Décisions | Chambre Constitutionnelle
ACST/19/2024 du 03.10.2024 ( INIT ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/636/2024-INIT ACST/19/2024 COUR DE JUSTICE Chambre constitutionnelle Arrêt du 3 octobre 2024 |
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dans la cause
A______
B______
COMITÉ D'INITIATIVE LÉGISLATIVE 197 « EXPLOITATIONS À PROXIMITÉ DES GRAVIÈRES : UNE DISTANCE MINIMALE AFIN DE MIEUX PRÉSERVER LA SANTÉ PUBLIQUE ! » recourants
représentés par Me Shayan FARHAD, avocate
contre
CONSEIL D'ÉTAT intimé
A. a. A______ et B______ sont des citoyennes suisses qui exercent leurs droits politiques à Genève. Elles sont membres du COMITÉ D'INITIATIVE 197 « EXPLOITATIONS À PROXIMITÉ DES HABITATIONS : UNE DISTANCE MINIMALE AFIN DE MIEUX PRÉSERVER LA SANTÉ PUBLIQUE ! » (ci-après : le comité).
B. a. Le 1er février 2022, le comité a informé le Conseil d'État du lancement de l'initiative législative cantonale 197 « Exploitations à proximité des habitations : une distance minimale afin de mieux préserver la santé publique ! » (ci-après : IN 197). A______ était désignée mandataire du comité et B______ remplaçante. L'IN 197 avait lors de son lancement la teneur suivante :
« Art. 1 Modifications |
La loi sur les gravières et exploitations assimilées […] du 28 octobre 1999 [(LGEA - L 3 10], est modifiée comme suit : |
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Art. 3C Mesures de protection (nouveau) : |
L’ensemble des activités découlant des types d’exploitations et de décharges visés par la présente loi est considéré comme pouvant porter atteinte à la santé publique. La distance minimale séparant les zones d’exploitations des zones d’habitations est fixée de manière à préserver la santé des personnes touchées et à limiter les nuisances. Dans tous les cas, cette distance n’est pas inférieure à 300 mètres. |
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Art. 2 Entrée en vigueur |
Le Conseil d'État fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
Art. 3 Disposition transitoire |
Dès son entrée en vigueur, la modification de la présente loi est directement applicable aux procédures en cours. » |
Selon l'exposé des motifs à l'appui de l'initiative, l'importante densification et l'espace restreint sur le territoire de Genève rendaient difficile la protection de la santé des habitants vivant à proximité des exploitations à ciel ouvert et des décharges de matériaux d'excavation produisant des nuisances importantes (bruit et pollution de l'air). Le brassage des matériaux et le va-et-vient incessant des camions généraient notamment du bruit, de la poussière et des particules fines qui pouvaient s'avérer particulièrement nocives pour la santé, surtout lors d'une exposition prolongée. L'objectif de l'initiative était de réduire l'impact des nuisances provoquées par ces activités sur la santé de la population. De ce fait, elle visait à introduire expressément l'obligation de respecter une distance minimale de 300 m entre les zones d'exploitations et les zones d'habitations. Il s'agissait de préserver sérieusement la santé de la population genevoise.
b. Le 20 février 2022, le service des votations et élections a approuvé la formule de récolte des signatures et le lancement a été publié dans la Feuille d'Avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO).
c. Par arrêté du 27 septembre 2023, publié dans la FAO le surlendemain, le Conseil d'État a constaté l'aboutissement de l'IN 197.
d. Les 30 octobre et 13 décembre 2023, le Conseil d'État a sollicité la détermination du comité sur la validité de l'IN 197. Il l'a notamment invité à se prononcer sur les points suivants :
- le fait de tripler la distance minimale en vigueur, au regard du fait que des directives entravant de manière systématique un certain type d'installations pourraient être considérées comme contraire au droit fédéral, que le droit de l'environnement était fortement axé sur une évaluation au cas par cas, dans le respect du principe de la proportionnalité et que l'exploitation de gisements de graviers répondait à un intérêt public important ;
- le fait qu'en limitant de manière concrète les zones d'extraction de graviers, l'initiative pourrait constituer une entrave à la liberté économique des sociétés exploitantes de gravières, notamment, et que la fixation d'une limite de 300 m de manière générale et abstraite pourrait vider de son sens la réglementation applicable, qui visait l'analyse du principe de la proportionnalité ;
- le fait que l'initiative pourrait être interprétée comme délimitant des zones de gravières et de décharges contrôlées ou comme une révision du plan directeur des gravières ou comme une révision du plan directeur cantonal, et donc comme empiétant sur une compétence exclusive du Conseil d'État ou sur une compétence que le Grand Conseil exerçait par le biais d'une résolution, non sujette à initiative ;
- le fait que l'IN 197 aurait pour conséquence une perte de l'ordre de 12% à 50% des ressources en gravier du canton, par rapport aux art. 11 et 12 de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (loi sur la protection de l’environnement - LPE - RS 814.01) et au principe de la proportionnalité.
e. Les 30 octobre et 20 décembre 2023, le comité a conclu à la pleine validité de l'IN 197 et a produit un rapport préparé par ses membres, comprenant des médecins.
Le fait de tripler de manière générale et abstraite la distance minimale était justifié par des considérations scientifiques et s'inscrivait dans la réalisation de l'intérêt public de la protection de la santé poursuivi par l'initiative. La poursuite de cet intérêt était prépondérante à la liberté économique, dont l'essence n'était pas atteinte.
Une initiative pouvait traiter de tout ce qui pouvait faire l'objet d'une loi. La législation cantonale contenait d'autres cas de fixation de distances par le Grand Conseil alors que le Conseil d'État bénéficiait de compétences en la matière. Le Conseil d'État continuerait à jouir de sa compétence de délimiter les gravières ou décharges contrôlées, mais dans le respect de la distance minimale de 300 m. L'initiative ne visait à modifier ni le plan des gravières, ni le plan directeur cantonal, mais le cadre législatif. De telles modifications ne seraient que la conséquence de l'initiative et non le but de celle-ci, de sorte qu'il s'agissait d'un élément indépendant de l'examen de sa validité.
Il n'était pas en mesure de se prononcer sur les estimations et chiffres articulés, ni même sur l'existence d'une perte. La question de la perte de ressources constituait un point périphérique à la question de la validité de l'initiative, dont il convenait de s'écarter. La poursuite de l'intérêt à la santé publique était prépondérante à toute considération d'ordre opérationnel ou économique et l'impossibilité de limiter l'étendue de la perte des ressources n'était en l'état pas démontrée.
C. a. Par arrêté du 24 janvier 2024, publié dans la FAO le 26 janvier suivant, le Conseil d'État a partiellement invalidé l'IN 197. Dans le texte validé, tel qu'il serait transmis au Grand Conseil, l'art. 3C LGEA ne comporterait plus de troisième phrase et l'art. 2 aurait la teneur suivante : « La présente loi entre en vigueur dans les plus brefs délais dès sa promulgation ».
L'art. 3 souligné devrait figurer dans la LGEA et devait en réalité être compris comme l'ajout d'un art. 45 (nouveau) LGEA intitulé « Disposition transitoire à la modification du [date de la loi issue de l'IN 197] » et dont la teneur légèrement rectifiée serait la suivante : « Dès l'entrée en vigueur de la modification du [à compléter], celle-ci sera directement applicable aux procédure en cours ». Il serait interprété en ce sens que la modification législative issue de l'IN 197 ne s'appliquerait immédiatement qu'aux procédures de première instance en cours et qu'elle ne pourrait s'appliquer qu'aux procédures de recours introduites après son entrée en vigueur, l'ancien droit restant applicable aux procédures de recours pendantes au moment de ladite entrée en vigueur.
