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Décisions | Chambre de surveillance

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C/22450/2011

DAS/14/2024 du 22.01.2024 sur DTAE/94/2024 ( PAE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22450/2011-CS DAS/14/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 22 JANVIER 2024

 

Recours (C/22450/2011-CS) formé en date du 16 janvier 2024 par Madame A______, actuellement hospitalisée à la Clinique de B______, Unité C______, sise ______ (Genève).

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 22 janvier 2024 à :

- Madame A______
Clinique de B______, Unité C______
______, ______.

- Madame D______
Madame E
______
SERVICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Route des Jeunes 1C, case postale 107, 1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

Pour information à :

-       Direction de la Clinique de B______
______, ______.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance DTAE/94/2024 du 9 janvier 2024, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection) a, préalablement, déclaré recevable les recours formés le 21 décembre 2023 par A______, née le ______ 1980, originaire de Genève, contre la décision médicale du 20 décembre 2023 ordonnant son placement à des fins d’assistance et le 22 décembre 2023 contre la décision médicale du 22 décembre 2023 prescrivant un traitement sans son consentement (ch. 1 du dispositif), principalement, rejeté lesdits recours (ch. 2), rappelé que l'ordonnance était immédiatement exécutoire nonobstant recours et que la procédure était gratuite (ch. 5 et 6).

Le Tribunal de protection a retenu, en substance, que la personne concernée, qui présentait actuellement une schizophrénie décompensée, ne disposait d'aucune capacité de discernement en matière de soins et avait besoin d'une assistance et d'un traitement indispensables à son état, qui ne pouvaient lui être fournis d'une autre manière que par un placement à des fins d'assistance et un traitement sans consentement.

B. a) Par acte déposé le 16 janvier 2024 à la Chambre de surveillance de la Cour de justice, A______ a recouru contre cette ordonnance, qu'elle a reçue le 11 janvier 2024.

Elle s'est opposée tant à la mesure de placement à des fins d'assistance, ne souhaitant pas restée hospitalisée "indéfiniment", qu'à la mesure de traitement sans consentement, préférant être soignée par un sophrologue que par un psychiatre. Elle souhaitait la réalisation d'une contre-expertise, laquelle la déclarerait saine d'esprit et non délirante, afin de pouvoir continuer d'exercer en qualité de "policière 2______", voir grandir ses enfants et participer à leur éducation.

b) A______ a été entendue par le juge délégué de la Chambre de surveillance de la Cour de justice lors de l'audience du 19 janvier 2024. Elle a persisté dans son recours et exposé qu'elle était polyandre, mère de vingt-cinq enfants, dont quinze nés en Suisse et dix en Afrique, ayant volontairement souhaité créer des "dynasties suprêmes". Elle travaillait au F______ [organisation internationale], au bureau des droits humains, sous le numéro de matricule 1______, à Interpol sous le numéro 2______ et également au G______ [foyer et ateliers protégés], et avait récemment participé à une émission télévisée concernant un sujet sur les viols au Vatican. Elle refusait de voir un psychiatre et souhaitait se soigner au moyen de la sophrologie et de la médecine douce. Elle ne pouvait pas travailler avec le traitement qui lui était administré et ne prendrait pas les médicaments prescrits à sa sortie de clinique. Elle a déposé un écrit précisant les motifs pour lesquels elle refusait de demeurer hospitalisée.

