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Décisions | Chambre de surveillance

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C/4038/2024

DAS/106/2024 du 06.05.2024 sur DTAE/2493/2024 ( PAE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4038/2024-CS DAS/106/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 6 MAI 2024

 

Recours (C/4038/2024-CS) formé en date du 25 avril 2024 par Monsieur A______, actuellement hospitalisé à la Clinique de B______, Unité C______, ______ (Genève).

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 7 mai 2024 à :

- Monsieur A______
p.a. Clinique de B______
Unité C______
______, ______.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

Pour information à :

- Direction de la Clinique de B______
______, ______.

 


EN FAIT

A.           a) A______, né le ______ 1986, originaire de Genève, est connu pour une schizophrénie, associée à une consommation de substances psychoactives, pour lesquelles il a été hospitalisé à plusieurs reprises.

b) Il a notamment fait l’objet d’une décision de placement à des fins d’assistance prise par un médecin des urgences psychiatriques de l’Hôpital cantonal de Genève (ci-après : HUG) le 17 février 2024, en raison d’un état désorganisé, tendu et anxieux. Une décision de chambre fermée a été prise le 21 février 2024 par un médecin de l’institution, compte tenu d’une désorganisation psycho-comportementale sévère de l’intéressé. Il a recouru auprès du Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : le Tribunal de protection) contre ces deux décisions.

c) L'expertise psychiatrique sollicitée par le Tribunal de protection concernant la nécessité du placement à des fins d'assistance de l'intéressé n'a pas pu être réalisée, compte tenu de son refus de s'y soumettre et de délier les médecins. A______, qui a fugué le 26 février 2024 lors d'examens sanguins réalisés aux urgences pour contrôler sa glycémie, est cependant revenu le lendemain à la clinique et a ainsi pu être entendu par le Tribunal de protection, lequel a rejeté son recours contre son placement à des fins d’assistance par ordonnance du 27 février 2024 (DTAE/1349/2024).

d) L’expertise psychiatrique réalisée le 4 mars 2024 suite à la décision de chambre fermée, par la Dre D______, psychiatre psychothérapeute, médecin cheffe de clinique à l’Unité de psychiatrie légale (CURML), a confirmé que A______ souffrait de schizophrénie, d’une dépendance à l’alcool et d’une consommation nocive de cocaïne et de cannabis. Il avait déjà connu six hospitalisations en psychiatrie. Son maintien en chambre fermée n’était cependant plus nécessaire, tout risque auto ou hétéro-agressif étant dorénavant écarté. Cette mesure avait d'ailleurs d'ores et déjà été levée dans l'intervalle par l'institution de placement.

e) Le 11 mars 2024, la Dre E______, cheffe de clinique aux urgences psychiatriques des HUG, a pris une nouvelle décision de placement à des fins d’assistance de A______. Celui-ci avait été amené aux urgences en ambulance depuis le poste de police où il se trouvait après avoir été arrêté, courant nu dans la rue, persuadé d’être poursuivi par un essaim de frelons. Il avait déjà été hospitalisé en février 2024 dans un contexte similaire et avait fugué le 5 mars 2024. Il était connu pour des troubles psychotiques sous consommation de diverses substances. Malgré l’administration d’un traitement médicamenteux, il restait tendu, particulièrement opposant et revendicateur. Il présentait des idées délirantes auxquelles il adhérait fortement. Son hospitalisation en psychiatrie s’avérait nécessaire.