La notion de « zones d'habitations » de l'art. 3C était sujette à interprétation et pouvait concerner soit uniquement les habitations dans les zones à bâtir, soit également les habitations isolées sises en zone agricole. La question du sens à lui donner pouvait demeurer indécise.
Il en allait de même de la question de savoir si, par le biais d'une modification législative, l'IN 197 empiétait sur des compétences exclusives du Conseil d'État, qui avait fixé la limite actuelle de 100 m pour la première fois en 1999 dans le plan directeur des gravières et qui figurait dans le règlement d'application de la LGEA du 19 avril 2000 (RGEA - L 3 10.03).
La LPE laissait aux cantons une compétence résiduelle s'agissant d'imposer des distances à respecter dans le but de protéger la population et les habitants. Le principe même d'inscrire dans la LGEA une prescription générale et abstraite concernant une distance à respecter entre les « zones d'exploitations » et les « zones d'habitations » pourrait être considéré comme conforme au droit supérieur, à l'aune du principe de prévention. Encore fallait-il que la prescription remplisse les trois conditions de l'art. 11 al. 2 LPE.
Elle était réalisable du point de vue technique.
S'agissant de l'aspect économique, la mesure engendrerait une perte de ressources en gravier de l'ordre de 6'000'000 à 22'000'000 m3, soit 12% à 50% de celles du canton. S'il devait être retenu que la distance de 300 m devait être calculée depuis le centre de toute habitation, y compris celles isolées en zone agricole, cela pourrait avoir comme conséquence d'entraver systématiquement la création de nouvelles gravières dans un périmètre donné, ce qui irait à l'encontre du but de la LPE, qui n'était pas une loi d'empêchement. La prescription entraînerait également une réduction importante de la rémunération des propriétaires des terrains, qui dépendait du volume de gravier exploité. La mesure proposée par l'art. 3C 3e phr. aurait des conséquences économiques particulièrement lourdes, que ce soit pour les entreprises privées actives dans l'extraction de gravier ou dans la construction ou pour les propriétaires des terrains.
Sous l'angle de la proportionnalité, vu l'admissibilité de la prescription au regard du principe de prévention, la question du caractère probant des « considérations scientifiques » avancées par les initiants pouvait rester indécise, même s'il semblait douteux. Étant donné que la distance prévue permettait de protéger les habitations contre les émissions concernées, elle respectait le critère de l'aptitude. Les très nombreuses prescriptions en matière de protection de l'environnement et d'aménagement du territoire permettaient d'ores et déjà d'atteindre le résultat escompté par la prescription. C'était précisément l'objectif de l'étude d'impact sur l'environnement (ci-après : EIE), ainsi que de la notice d'impact sur l'environnement, requise pour tout projet d'ouverture d'une gravière. En matière d'aménagement, toute la planification avait principalement pour objectif d'effectuer une pesée de tous les intérêts en présence, y compris l'intérêt public à la protection de la santé. Les plans d'extraction devaient contenir toutes les informations permettant d'examiner le respect des exigences en matière d'émissions. La protection de la santé était ainsi déjà assurée en amont. L'instauration d'une distance minimale de 300 m n'empêcherait pas les dérogations, prévues à l'art. 4 al. 4 LGEA. La mesure ne respectait pas le critère de la nécessité. Cette conclusion était confirmée par le fait que lors de la réactualisation du plan directeur des gravières en 1999, les milieux concernés avaient sollicité une distance aux limites de 200 m, ce que le groupe de travail avait refusé, car la distance de 100 m était suffisante et des études précises devaient être effectuées au cas par cas. Elle était également appuyée par le fait que la plupart des cantons ne prévoyait pas de distance à respecter pour les zones de gravières et que même les cantons en prévoyant une retenaient qu'il s'agissait d'une valeur indicative devant être évaluée au cas par cas. S'agissant de la proportionnalité au sens étroit, l'exploitation de gisements de gravier répondait à un intérêt public important, résidant notamment dans la possibilité de satisfaire le besoin du secteur de la construction, en évitant autant que possible les longs transports, sources de nuisance. Le secteur genevois de la construction devait faire face à la raréfaction des ressources locales en graviers et le canton était déjà confronté à la perspective d'un épuisement à moyen terme. L'estimation de ressources de gravier avait été réévaluée à la baisse. L'intérêt public se recoupait largement avec l'intérêt privé des exploitants de gravières. L'intérêt public à la santé était déjà amplement préservé grâce aux nombreuses dispositions applicables, sous l'angle de la protection de l'environnement ou de l'aménagement du territoire. Le bénéfice escompté de la mesure serait donc minime. Le fait de fixer de manière générale et abstraite une distance aux limites de 300 m ne consacrait pas une approche pragmatique du choix, de la conception et de l'injonction des mesures prises au nom du principe de prévention, en particulier lorsque des marges de sécurité devraient être appliquées sans assise scientifique solide. La mesure proposée par l'art. 3C 3e phr. consacrait une violation du principe de la proportionnalité au sens étroit.
Elle était contraire au droit supérieur, sous l'angle du principe de prévention et sous l'angle du principe de la proportionnalité.
Le fil conducteur de l'IN 197 consistait à protéger la population genevoise contre les potentielles atteintes nuisibles ou incommodantes liées à l'exploitation de gravières et de décharges contrôlées visées par la LGEA. Seul l'art. 3C 3e phr. était contraire au droit fédéral et devait être invalidé. Malgré cette suppression, l'initiative conservait un sens et permettait de poursuivre le but recherché par les initiants, en particulier dans la mesure où elle visait à préciser dans la LGEA que la distance minimale séparant les zones d'exploitations des zones d'habitations devait être fixée de manière à préserver la santé des personnes touchées et à limiter les nuisances. Même sans cette phrase, le texte final serait toujours conforme au titre de l'initiative. L'invalidation partielle devait être admise.
D. a. Par acte du 23 février 2024, A______, B______ et le comité (ci-après : les consorts) ont recouru auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre cet arrêté, concluant à son annulation en tant qu'il invalidait partiellement l'IN 197 en supprimant l'art. 3C 3e phr., à la déclaration de validité de l'IN 197 dans son intégralité et à l'octroi d'une indemnité de procédure de CHF 5'000.-.
Les pouvoirs du Conseil d'État ne seraient pas compromis par l'introduction de la distance minimale de 300 m, puisqu'il continuerait de jouir de sa compétence pour délimiter les zones de gravières et décharges visées, mais dans le respect de la distance de 300 m. Le rapport du Conseil d'État au Grand Conseil du 24 janvier 2024 indiquait qu'un contre-projet incluerait une modification visant à introduire, dans la LGEA, la distance minimale de 100 m. Si le Conseil d'État était d'avis que la fixation d'une distance minimale était de sa compétence exclusive, il n'aurait pas proposé qu'une telle distance soit portée dans la loi.
