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Décisions | Chambre de surveillance

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C/17303/2014

DAS/116/2024 du 17.05.2024 sur DTAE/2804/2024 ( PAE ) , REJETE

Normes : LaCC.57.al1
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17303/2014-CS DAS/116/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU VENDREDI 17 MAI 2024

 

Recours (C/17303/2014-CS) formé en date du 5 mai 2024 par Madame A______, domiciliée ______ [GE].

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du à :

- Madame A______
______, ______.

- Maître B______
______, ______.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

Pour information à :

- Direction de la Clinique de C______
______, ______.

 


EN FAIT

A. a) A______, née le ______ 1954, au bénéfice d'une curatelle de gestion et de représentation étendue, connue pour souffrir d'un trouble délirant persistant, a été placée à des fins d'assistance par décision prononcée le 6 décembre 2020 et prolongée par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection) le 19 janvier 2021.

b) Par ordonnance du 5 août 2021, le Tribunal de protection, constatant que l'état clinique de la personne concernée s'était stabilisé, a sursis pour deux ans au plus à l'exécution du placement à des fins d'assistance précité tout en imposant des conditions visant à consolider les progrès accomplis, à savoir un suivi thérapeutique régulier par l’équipe mobile du Centre ambulatoire de psychiatrie et de psychothérapie de l'âgé (CAPPA), des passages infirmiers à domicile, ainsi qu'une adhésion au traitement médicamenteux prescrit.

c) Par ordonnance du 22 septembre 2022, le Tribunal de protection a révoqué le sursis octroyé le 5 août 2021 et ordonné la réintégration de A______ à la Clinique de C______, celle-ci n'ayant pas respecté les conditions assorties au sursis en ne poursuivant pas son suivi médico-infirmier et en refusant toute collaboration avec le CAPPA ainsi que la prise de son traitement médicamenteux, entraînant ainsi la résurgence de sa symptomatologie et des mises en danger liées.

d) Constatant l'amélioration de l'état clinique de la personne concernée, le Tribunal de protection a, par ordonnance du 1er décembre 2022, à nouveau sursis pour deux ans au plus à l'exécution du placement à des fins d'assistance, aux conditions d'un suivi régulier par l'Unité mobile du CAPPA, de passages infirmiers réguliers et de la prise régulière du traitement prescrit.

e) En date du 13 décembre 2023, le CAPPA a indiqué au Tribunal de protection que A______ refusait le passage infirmier ainsi que son suivi par l'équipe mobile.

Le Tribunal de protection a tenu une audience le 1er février 2024, à laquelle la personne concernée ne s'est pas présentée. La Dre D______, médecin interne, entendue pour le CAPPA, a précisé que A______ refusait tout suivi à tout le moins depuis le 1er novembre 2023, des éléments de persécution et délirants faisant craindre une décompensation psychotique avec l'indication pour une hospitalisation, afin d'adapter le traitement médicamenteux.

Me E______, ancien curateur de A______, a également indiqué que l'état de sa protégée, en rupture de traitement, se péjorait depuis plusieurs mois, si bien qu'une hospitalisation devait être envisagée avant une dégradation plus importante de la situation.

f) Par décision du 1er février 2024, le Tribunal de protection a révoqué le sursis à l'exécution du placement à des fins d'assistance institué le 6 décembre 2020, prolongé pour une durée indéterminée par décision du 19 janvier 2021, et ordonné la réintégration de A______ en la Clinique de C______.

g) Par courrier du 19 avril 2024, le Dr F______, médecin chef de clinique du lieu de placement, a sollicité le sursis à l'exécution du placement à des fins d'assistance. Il en ressort qu'à la suite de la réintroduction de son traitement puis ajustement de la posologie, A______ présentait actuellement une stabilité clinique. Elle se conformait au traitement et ne présentait pas d'éléments faisant suspecter une dangerosité auto ou hétéro-agressive. Les dernières sorties de la patiente lors de congés accordés par le Tribunal de protection s'étaient bien déroulées. Toutefois, il persistait une symptomatologie résiduelle sous forme d'une anosognosie et un discours revendicateur avec des éléments de persécution par la justice, en lien avec sa pathologie chronique. Au vu de l'anosognosie et du risque de mise en danger en cas de rupture de suivi et de traitement, une suspension de la mesure de placement à condition que A______ respecte le suivi ambulatoire avec le Dr G______, psychiatre, les passages de l'équipe infirmière à son domicile et la prise de son traitement, semblait nécessaire.

h) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 25 avril 2024. La Dre H______, de la Clinique de C______, a indiqué que A______ avait entrepris un suivi auprès du Dr G______. En ce qui concernait le traitement médicamenteux, la prise de Risperdal per os avait été prescrite. Des passages infirmiers quotidiens de la part de l'Institution de maintien à domicile (IMAD) étaient également préconisés pour la prise du traitement et la préparation du semainier. Par ailleurs, un diagnostic de tremblement(s) essentiel(s) avait été posé par un neurologue. Il était judicieux qu'un suivi par le médecin de famille de A______ soit repris.

