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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/4061/2023

ACST/8/2024 du 18.06.2024 ( INIT ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4061/2023-INIT ACST/8/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 18 juin 2024

 

dans la cause

 

COMITÉ D'INITIATIVE 196 « DES CRÈCHES GRATUITES POUR TOUS LES ENFANTS »

A______
B______

C______
représentés par Me Stéphane GRODECKI, avocat recourants

 

contre

CONSEIL D'ÉTAT intimé

 


EN FAIT

A. a. A______ et C______ sont deux citoyens suisses qui exercent leurs droits politiques à Genève. Ils sont membres du COMITÉ D'INITIATIVE 196 « DES CRÈCHES GRATUITES POUR TOUS LES ENFANTS » (ci-après : le comité).

b. B______ est une organisation politique constituée sous forme d'association qui a pour but premier de promouvoir un ordre social égalitaire, autogéré, démocratique qui garantisse à toutes et tous l'accès aux produits et services nécessaires à la satisfaction de leurs besoins essentiels tout en assurant l'équilibre à long terme des échanges entre l'humanité et le reste de la nature. Peut devenir membre de B______ toute personne partageant ses buts et valeurs.

B. a. Le 9 février 2023, C______, représentant le comité, a informé le Conseil d'État du lancement de l'initiative législative cantonale 196 « Des crèches gratuites pour tous les enfants » (ci-après : IN 196), ledit lancement ayant fait l'objet d'une publication dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) le 13 février suivant. L'IN 196 a la teneur suivante :

« Art. 1 Modifications

La loi sur l'accueil préscolaire (LAPr - J 6 28), du 12 septembre 2019 est modifiée comme suit :

 

Art. 2, let. d (nouvelle teneur)

d) régler la répartition du financement de l'accueil préscolaire entre le canton, les communes ou les groupements de communes, les employeurs et d'autres contributeurs, et de garantir la gratuité pour les usagers au 1er janvier de la septième année qui suit l'entrée en vigueur de la loi du… (à compléter)

Art. 6, al. 2 et 3 (nouvelle teneur)

2 Les communes mettent à disposition le nombre de places nécessaire pour atteindre un taux d'offre d'accueil répondant à la demande.

3 Elles programment la réservation et, au besoin, l'acquisition des terrains requis pour les constructions nécessaires et y consacrent le budget annuel d'investissement adapté.

 

Art. 8, al. 2 (nouvelle teneur)

Elles en financent l'exploitation après déduction de la participation du canton, des employeurs et des autres recettes.

 

Art. 10, al. 4 (nouvelle teneur)

4 Elle correspond à 0,50% de la masse salariale visée à l'alinéa 3 ci-dessus dès le 1er janvier de la 7e année qui suit l'entrée en vigueur de la loi du… (à compléter).

 

Art. 20 (abrogé)

Art. 42 Dispositions transitoires (nouveau)

1 La contribution des employeurs visée à l'art. 10, al. 3, correspond à 0,14% de la masse salariale, au 1er janvier de l'année qui suit l'adoption de la loi du (à compléter) ; elle croît ensuite de 0,06% au 1er janvier de chaque année suivante pour atteindre 0,50% au 1er janvier de la septième année qui suit l'adoption de la loi du (à compléter).

2 La contribution des parents décroît au prorata de l'augmentation de celle des employeurs, au 1er janvier de chaque année qui suit l'adoption de la loi du… (à compléter), pour aboutir à la gratuité au 1er janvier de la septième année.

 

Art. 2 Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur au lendemain de sa promulgation dans la Feuille d'avis officielle. »

b. Par arrêté du 5 juillet 2023, le Conseil d'État a constaté l'aboutissement de l'IN 196.

c. Le 20 juillet 2023, le Conseil d'État a sollicité la détermination du comité sur la validité de l'IN 196. Dans l'hypothèse d'une conclusion de non-conformité au droit supérieur de l'absence de participation financière des parents, il envisagerait une invalidation totale de l'IN 196. Dans l'hypothèse d'une conclusion de non‑conformité au droit supérieur de la contribution exigée par les employeurs (et non de la participation des parents), il envisagerait une invalidation partielle de l'IN 196 (art. 10 al. 4 et 42).

Étaient posées les questions suivantes : au regard de la conformité au droit supérieur, comment s'articulerait l'absence de participation financière des parents prévue dans l'IN 196 avec l'art. 202 al. 2 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst‑GE ‑ A 2 00), qui pourrait signifier une participation obligatoire des parents ? Comment faudrait-il qualifier juridiquement la contribution par les employeurs de 0,5% de la masse salariale ? Cette contribution pourrait-elle notamment répondre aux exigences de motifs raisonnables et objectifs suffisants pour prévoir un impôt spécial affecté au financement des crèches ?

d. Le 25 septembre 2023, le comité et l'un de ses membres ont conclu à la validité totale de l'IN 196, qui constituait la concrétisation de normes constitutionnelles cantonales à faible densité normative.