Les normes constitutionnelles et légales existantes instauraient un principe général de protection de la santé publique et représentaient un socle fondamental. Elles n'avaient pas pour finalité de garantir une telle protection de manière concrète et dépendaient de la mise en œuvre faite par les autorités. Le fait d'introduire dans la loi une norme de protection effective et efficace dans un contexte précis prenait tout son sens, d'autant plus en l'absence d'une provision similaire préexistante. L'existence de normes légales, qui pouvaient être insuffisantes ou obsolètes, ou encore insuffisamment contraignantes ou spécifiques, et la prise en compte de la protection de la santé publique en amont des projets ne garantissaient pas concrètement une protection adéquate de la santé publique. La distance minimale cristallisait davantage le principe de prévention et allait au-delà des dispositions préexistantes. L'efficacité des EIE, qui étaient financées par les sociétés exploitantes, dépendait de l'intégrité, l'objectivité et la fiabilité des données contenues et n'était pas garantie. L'introduction d'une distance minimale réduirait la pression économique pouvant influencer de telles études. Elle contribuerait à instaurer une plus grande transparence et prévisibilité. Il s'agissait d'une mesure efficace pour pallier les biais du processus de planification. Le critère de la nécessité était pleinement rempli.
Les normes et pratiques dans d'autres cantons, dont la situation était incomparable à celle de Genève, étaient dépourvues de pertinence. Le canton de Zurich avait une population trois fois plus élevée tout en étant deux fois moins dense que Genève et prescrivait une distance de 300 m. Compte tenu de la densité du canton et des enjeux spécifiques à celui-ci, la distance de 300 m était légitime.
Les éléments versés à la procédure démontraient que la distance de 100 m n'était plus adaptée face aux connaissances actuelles en lien avec les particules fines et devait être revue. Les considérations scientifiques présentées étaient suffisantes.
La possibilité de dérogations, admises de manière très stricte, ne faisait pas perdre sa pertinence à la mesure proposée et ce régime dérogatoire n'était pas remis en cause.
Le refus d'une limite de 200 m était intervenu 25 ans auparavant, moment depuis lequel la densité dans le canton avait fortement augmenté et les connaissances scientifiques évolué. Le refus de l'époque ne pouvait plus être pris en compte.
L'existence d'une limite de 100 m remettait en cause l'approche préconisée au cas par cas par le Conseil d'État et, à le suivre, ladite limite devrait également être supprimée.
Il n'y avait pas de violation du principe de prévention.
La mesure ne touchait pas le noyau intangible de la liberté économique, puisqu'elle ne visait pas une interdiction, mais uniquement un éloignement des gravières et décharges visées. Elle visait un intérêt public important, la santé publique, et garantissait sa protection en tant que droit fondamental. La poursuite de cet intérêt était prépondérante à la liberté économique, dont une éventuelle restriction s'exerçait de manière proportionnelle sans porter atteinte à l'essence du droit fondamental. Le Conseil d'État ne démontrait pas la perte de ressources alléguée, question qui s'inscrivait en périphérie de la validité de l'IN 197 et devait être écartée. Même à l'admettre, l'éventuel impact restait proportionné au but poursuivi de protection de la santé et nécessaire à celui-ci. La distance de 300 m ne s'opposait pas à la mise en œuvre d'une approche pragmatique. La mesure était conforme au principe de la proportionnalité au sens étroit.
En invalidant partiellement l'IN 197, le Conseil d'État privait les citoyens genevois de la possibilité d'exercer leur voix et de participer démocratiquement au processus décisionnel concernant l'introduction éventuelle d'une limite minimale de 300 m visant à protéger leur santé. Ce faisant, il entravait leurs droits politiques et violait les principes fondamentaux de la démocratie.
À l'appui de leur recours, les consorts ont notamment produit un rapport du comité intitulé « Compléments sur les données scientifiques (commentaires des médecins initiants) ».
b. Le 26 mars 2024, le Conseil d'État s'est référé à son arrêté.
c. Le 4 avril 2024, les consorts ont renoncé à formuler des observations complémentaires.
d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.
1. 1.1 La chambre constitutionnelle est compétente pour connaître d'un recours interjeté, comme en l’espèce, contre un arrêté du Conseil d’État relatif à la validité d’une initiative populaire (art. 130B al. 1 let. c de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; ACST/3/2024 du 18 avril 2024 consid. 1.1).
1.2 Le recours a été interjeté en temps utile, le délai légal ordinaire de 30 jours (art. 62 al. 1 let. a et d de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) s’appliquant en la matière, nonobstant le silence de la loi (ACST/3/2024 précité consid. 1.2). Il respecte en outre les conditions de forme et de contenu prévues aux art. 64 al. 1 et 65 al. 1 et 2 LPA.
2. 2.1 Le recours contre une décision relative à la validité d’une initiative rédigée de toutes pièces, comme l’IN 194, concerne le droit de vote des citoyens ainsi que les votations et élections au sens de l’art. 82 let. c LTF. Toute personne physique ayant le droit de vote dans l’affaire en cause est recevable à interjeter un tel recours, de même que les partis politiques et les organisations à caractère politique formées en vue d’une action précise, comme le lancement d’une initiative ou d’un référendum (ATF 147 I 206 consid. 2.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_297/2021 du 4 janvier 2022 consid. 1 ; ACST/3/2024 précité consid. 2).
2.2 En l’occurrence, il n'est pas contesté que les deux personnes physiques recourantes sont citoyennes suisses et exercent leurs droits politiques dans le canton, de sorte qu'elles ont chacune la qualité pour recourir. Il en va de même de du comité, qui s’est constitué pour le lancement de l’IN 197.
Le recours est par conséquent recevable.
3. Le recours porte sur la conformité au droit de l'invalidation partielle opérée par le Conseil d'État de l’IN 197, soit une initiative législative rédigée de toutes pièces. Le Conseil d'État a invalidé l'IN 197 en tant qu'elle prévoyait que la distance minimale entre les « zones d'exploitations » de gravières et décharges au sens de la LEGA et les « zones d'habitations » ne pouvait être inférieure à 300 m, considérant cette prescription contraire au droit supérieur, ce que les recourants contestent.
4. 4.1 Les trois conditions de validité d’une initiative que prévoit l’art. 60 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst‑GE ‑ A 2 00) sont l’unité du genre, l’unité de la matière et la conformité au droit supérieur (ATF 143 I 129 consid. 2.1). S’y ajoutent, déduites de la liberté de vote garantie par les art. 34 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 44 Cst-GE, l’exigence de clarté du texte de l’initiative et celle d’exécutabilité de celle-ci (ATF 133 I 110 consid. 8 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_608/2022 du 17 août 2023 consid. 2).
Une initiative populaire cantonale, quelle que soit sa formulation, doit respecter les conditions matérielles qui lui sont imposées. Elle ne doit, en particulier, rien contenir de contraire au droit supérieur, qu’il soit cantonal, intercantonal, fédéral ou international. En vertu du principe de primauté du droit fédéral ancré à l’art. 49 al. 1 Cst., les cantons ne sont pas autorisés à légiférer dans les matières exhaustivement réglementées par le droit fédéral. Dans les autres domaines, ils peuvent édicter des règles de droit, pour autant qu’elles ne violent ni le sens ni l’esprit du droit fédéral et qu’elles n’en compromettent pas la réalisation (ATF 143 I 129 consid. 2.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_393/2022 du 31 mars 2023 consid. 2.1). Par ailleurs, conformément à l’art. 5 al. 4 Cst., la Confédération et les cantons doivent respecter le droit international.
