023, A______ a sollicité du Tribunal de protection qu’il la désigne curatrice de son fils B______. Depuis le mois d’août 2023, ce dernier avait repris contact avec elle et leur entente était très bonne. E______ n’était pas parvenu à créer un lien avec B______ avant la mise en détention de celui-ci, qui allait durer plusieurs mois. A______ a également précisé que son fils n’ayant jamais été indépendant financièrement, elle s’était toujours occupée de ses factures et avait veillé à son bien-être. Elle était parvenue à solliciter l’aide du Tribunal de protection et était intervenue plusieurs fois auprès du Service d’application des peines et mesures lorsqu’elle n’avait plus été capable d’assurer la sécurité de son fils. Il lui paraissait important de préserver au mieux le capital de B______, afin qu’il puisse se faire soigner dans une clinique aussi longtemps que nécessaire et se réinsérer; elle assumerait gratuitement le rôle de curatrice.

k. Par courrier du 24 octobre 2023, B______ a soutenu la démarche de sa mère, indiquant ne pas avoir une bonne relation avec son curateur.

l. Dans un nouveau courrier adressé au Tribunal de protection le 4 novembre 2023, A______ a allégué avoir informé E______ de sa volonté de devenir la curatrice de son fils. A partir de ce moment-là, elle avait eu beaucoup de difficultés à le contacter. Afin de mettre son fils en sécurité (il avait été agressé à plusieurs reprises et s’était fait voler ses affaires), elle lui avait loué une chambre d’hôtel. Elle avait donné son accord pour que E______ soit désigné curateur également dans le domaine médical, car il lui avait expliqué qu’elle se trouverait « en porte-à-faux ». Il était toutefois évident que E______ n’avait pas le temps de s’occuper de B______, de sorte qu’elle demandait à être désignée curatrice sur les plans financier, médical et civil.

m. Le Tribunal de protection a tenu une audience le 29 novembre 2023.

B______ a expliqué que les choses se passaient plutôt bien en détention: il était abstinent et s’était remis au sport. Il avait pour projet de partir en Espagne après sa libération. Il souhaitait que la curatelle soit confiée à sa mère.

A______ a persisté dans ses conclusions. Elle considérait être la personne qui connaissait le mieux son fils et la plus disponible pour lui. Elle avait toujours « tout fait » pour son fils; elle payait ses factures et s’occupait de sa déclaration fiscale.

D______ a exprimé sa crainte du conflit de loyauté dans lequel se trouverait A______ pour garder le lien avec son fils. Or, celui-ci lui avait avoué que s’il ne quittait pas Genève, il risquait de replonger dans la toxicomanie. Les mêmes propos ont également été rapportés par E______.

Au terme de l’audience, un délai au 15 décembre a été imparti aux parties afin de formuler leurs éventuelles observations; la cause serait ensuite mise en délibérations.

n. Le 12 décembre 2023, A______ a confirmé au Tribunal de protection sa volonté d’être désignée curatrice de son fils. Elle était consciente du fait que son fils risquait de replonger dans la toxicomanie après sa sortie de prison. Elle considérait toutefois qu’elle saurait se montrer stricte, tout en étant là pour le soutenir dans ses démarches médicales et administratives, comme elle l’avait fait jusque-là. Ainsi, si son fils avait été contraint de voler pour se procurer de la cocaïne, c’est parce qu’elle avait refusé de lui donner de l’argent. Son fils n’avait aucune confiance en E______, qu’il n’avait vu qu’à cinq reprises, en comptant l’audience du 29 novembre 2023.

o. Selon D______, il convenait de « donner acte » à A______ de ce qu’elle était la personne la mieux placée pour sauvegarder les intérêts de son fils B______ et qu’elle saurait, au besoin et pour son bien, aller contre sa volonté. La problématique du conflit de loyauté avait été exposée, mais mère et fils l’avaient exclue. Pour le surplus, A______ (assistante scientifique chez G______), présentait les qualités requises pour être désignée curatrice.

p. E______ s’est également prononcé.