f) Il ressort de l’expertise psychiatrique, sollicitée par le Tribunal de protection suite au recours formé par A______ contre cette décision, réalisée le 18 mars 2024 par le Dr F______, psychiatre psychothérapeute, médecin adjoint à l'Unité de psychiatrie légale (UPL), que A______ souffre d'une schizophrénie, avec possible consommation nocive ou dépendance à différentes substances (alcool, cannabis et/ou cocaïne). Il présentait au moment de l'expertise un tableau clinique caractérisé au premier plan par des idées délirantes, ainsi qu'une abrasion des affects et avait vécu plusieurs épisodes psychotiques. En raison du refus de l'expertisé de se soumettre à des tests biologiques, il était difficile d'explorer la question des substances psychoactives, pour lesquelles il avait été suivi jusqu'en décembre 2023. Son état de santé n'était pas encore stabilisé et il continuait de nécessiter une surveillance et des soins spécialisés en milieu hospitalier, notamment une adaptation de son traitement médicamenteux psychotrope, ainsi que du cadre de prise en charge, avec reprise d'un suivi psychiatrique à sa sortie. En cas de sortie prématurée et non préparée, le risque de péjoration de son état de santé serait accentué, sous forme notamment d'une aggravation des symptômes psychotiques (entre autres délirants), entraînant une perte encore plus importante avec la réalité. On ne pouvait exclure, dans ce contexte, des troubles du comportement tels que ceux qui avaient conduit à son hospitalisation actuelle. Un état de dénutrition était également à craindre au vu d'un sous-poids notable.

g) A______ a fugué de la clinique de B______ le 15 mars 2024, à la suite du rendez-vous avec l'expert, et n'a pu être entendu lors de l'audience fixée par le Tribunal de protection le 21 mars 2024. Selon le Dr G______, médecin chef de clinique à la Clinique de B______, entendu lors de cette audience, son état psychique au moment de sa fugue était identique à celui prévalant le jour de son hospitalisation, la médication d'ALDOL et d'ABILIFY qu'il avait accepté de prendre n'ayant pas encore permis d'amélioration. Il était convaincu d'avoir été attaqué par des frelons et niait toute consommation de toxiques. L'hospitalisation se justifiait toujours.

h) Par ordonnance du 21 mars 2024 (DTAE/1922/2024), le Tribunal de protection a rejeté le recours de A______ formé contre la décision médicale du 11 mars 2024. Le dossier de procédure n'indique pas si A______, en fugue depuis le 15 mars 2024, a réintégré la clinique après cette décision.

i) Par décision médicale du 7 avril 2024, A______ a été placé à des fins d'assistance à la Clinique de B______ par la Dre H______, médecin spécialiste en psychiatrie et psychothérapie aux urgences des HUG. Lors de son arrivée en ambulance, A______ présentait une décompensation psychotique avec agitation psychomotrice et une désorganisation idéo-comportementale avec discours incohérent; il n’acceptait ni suivi, ni soins et souffrait au surplus d’un diabète décompensé. Il était anosognosique de son état et pouvait possiblement se mettre en danger. Une hospitalisation en milieu psychiatrique était nécessaire afin d’instaurer un traitement adapté et mettre ensuite en place des soins en ambulatoire.

j) Le 18 avril 2024, le Dr I______, médecin interne en psychiatrie et psychothérapie du lieu de placement, a pris une décision de maintien en chambre fermée de A______; celui-ci adoptait une attitude opposante, refusait les soins, présentait une tension interne importante avec sentiment de persécution (présence de serpents dans sa chambre) et un risque hétéro-agressif.

k) A______ a formé recours, respectivement le 9 avril 2024 et le 19 avril 2024, contre ces deux décisions.

l) Le Tribunal de protection a ordonné l'expertise de l'intéressé, laquelle n'a pas pu être réalisée, compte tenu de son opposition totale.

m) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 16 avril 2024 en la Clinique de B______, à laquelle A______ a refusé de se présenter.

Le Dr G______, médecin chef de clinique de l’institution de placement, a précisé que le concerné tenait un discours incohérent concernant son refus de comparaître, duquel il ressortait toutefois qu'il ne reconnaissait pas la légitimité du Tribunal de protection. Lors de son admission, il présentait un état d'agitation psychomotrice avec des idées délirantes de persécution et des hallucinations congruentes. Lors de son hospitalisation précédente, il disait avoir été attaqué par des frelons et cette fois-ci par des scorpions. Il avait refusé d'effectuer des examens toxicologiques mais était connu pour des consommations de substances multiples. Un traitement de ZYPREXA 20mg lui avait été prescrit mais les effets de celui-ci n'étaient pas encore observés. L'hospitalisation devait se poursuivre pour mettre en place un traitement efficace permettant de stabiliser son état et de préparer un suivi ambulatoire. Il résidait précédemment dans un hôtel.

n) La décision de chambre fermée, prise le 18 avril 2024 par l'institution de placement, ayant été levée le 22 avril 2024, le Tribunal de protection a déclaré sans objet le recours formé le 19 avril 2024 contre cette mesure par A______ (DTAE/2726/2024 du 24 avril 2024).