4.2 Le contrôle de la conformité au droit supérieur d’une initiative rédigée de toutes pièces s’apparente à un contrôle abstrait des normes. Il ne s’agit pas de prévenir uniquement que les citoyens soient exposés à être appelés à voter sur un objet, qui, d’emblée, ne pourrait pas être finalement concrétisé conformément à la volonté exprimée. Une initiative populaire législative formulée se transforme en loi si elle est acceptée par le Grand Conseil ou en votation populaire (art. 61 et 63 Cst-GE ; art. 122B, 123 et 123A de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève du 13 septembre 1985 - LRGC - B 1 01 ; art. 94 al. 3 et 4 de la loi sur l’exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 - LEDP - A 5 05 ; art. 5 ss de la loi sur la forme, la publication et la promulgation des actes officiels du 8 décembre 1956 - LFPP - B 2 05), sans que son texte puisse être modifié (sous réserve de la correction d’erreurs matérielles de pure forme ou de peu d’importance mais manifestes ; art. 216A LRGC). Il n’y a pas lieu de prévoir deux intensités différentes du pouvoir d’examen de la chambre constitutionnelle, selon que celle-ci examine la conformité au droit, respectivement de l’initiative formulée et, subséquemment sur recours abstrait, de la loi adoptée (ACST/33/2021 du 20 septembre 2021 consid. 2).
Il s’agit donc d’appliquer au recours en matière de validité des initiatives populaires formulées pour l’essentiel les mêmes principes d’interprétation, pouvoir d’examen et pouvoir de décision qu’en matière de contrôle abstrait des normes. Il y a lieu de contrôler librement la conformité du texte considéré avec le droit supérieur, tout en s’imposant une certaine retenue, et d’annuler les dispositions considérées seulement si elles ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu’elles ne soient interprétées ou appliquées de façon contraire au droit supérieur. Pour en juger, il faut tenir compte notamment de la portée de l’atteinte aux droits en cause, de la possibilité d’obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante, et des circonstances dans lesquelles ladite norme serait appliquée, sans pour autant négliger les exigences qu’impose le principe de la légalité (ATF 145 I 26 consid. 1.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_752/2018 du 29 août 2019 consid. 2 ; ACST/33/2021 précité consid. 2 ; ACST/12/2021 du 15 avril 2021 consid. 2).
4.3 Pour examiner la validité matérielle d’une initiative, la première règle d’interprétation est de prendre pour point de départ le texte de l’initiative, qu’il faut interpréter selon sa lettre. Bien que l’interprétation repose en principe sur le libellé, une référence à la motivation de l’initiative et aux prises de position de ses auteurs n’est pas exclue si elle est indispensable à sa compréhension. La volonté des auteurs doit être prise en compte, à tout le moins, dans la mesure où elle délimite le cadre de l’interprétation du texte et du sens que les signataires ont pu raisonnablement lui attribuer (ATF 147 I 183 consid. 6.2). Au surplus, une disposition ne doit pas être analysée séparément, mais comme la partie d’un tout ; cette interprétation systématique doit examiner non seulement l’emplacement formel de la disposition, mais également la cohérence matérielle des différentes dispositions (ATF 147 I 183 consid. 8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_608/2022 précité consid. 2 et les références citées).
Lorsque, à l’aide des méthodes reconnues, le texte d’une initiative se prête à une interprétation la faisant apparaître comme conforme au droit supérieur, elle doit être déclarée valable et être soumise au peuple. L’interprétation conforme doit ainsi permettre d’éviter autant que possible les déclarations d’invalidité. Tel est le sens de l’adage in dubio pro populo, selon lequel un texte n’ayant pas un sens univoque doit être interprété de manière à favoriser l’expression du vote populaire. Cela découle également du principe de la proportionnalité (art. 34 et 36 al. 2 et 3 Cst.), selon lequel une intervention étatique doit porter l’atteinte la plus restreinte possible aux droits des citoyens. Les décisions d’invalidation doivent autant que possible être limitées, en retenant la solution la plus favorable aux initiants (ATF 147 I 183 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_608/2022 précité consid. 5.1).
Cela étant, la marge d’appréciation de l’autorité de contrôle est évidemment plus grande lorsqu’elle examine une initiative non formulée que lorsqu’elle se trouve en présence d’une initiative rédigée de toutes pièces, sous la forme d’un acte normatif. Cependant, lorsque, de par son but même ou les moyens mis en œuvre, le projet contenu dans une telle initiative ne pourrait être reconnu conforme au droit supérieur que moyennant l’adjonction de réserves ou de conditions qui en modifient profondément la nature, une telle interprétation entre en conflit avec le respect, fondamental, de la volonté des signataires de l’initiative et du peuple appelé à s’exprimer ; la volonté de ce dernier ne doit pas être faussée par la présentation d’un projet qui, comme tel, ne serait pas constitutionnellement réalisable (ATF 143 I 129 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_391/2022 du 3 mai 2023 consid. 3.3).
5. 5.1 Selon l'art. 73 Cst., la Confédération et les cantons œuvrent à l'établissement d'un équilibre durable entre la nature, en particulier sa capacité de renouvellement, et son utilisation par l'être humain. À teneur de l'art. 74 Cst., la Confédération légifère sur la protection de l'être humain et de son environnement contre les atteintes nuisibles ou incommodantes (al. 1). Elle veille à prévenir les atteintes nuisibles ou incommodantes pour l'être humain et son environnement naturel (al. 2). L’exécution des dispositions fédérales incombe aux cantons dans la mesure où elle n’est pas réservée à la Confédération par la loi (al. 3).
L’art. 74 Cst. s’inscrit dans l’une des tâches devenue désormais fondamentale de l’État : celle de préserver les bases naturelles de la vie. La formulation très large du spectre des nuisances comme des êtres vivants et milieux à protéger a pour corollaire qu’il peut se recouper avec d’autres politiques fédérales ou cantonales. Les art. 75 à 80 Cst. doivent par conséquent être lus comme des règles de compétence spéciales par rapport à l’art. 74 Cst. (Anne-Christine FAVRE in Vincent MARTENET/Jacques DUBEY [éd.], Commentaire romand - Cst., 1re éd., 2021, n. 2 ad art. 57).
Par le mandat de l'art. 74 Cst., la Confédération dispose d’une compétence législative générale, concurrente, dotée d’un effet dérogatoire subséquent (Anne‑Christine FAVRE in Vincent MARTENET/Jacques DUBEY [éd.], op. cit., n. 14 s. ad art. 57 ; Helen KELLER in Helen KELLER [éd.], Kommentar zum Umwetschutzgesetz, 2004, n. 1 ad art. 65). Les cantons conservent des compétences législatives là où la Confédération n’a pas usé de la sienne de manière exhaustive ou dans leurs domaines de compétences propres, lorsque leur législation peut venir en appui du droit fédéral de l’environnement, soit en le complétant, soit en le renforçant ; le droit cantonal ne peut en revanche aller à l’encontre du droit fédéral, ne serait-ce qu’en rendant plus difficiles les mesures qu’il prévoit. Cette délimitation entre les compétences fédérales et les compétences cantonales pourra être délicate dans un domaine transversal comme celui visé à l’art. 74 Cst., où nombre de prescriptions en matière d’atteintes ou de risques peuvent se recouper avec des règles du ressort des cantons, telles celles en matière d’urbanisme, de police des constructions, mais aussi en matière de santé publique (Anne-Christine FAVRE in Vincent MARTENET/Jacques DUBEY [éd.], op. cit., n. 14 s. ad art. 57).
5.2 La Confédération fixe les principes applicables à l’aménagement du territoire. Celui-ci incombe aux cantons et sert une utilisation judicieuse et mesurée du sol et une occupation rationnelle du territoire (art. 75 al. 1 Cst.). La Confédération encourage et coordonne les efforts des cantons et collabore avec eux (art. 75 al. 2 Cst.). Dans l’accomplissement de leurs tâches, la Confédération et les cantons prennent en considération les impératifs de l’aménagement du territoire (art. 75 al. 3 Cst.).