L'art. 202 al. 2 Cst-GE n'imposait pas de financement obligatoire des parents. Les interprétations littérale, téléologique et historique le démontraient. La faible densité normative de l'art. 202 al. 2 Cst-GE, couplée à une interprétation conforme au principe in dubio pro populo, dictaient l'absence de participation obligatoire des parents, ce que confirmait la jurisprudence relative à l'invalidation d'une initiative pour des transports publics gratuits.

L'IN 196 était une simple consécration législative de l'art. 200 Cst-GE, en précisant que les besoins devaient être une offre répondant à la demande.

Le prélèvement de 0.5% de la masse salariale constituait un impôt d'attribution des coûts, qui, selon la jurisprudence, était conforme au droit même lorsqu'il se montait à 0.8% du chiffres d'affaires, soit bien plus que dans le cas d'espèce. Les employeurs bénéficiaient directement de l'accueil préscolaire, de sorte qu'il existait des motifs raisonnables et suffisants pour prévoir un tel impôt. Le montant prenait en compte la volonté affichée d'augmenter l'accueil ainsi que l'augmentation attendue de la population et des besoins. Il s'agissait d'autres recettes au sens de l'art. 202 al. 2 Cst-GE. C'était une question d'opportunité politique, qui ne s'examinait pas au stade de la validité d'une initiative mais de son opportunité.

C. a. Par arrêté du 1er novembre 2023, publié dans la FAO le 3 novembre suivant, le Conseil d'État a déclaré l'IN 196 nulle.

Le texte de l'art. 202 al. 2 Cst-GE prévoyait la participation des parents. Le constituant avait expressément identifié les différents types de tâches et de coûts liés à l'accueil préscolaire et avait prévu la participation des parents uniquement pour le financement de l'exploitation. Les travaux préparatoires ne faisaient pas état d'une volonté du constituant de modifier le principe de la participation financière des parents qui prévalait depuis de nombreuses années, ni ne laissaient à penser que cette participation pouvait être facultative. Le constituant avait refusé toute formulation prévoyant un droit à une place de crèche, de sorte qu'il était inconcevable d'accorder la gratuité aux parents qui en bénéficiaient, sous peine de créer une inégalité de traitement avec les parents n'en ayant pas obtenu. Les interprétations littérale, systématique, historique et téléologique démontraient toutes que la suppression du financement des parents pour l'accueil préscolaire était contraire à la Cst-GE. La jurisprudence ne remettait pas en cause cette appréciation. Une interprétation conforme sans atteinte au but de l'IN 196 n'était pas possible.

Le constituant avait expressément exclu de faire référence à la demande et avait préféré les besoins. En tentant de réintroduire la notion d'offre d'accueil répondant à la demande, l'IN 196 se heurtait au droit supérieur.

Les questions de la validité de l'augmentation de la contribution des employeurs et du respect de principe de clarté par l'IN 196 pouvaient demeurer indécises.

En définitive, les art. 2 let. d, 6 al. 2, 8 al. 2, 20 et 42 al. 2 prévus par l'IN 196 étaient contraires au droit supérieur. Il était également douteux que les art. 10 al. 4 et 42 al. 1 soient compatibles avec la Cst-GE. Avec le maintien du seul art. 6 al. 3 prévu par l'IN 196, celle-ci serait dépouillée de son contenu essentiel, soit la gratuité des places de crèche pour chaque enfant, de sorte qu'elle devait être déclarée nulle dans sa totalité.

D. a. Par acte du 4 décembre 2023, le comité, A______, B______ et C______ (ci-après : les consorts) ont recouru auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre cet arrêté, concluant à son annulation, à la déclaration de validité de l'intégralité de l'IN 196 et à l'allocation d'une indemnité de procédure.