Il ne faisait aucun doute que A______ avait toujours agi de manière bienveillante à l’égard de son fils, en s’occupant notamment de la gestion de ses affaires administratives et financières. En juillet 2023, elle avait toutefois effectué un signalement auprès du Tribunal de protection, sollicitant l’instauration d’une mesure de curatelle en faveur de son fils, dans la mesure où elle s’était sentie démunie face à la situation dans laquelle il se trouvait. Il lui avait expliqué le risque d’un conflit de loyauté, voire de conflit d’intérêts, si par exemple elle devait céder aux sollicitations de son fils visant à obtenir davantage d’argent. A titre d’exemple, en septembre 2023, elle avait, sans consulter au préalable E______, acheté pour B______ des vêtements, une trottinette électrique et lui avait payé plusieurs nuits d’hôtel. Elle avait ensuite envoyé les factures à E______, sollicitant leur remboursement. E______ avait ensuite appris que B______ avait été expulsé de l’hôtel au motif qu’il fumait dans la chambre et que la trottinette aurait été volée. A______ se trouvait par conséquent dans une position délicate pour exercer le mandat de curatelle, qui risquait de ternir les bonnes relations qu’elle entretenait avec son fils. A______ pouvait toutefois être désignée co-curatrice en matière de soins médicaux, afin qu’elle puisse être impliquée et participer aux décisions à prendre en faveur de son fils.

B.              Par ordonnance DTAE/718/2024 du 10 janvier 2024, le Tribunal de protection a confirmé la mesure de curatelle de représentation et de gestion instituée en faveur de B______ (chiffre 1 du dispositif), confirmé E______ dans ses fonctions de curateur (ch. 2), désigné A______ en qualité de co-curatrice (ch. 3), confié à E______ les tâches suivantes: représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques; gérer ses revenus et biens et administrer ses affaires courantes (ch. 4), confié à E______ et A______ les tâches suivantes: veiller au bien-être social de la personne concernée et la représenter pour tous les actes nécessaires dans ce cadre; veiller à son état de santé, mettre en place les soins nécessaires et, en cas d’incapacité de discernement, la représenter dans le domaine médical (ch. 5), confirmé la limitation de l’exercice des droits civils de la personne concernée en matière contractuelle et de gestion de son patrimoine (ch. 6), rappelé que la personne concernée était d’ores et déjà privée de l’accès à son compte bancaire auprès de [la banque] F______ dont le numéro et l’IBAN ont été mentionnés (ch. 7) et autorisé les curateurs à prendre connaissance de la correspondance de la personne concernée, dans les limites de leur mandat respectif et avec la faculté de la faire réexpédier à l’adresse de leur choix (ch. 8); le Tribunal de protection a enfin arrêté les frais judiciaires à 200 fr. et les a mis à la charge de la personne concernée (ch. 9).

Le Tribunal de protection a retenu, en substance, que A______ s’était déjà retrouvée une première fois dépassée par la situation de son fils, qu’elle avait tenté de gérer au mieux, en s’adressant à la Brigade des délits contre la personne. Cependant, si la situation semblait s’être quelque peu apaisée, c’était grâce à la mise en place de mesures judiciaires, qui avaient permis l’arrêt de la consommation de stupéfiants, de sorte que B______ n’avait plus eu à faire pression sur son entourage pour obtenir de l’argent. Il existait toutefois un risque important que l’intéressé ne replonge dans la toxicomanie une fois sorti de prison. Dans un tel cas, le lien existant entre sa mère et lui risquait d’être mis à mal par les pressions qu’il ferait pour accéder à son argent, alors qu’il était impératif que ce lien soit à tout prix préservé. Il convenait par conséquent qu’un tiers neutre se charge de ses affaires administratives, juridiques et financières, de manière à éviter toute dépense inconsidérée et éviter de placer A______ dans une situation « intenable ». Compte tenu toutefois du fort lien unissant mère et fils et de l’important investissement de la première auprès du second, il se justifiait de lui confier la co-curatelle pour les aspects sociaux et médicaux, ce qui lui permettrait notamment d’organiser son séjour dans un établissement spécialisé en addiction, conformément à ce qu’elle avait évoqué.