En matière d'aménagement du territoire, la Confédération dispose d’une compétence législative limitée aux principes. Les cantons restent compétents pour la réalisation effective de l’aménagement du territoire (Stephan HAAG in Vincent MARTENET/Jacques DUBEY [éd.], op. cit., n. 2 ad art. 75).
5.3 Dans les limites de ses compétences, la Confédération prend des mesures afin de protéger la santé (art. 118 al. 1 Cst.). Elle légifère sur l’utilisation des denrées alimentaires ainsi que des agents thérapeutiques, des stupéfiants, des organismes, des produits chimiques et des objets qui peuvent présenter un danger pour la santé (let. a), la lutte contre les maladies transmissibles, les maladies très répandues et les maladies particulièrement dangereuses de l’être humain et des animaux ; elle interdit notamment, pour les produits du tabac, toute forme de publicité qui atteint les enfants et les jeunes (let. b), la protection contre les rayons ionisants (let. c ; art. 118 al. 2 Cst.).
5.4 Au niveau cantonal, la Constitution genevoise prévoit que toute personne a le droit de vivre dans un environnement sain (art. 19 Cst-GE). L'État protège les êtres humains et leur environnement (art. 157 al. 1 Cst-GE). Il lutte contre toute forme de pollution et met en œuvre les principes de prévention, de précaution et d’imputation des coûts aux pollueurs (art. 157 al. 2 Cst-GE). L’exploitation des ressources naturelles, notamment l’eau, l’air, le sol, le sous-sol, la forêt, la biodiversité et le paysage, doit être compatible avec leur durabilité (art. 157 al. 3 Cst-GE). L'État prend des mesures de promotion de la santé et de prévention. Il veille à réduire l’impact des facteurs environnementaux et sociaux préjudiciables à la santé (art. 172 al. 1 Cst-GE).
6. 6.1 La LPE et ses ordonnances d'application. Selon son art. 1 al. 1, la LPE vise à protéger les hommes, les animaux et les plantes, leurs biocénoses et leurs biotopes contre les atteintes nuisibles ou incommodantes et à conserver durablement les ressources naturelles. Les atteintes qui pourraient devenir nuisibles ou incommodantes doivent être réduites à titre préventif et assez tôt (art. 1 al. 2 LPE). L'art. 1 al. 2 LPE, avec l'art. 74 al. 2 Cst., consacre le principe de prévention (Jacques DUBEY, La limitation préventive des atteintes à l'environnement : entre liberté et neutralité économique in David SIFONIOS, La limitation préventive des atteintes à l'environnement : entre liberté et neutralité économique, 2009, p. 121).
Par atteintes, on entend les pollutions atmosphériques, le bruit, les vibrations, les rayons, les pollutions des eaux et les autres interventions dont elles peuvent faire l’objet, les atteintes portées au sol, les modifications du patrimoine génétique d’organismes ou de la diversité biologique, qui sont dus à la construction ou à l’exploitation d’installations, à l’utilisation de substances, d’organismes ou de déchets ou à l’exploitation des sols (art. 7 al. 1 LPE). Les pollutions atmosphériques, le bruit, les vibrations et les rayons sont dénommés émissions au sortir des installations, immissions au lieu de leur effet (art. 7 al. 2 LPE). Par pollutions atmosphériques, on entend les modifications de l’état naturel de l’air provoquées notamment par la fumée, la suie, la poussière, les gaz, les aérosols, les vapeurs, les odeurs ou les rejets thermiques (art. 7 al. 3 LPE). Par installations, on entend les bâtiments, les voies de communication ou autres ouvrages fixes ainsi que les modifications de terrain. Les outils, machines, véhicules, bateaux et aéronefs sont assimilés aux installations (art. 7 al. 7 LPE).
Avant de prendre une décision sur la planification et la construction ou la modification d’installations, l’autorité examine le plus tôt possible leur compatibilité avec les dispositions en matière d’environnement (art. 10a al. 1 LPE). Doivent faire l’objet d’une EIE les installations susceptibles d’affecter sensiblement l’environnement, au point que le respect des dispositions en matière d’environnement ne pourra probablement être garanti que par des mesures spécifiques au projet ou au site (art. 10a al. 2 LPE). Le Conseil fédéral désigne les types d’installations qui doivent faire l’objet d’une EIE ; il peut fixer des valeurs seuil. Il vérifie périodiquement les types d’installation et les valeurs seuil, et les adapte le cas échéant (art. 10a al. 3 LPE). Quiconque entend planifier, construire ou modifier une installation soumise aux dispositions sur l’EIE doit présenter à l’autorité compétente un rapport relatif à l’impact sur l’environnement. Ce rapport sert de base à l’appréciation du projet (art. 10b al. 1 LPE).
Les pollutions atmosphériques, le bruit, les vibrations et les rayons sont limités par des mesures prises à la source (limitation des émissions ; art. 11 al. 1 LPE). Indépendamment des nuisances existantes, il importe, à titre préventif, de limiter les émissions dans la mesure que permettent l’état de la technique et les conditions d’exploitation et pour autant que cela soit économiquement supportable (art. 11 al. 2 LPE). Les émissions seront limitées plus sévèrement s’il appert ou s’il y a lieu de présumer que les atteintes, eu égard à la charge actuelle de l’environnement, seront nuisibles ou incommodantes (art. 11 al. 3 LPE).
Les émissions sont limitées par l’application des valeurs limites d’émissions (let. a), des prescriptions en matière de construction ou d’équipement (let. b), des prescriptions en matière de trafic ou d’exploitation (let. c), des prescriptions sur l’isolation thermique des immeubles (let. d), des prescriptions sur les combustibles et carburants (let. e ; art. 12 al. 1 LPE). Les limitations figurent dans des ordonnances ou, pour les cas que celles-ci n’ont pas visés, dans des décisions fondées directement sur la LPE (art. 12 al. 2 LPE).
Le Conseil fédéral édicte par voie d’ordonnance des valeurs limites d’immissions applicables à l’évaluation des atteintes nuisibles ou incommodantes (art. 13 al. 1 LPE). Ce faisant, il tient compte également de l’effet des immissions sur des catégories de personnes particulièrement sensibles, telles que les enfants, les malades, les personnes âgées et les femmes enceintes (art. 13 al. 2 LPE). Les valeurs limites d’immissions des pollutions atmosphériques sont fixées de manière que, selon l’état de la science et l’expérience, les immissions inférieures à ces valeurs ne menacent pas les hommes, les animaux et les plantes, leurs biocénoses et leurs biotopes (let. a), ne gênent pas de manière sensible la population dans son bien-être (let. b), n’endommagent pas les immeubles (let. c), ne portent pas atteinte à la fertilité du sol, à la végétation ou à la salubrité des eaux (let. d ; art. 14 LPE). Les valeurs limites d’immissions s’appliquant au bruit et aux vibrations sont fixées de manière que, selon l’état de la science et l’expérience, les immissions inférieures à ces valeurs ne gênent pas de manière sensible la population dans son bien-être (art. 15 LPE).
Tant que le Conseil fédéral n’aura pas fait expressément usage de sa compétence d’édicter des ordonnances, les cantons peuvent, après en avoir référé au Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication, édicter leurs propres prescriptions dans les limites de la LPE (art. 65 al. 1 LPE). Les cantons ne peuvent fixer de nouvelles valeurs d’immission, d’alarme ou de planification, ni arrêter de nouvelles dispositions sur l’évaluation de la conformité d’installations fabriquées en série et sur l’utilisation de substances ou d’organismes. Les prescriptions cantonales existantes ont effet jusqu’à l’entrée en vigueur de prescriptions correspondantes du Conseil fédéral (art. 65 al. 2 LPE).