B.            Par ordonnance DTAE/2493/2024 du 16 avril 2024, le Tribunal de protection a rejeté le recours formé le 9 avril 2024 par A______ contre la décision médicale du 7 avril 2024 ordonnant son placement à des fins d'assistance, rappelé que l'ordonnance était immédiatement exécutoire et la procédure gratuite.

En substance, il a retenu que la personne concernée présentait des symptômes compatibles avec une schizophrénie, susceptibles de créer un risque pour sa vie ou son intégrité corporelle, respectivement celle d’autrui, compte tenu de l’agitation psychomotrice avec idées délirantes de persécution et idées congruentes qu’il présentait lors de son admission. La médication qui lui avait été administrée, et qui devait possiblement encore être adaptée - tout comme le cadre des soins -, n’avait pas encore permis une stabilisation de ses troubles, dont les conséquences laissaient subsister un risque de mise en danger, à défaut de soins. L’assistance et le traitement nécessaires à son état ne pouvaient pas lui être fournis d’une autre manière que par un placement à des fins d’assistance, le concerné étant anosognosique de son état et peu adhérent au traitement, de sorte que son recours devait être rejeté.

C.           a) Par acte du 25 avril 2024, A______ a formé recours contre l'ordonnance précitée.

b) Le juge délégué de la Chambre de surveillance a tenu une audience le 3 mai 2024.

Le Dr G______ a indiqué avoir constaté une amélioration partielle de l'état de A______. Depuis quelques jours, il ne présentait pas d'idées de persécution franches mais restait méfiant et son discours n'était pas toujours cohérent. En raison de sa schizophrénie, il avait besoin d'un suivi psychiatrique soutenu ainsi que d'un traitement médicamenteux. Il prenait un neuroleptique (ALDOL), de manière volontaire depuis peu, mais son état n'était pas encore stabilisé. Il n'avait pas pleinement conscience de son état de santé et son adhérence au traitement n'était pas optimale. Son hospitalisation était ainsi toujours nécessaire. S'il devait quitter la clinique, les risques qu'il arrête son traitement étaient importants. En l'absence de traitement, son état physique et psychique risquait de se dégrader. Lors de son interpellation par la police, avant son hospitalisation, son comportement était inadapté, il se disait poursuivi par des scorpions et manifestait une grande anxiété. L'équipe médicale n’avait pas relevé de violence chez A______ mais celle-ci ne pouvait être exclue lorsqu'il présentait une désorganisation psychique et des idées de persécution. Il était envisagé de lui administrer son traitement par voie injectable en ambulatoire à sa sortie et de mettre en place un suivi au CAPPI.

A______ s'est opposé à tout traitement par voie injectable à sa sortie. Il était cependant d'accord de poursuivre son traitement par voie orale. Il prenait également un médicament pour son diabète. Il se sentait bien et avait constaté une amélioration de son état depuis son hospitalisation. Il habitait précédemment à l'hôtel mais allait vivre chez sa mère à sa sortie. Il refusait cependant que les médecins prennent contact avec elle.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.


 

EN DROIT

1.             1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge compétent (art. 450 al. 1 CC). Dans le domaine du placement à des fins d'assistance, le délai de recours est de dix jours à compter de la notification de la décision entreprise (art. 450b al. 2 CC). Le recours ne doit pas être motivé (art. 450c CC).

1.2 En l'espèce, le recours a été formé dans le délai utile de dix jours (art. 72 al. 1 LaCC). Il est donc recevable à la forme.