A______ a déclaré pour sa part être prête à se soumettre aux conditions énoncées par la Dre H______, même si elle les trouvait un peu excessives.

B. Par ordonnance DTAE/2804/2024 du 15 avril 2024, le Tribunal de protection a sursis à l'exécution du placement à des fins d'assistance ordonné le 6 décembre 2020 et prolongé le 19 janvier 2021 en faveur de A______ (chiffre 1 du dispositif), soumis le sursis aux conditions d'un suivi régulier auprès du Dr G______, de la prise régulière du traitement médicamenteux prescrit et des passages infirmiers quotidiens pour la prise dudit traitement (ch. 2), invité la curatrice de la personne concernée et le Dr G______ à l'informer de tout fait nouveau pouvant justifier la révocation du sursis ou la levée définitive du placement (ch. 3), rappelé que la présente ordonnance était immédiatement exécutoire nonobstant recours (ch. 4) et rappelé que la procédure était gratuite (ch. 5).

Le Tribunal de protection a retenu, en substance, qu'au moment de son placement, la personne concernée présentait, en raison de l'interruption de son traitement médicamenteux et de l'irrégularité de son suivi médical, une décompensation de son trouble délirant persistant, susceptible de représenter un risque pour elle-même ou pour autrui. A ce jour, malgré une symptomatologie résiduelle sous forme d'une anosognosie, les conséquences des troubles de la personne concernée s'étaient généralement amendées grâce à une compliance au traitement médicamenteux, de sorte que la mise en danger en résultant avait pour le moment disparu et qu'une sortie ne présentait plus de risque immédiat de détérioration de son état. Compte tenu de la fragilité de l'amélioration constatée, il convenait de surseoir, pour deux ans au plus, à l'exécution du placement, en imposant le respect de conditions visant à consolider les progrès accomplis.

C. a) Le 5 mai 2024, A______ a formé recours contre l'ordonnance du 25 avril 2024, reçue le 29 avril 2024. Elle a notamment indiqué contester les visites quotidiennes de l'IMAD et de I______.

b) Le juge délégué de la Chambre de surveillance a tenu une audience le 16 mai 2024, à laquelle A______ ne s'est pas présentée. Elle a été représentée par sa curatrice de représentation. Celle-ci a indiqué avoir rencontré la recourante le 14 mai 2024, laquelle persistait dans son recours, considérant qu'elle n'avait pas besoin d'aide pour prendre son traitement médicamenteux.

Le Dr F______, chef de clinique au sein de l'Unité J______ de la Clinique de C______, précédemment chef de clinique au sein de l'Unité K______ dans laquelle la recourante a été hospitalisée du 26 février au 12 avril 2024, a été entendu. N’ayant pas été délié de son secret médical, il n’a été interrogé que sur la possibilité que le traitement prescrit à A______, soit du Risperdal per os selon le dossier de la procédure, soit pris sans aide extérieure, ainsi que sur les risques encourus en cas de rupture de ce traitement. Le Dr F______ a expliqué que le traitement prescrit pouvait être pris par le patient lui-même, puisqu'il pouvait être administré par voie orale. Dans le cas de patients atteints de troubles psychiatriques, la difficulté résidait souvent dans le fait que la personne n'avait pas conscience de la nécessité de suivre ledit traitement. Dans cette mesure, la question se posait de savoir s'il pouvait être utile de mettre en place un suivi à domicile, afin d'assurer l'adhérence au traitement. Selon le contenu de son courrier du 19 avril 2024 adressé au Tribunal de protection, il a ici été jugé utile de prévoir ces passages infirmiers à domicile. Le Dr F______ a en outre indiqué que le Risperdal était un neuroleptique qui visait à limiter les symptômes psychotiques, les idées délirantes et les hallucinations, ainsi que la désorganisation idéo-comportementale. La rupture de ce traitement entraînait une résurgence de ces symptômes et, partant, un risque de mise en danger de la personne elle-même ou des tiers.