6.2 Les art. 11 et 12 LPE forment un tout, ayant été scindé en deux uniquement dans le souci d'éviter un seul article trop lourd (André SCHRADE/Theodor LORETAN in Helen KELLER, op. cit., n. 9 ad art. 11). L'art. 11 al. 2 LPE impose, conformément au principe posé à l'art. 1 al. 2 LPE, l'obligation de limiter les émissions à titre préventif indépendamment des nuisances existantes, c'est-à-dire sans égard au fait qu'elles soient nuisibles ou incommodantes, en se fondant sur deux critères : l'obligation de limitation préventive ne vaut que dans la mesure où cela est, premièrement, possible du point de vue technique et de l'exploitation et, deuxièmement, supportable du point de vue économique (Jacques DUBEY, op. cit., p. 127).
Il n'est en aucun cas interdit aux autorités de recourir à d'autres instruments que ceux mentionnés à l'art. 12 al. 1 LPE pour la réduction des émissions dans le cadre de leurs compétences. Au contraire, suivant les circonstances, il leur est même demandé. Il n'y a donc rien à redire au fait que les plans cantonaux de mesures de protection de l'air prévoient systématiquement des mesures ne figurant pas dans le catalogue de l'art. 12. On pense notamment aux moyens de l'aménagement du territoire (André SCHRADE/Theodor LORETAN in Helen KELLER, op. cit., n. 10 ad art. 12). Une obligation pour une installation gênante ou dangereuse de respecter une distance de sécurité ou des périmètres d'implantation, ménageant le voisinage, est une règle typique rencontrée dans les instruments de gestion spatiale, parfaitement compatible avec l'art. 65 LPE et permettant de préciser utilement la notion de « prescriptions en matière de constructions » découlant de l'art. 12 al. 1 let. b LPE (Fabia JUNGO, Le principe de précaution en droit de l'environnement suisse – avec des perspectives de droit international et de droit européen, 2012, p. 221). En effet, les mesures constructives au sens de l'art. 12 al. 1 let. b LPE impliquent également le choix de l'emplacement le moins bruyant. Si une telle mesure ne fait que déplacer les immissions, la distance joue néanmoins un rôle réducteur, pour autant que le contexte le permette (Anne‑Christine FAVRE, La protection contre le bruit dans la LPE, Le système – les particularités liées à l'aménagement du territoire, 2002, p. 119 ; André SCHRADE/Theodor LORETAN, in Helen KELLER, op. cit., n. 16 ad art. 11). Si, en principe, le principe de limitation préventive des nuisances stricto sensu (art. 11 al. 2 LPE) doit être appliqué indépendamment des nuisances existantes, il découle de la jurisprudence du Tribunal fédéral, selon laquelle l'art. 11 al. 2 LPE n'est pas applicable si les atteintes sont insignifiantes (ATF 117 Ib 28 consid. 6a) et le principe de prévention ne doit pas être compris comme une obligation systématique de supprimer complètement les atteintes évitables (ATF 126 II 300 consid. 4c/bb), qu'en dérogation à cette règle, dans les procédures d'aménagement du territoire, c'est en fonction du contexte concret que l'autorité pourra apprécier l'importance des nuisances. La mesure de limitation dite préventive des émissions ordonnée ne portera jamais sur toutes les routes, ni sur tous les stands de tir, mais uniquement sur l'installation en cause, en fonction du risque pour le voisinage touché, et donc de l'importante de la gêne, lorsque celle‑ci n'est pas insignifiante. C'est ainsi en fonction du niveau d'immissions que l'autorité ordonne éventuellement une réduction des émissions préventive, dans les procédures liées à l'aménagement du territoire (Anne‑Christine FAVRE, op. cit., p. 124).
6.3 Depuis l'entrée en vigueur de la LPE, la protection des personnes contre les atteintes nuisibles ou incommodantes est réglée par la législation fédérale. Les dispositions cantonales qui ont pour seul but la limitation quantitative des nuisances n'ont plus de portée propre dans les domaines réglés par le droit fédéral (ATF 117 Ib 156 consid. 1a ; 116 Ib 179 consid. 1bb, 114 Ib 220 consid. 4a). Le droit cantonal a conservé une portée propre là où il complète ou – dans la mesure où cela est autorisé – renforce les normes de droit fédéral (ATF 118 Ia 112 consid. 1b ; 117 Ib 147 consid. 2b). Par ailleurs, le droit fédéral laisse subsister les prescriptions cantonales en matière de protection de l'environnement qui ne font pas l'objet d'une réglementation fédérale et conservent donc une portée propre ; il en est ainsi des prescriptions concernant des objectifs particuliers d'urbanisme, telles que les règles d'affectation du sol destinées à définir les caractéristiques d'une zone ou d'un quartier (ATF 117 Ib 156 consid. 1a ; 116 Ib 183 consid. 3b ; 114 Ib 223 consid. 5 ; Anne-Christine FAVRE, op. cit. , 2002, p. 344).
L'art. 65 al. 2 LPE exprime clairement que la Confédération règle exclusivement les questions touchant à la fixation des valeurs limites d'exposition. Il ne laisse plus de compétence aux cantons en cette matière. L'al. 2 exclut par conséquent pour ces questions toute compétence concurrente des cantons pour adopter de nouvelles réglementations (Anne-Christine FAVRE, op. cit., p. 342 ; Helen KELLER in Helen KELLER, op. cit., n. 4 et 18 ad art. 65).
Le droit fédéral de l'environnement contient une réglementation exhaustive, que ce soit au niveau de la loi ou des ordonnances notamment s'agissant des principes du droit de la protection contre les immissions. En outre, le concept de protection contre les immissions en deux étapes de l'art. 11 LPE et les dispositions des ordonnances correspondantes (par exemple art. 3 ss et 31 ss OPair et art. 7f OPB) ne laissent aucune place à des prescriptions cantonales qui règlent de manière générale la protection contre les immissions ou qui interdisent la construction de certaines installations génératrices d'immissions. Il contient également une règlementation exhaustive pour les valeurs limites d'émission dans le domaine de la protection de l'air, pour de nombreux polluants et types d'installations, ou de la protection contre le bruit dû aux installations (Helen KELLER in Helen KELLER, op. cit., n. 14 s. ad art. 65 et les références citées).
7. 7.1 Les installations mentionnées en annexe sont soumises à une EIE au sens de l’art. 10a LPE (art. 1 de l'ordonnance relative à l’étude de l’impact sur l’environnement du 19 octobre 1988 - OEIE - RS 814.011). Au point 80.3 de l'annexe OEIE figurent les gravières, sablières, carrières et autres exploitations d’extraction de matériaux non utilisés à des productions d’énergie, d’un volume global d’exploitation supérieur à 300 000 m3.
7.2 L'ordonnance sur la protection de l’air du 16 décembre 1985 (OPair - RS 814.318.142.1) a pour but de protéger l’homme, les animaux et les plantes, leurs biotopes et biocénoses, ainsi que le sol, des pollutions atmosphériques nuisibles ou incommodantes (art. 1 al. 1 OPair). Elle régit la limitation préventive des émissions dues aux installations qui causent des pollutions atmosphériques, au sens de l’art. 7 LPE (let. a), l’incinération de déchets en plein air (let. abis), les normes applicables aux combustibles et aux carburants (let. b), la charge polluante admissible de l’air (valeurs limites d’immission ; let. c), la procédure à suivre lorsque les immissions sont excessives (let. d ; art. 1 al. 2 OPair).