L'art. 202 al. 2 Cst-GE n'indiquait pas que la participation des parents avait un caractère obligatoire. Dès lors que la disposition indiquait d'emblée que des collectivités publiques finançaient l'exploitation des crèches, il était nécessaire de prévoir une base légale formelle de même rang pour réclamer, le cas échéant, une contribution aux parents. S'agissant du caractère éventuel des autres recettes, elles avaient pour but de tenir compte des diverses modalités de financement envisageables et non de marquer une opposition entre le caractère facultatif des autres recettes et le caractère obligatoire de la participation des parents. Rien ne pouvait être déduit a contrario du terme « éventuelles ». L'art. 202 al. 2 Cst-GE était situé dans la section 10 consacré à l'accueil préscolaire et parascolaire, prévoyant qu'il appartenait au canton et aux communes d'organiser l'accueil préscolaire et qu'ils finançaient les infrastructures. La participation des parents n'était mentionnée qu'en fin d'art. 202 al. 2 Cst-GE, sans qu'on puisse en tirer un caractère obligatoire. Il n'y avait pas de risque de vider la Cst-GE de son sens, car toutes les dispositions avaient une formulation du type « Les parents participent… ». Les travaux parlementaires démontraient l'existence d'intenses débats sur la participation des entreprises, mais pas sur celles des parents, jamais abordée. C'était bien parce qu'elle était facultative que la participation des parents n'avait pas été contestée. La participation constituait le seul moyen d'assurer une égalité de traitement, en l'absence de droit à l'attribution d'une place d'accueil, ce qui impliquait que l'art. 202 al. 2 Cst-GE n'avait pas pour but de s'opposer à la gratuité en tant que telle. L'art. 202 al. 2 Cst-GE n'avait pas une densité normative suffisante pour fonder une obligation de participation des parents. Le but du constituant était de favoriser le développement de l'offre de places d'accueil, de sorte qu'on ne pouvait déduire l'existence d'une participation obligatoire des parents. L'IN 196 était conforme à la Cst-GE.

L'art. 200 Cst-GE était une disposition à faible densité normative, qui ne fondait aucune obligation. La notion d'« adapter aux besoins » était indéterminée. Il s'agissait du rôle du législateur de préciser le contenu des besoins, en les définissant, ce que faisait l'IN 196. Un canton n'avait pas besoin d'une base constitutionnelle pour étendre ses prestations. Il s'agissait d'une question d'opportunité politique, qui ne s'examinait pas au stade de la validité de l'IN 196, mais de son opportunité.

b. Le 19 janvier 2024, le Conseil d'État s'est référé à l'arrêté attaqué.

c. Le 26 février 2024, les consorts ont persisté dans leur recours. Le bien‑fondé de celui-ci était démontré par la doctrine récente.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.


 

EN DROIT

1.             1.1 La chambre constitutionnelle est compétente pour connaître d'un recours interjeté, comme en l’espèce, contre un arrêté du Conseil d’État relatif à la validité d’une initiative populaire (art. 130B al. 1 let. c de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; ACST/3/2024 du 18 avril 2024 consid. 1.1).

1.2 Le recours a été interjeté en temps utile, le délai légal ordinaire de 30 jours (art. 62 al. 1 let. a et d de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) s’appliquant en la matière, nonobstant le silence de la loi (ACST/3/2024 précité consid. 1.2). Il respecte en outre les conditions de forme et de contenu prévues aux art. 64 al. 1 et 65 al. 1 et 2 LPA.

2.             2.1 Le recours contre une décision relative à la validité d’une initiative rédigée de toutes pièces, comme l’IN 196, concerne le droit de vote des citoyens ainsi que les votations et élections au sens de l’art. 82 let. c de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Toute personne physique ayant le droit de vote dans l’affaire en cause est recevable à interjeter un tel recours, de même que les partis politiques et les organisations à caractère politique formées en vue d’une action précise, comme le lancement d’une initiative ou d’un référendum (ATF 147 I 206 consid. 2.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_297/2021 du 4 janvier 2022 consid. 1 ; ACST/3/2024 précité consid. 2).

2.2 En l’occurrence, il n'est pas contesté que les personnes physiques recourantes sont citoyennes suisses et exercent leurs droits politiques dans le canton, de sorte qu'elles ont chacune la qualité pour recourir. Il en va de même de l'B______, parti politique, et du comité, qui s’est constitué pour le lancement de l’IN 196.

Le recours est par conséquent recevable.

3.             Le recours porte sur la validité de l’IN 196, une initiative législative rédigée de toutes pièces, qui prévoit la gratuité des crèches pour les usagers et la mise en place du nombre de places nécessaires pour atteindre un taux d'offre d'accueil répondant à la demande. L’autorité intimée a entièrement annulé l’IN 196 en raison de la non-conformité au droit supérieur, en l’occurrence aux art. 200 et 202 Cst-GE, ce que les recourants contestent, étant précisé que l'autorité intimée a laissé indécise la question de la conformité au droit supérieur des art. 19 al. 4 et 42 al. 1 de l'IN 196.