C.              a.a Le 19 février 2024, A______ a formé recours contre cette ordonnance, reçue le 9 février 2024. Elle a conclu à sa nomination en qualité de curatrice de son fils B______ sur les plans financier, médical et civil.

 

Elle a allégué que depuis la mise en place de la curatelle superprovisionnelle, E______ n’avait pas eu l’occasion de créer un lien avec B______, ni avant, ni après sa mise en détention. La recourante avait adressé plusieurs courriels et avait tenté d’atteindre E______ par téléphone, malheureusement sans succès. Elle avait par conséquent pris les devants dans plusieurs domaines, afin de mettre son fils en sécurité. Elle avait ainsi loué une chambre d’hôtel pour lui et en avait informé l’assistante de E______ afin qu’il prenne le relai, ce qu’il n’avait pas fait. Elle avait finalement pu le rencontrer en son étude le 11 octobre 2023, mais il n’était allé voir B______, lequel avait été incarcéré, que le 28 novembre 2023, afin de préparer l’audience du lendemain. B______ n’avait ensuite plus eu de nouvelles de son curateur jusqu’au 5 février 2024, malgré ses sollicitations. La sortie de prison de B______ était prévue pour le 25 mars et ce dernier avait demandé à la recourante de lui prendre rendez-vous avec un addictologue; il aurait également besoin d’un logement et compte tenu de l’inaction de E______, la recourante craignait que son fils ne se retrouve à la rue. A court ou moyen terme, B______ désirait vivre à H______ (Espagne). Compte tenu de son manque de disponibilité, E______ n’aurait pas le temps de s’occuper de lui après son déménagement, alors que la recourante aurait la possibilité de se rendre à H______ plusieurs fois par mois. La recourante a en outre précisé que son fils n’ayant jamais été indépendant financièrement, elle s’était toujours occupée de ses factures, de ses affaires administratives et avait toujours veillé à son bien-être; elle souhaitait pouvoir continuer de le faire, sans solliciter le versement d’honoraires.

a.b Le 27 février 2024, B______, représenté par D______, son curateur de représentation pour la procédure, a formé recours contre l’ordonnance du 19 février 2024, concluant à ce que sa mère soit désignée curatrice exclusive.

Contrairement à ce que le Tribunal de protection avait retenu, le fait que A______ se soit adressée à la Brigade des délits contre la personne afin de signaler la disparition du recourant et ses craintes, compte tenu de sa toxicomanie, qu’il ne dilapide son héritage et ne soit la victime de pressions de ses amis toxicomanes, ne signifiait pas qu’elle était dépassée par la situation. Cette démarche s’était au contraire avérée opportune, puisqu’elle avait abouti à la mise en place de mesures de protection urgentes, confirmées par la suite sur le fond. En cas de rechute dans la toxicomanie, c’est par ailleurs sa mère qui se mettrait à sa recherche et prendrait toutes les mesures qui s’imposeraient afin qu’il puisse être logé et avoir accès à de la nourriture et à des soins. Rien n’indiquait que sa mère ne serait plus capable, à l’avenir, de sauvegarder les intérêts du recourant avec toute l’objectivité nécessaire. Le recourant n’avait par ailleurs vu E______ qu’en novembre 2023 et en février 2024, après l’intervention du service social de la prison. E______ n’avait pas honoré sa promesse de lui remettre un téléphone portable lorsque le recourant était encore détenu au sein de l’établissement de I______ et n’avait pas répondu à ses appels téléphoniques; il ne lui avait pas davantage donné de l’argent afin qu’il puisse « cantiner ». E______ manquait de toute évidence de disponibilité, de sorte qu’un lien de confiance n’avait pas pu être créé.

b. Le Tribunal de protection a persisté dans la décision attaquée.

c. Dans sa réponse aux deux recours, E______ a contesté les reproches qui lui étaient adressés, considérant avoir toujours exercé son mandat avec diligence. Il était désormais régulièrement en contact avec A______, dans le but de trouver les solutions les plus adéquates pour B______, dont la situation était compliquée.