La section 1 du chapitre 2 sur les émissions traite de la limitation des émissions dues aux nouvelles installations stationnaires (art. 3 à 6 OPair) et la section 2 de la limitation des émissions dues aux installations existantes (art. 7 à 11 OPair). Les nouvelles installations stationnaires doivent être équipées et exploitées de manière à ce qu'elles respectent la limitation des émissions fixée à l'annexe 1 (art. 3 al. 1 OPair). L'art. 3 al. 2 OPair prévoit des exigences complémentaires ou dérogatoires pour certaines installations, notamment les machines de chantier et leurs systèmes de filtres à particules, selon les exigences de l'annexe 4 (let. c). Si des exploitations artisanales ou industrielles comportent des phases de travail provoquant de fortes émissions de poussières, par exemple transport par tapis roulant, broyage, tri ou chargement de produits formant de la poussière, il faut récupérer les effluents gazeux et les acheminer vers une installation de dépoussiérage (ch. 43 al. 1 annexe 1 OPair). Lors de l'entreposage ou du transbordement en plein air de produits formant des poussières, il y a lieu de prendre des mesures empêchant les fortes émissions de poussières (ch. 43 al. 2 annexe 1 OPair). Les émissions seront captées aussi complètement et aussi près que possible de leur source, et évacuées de telle sorte qu'il n'en résulte pas d'immissions excessives (art. 6 al. 1 OPair).
S'il est à prévoir qu'une installation projetée entraînera des immissions excessives, quand bien même elle respecte la limitation préventive des émissions, l'autorité impose une limitation d'émissions complémentaire ou plus sévère (art. 5 al. 1 OPair). La limitation des émissions sera complétée ou rendue plus sévère, de manière à ce qu'il n'y ait pas d'immissions excessives (art. 5 al. 2 OPAir).
Le chapitre 3 OPair porte sur les immissions, sa section 2 prévoyant les mesures contre les immissions excessives. Sont considérées comme excessives les immissions qui dépassent une ou plusieurs des valeurs limites figurant à l’annexe 7 (art. 2 al. 5 1re phr. OPair). Si pour un polluant aucune valeur limite n’est fixée, les immissions sont considérées comme excessives lorsqu'elles menacent l’homme, les animaux et les plantes, leurs biocénoses ou leurs biotopes (let. a), sur la base d’une enquête, il est établi qu’elles incommodent sensiblement une importante partie de la population (let. b), elles endommagent les constructions (let. c), elles portent atteinte à la fertilité du sol, à la végétation, ou à la salubrité des eaux (let. d ; art. 2 al. 5 2e phr. OPair).
7.3 L'OPB a pour but de protéger contre le bruit nuisible ou incommodant (art. 1 al. 1 OPB). Elle régit notamment la limitation des émissions de bruit extérieur produites par l’exploitation d’installations nouvelles ou existantes au sens de l’art. 7 LPE (let. a), la délimitation et l’équipement de zones à bâtir dans des secteurs exposés au bruit (let. b), la détermination des immissions de bruit extérieur et leur évaluation à partir de valeurs limites d’exposition (let. f ; art. 2 al. 2 OPB).
Les installations fixes sont les constructions, les infrastructures destinées au trafic, les équipements des bâtiments et les autres installations non mobiles dont l’exploitation produit du bruit extérieur. En font notamment partie les routes, les installations ferroviaires, les aérodromes, les installations de l’industrie, des arts et métiers et de l’agriculture, les installations de tir ainsi que les places permanentes de tir et d’exercice militaires (art. 2 al. 1 OPB). Sont également considérées comme nouvelles installations fixes les installations fixes et les constructions dont l’affectation est entièrement modifiée (art. 2 al. 2 OPB). Les limitations d’émissions sont des mesures techniques, de construction, d’exploitation, ainsi que d’orientation, de répartition, de restriction ou de modération du trafic, appliquées aux installations, ou des mesures de construction prises sur le chemin de propagation des émissions. Elles sont destinées à empêcher ou à réduire la formation ou la propagation du bruit extérieur (art. 2 al. 3 OPB). L’assainissement est une limitation d’émissions pour les installations fixes existantes (art. 2 al. 4 OPB). Les valeurs limites d’exposition sont des valeurs limites d’immission, des valeurs de planification et des valeurs d’alarme. Elles sont fixées en fonction du genre de bruit, de la période de la journée, de l’affectation du bâtiment et du secteur à protéger (art. 2 al. 5 OPB).
Le chapitre 2 traite de la limitation des émissions pour les véhicules, appareils et machines mobiles (art. 3 à 6 OPB), le chapitre 3 des installations fixes nouvelles et modifiées (art. 7 à 12 OPB), le chapitre 4 des installations fixes existantes (art. 13 à 28 OPB) et les chapitre 5 des exigences posées aux zones à bâtir et permis de construire dans des secteurs exposés au bruit (art. 29 à 31a OPB) et le chapitre 7 de la détermination, l'évaluation et le contrôle des immissions de bruit extérieur dues aux installations fixes (art. 36 à 44 OPB).
L’autorité d’exécution évalue les immissions de bruit extérieur produites par les installations fixes sur la base des valeurs limites d’exposition selon les annexes 3 ss (art. 40 al. 1 OPB). Les valeurs limites d’exposition sont aussi dépassées lorsque la somme des immissions de bruit de même genre, provenant de plusieurs installations, leur est supérieure. Ce principe n’est pas valable pour les valeurs de planification de nouvelles installations fixes (art. 7 al. 1 ; art. 40 al. 2 OPB). Lorsque les valeurs limites d’exposition font défaut, l’autorité d’exécution évalue les immissions de bruit au sens de l’art. 15 LPE. Elle tient compte également des art. 19 et 23 LPE (art. 40 al. 1 OPB). L'art. 43 OPB détermine les degrés de sensibilité et les zones dans lesquels ils sont applicables.
8. La LGEA s’applique aux exploitations à ciel ouvert de gravier, sable et argile (art. 1 al. 1 LGEA). Elle régit également le remblayage des gravières après exploitation, ainsi que les travaux inhérents à l’affectation et au réaménagement futurs des terrains (art. 1 al. 2 LGEA).
La LGEA a pour but de planifier l’extraction des matériaux nécessaires aux constructions et aménagements publics et privés en vue d’une utilisation rationnelle du territoire et des ressources naturelles (let. a), de garantir un approvisionnement du canton en gravier, sable et argile indigènes en quantité et diversité suffisantes, compatible avec le principe du développement durable, en s'assurant, dans la mesure du possible, que l'ensemble des matériaux minéraux exploitables aient été extraits avant toute phase de remblayage (let. b), de promouvoir une valorisation optimale des matériaux minéraux avant une mise en décharge de leur part non valorisable (let. c), de veiller à un remblayage des gravières par des matériaux inertes dans le respect des dispositions de la législation fédérale et de la législation cantonale en matière de gestion des déchets et de protection de la nature et du paysage (let. d ; art. 2 al. 1 LGEA).