4.             4.1 Les trois conditions de validité d’une initiative que prévoit l’art. 60 Cst-GE sont l’unité du genre, l’unité de la matière et la conformité au droit supérieur (ATF 143 I 129 consid. 2.1). S’y ajoutent, déduites de la liberté de vote garantie par les art. 34 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 44 Cst-GE, l’exigence de clarté du texte de l’initiative et celle d’exécutabilité de l’initiative (ATF 133 I 110 consid. 8 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_608/2022 du 17 août 2023 consid. 2).

4.2 Une initiative populaire cantonale, quelle que soit sa formulation, doit respecter les conditions matérielles qui lui sont imposées. Elle ne doit, en particulier, rien contenir de contraire au droit supérieur, qu’il soit cantonal, intercantonal, fédéral ou international. En vertu du principe de primauté du droit fédéral ancré à l’art. 49 al. 1 Cst., les cantons ne sont pas autorisés à légiférer dans les matières exhaustivement réglementées par le droit fédéral. Dans les autres domaines, ils peuvent édicter des règles de droit, pour autant qu’elles ne violent ni le sens ni l’esprit du droit fédéral et qu’elles n’en compromettent pas la réalisation (ATF 143 I 129 consid. 2.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_393/2022 du 31 mars 2023 consid. 2.1). Par ailleurs, conformément à l’art. 5 al. 4 Cst., la Confédération et les cantons doivent respecter le droit international.

Pour examiner la validité matérielle d’une initiative, la première règle d’interprétation est de prendre pour point de départ le texte de l’initiative, qu’il faut interpréter selon sa lettre. Bien que l’interprétation repose en principe sur le libellé, une référence à la motivation de l’initiative et aux prises de position de ses auteurs n’est pas exclue si elle est indispensable à sa compréhension. La volonté des auteurs doit être prise en compte, à tout le moins dans la mesure où elle délimite le cadre de l’interprétation du texte et du sens que les signataires ont pu raisonnablement lui attribuer (ATF 147 I 183 consid. 6.2). Au surplus, une disposition ne doit pas être analysée séparément, mais comme la partie d’un tout ; cette interprétation systématique doit examiner non seulement l’emplacement formel de la disposition, mais également la cohérence matérielle des différentes dispositions (ATF 147 I 183 consid. 8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_608/2022 précité consid. 2 et les références citées).

4.3 Lorsque, à l’aide des méthodes reconnues, le texte d’une initiative se prête à une interprétation la faisant apparaître comme conforme au droit supérieur, elle doit être déclarée valable et être soumise au peuple. L’interprétation conforme doit ainsi permettre d’éviter autant que possible les déclarations d’invalidité. Tel est le sens de l’adage in dubio pro populo, selon lequel un texte n’ayant pas un sens univoque doit être interprété de manière à favoriser l’expression du vote populaire. Cela découle également du principe de la proportionnalité (art. 34 et 36 al. 2 et 3 Cst.), selon lequel une intervention étatique doit porter l’atteinte la plus restreinte possible aux droits des citoyens. Les décisions d’invalidation doivent autant que possible être limitées, en retenant la solution la plus favorable aux initiants (ATF 147 I 183 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_608/2022 précité consid. 5.1).

Cela étant, la marge d’appréciation de l’autorité de contrôle est évidemment plus grande lorsqu’elle examine une initiative non formulée que lorsqu’elle se trouve en présence d’une initiative rédigée de toutes pièces, sous la forme d’un acte normatif. Cependant, lorsque, de par son but même ou les moyens mis en œuvre, le projet contenu dans une telle initiative ne pourrait être reconnu conforme au droit supérieur que moyennant l’adjonction de réserves ou de conditions qui en modifient profondément la nature, une telle interprétation entre en conflit avec le respect, fondamental, de la volonté des signataires de l’initiative et du peuple appelé à s’exprimer ; la volonté de ce dernier ne doit pas être faussée par la présentation d’un projet qui, comme tel, ne serait pas constitutionnellement réalisable (ATF 149 I 182 consid. 3.3. ; 143 I 129 consid. 2.2).