Figurait en annexe à la réponse de E______ un courrier adressé le 9 avril 2024 au Tribunal de protection, résumant la situation de B______. Il en résulte que E______, en collaboration avec A______, avait pris contact avec la Fondation J______, afin de déterminer si B______, à sa sortie de prison, pourrait bénéficier d’un accueil au centre de jour K______, le centre résidentiel étant complet. A sa sortie de prison le 25 mars 2024, B______ n’avait pas souhaité intégrer une clinique ou un centre hors canton de Genève et il ne pouvait pas partager le logement de sa mère et de son frère. E______ était toutefois parvenu à lui trouver une chambre dans un hôtel, puis sa candidature avait été acceptée pour la location d’un studio, où il pourrait s’installer dès le 15 avril 2024. Depuis sa libération, B______ ne semblait toutefois plus aussi motivé qu’auparavant pour entreprendre un suivi thérapeutique et une formation professionnelle. E______ le recevait une fois par semaine en son étude.

d. A______ a répliqué le 20 avril 2024, persistant dans les conclusions de son recours. Elle a allégué que E______ n’avait pas anticipé la sortie de prison de B______ sur le plan du logement; il ne lui avait pas davantage fixé un rendez-vous auprès du bureau compétent pour renouveler ses documents d’identité et c’était la recourante elle-même qui lui avait commandé une nouvelle carte d’assurance maladie. Elle était convaincue d’être la personne la plus à même de s’occuper de son fils.

e. B______ a également répliqué le 15 avril 2024. Il s’est plaint de n’avoir revu E______ que dix minutes le 22 mars 2024, alors que sa sortie de prison était planifiée pour le 25 mars. Il avait dû se présenter inopinément en l’étude de son curateur le 3 avril 2024, car il n’avait pas reçu l’argent mis à sa libre disposition pour ses besoins courants. C’était sa mère qui avait activé les démarches afin de lui trouver un logement et qui avait spontanément proposé de se porter caution pour le paiement du loyer; c’était elle également qui avait pris contact avec J______ et qui avait fait le nécessaire afin qu’il puisse avoir un téléphone portable à sa sortie de prison. E______ avait présenté « un tableau idyllique de son intervention » dans sa réponse du 10 avril 2024. En particulier, le recourant n’avait pas développé avec lui un lien de confiance et il restait convaincu que seule sa mère présentait la réactivité nécessaire à la sauvegarde de ses intérêts.

f. Au terme de ces échanges, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet, dans les trente jours, d'un recours écrit et motivé, devant le juge compétent, à savoir la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 et al. 3 et 450b CC; art. 126 al. 3 LOJ; art. 53 al. 1 et 2 LaCC).

Ont qualité pour recourir les personnes parties à la procédure et les proches (art. 450 al. 2 ch. 1 CC). Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).

En l'espèce, les recours, formés respectivement par la personne directement concernée par la mesure de protection (ci-après: le recourant) et par la mère de celui-ci (ci-après: la recourante), soit une proche par ailleurs désignée co-curatrice, ont été formés dans le délai utile et suivant la forme prescrite par la loi, devant l'autorité compétente. Ils sont dès lors tous deux recevables et seront traités dans une seule et même décision.

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC).

1.3 Les maximes inquisitoire et d'office sont applicables, en première et en seconde instance (art. 446 CC).

2. Les recourants ne remettent pas en cause, à raison, la nécessité de la mesure de curatelle et son ampleur, de sorte qu’il ne sera pas revenu sur ces questions.

Seule la personne du curateur est litigieuse.

3. 3.1.1 A teneur de l'art. 400 al. 1 CC, l'autorité de protection nomme curateur une personne physique qui possède les connaissances et les aptitudes nécessaires à l'accomplissement des tâches qui lui sont confiées, qui dispose du temps nécessaire et qui les exécute en personne. Plusieurs personnes peuvent être désignées, si les circonstances le justifient. Celles-ci peuvent accomplir cette tâche à titre privé, être membres d'un service social privé ou public, ou exercer la fonction de curateur à titre professionnel. La loi, à dessein, n'établit pas de hiérarchie entre les personnes pouvant être désignées, le critère déterminant étant celui de leur aptitude à accomplir les tâches confiées. La complexité de certaines tâches limite d'ailleurs le recours à des non-professionnels, même si ceux-ci sont bien conseillés et accompagnés dans l'exercice de leur fonction (Message du Conseil fédéral, FF 2006, p. 6682/6683).