Le Dr H______, médecin ______ à l'unité C______ de la Clinique de B______, en charge de A______ au sein de cette unité, a confirmé le diagnostic de schizophrénie. Celle-ci était en phase de décompensation lorsqu'elle avait été hospitalisée le 20 décembre 2023. Elle avait actuellement toujours besoin d'une assistance et d'un traitement qui ne pouvaient pas lui être fournis de manière ambulatoire. Si elle ne prenait pas son traitement antipsychotique, elle risquait de nouveaux troubles du comportement, avec passage à l'acte hétéroagressif, notamment sur son lieu de vie au G______, avec possible perte de logement et état d'abandon. Son traitement antipsychotique avait récemment été modifié, dès lors que l'Haldol, qui faisait l'objet de la mesure de traitement sans consentement, lui procurait des effets secondaires assez importants en terme de rigidité des mouvements. L'Abilify, auquel elle était habituée précédemment, avait été réintroduit; elle avait déclaré l'accepter et le prenait effectivement depuis deux ou trois jours volontairement. La mesure de traitement sans consentement n'était donc plus nécessaire. Aucune nouvelle mesure de traitement sans consentement avec l'Abilify n'avait été ordonnée, la précédente étant tombée d'elle-même. L'état de la patiente n'était pas encore stabilisé et un traitement dépôt devait être mis en place avant sa sortie d'hospitalisation. Le placement à des fins d'assistance était toujours nécessaire, aucune mesure moins rigoureuse ne pouvant être prise.

La curatrice de la recourante auprès du Service de protection de l'adulte (SPAd) a confirmé que sa protégée disposait toujours d'une place au G______.

C. Les faits pertinents suivants ressortent en outre du dossier:

a) A______, née le ______ 1980, célibataire et sans enfant, sous curatelle de portée générale depuis le 22 novembre 2013, souffre de longue date d'une schizophrénie paranoïde se manifestant par des idées délirantes et a déjà fait l'objet de plusieurs hospitalisations en milieu psychiatrique, dont la dernière d'une durée de cinq mois en 2019.

b) Le 11 décembre 2023, le G______ a informé le Tribunal de protection du fait que A______, qui était arrivée dans la structure le 22 mai 2015 après une sixième hospitalisation pour décompensation psychotique dans un contexte de rupture de traitement, refusait depuis mars 2022 le traitement injectable qui avait été mis en place à sa sortie, en juillet 2019, de la Clinique de B______, de même que tout autre traitement; elle s'isolait et ne participait plus aux activités du centre. Elle développait des idées délirantes et de persécution, avec un sentiment d'insécurité, et tenait des propos dénigrants et menaçants. Lors de la dernière visite de son infirmière et de sa psychiatre, elle avait fait part de son désir d'arrêter le suivi mis en place.

c) Par décision médicale du 20 décembre 2023, A______ a été placée à des fins d'assistance à la Clinique de B______ par la Dre I______, médecin ______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie auprès de l'équipe mobile de psychiatrie adulte des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Cette dernière précisait que sa patiente avait interrompu son traitement antipsychotique d'Abilify en mars 2022 et accepté, dans un premier temps, la poursuite d'un suivi ambulatoire par l'équipe mobile des HUG. Depuis quelques mois cependant, elle avait constaté une dégradation progressive de son état psychique, avec une augmentation de la tension interne, des hallucinations et des idées délirantes de grandeur et de persécution, qui étaient de plus en plus envahissantes. Sa patiente était convaincue que des prêtres cherchaient à pénétrer dans sa chambre la nuit et poussait des cris, ce qui provoquait des tensions avec ses voisins. Elle avait adopté, dans un second temps, un comportement de méfiance et d'opposition aux soins, jusqu'à demander l'arrêt de son suivi psychiatrique ambulatoire. Compte tenu de son anosognosie, de la tension interne qu'elle présentait et de son opposition à tout suivi, une hospitalisation non volontaire était nécessaire, afin de réintroduire un traitement approprié à son état.

d) Par acte du 21 décembre 2023, A______ a formé recours auprès du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : Tribunal de protection) contre la décision médicale précitée.

e) A______ refusant de prendre l’antipsychotique objet du plan ce traitement établi, une décision de traitement sans consentement a été prononcée le 22 décembre 2023 par le médecin-chef de l'institution de placement, préconisant la prise d'Haldol per os et, en cas de refus de l'intéressée, par injection.

f) A______ a formé recours contre cette seconde décision médicale le jour même auprès du Tribunal de protection.