5.             5.1 L’interprétation d’une norme constitutionnelle suit en règle générale les principes développés en matière d’interprétation de la loi. Des particularités propres aux normes de niveau constitutionnel doivent cependant être prises en compte : il en va en particulier du caractère largement abstrait de telles normes qui fixent souvent des principes et ne comportent qu'une faible densité normative. Dans ce contexte, tant que le constituant n'a pas accordé à certaines normes un caractère prépondérant par rapport à d'autres, il faut – pour les interpréter les unes avec les autres – partir du principe qu'elles sont toutes de rang égal (ATF 139 I 16 consid. 4.2.1). L'interprétation doit tendre à une concordance de l'ensemble des normes constitutionnelles, ce que le Tribunal fédéral a qualifié d'interprétation « harmonisante » (ATF 149 I 182 consid. 3.1 et les références citées). Dès lors, le simple fait qu'une disposition constitutionnelle soit plus récente qu'une autre n'implique pas nécessairement qu'elle prévale sur des normes plus anciennes ; une interprétation qui reposerait sur un examen isolé et ponctuel de la disposition en cause n'a pas lieu d'être (ATF 139 I 16 consid. 4.2.1 et 4.2.2). Sous réserve de ce qui précède, la Constitution s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 149 I 182 consid. 3.1 ; 144 V 313 consid. 6.1).

Récemment, le Tribunal fédéral a confirmé la non-conformité au droit supérieur d'une initiative cantonale constitutionnelle visant à introduire la gratuité des transports publics dans le canton de Fribourg. Après avoir procédé à une interprétation littérale, historique, systématique et téléologique de l'art. 81a al. 2 Cst., le Tribunal fédéral a constaté que l'initiative concernée était contraire à cet article (ATF 149 I 182 consid. 3.2). Dans le cadre d'une interprétation harmonisante, le Tribunal fédéral a ensuite constaté que le principe de développement durable, consacré à l'art. 73 Cst. n'avait pas la densité normative que revêtait l'art. 81a al. 2 Cst. Il s'agissait d'un concept essentiellement programmatique, qui n'entrait pas nécessairement en conflit avec l'interdiction de la gratuité des transports publics. Les recourants ne démontraient pas en quoi le fait de demander à certains utilisateurs de participer de manière appropriée serait contraire au développement durable (ATF 149 I 182 consid. 3.3.2). Les recourants ne pouvaient rien tirer non plus de l'art. 2 ch. 1 let. a de l'Accord de Paris (Accord sur le climat) conclu le 12 décembre 2015 et entré en vigueur pour la Suisse le 5 novembre 2017 (RS 0.814.012), disposition de nature programmatique qui nécessitait une concrétisation légale. Les recourants ne démontraient pas en quoi la gratuité des transports publics serait plus favorable que la participation des usagers aux coûts pour contenir le réchauffement climatique et atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050 (ATF 149 I 182 consid. 3.3.3). La gratuité des transports publics se heurtait par conséquent au droit supérieur (ATF 149 I 182 consid. 3.5).

5.2 La section 10 du titre III (tâches et finances publiques) de la Cst-GE, adoptée en même temps que la Cst-GE en 2012 (entrée en vigueur le 1er janvier 2013), porte sur l'accueil préscolaire et parascolaire et comprend les art. 200 à 204. L’offre de places d’accueil de jour pour les enfants en âge préscolaire est adaptée aux besoins (art. 200 Cst‑GE). Le canton et les communes organisent l’accueil préscolaire (art. 201 al. 1 Cst-GE). Ils évaluent les besoins, planifient, coordonnent et favorisent la création de places d’accueil (art. 201 al. 2 Cst-GE). Le canton est responsable de la surveillance des lieux d’accueil de jour (art. 201 al. 3 Cst-GE). Les communes ou groupements de communes financent la construction et l’entretien des structures d’accueil de jour (art. 202 al. 1 Cst-GE). Le canton et les communes ou groupements de communes en financent l’exploitation après déduction de la participation des parents et d’éventuelles autres recettes (art. 202 al. 2 Cst-GE). Le canton et les communes encouragent la création et l’exploitation de structures d’accueil de jour privées, en particulier les crèches d’entreprise (art. 203 al. 1 Cst-GE). Ils favorisent le développement du partenariat entre acteurs publics et privés (art. 203 al. 2 Cst-GE).

5.3 Les art. 200 et 202 al. 2 Cst-GE proviennent de l'art. 160G de l'ancienne Constitution de la République et canton de Genève du 28 mai 1847 (aCst-GE), lequel prévoyait notamment que l'offre de places d'accueil de jour pour les enfants en âge préscolaire était adaptée aux besoins (al. 1) et que l'État et les communes ou groupements de communes finançaient l'exploitation des structures d'accueil de jour après déduction de la participation des parents et d'éventuelles autres recettes (art. 160G al. 6 aCst-GE).

Cette disposition avait été adoptée par le Grand Conseil puis le peuple le 17 juin 2012 dans le cadre d'un contreprojet à l'initiative constitutionnelle cantonale 143 « Pour une véritable politique d'accueil de la petite enfance » (ci-après : IN 143), le projet de loi (ci-après : PL) 10'895.