3.1.2 Lorsque la personne concernée propose une personne comme curateur, l'autorité de protection de l'adulte accède à son souhait pour autant que la personne proposée remplisse les conditions requises et accepte la curatelle (art. 401 al. 1 CC). L'autorité de protection de l'adulte prend autant que possible en considération les souhaits des membres de la famille ou d'autres proches (art. 401 al. 2 CC). Elle tient compte autant que possible des objections que la personne concernée soulève à la nomination d'une personne déterminée (art. 401 al. 3 CC).

3.2 En l’espèce, les recourants contestent la désignation de E______ en qualité de curateur et sollicitent la nomination de la recourante pour assumer l’ensemble des tâches qu’implique le mandat de curatelle.

La mesure de curatelle prononcée en faveur du recourant comprend deux aspects: le volet administratif et financier d’une part et le volet portant sur la santé et le bien-être d’autre part.

3.2.1 En ce qui concerne le premier volet, il s’agit notamment pour le curateur de procéder au paiement des factures relatives au recourant, d’effectuer toutes démarches administratives utiles et de lui remettre régulièrement un montant devant servir à son entretien courant, dont il pourra disposer librement.

Selon ce qui ressort du dossier, la recourante paraît être parfaitement en mesure de s’occuper des démarches administratives et du paiement des factures de son fils, tâches qu’elle a l’habitude d’accomplir. Par ailleurs et contrairement à ce qu’a retenu le Tribunal de protection, le fait que la recourante se soit adressée à la police au mois de juillet 2023 afin de signaler la disparition de son fils ne signifiait pas qu’elle était « dépassée » par la situation. Cela démontre au contraire sa capacité à solliciter de l’aide et à prendre les mesures utiles visant à protéger la santé et les intérêts de son fils.

La situation de ce dernier a toutefois changé depuis le prononcé de la mesure de curatelle. S’il pouvait, avant la mise en œuvre de la mesure, accéder librement à son compte bancaire sur lequel est déposée la somme dont il a hérité de son père, tel n’est plus le cas désormais, ledit compte étant exclusivement géré par le curateur. C’est par conséquent avec celui-ci que le recourant devra négocier afin de déterminer la somme qui pourra être mise mensuellement à sa disposition pour ses dépenses courantes. Compte tenu des addictions dont souffre le recourant, qui ne paraissent pas réglées en dépit du séjour carcéral qu’il a effectué, il est à craindre que le montant mis à sa disposition ne lui suffise pas, ce qui induira inévitablement des discussions avec le curateur pour obtenir des sommes plus importantes et par conséquent des tensions en cas de refus de ce dernier d’accéder à ses requêtes. Or, il n’est pas certain que la recourante parvienne à résister à de telles pressions, étant relevé que selon ce qui ressort de la procédure, il lui est déjà arrivé de remettre à son fils des montants importants (dont une partie aurait prétendument été perdue) afin qu’il puisse régler les dettes accumulées auprès de vendeurs de stupéfiants; elle a également procédé à l’acquisition d’une trottinette électrique, dont l’utilité n’est pas démontrée et dont le sort demeure douteux. Par ailleurs, les conflits mère-fils qui risquent de survenir auront pour conséquence de perturber leurs relations et leur bonne entente actuelle et ce au détriment du second, dans la mesure où la première est pour lui une personne de référence auprès de laquelle il a coutume de rechercher aide et soutien.

Ainsi et dans le but de préserver non seulement les avoirs du recourant, mais surtout le lien qu’il entretient avec sa mère, c’est à raison que le Tribunal de protection a confié à un curateur neutre la gestion des affaires administratives et financières du recourant.

