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Décisions | Chambre de surveillance

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C/14500/2020

DAS/195/2020 du 20.11.2020 sur DJP/379/2020 ( AJP ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/14500/2020 DAS/195/2020

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 20 NOVEMBRE 2020

 

Appel (C/14500/2020) formé le 16 octobre 2020 par Madame A______, domiciliée ______ [GE], comparant par Me Christian GIROD, avocat, en l'Etude duquel elle élit domicile.

* * * * *

Arrêt communiqué par plis recommandés du greffier
du 24 novembre 2020 à :

- Madame A______
c/o Me Christian GIROD, avocat,
Rue des Alpes 15bis, case postale 288, 1211 Genève 1.

- Monsieur B______
______, FRANCE.

- Madame C______
______, ISRAËL.

- Madame D______
______, ÉTATS-UNIS.

- Madame E______
______, ISRAËL.

- Monsieur F______
______, ÉTATS-UNIS.

- Monsieur G______
______ ÉTATS-UNIS.

- Monsieur H______
______, FRANCE.

- Monsieur I______
______, ISRAËL.

- Monsieur J______,
______, ISRAËL.

- Monsieur K______
______, ISRAËL.

- Madame L______
______, ISRAËL.

- Madame M______
______, ISRAËL.

- Maître N______
______ Genève.

- JUSTICE DE PAIX.

 

Pour information :

-       Maître O______
______ [GE].

 

 

 


EN FAIT

A. Par décision DJP/379/2020 du 6 octobre 2020, la Justice de paix a ordonné l'administration d'office de la succession de P______, décédé le ______ 2020 (ch. 1 du dispositif), désigné Me N______, avocat, aux fonctions d'administrateur d'office (ch. 2), dit que l'administrateur d'office ne procédera qu'aux actes conservatoires nécessaires, à l'exception de tout autre acte de disposition qui ne pourra s'effectuer qu'avec l'accord préalable de la Justice de paix (ch. 3), invité l'administrateur d'office à lui adresser, d'ici quatre mois, un état des actifs et passifs de la succession, dressé, le cas échéant, en collaboration avec l'administration fiscale (ch. 4), et mis les frais exposés par le greffe et un émolument de 250 fr. à la charge de la succession (ch. 5).

Cette décision a été communiquée pour notification le 7 octobre 2020 à treize personnes en Suisse, en Israël, aux Etats-Unis et en France, ainsi qu'à l'administrateur d'office désigné et, pour information, au notaire O_____ à Genève.

B. Par acte déposé au greffe de la Cour le 16 octobre 2020, A______, veuve du défunt, a formé appel de cette décision concluant à son annulation et à ce que la Justice de paix soit instruite à l'envoyer en possession provisoire des biens de la succession.

Elle fait essentiellement grief à la Justice de paix d'avoir violé la disposition de l'article 554 al. 1 CC, considérant qu'aucun des cas permettant que l'administration d'office soit ordonnée dans le cadre de cette disposition n'était réalisé.

Des déterminations n'ont pas été requises.

C. Ressortent pour le surplus de la procédure les faits pertinents suivants :

a) P______, né le ______ 1929 à S______, Egypte, originaire de Genève, marié, est décédé le ______ 2020 à T______ [GE], sans descendant. De son vivant il était domicilié 1______ à U______ [GE] dans un appartement dont il était propriétaire (lot de copropriété 2______).

b) En date du 2 juillet 2008, P______ avait dressé un testament olographe par lequel il instituait pour seule héritière sa compagne, A______, devenue en 2009 son épouse, née le ______ 1953 et en cas de prédécès, son neveu F______, fils de son frère Q______, ou à défaut, son neveu G______, fils de son frère R______.

c) En date du 6 août 2020, le notaire O______ a communiqué le testament aux héritiers du défunt les rendant attentifs à la possibilité de l'opposition à la délivrance d'un certificat d'héritier.

d) Par courrier du 7 septembre 2020, reçu le 11 septembre 2020 par la Justice de paix, B______, neveu du défunt domicilié à V______ (France), a formé opposition à la délivrance d'un certificat d'héritier à A______. Il a requis la désignation d'un administrateur d'office, considérant que le testament ne correspondait pas à la volonté de son oncle, telle qu'il l'a lui avait communiquée.

Aucun exécuteur testamentaire n'ayant été désigné, et estimant que "les droits des héritiers" étaient contestés, la Justice de paix a rendu la décision querellée.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions du juge de paix, qui relèvent de la juridiction gracieuse et sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. e CPC) sont susceptibles d'un appel dans le délai de dix jours (art. 314 al. 1 CPC) auprès de la Chambre civile de la Cour de justice (art. 120 al. 2 LOJ) si la valeur litigieuse est égale ou supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

L'appel doit être écrit et motivé (art. 311 al. 1 CPC).