2.             Le recourant s’oppose à la mesure de placement à des fins d’assistance ordonnée par un médecin.

2.1 En vertu de l'art. 426 al. 1 CC, une personne peut être placée dans une institution appropriée lorsqu'en raison de troubles psychiques, d'une déficience mentale ou d'un grave état d'abandon, l'assistance ou le traitement nécessaires ne peuvent lui être fournis d'une autre manière, l'art. 429 al. 1 CC stipulant par ailleurs que les cantons peuvent désigner des médecins qui, outre l'autorité de protection de l'adulte, sont habilités à ordonner un placement dont la durée est fixée par le droit cantonal.

La loi exige la réalisation de trois conditions cumulatives, soit une cause de placement, un besoin d'assistance ou de traitement ne pouvant lui être fourni autrement et l'existence d'une institution appropriée (cf. notamment DAS/67/2014 c. 2.1).

2.2 Dans le cas d'espèce, le recourant a été hospitalisé contre son gré sur ordre d'un médecin le 7 avril 2024.

Il est établi par la procédure, et notamment par l’expertise réalisée par le CURML le 18 mars 2024, que l'intéressé souffre d'une maladie psychique, soit d'une schizophrénie associée à une probable consommation nocive de diverses substances psychoactives. Son placement était justifié au moment où il a été ordonné, au vu du comportement de l'intéressé et de son état psychique marqué par une agitation psychomotrice, avec des idées délirantes de persécution et des hallucinations. Il l’était encore au moment où le Tribunal de protection a rendu sa décision, la médication administrée, laquelle devait encore possiblement être adaptée, n'ayant pas encore permis une stabilisation des troubles de la personne concernée, dont les effets laissaient subsister un risque de mise en danger.

Malgré l'amélioration de son état, le placement à des fins d'assistance est toujours actuellement nécessaire, l'état du recourant n'étant pas encore stabilisé et son adhérence au traitement n'étant pas optimale. Il a par ailleurs marqué en audience un refus clair de se voir administrer le traitement de neuroleptique, qu'il ne prend de manière volontaire que depuis quelques jours, par voie injectable à sa sortie. Il y a, dès lors, tout lieu de craindre qu'il arrête de nouveau de prendre son traitement, pourtant indispensable à la stabilisation de son état, s'il devait quitter prématurément la clinique de B______. Le nombre considérable de prises en charge hospitalières en psychiatrie depuis le début de l'année 2024, toujours dans le même contexte d'idées délirantes et d'hallucinations, et les fugues à répétition au cours de ces hospitalisations, démontrent que le recourant ne prend pas conscience de la nécessité de se soigner. Son état doit donc être complètement stabilisé et son adhérence au traitement totalement acquise avant d'envisager une sortie d'hospitalisation. A défaut et en l'absence de traitement, son état psychique et physique risque de se dégrader et engendrer de nouveaux symptômes psychotiques, allant en s'aggravant et susceptibles de le mettre en danger, voire de mettre des tiers en danger, au cours des crises qu'il présente.

Il n'existe, en l'état, pas d'autres mesures moins contraignantes qu'un placement à des fins d'assistance pour apporter au recourant les soins et le suivi dont il a encore besoin, étant encore précisé que son diabète doit être surveillé et qu'il ne dispose plus de lieu de logement à sa sortie, de sorte qu'un risque de grave état d'abandon n'est pas exclu; sa chambre à l'hôtel ne semble en effet plus disponible et sa mère, chez laquelle il indique vouloir habiter, n'est pas au courant de sa situation, compte tenu de son refus de la prévenir. La prise en charge du recourant à sa sortie devra donc être organisée (traitement, intervention du CAPPI, ou d'une autre structure, et logement adapté) afin qu'il ne retombe pas inlassablement dans les mêmes difficultés et ne se retrouve pas chaque mois hospitalisé sous décision médicale.

Le recours formé le 25 avril 2024 par le recourant contre l'ordonnance rendue le 16 avril 2024 par le Tribunal de protection sera rejeté.

3.             La procédure est gratuite (art. 22 al. 4 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ le 25 avril 2024 contre l'ordonnance DTAE/2493/2024 du 16 avril 2024 rendue par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/4038/2024.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.