g) Il ressort du rapport d'expertise du 8 janvier 2024 réalisé par la Dre J______, psychiatre et psychothérapeute, médecin ______ à l'Unité de psychiatrie légale au Centre universitaire romand de médecine légale (CURML), commise aux fonctions d'experte par le Tribunal de protection, que A______ souffre, de longue date, d'une schizophrénie, actuellement en phase de décompensation psychotique. Malgré ses antécédents psychiatriques et les constats actuels des médecins l'ayant évaluée, la concernée restait persuadée du fait qu'elle n'avait pas de pathologie psychiatrique. Elle présentait un délire à thématique mégalomane et paranoïaque qui prenait une place centrale dans son discours et qui pouvait la rendre vulnérable face à des personnes mal intentionnées. L'attitude tendue, insultante et menaçante constatée par l'équipe soignante au moment de son hospitalisation, dont une susceptibilité et une irritabilité toujours d'actualité, impliquait un risque hétéroagressif par passage à l'acte de la part de l'intéressée, voire autoagressif si elle interagissait avec un interlocuteur intolérant à son comportement. Compte tenu de son anosognosie, il était indiqué de poursuivre l'hospitalisation actuelle pour protéger l'intéressée et instaurer un traitement antipsychotique qui permette une amélioration clinique de son état et une sortie dans des conditions de sécurité. Son besoin d'assistance et de traitement ne pouvait ainsi lui être fourni que par une hospitalisation non volontaire. Si elle n'était pas placée à des fins d'assistance, elle risquait de présenter un comportement verbalement et physiquement hétéroagressif et de se trouver dans un grave état d'abandon, puisqu'elle évoquait la présence d'une famille qui n'était pas réelle, n'abordait pas la question du retour au foyer dans lequel elle résidait et refusait le suivi et le traitement psychiatrique ambulatoire. A défaut d'un traitement antipsychotique, la symptomatologie ne pourrait pas s'améliorer et risquerait même de s'aggraver, en amplifiant les dangers évoqués. Elle ne présentait actuellement aucune capacité de discernement concernant la nécessité d'un traitement, de sorte qu’un traitement sans consentement était également nécessaire, sans que des mesures moins rigoureuses ne puissent être encore envisagées.

h) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 9 janvier 2024.

A______ ne voulait plus être suivie par la Dre I______ mais par un sophrologue. L'Haldol qu'on lui administrait n'était pas compatible avec la faiblesse de son pouls; cela la faisait dormir et l'empêchait de travailler. Elle avait été témoin d'un viol au G______, dont l'auteur avait été condamné. Elle voulait quitter la clinique afin de reprendre ses activités de policière. Elle contestait avoir des idées délirantes, ainsi que les conclusions de l'expertise. Les HUG avaient pris ses enfants lors de son accouchement en 1998 et elle n'avait plus confiance en cet hôpital. Elle ne voulait pas abandonner ses enfants en bas-âge, ni son mari.

Le Dr H______ a confirmé que A______ recevait un traitement d’Haldol, soit oralement, soit par injection, en cas de refus. Si une amélioration était constatée au niveau de la communication, elle restait très faible au niveau des idées délirantes. Le dosage devait être revu.

La curatrice du SPAd souhaitait, qu’après avoir accepté son traitement, sa protégée reprenne son suivi auprès de la Dre I______, puis retourne vivre au G______, où sa place était réservée.

Sur quoi, le Tribunal de protection a gardé la cause à juger et rendu l’ordonnance contestée.

EN DROIT

1. Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge compétent (art. 450 al. 1 CC). Dans le domaine du placement à des fins d'assistance, le délai de recours est de dix jours à compter de la notification de la décision entreprise (art. 450b al. 2 CC). Le recours formé contre une décision prise dans le domaine du placement à des fins d'assistance ne doit pas être motivé (art. 450e al. 1 CC).

En l'espèce, le recours a été formé dans le délai utile de dix jours et devant l'autorité compétente (art. 72 al. 1 LaCC). Il est donc recevable à la forme.

2. 2.1.1 Une personne peut être placée dans une institution appropriée lorsque, en raison de troubles psychiques, d'une déficience mentale ou d'un grave état d'abandon, l'assistance ou le traitement nécessaire ne peuvent lui être fournis d'une autre manière (art. 426 al. 1 CC). Elle est libérée dès que les conditions du placement ne sont plus remplies (art. 426 al. 3 CC).