1.2 En l'espèce, l'appel, formé dans le délai et selon la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC) est formellement recevable, la valeur de la succession étant sans aucun doute supérieure à 10'000 fr. vu le bien immobilier qui en fait partie.

1.3 La Cour, compétente pour en connaître revoit la cause en fait et en droit et avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

2. Comme dit précédemment, l'appelante fait grief au juge de paix d'avoir violé la disposition de l'art. 554 al. 1 CC en ordonnant la mesure prononcée.

2.1 Selon l'art. 554 al. 1 CC, l'autorité ordonne l'administration d'office de la succession en cas d'absence prolongée d'un héritier qui n'a pas laissé de fondé de pouvoirs, si cette mesure est commandée par l'intérêt de l'absent (ch. 1), lorsque aucun de ceux qui prétendent à la succession ne peut apporter une preuve suffisante de ses droits ou s'il est incertain qu'il y ait un héritier (ch. 2), lorsque tous les héritiers du défunt ne sont pas connus (ch. 3), ainsi que dans les autres cas prévus par la loi (ch. 4).

L'art. 554 al. 1 ch. 4 CC n'est pas une réserve en faveur du droit cantonal, mais renvoi exclusivement aux autres règles de droit fédéral qui prévoient l'administration d'office de la succession, à savoir les art. 490 al. 3, 556 al. 3, 598 et 604 al. 3 CC (KARRER/VOGT/LEU, Basler Kommentar ZGB II, 4ème édition 2011 n. 17 ad art. 554 CC).

Lorsque des dispositions de dernières volontés lui sont soumises, l'autorité peut ainsi ordonner l'administration d'office de la succession (art. 556 al. 3 CC) sans que les conditions des art. 554 al. 1 ch. 1 à 3 CC ne soient remplies.

L'autorité doit ordonner l'administration d'office à défaut d'héritiers légaux auquel l'administration des biens peut être confiée ou lorsqu'elle considère que la gestion provisoire par les héritiers légaux ou par l'exécuteur testamentaire représente un risque particulier pour la délivrance de biens aux héritiers (MEIER/RAYMOND-EINIEVA CR-CC II n. 15 ad art. 556 CC).

2.2 En l'espèce, le juge de paix a considéré, sur le vu du seul courrier à lui adressé par B______, qu'il existait un risque d'atteinte à la dévolution de l'hérédité en cas de gestion provisoire de la succession par l'appelante. De ce fait, il a étendu de manière injustifiée le champ d'application de la disposition de l'art. 556 al. 3 CC. En effet, le principe posé par cette disposition veut qu'après la remise du testament, les héritiers légaux soient envoyés en possession provisoire, de sorte qu'ils disposent en conséquence de l'administration provisoire de la succession. A titre exceptionnel, et comme mesure de sûreté destinée à assurer la dévolution de la succession, en cas de conflit d'intérêts ou de risque potentiel pour les droits d'autres héritiers ou de tiers (p.ex légataires), l'administration d'office peut être ordonnée. Or, dans le cas présent, le juge de paix a pris la mesure contestée sur la base de la seule annonce d'une possible contestation des dispositions testamentaires du défunt par un héritier potentiel non réservataire (art. 462 ch. 3 CC), qui, en l'état, ne peut prétendre à aucun droit dans la succession. Par ailleurs, si et pour autant qu'une action en annulation des dispositions testamentaires soit introduite et gagnée, il n'est en rien rendu vraisemblable que l'envoi en possession provisoire en faveur de l'appelante, héritière légale et instituée, présenterait un risque quelconque que les droits des éventuels autres héritiers soient mis en péril de ce fait. Par conséquent et dans la mesure où la décision querellée se fonde sur des conjectures sans substance, elle doit être annulée.

3. La mesure de sûreté prononcée par le juge de paix étant annulée, les frais de la procédure d'appel, arrêtés à 500,- fr seront supportés par l'Etat de Genève. L'avance de frais de même montant versée par l'appelante lui sera en conséquence restituée.

Il ne sera pas alloué de dépens.

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel déposé le 16 octobre 2020 par A______ contre la décision DJP/379/2020 rendue le 6 octobre 2020 par la Justice de paix dans la cause C/14500/2020.

Au fond :

Annule cette décision.

Arrête les frais à 500 fr., et les laisse à la charge de l'Etat de Genève.

Ordonne aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer à A______ la somme de 500 fr. versée à titre d'avance de frais.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, les moyens étant limités en application de l'art. 98 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.