Me B______, curatrice de représentation de A______, a indiqué que le suivi psychiatrique avec le Dr G______ était un peu compliqué dans la mesure où la recourante ne l'avait pas choisi. Néanmoins, sa protégée acceptait de se rendre aux consultations et de prendre le médicament prescrit. La curatrice estimait que le retour à domicile de la recourante se passait plutôt bien, celle-ci étant globalement collaborante même si elle continuait de souffrir d'idées persécutoires, concernant en particulier des intrusions chez elle. Un suivi avec un médecin de famille était également en train d'être mis en place.

La curatrice a conclu au maintien des conditions assortissant le sursis au placement, estimant qu'elles étaient indispensables pour le moment. Selon elle, la situation pourrait être réévaluée par la suite avec le médecin psychiatre, notamment la possibilité, en cas de bonne adhérence au traitement, de solliciter une réduction de la fréquence des visites à domicile de l'IMAD.

La cause a été gardée à juger au terme de l’audience.

EN DROIT

1.             1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge compétent (art. 450 al. 1 CC). Dans le domaine du placement à des fins d'assistance, le délai de recours est de dix jours à compter de la notification de la décision entreprise (art. 450b al. 2 CC).

En l'espèce, le recours a été formé dans le délai utile de dix jours et devant l'autorité compétente (art. 72 al. 1 LaCC). Il est donc recevable à la forme.

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

2.             2.1 Aux termes de l’art. 57 al. 1 LaCC, le Tribunal de protection peut surseoir pendant deux ans au plus à l'exécution d'une mesure de placement et imposer des conditions. Le sursis est révoqué lorsque les conditions ne sont pas observées (art. 57 al. 1 LaCC).

2.2 En l’espèce, la recourante a remis en cause, à bien la comprendre, l'une des trois conditions posées au maintien du sursis au placement à des fins d’assistance dont elle a fait l’objet, à savoir les passages infirmiers quotidiens pour la prise du traitement médicamenteux prescrit, considérant être en mesure de gérer seule sa prise de médicaments. Dans son recours, elle s'est également plainte de divers vols et intrusions à son domicile ainsi que d'un litige avec un tiers concernant le versement d'une somme d'argent. Ces derniers points, sans lien avec le contenu de l'ordonnance entreprise, sont exorbitants à la présente procédure relative au sursis à son placement et aux conditions qui l'assortissent.

La Chambre de surveillance relève que la recourante souffre d'un trouble psychiatrique sérieux depuis de nombreuses années, soit un trouble délirant persistant avec des éléments de persécution. Elle a ainsi été hospitalisée à de multiples reprises au sein de la Clinique de C______ en raison de son trouble, celui-ci régressant lorsqu’elle est prise en charge de manière adéquate, puis se renforçant à nouveau après sa sortie de la clinique, faute d’un suivi régulier de son traitement, conduisant au prononcé d'une nouvelle hospitalisation, la dernière fois le 1er février 2024.

Alors que les conditions au sursis de son dernier placement avaient été discutées en sa présence lors de l'audience tenue le 25 avril 2024 par le Tribunal de protection et que la recourante semblait y adhérer, elle a formé un recours contre l’ordonnance rendue à la même date, qui formalisait lesdites conditions. Selon les indications de sa curatrice, depuis sa sortie de la clinique, la recourante s'y conforme néanmoins, à contrecœur. Elle accepte de faire entrer chez elle les infirmiers de l'IMAD, alors que tel n'était pas le cas avant son hospitalisation, et de se rendre aux consultations de son psychiatre de ville. Il résulte toutefois des explications de sa curatrice, qu'aucun élément objectif ne vient contredire, que l'alliance thérapeutique et la compliance au traitement sont encore fragiles. En outre, les précédentes ruptures de traitement de la recourante incitent à la prudence.

Ainsi, il ressort de la procédure que les mesures prononcées par le Tribunal de protection dans l’ordonnance attaquée sont adéquates et conformes à l’intérêt de la recourante dès lors qu'elles garantissent la stabilisation de son état, lui permettant ainsi de vivre hors des murs de l'hôpital sans présenter de danger pour elle-même ou pour des tiers. Il serait prématuré, alors que l'hospitalisation de la recourante a pris fin il y a moins d'un mois, de songer d'ores et déjà à les supprimer. Il appartient à celle-ci de démontrer qu’elle est en mesure de s’y conformer, avant de songer à solliciter leur remplacement par d’autres conditions moins restrictives, telle qu'une réduction de la fréquence des passages de l'IMAD à son domicile, ou encore la levée du placement.

Infondé, le recours sera rejeté.

3.             La procédure de recours est gratuite (art. 22 al. 4 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 5 mai 2024 par A______ contre l'ordonnance DTAE/2804/2024 rendue le 25 avril 2024 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/17303/2014.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Paola CAMPOMAGNANI, présidente ad interim; Mesdames Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE et Stéphanie MUSY, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.