L'IN 143 prévoyait notamment que chaque enfant en âge préscolaire avait droit à une place d'accueil de jour. Subsidiairement à la famille, l'État et les communes étaient tenus de réaliser ce droit dans le respect du choix du mode de garde voulu par les parents (art. 160G al. 1 tel que proposé par l'IN 143). L'IN 143 prévoyait également que les communes ou groupements de communes assuraient le financement après déduction de la participation des parents et d'éventuelles autres recettes (art. 160G al. 3 let. B tel que prévu par l'IN 143). L'IN 143 créait donc un droit à une place d'accueil de jour et l'obligation des communes de répondre aux besoins des familles de manière adéquate (MGC 2008-2009 XI A).

Selon le rapport de la majorité relatif au PL 10'895, la formulation de l'art. 160G al. 1 IN 143, qui ouvrait un droit constitutionnel très large était, de l'aveu même des initiants, « un principe à atteindre, sans permettre la constitution formelle d'une voie de recours à l'encontre d'un défaut de couverture de ces besoins ». Le texte de l'art. 160G al. 1 du contreprojet reprenait le principe énoncé dans l'ancienne loi sur les structures d'accueil de la petite enfance et sur l'accueil familial de jour du 14 novembre 2003 (aLSAPE), dans sa forme d'origine de novembre 2003 (« adapter l'offre de places d'accueil »). Il renforçait ce principe en précisant que l'offre de places était adaptée aux besoins, formulation qui n'existait pas dans l'aLSAPE, laquelle faisait référence à la demande. Faire référence au besoin, plutôt qu'à la demande, n'était pas qu'une simple coquetterie rhétorique. La demande se rapportait au vœu exprimé par les familles de placer leur(s) enfant(s) dans un lieu d'accueil. Le besoin impliquait une nécessité, qui pouvait être plus ou moins impérieuse, mais qui pouvait être l'objet d'un examen. Les mêmes remarques pouvaient être faites entre un droit pour chaque enfant d'avoir une place d'accueil de jour, formulation de l'IN 143 qui n'ouvrait aucune possibilité à l'examen du besoin, et la formulation retenue dans le contreprojet (MGC 2011‑2012 III A).

À teneur des travaux préparatoires du PL 10'895, l'art. 160G al. 6 tel que prévu par l'IN 143 proposait un financement à la seule charge des communes, non seulement en matière d'infrastructure mais également en matière d'exploitation (déduction faite de la participation des parents et d'éventuelles autres recettes, ce qui n'était contesté par personne). Le contreprojet se devait de ne pas mettre obligatoirement toute la charge financière sur les communes. Les dispositions de la loi d'application devraient fixer les mécanismes de financement afin de les rendre supportables tant pour les communes que pour l'État. Il en allait de la réussite et de la concrétisation d'une véritable politique de la petite enfance, où l'offre de places d'accueil serait suffisante pour répondre aux besoins (MGC 2011‑2012 III A).

La formulation « après déduction de la participation des parents et d’éventuelles autres recettes » provient de l'aLSAPE. L'aLSAPE avait notamment pour but de régler la répartition du financement entre le canton, les communes et les parents (art. 1 let. c). Elle prévoyait que le financement était assuré par les communes après déduction de la participation des parents, des subventions cantonales (jusqu'au 11 février 2008, supprimées par la loi 10'068) et d’éventuelles autres recettes (art. 4 al. 2 aLSAPE) et que la participation financière des parents, pour la garde dans les crèches, était fixée en fonction de leur capacité économique (art. 6 al. 1 aLSAPE). Ces dispositions de l'aLSAPE avaient cette teneur avant l'adoption de l'art. 160G aCst-GE et ont gardé la même teneur jusqu'à l'abrogation de l'aLSAPE lors de l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2020, de la loi sur l'accueil préscolaire du 12 septembre 2019 (LAPr - J 6 28).

6.             6.1 En l'espèce, le Conseil d'État a abouti à la conclusion que l'IN 196, en proposant un art. 6 al. 2 LAPr prévoyant que les communes mettaient à disposition le nombre de places nécessaires pour atteindre un taux d'offre répondant à la demande, était contraire à l'art. 200 Cst-GE. Les recourants contestent cette conclusion, affirmant que l'IN 196 serait une simple consécration législative de l'art. 200 Cst-GE, en précisant que les besoins doivent être une offre répondant à la demande.