La loi exige la réalisation de trois conditions cumulatives, à savoir une cause de placement (troubles psychiques, déficience mentale ou grave état d'abandon), un besoin d'assistance ou de traitement ne pouvant lui être fourni autrement et l'existence d'une institution appropriée permettant de satisfaire les besoins d'assistance de la personne placée ou de lui apporter le traitement nécessaire (MEIER/LUKIC, Introduction au nouveau droit de la protection de l'adulte, p. 302, n. 666).

Le placement à des fins d'assistance est destiné à protéger la personne, si nécessaire contre elle-même, et à lui fournir l'aide et les soins dont elle a besoin; son but est de faire en sorte que la personne puisse retrouver son autonomie (Hausheer/Geiser/Aebi-Müller, Das neue Erwachsenenschutzrecht, n. 2.156).

2.1.2 Selon l'art. 434 al. 1 CC, si le consentement de la personne concernée fait défaut, le médecin chef du service concerné peut prescrire par écrit les soins médicaux prévus par le plan de traitement lorsque le défaut de traitement met gravement en péril la santé de la personne concernée ou la vie ou l'intégrité corporelle d'autrui, lorsque la personne n'a pas la capacité de discernement requise pour saisir la nécessité du traitement et lorsqu'il n'existe pas de mesure appropriée moins rigoureuse. Ces conditions sont cumulatives (GUILLOD, CommFam 2013, n° 10 ad art. 434).

2.2 En l'espèce, il résulte de l'expertise psychiatrique ordonnée par le Tribunal de protection que la recourante souffre d’une schizophrénie en phase de décompensation psychotique, avec des idées délirantes à thématique mégalomane et paranoïaque, susceptible de représenter un risque pour son intégrité personnelle, respectivement celle d’autrui. Bien que son état se soit légèrement amélioré au niveau de la communication verbale, elle présente toujours des idées délirantes, lesquels se sont exprimées lors de son audition par le juge délégué de la Chambre de surveillance. Elle est toujours totalement anosognosique de son état, refuse tout suivi psychiatrique à sa sortie d’hospitalisation, souhaitant se soigner au moyen de la sophrologie et de la médecine douce, mais prend dorénavant volontairement depuis quelques jours son traitement antipsychotique, lequel a été modifié et ne correspond plus à la décision de traitement sans consentement qui a été prise, celle-ci étant ainsi devenue sans objet, aux dires du médecin entendu en audience. Aucune nouvelle décision de traitement sans consentement n’a été rendue nécessaire depuis lors, compte tenu de la compliance relative de la recourante, qui prend son traitement médicamenteux, bien qu’elle considère qu’il ne soit pas nécessaire, ne se considérant pas malade.

Au vu de ce qui précède, l’amélioration de l’état de santé de la recourante n’étant pas significatif et les risques tant hétéroagressif que de grave état d’abandon étant toujours présents si elle devait quitter prématurément la clinique de B______, son placement à des fins d’assistance, lequel était indispensable au moment où il a été prononcé et à la date de la décision du Tribunal de protection, apparaît toujours nécessaire. Le recours sera ainsi rejeté sur ce point, dès lors qu’il n’existe pas de mesure moins rigoureuse que celle-ci afin de permettre une stabilisation de l’état de santé de la recourante, notamment de manière ambulatoire, et d’écarter tout danger. Par contre, la mesure de traitement sans consentement du 22 décembre 2023, laquelle semble être dorénavant sans objet, le plan de traitement initial ayant été modifié, sera levée, en tant que de besoin, la recourante prenant depuis quelques jours de manière volontaire le traitement à base d’Abilify qui lui est proposé.

3. La procédure est gratuite (art. 22 al. 4 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 16 janvier 2024 par A______ contre l'ordonnance DTAE/94/2024 rendue le 9 janvier 2024 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/22450/2011.

Au fond :

Rejette le recours concernant le placement à des fins d’assistance.

Lève, en tant que de besoin, la décision médicale du 22 décembre 2023 prescrivant un traitement sans consentement.

Sur les frais :

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.