La poursuite de ces objectifs doit, en particulier, tenir compte de la nécessité de ne porter atteinte ni aux zones de protection des eaux souterraines, ni aux nappes d’eau qui sont en liaison directe avec un cours d’eau et d’empêcher toute ouverture de gravière au-dessous du niveau des nappes souterraines exploitées (art. 44 de la loi fédérale sur la protection des eaux, du 24 janvier 1991 ; let. a), de préserver les zones d'habitation, la zone viticole protégée, la zone de bois et forêts, les sites et les paysages dignes d'intérêt et les biotopes d'importance nationale, régionale et locale, de toute exploitation (let. b), d’assurer la sécurité de la circulation sur la voie publique et d’y limiter les nuisances dues au bruit ou à la pollution de l’air, en relation avec le trafic des camions provoqué par l’exploitation des gravières (let. c), de protéger les sols des parcelles sur lesquelles sont exploitées des gravières, de leur ouverture à la remise en état des lieux à la fin de l'exploitation (let. d ; art. 2 al. 2 LGEA).
Afin de garantir le respect des buts énoncés à l’art. 2, l’exploitation des gravières et décharges contrôlées est subordonnée à l’élaboration d’un plan directeur des gravières (let. a), à l’adoption d’un plan d’affectation, dit « plan d’extraction » (let. b), à l’octroi d’une autorisation d’exploiter (let. c ; art. 3 LGEA).
Aucune gravière ne peut être ouverte en dehors des périmètres fixés par le plan directeur (art. 4 al. 1 LGEA). Le plan directeur fait partie du schéma directeur cantonal, au sens de l’art. 7 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30 ; art. 4 al. 2 LGEA). Il comporte l’inventaire des territoires déjà exploités, en cours d’exploitation, ainsi que des zones exploitables et des zones d’attente, dans le respect des objectifs définis à l’art. 2 al. 2 LGEA (art. 4 al. 3 LGEA). À titre exceptionnel, et en dérogation à l’al. 1, une gravière peut néanmoins être étendue au-delà des limites prévues par le plan directeur, à la condition, notamment, qu’il n’en résulte pas d’inconvénient grave pour le voisinage et que les propriétaires touchés, les occupants des maisons d’habitation concernées et la commune du lieu de situation aient manifesté leur accord écrit et de façon unanime (art. 4 al. 4 LGEA).
9. En l'espèce, l'autorité intimée a retenu que le principe d'inscrire dans la LGEA une prescription générale et abstraite concernant une distance à respecter entre le zones d'exploitations et le zones d'habitations pourrait être admis mais que cette distance était contraire au droit supérieur, sous l'angle des principes de prévention et de la proportionnalité, ce que les recourants contestent, estimant que la dernière phrase de l'art. 3C LGEA tel que proposé par l'IN 194 n'aurait pas dû être invalidée.
Il convient donc préalablement d'examiner si le canton est compétent pour adopter l'art. 3C 3e phr. LGEA tel que proposé par l'IN 194.
Comme l'a juste titre constaté le Conseil d'État, la Constitution fédérale attribue à la Confédération une compétence législative limitée aux principes en matière d'aménagement du territoire, principes que cette dernière a fixés en adoptant la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700). Dans ce domaine, les cantons restent compétents dans les limites de ces principes. La Constitution attribue par contre à la Confédération une compétence générale concurrente avec effet dérogatoire subséquent pour légiférer en matière de protection de l'environnement. La Confédération a fait usage de sa compétence en adoptant la LPE.
Se pose donc la question de savoir si la disposition litigieuse peut être considérée comme une mesure d'aménagement du territoire à laquelle le droit fédéral de l'environnement laisse la place ou si elle se heurte à ce dernier.
En l'occurrence, l'art. 65 LPE permet aux cantons d'édicter leurs propres prescriptions, à l'exception de valeurs limites d'immission, d'alarme ou de planification, tant que le Conseil fédéral n'a pas fait expressément usage de sa compétence d'adopter des ordonnances.
La prescription litigieuse de l'IN 197 ne fixe pas de valeur limite d'immission, de sorte qu'elle n'est pas régie par l'art. 65 al. 2 LPE, mais par l'art. 65 al. 1 LPE.
Selon son titre, l'IN 197 a pour but de préserver la santé publique, ce que confirment son texte (art. 3C 2e phr.) et son exposé des motifs, lequel se réfère à la santé des habitants vivant à proximité et de la population et vise les nuisances importantes générées en matière de bruit et de pollution de l'air (poussière, particules fines). L'IN 197 a par conséquent pour unique but la protection de l'environnement et ne vise pas à instaurer des prescriptions avec des objectifs particuliers, par exemple d'urbanisme, lui permettant d'avoir une portée propre au sens de la jurisprudence. Elle a donc exclusivement pour objectif la protection de l'environnement et plus particulièrement la protection contre le bruit et les pollutions atmosphériques.
Or, le Conseil fédéral a dans ces matières adopté des ordonnances d'application de la LPE, soit l'OPB et l'OPair, auxquelles s'ajoutent l'OEIE. Une gravière au sens de la LGEA est une installation au sens de l'art. 7 al. 7 LPE, à laquelle s'appliquent tant l'OPair (art. 1 al. 2 et 2 al. 1 OPair) que l'OPB (art. 1 al. 2 et 2 al. 1 OPB). Par ailleurs, les gravières sont des installations soumises à EIE selon l'OEIE.
Il existe par conséquent une réglementation fédérale exhaustive dans les matières visées par l'IN 197, soit la protection contre la pollution et contre le bruit, laquelle ne laisse a priori pas de place à une norme de droit cantonal dont le but exclusif est ladite protection.
Par ailleurs, il découle de la jurisprudence et de la doctrine susmentionnées que le principe de prévention ne permet pas d'adopter, en matière d'aménagement du territoire, des normes générales et abstraites visant l'intégralité d'un type d'installation, puisque c'est en fonction du contexte concret que l'autorité peut apprécier l'importance des nuisances.
Au vu de ce qui précède, le législateur cantonal n'est habilité à adopter une distance limite de 300 m ni en vertu de la protection contre les nuisances en tant que telles, ladite protection étant réglée s'agissant du bruit et de la pollution atmosphérique exhaustivement par le droit fédéral, ni en vertu du principe de prévention, qui ne permet pas l'adoption d'une distance de sécurité de manière générale et abstraite sans examen concret du cas d'espèce. Le législateur cantonal n'est par conséquent pas compétent pour adopter la limite proposée par l'IN 197 et le Conseil d'État était dès lors fondé à invalider l'art. 3C 3e phr. proposé par ladite initiative.
En l'absence de compétence cantonale pour adopter la limite proposée, il n'est pas nécessaire d'examiner si, comme l'argumentent les recourants, ladite limite est conforme au principe de la proportionnalité au regard du principe de prévention.
Dans ces circonstances, le recours, mal fondé, sera rejeté.
10. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 23 février 2024 par A______, B______ et le COMITÉ D'INITIATIVE 197 « EXPLOITATIONS À PROXIMITÉ DES HABITATIONS : UNE DISTANCE MINIMALE AFIN DE MIEUX PRÉSERVER LA SANTÉ PUBLIQUE ! » contre l'arrêté du Conseil d'État du 24 janvier 2024 invalidant partiellement l'initiative législative cantonale 197 « Exploitations à proximité des habitations : une distance minimale afin de mieux préserver la santé publique ! » ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 1'000.- à la charge solidaire d'A______, de B______ et du COMITÉ D'INITIATIVE 197 « EXPLOITATIONS À PROXIMITÉ DES HABITATIONS : UNE DISTANCE MINIMALE AFIN DE MIEUX PRÉSERVER LA SANTÉ PUBLIQUE ! » ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Shayab FARHAD, avocate des recourants, ainsi qu'au Conseil d'État.
Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Blaise PAGAN, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, Philippe KNUPFER.
Au nom de la chambre constitutionnelle :
le secrétaire-juriste :
J. PASTEUR
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| le président :
J.-M. VERNIORY
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Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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