L'art. 200 Cst-GE prévoit que l'offre de places d'accueil est adaptée aux besoins, tandis que l'initiative prévoit que l'offre doit répondre à la demande. Or, contrairement à ce qu'affirment les recourants, les besoins et la demande sont deux notions distinctes, qui ne se recoupent pas, la seconde ne pouvant simplement préciser la première. En outre, la notion de besoin ne figure pas uniquement à l'art. 200 Cst-GE mais est reprise à l'art. 201 al. 2 Cst-GE, de sorte qu'elle s'inscrit dans le système voulu par le constituant et le peuple. Par ailleurs, les travaux préparatoires de l'art. 160G aCst-GE, dont l'art. 200 Cst-GE est une reprise de l'al. 1, indiquent expressément qu'ont été écartés le principe d'un droit à une place d'accueil, comme le proposait l'IN 143, ainsi que la notion de demande, figurant dans l'aLSAPE, au profit de la notion de besoin, qui impliquait une nécessité.

Par conséquent, les interprétations littérale, systématique, historique et téléologique de l'art. 200 Cst-GE indiquent toutes que l'IN 196, en prévoyant la mise à disposition du nombre de places nécessaire pour atteindre un taux d'offre d'accueil répondant à la demande, se heurte à cette disposition constitutionnelle et est dès lors contraire au droit supérieur.

L'argumentation des recourants selon laquelle un canton n'aurait pas besoin de base constitutionnelle pour étendre ses prestations ne change rien à la conclusion qui précède, puisque ce n'est pas ici la question de la répartition des compétences entre les cantons et la Confédération qui est en jeu mais celle de la conformité d'une initiative législative cantonale à la Constitution cantonale.

Par ailleurs, la densité normative de l'art. 200 Cst-GE n'est pas non plus pertinente, étant donné qu'il n'y a pas lieu à une interprétation « harmonisante ». En effet, aucun problème de concordance entre dispositions constitutionnelles ne se pose.

L'art. 6 al. 2 LAPr tel que prévu par l'IN 196 est partant contraire au droit supérieur. Le grief sera écarté.

6.2 Le Conseil d'État a également retenu que la suppression du financement des parents pour l'accueil préscolaire, par l'abrogation de l'actuel art. 20 LAPr et la modification des art. 2 let. d et 42 al. 2 LAPr proposées par l'IN 196, était contraire à l'art. 202 al. 2 Cst-GE, ce que contestent les recourants.

Le texte de l'art. 202 al. 2 Cst-GE prévoit expressément une participation des parents, déduite, de même que d'éventuelles autres recettes, du financement dû par les collectivités publiques. La participation des parents a ainsi été prévue spécifiquement, sans être englobée dans les autres recettes, et, contrairement à celles-ci, n'a pas été assortie d'une éventualité.

L'interprétation littérale indique donc que la participation des parents a été envisagée comme l'une des sources de financement de l'exploitation des structures d'accueil de jour et qu'elle ne peut pas être nulle.

Contrairement à ce qu'affirment les recourants, le fait que le texte de la disposition constitutionnelle ne mentionne pas expressément le caractère obligatoire de la participation des parents ne change rien à cette interprétation.

Par ailleurs, l'art. 202 al. 2 Cst-GE est une reprise de l'art. 160G al. 6 aCst-GE, adopté dans le cadre d'un contreprojet, le PL 10'895, contre une initiative qui proposait la même disposition (art. 160G al. 3 let. B tel que proposé par l'IN 143). La question spécifique de la participation des parents n'a pas fait l'objet de débats parlementaires, les travaux préparatoires mentionnant simplement que la déduction de la participation des parents et d'éventuelles autres recettes n'était contestée par personne. La participation des parents était donc acquise et non remise en cause.

En définitive, il apparaît qu'en la matière, le constituant a voulu reprendre, au niveau constitutionnel, le système préexistant, soit celui de l'aLSAPE, qui prévoyait expressément par le biais de trois dispositions que les parents faisaient partie des entités participant au financement, au même titre que les collectivités publiques, et que leur participation était fixée en fonction de leur capacité économique (art. 1 let. c, 4 al. 2 et 6 al. 1 aLSAPE).

L'interprétation historique confirme donc que la participation des parents doit faire partie du financement des structures d'accueil.

En ce qui concerne l'interprétation systématique, comme vu précédemment, le système de financement de l'aLSAPE, comprenant une participation des parents, a été repris par le constituant et le peuple lors de l'adoption de l'art. 160G aCst. Les dispositions de ladite loi n'ont ensuite pas été modifiées lors de l'adoption de la Cst-GE, qui a repris le système de l'art. 160G aCst., puis ont été en substance reprises lors de l'adoption de la LAPr (art. 2 let. d, 8 al. 2 et 20).