Ce dernier, ainsi que la recourante, ont formulé un certains nombres de griefs à l’encontre de E______, faisant état de son indisponibilité.

En l’état du dossier, il n’est pas suffisamment établi que E______ aurait failli à ses obligations de curateur. Il sera par ailleurs rappelé que si le curateur doit remplir son mandat avec diligence et dans l’intérêt de la personne protégée, il n’est pas pour autant au service de celle-ci et n’est pas tenu de répondre positivement à toutes ses sollicitations. Enfin, si le recourant devait quitter Genève pour l’Espagne, la mesure de curatelle serait transférée dans ce pays, à charge pour les autorités compétentes de lui désigner un curateur sur place.

Au vu de ce qui précède, l’ordonnance litigieuse, en tant qu’elle désigne E______ aux fonctions de curateur pour les aspects administratifs et financiers (chiffres 2 et 4 du dispositif), sera par conséquent confirmée.

3.2.2 En ce qui concerne le volet du bien-être social et de la santé, le Tribunal de protection a désigné tant E______ que la recourante aux fonctions de co-curateurs, ce qui implique qu’ils devront collaborer et prendre des décisions en commun. Bien que E______ ait soutenu entretenir désormais des contacts réguliers avec la recourante, celle-ci a clairement fait part de son opposition à la désignation de celui-là en tant que curateur de son fils et il est à craindre que la collaboration ne soit houleuse, voire impossible. La décision litigieuse ne prévoit par ailleurs pas ce qui se passera en cas d’opinions divergentes et irréconciliables des deux curateurs relativement à une décision à prendre.

Il ressort du dossier que la recourante se montre très impliquée dans le suivi de son fils, n’hésitant pas à effectuer des démarches émotionnellement difficiles, telles que s’adresser au Tribunal de protection ou à la police, afin qu’il puisse bénéficier d’un lieu où dormir et recevoir les soins nécessaires. Il semble par ailleurs que le recourant lui fasse confiance et prenne appui sur elle.

Dès lors, il paraît conforme aux intérêts du recourant de désigner sa mère, exclusivement, aux fonctions de curatrice pour toutes les questions relatives au bien-être et à la santé.

Les chiffres 3 et 5 de l’ordonnance litigieuse seront par conséquent annulés et reformulés, conformément à ce qui précède.

4. Les frais judiciaires des deux recours seront arrêtés à 800 fr. (art. 67A et 67B RTFMC). Les recourants ayant eu partiellement gain de cause, 200 fr. seront mis à la charge de A______ et 200 fr. à celle de B______, le solde étant laissé à la charge de l’Etat. Les frais judiciaires seront compensés avec les avances de frais versées, qui restent acquises à l’Etat de Genève à due concurrence (art. 111 al. 1 CPC), le solde étant restitué aux recourants.

Il n’y a pas lieu à l’allocation de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevables les recours formés par A______ et B______ contre l’ordonnance DTAE/718/2024 rendue le 10 janvier 2024 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/15473/2023.

Au fond :

Annule les chiffres 3 et 5 du dispositif de cette ordonnance et statuant à nouveau sur ces points:

Désigne A______ en qualité de curatrice.

Confie à A______ les tâches suivantes: veiller au bien-être social de B______ et le représenter pour tous les actes nécessaires dans ce cadre; veiller à son état de santé, mettre en place les soins nécessaires et, en cas d’incapacité de discernement, le représenter dans le domaine médical.

Confirme pour le surplus l’ordonnance attaquée.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de la procédure de recours à hauteur de 800 fr.

Les met à la charge de A______ à hauteur de 200 fr., à celle de B______ à concurrence de 200 fr., le solde, en 400 fr., étant laissé à la charge de l’Etat de Genève.

Compense la part des frais judiciaires mise à la charge des recourants avec les avances de frais versées, qui restent acquises à l’Etat de Genève à due concurrence.

Invite en conséquence les Services financiers du Pouvoir judiciaires à restituer 200 fr. à A______ et 200 fr. à B______.

Dit qu’il n’y a pas lieu à l’allocation de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.