Le système en vigueur et intégré dans la Cst‑GE comprend donc une participation des parents au regard de l'interprétation systématique – couplée avec l'interprétation historique – également.

À cet égard, il ne peut rien être déduit du fait que la participation des parents ne soit prévue qu'en fin d'art. 202 al. 2 Cst-GE, pas plus que de la formulation – « après déduction de la participation des parents » et non « les parents participent » –, ces éléments découlant justement de la reprise au niveau constitutionnel du système existant, la formulation ayant également été reprise.

Les recourants tiennent encore une argumentation quant à la densité normative de l'art. 202 al. 2 Cst-GE, qui serait insuffisante. Cependant, seule se pose en l'espèce la question de l'interprétation de l'art. 202 al. 2 Cst-GE, laquelle aboutit à une conclusion claire, et aucune question de coordination de cette norme constitutionnelle avec une autre norme du même rang ou de rang supérieur ne se pose, sans qu'il n'y ait donc besoin de recourir à une interprétation « harmonisante ». À cet égard, le cas présent est distinct du cas jurisprudentiel auquel se réfèrent les recourants. Dans cette dernière affaire, le Tribunal fédéral a dû examiner la coordination entre plusieurs dispositions constitutionnelles, voire conventionnelles, soit, d'une part, celle sur la participation des usagers aux coûts des transports publics (art. 81a al. 2 Cst.) et, d'autre part, celle sur le développement durable (art. 73 Cst.) ainsi que l'art. 2 ch. 1 let. a de l'Accord de Paris. C'est dans ce cadre qu'il a examiné la question de la densité normative et du caractère programmatique des normes (arrêt du Tribunal fédéral 1C_393/2022 précité consid. 3.3.2 et 3.3.3). Il n'est en l'occurrence pas allégué que l'art. 202 al. 2 Cst-GE se heurterait à une autre disposition de la Constitution genevoise ou de rang supérieur, de sorte que la densité normative ne rentre pas en ligne de compte pour son interprétation.

En définitive, la Constitution genevoise prévoit une participation des parents au financement de l'exploitation des structures d'accueil de jour, participation qui ne peut être ni nulle ni facultative. Le Conseil d'État était par conséquent fondé à constater que l'IN 196, en tant qu'elle prévoyait la gratuité, se heurtait à la Constitution cantonale et n'était pas conforme au droit supérieur.

Le grief sera écarté.

7.             Reste à examiner si le Conseil d'État était fondé à déclarer l'IN 196 nulle dans sa totalité.

7.1 Selon l’art. 60 al. 4 Cst-GE, l’initiative dont une partie n’est pas conforme au droit est déclarée partiellement nulle si la ou les parties qui subsistent sont en elles-mêmes valides, l’initiative étant, à défaut, déclarée nulle.

7.2 L’invalidation partielle d’une initiative découle du principe selon lequel une initiative doit être interprétée dans le sens le plus favorable aux initiants, selon l’adage in dubio pro populo, et constitue une concrétisation, en matière de droits populaires, du principe général de la proportionnalité (art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst.) qui veut que l’intervention étatique porte l’atteinte la plus restreinte possible aux droits des citoyens, et que les décisions d’invalidité soient autant que possible limitées en retenant la solution la plus favorable aux initiants.

Ainsi, lorsque seule une partie de l’initiative paraît inadmissible, la partie restante peut subsister comme telle, pour autant qu’elle forme un tout cohérent, qu’elle puisse encore correspondre à la volonté des initiants et qu’elle respecte en soi le droit supérieur. L’invalidité d’une partie de l’initiative ne doit entraîner celle du tout que si le texte ne peut être amputé sans être dénaturé (ATF 134 I 172 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_146/2020 du 7 août 2020 consid. 4.1).

7.3 L’invalidation partielle est soumise à deux conditions, l’une subjective, l’autre objective. Il faut en premier lieu que l’on puisse raisonnablement admettre que les signataires auraient aussi approuvé la partie valable de l’initiative, si elle leur avait été présentée seule (ATF 125 I 21 consid. 7b). Il faut en second lieu qu’amputée de certaines parties viciées, les dispositions restantes représentent encore un tout assez cohérent pour avoir une existence indépendante et correspondre à l’objectif principal initialement visé par les initiants, tel qu’il pouvait être objectivement compris par les signataires (ATF 130 I 185 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_146/2020 précité consid. 4.1).

7.4 En l'espèce, les recourants n'argumentent pas que l'initiative aurait pu être invalidée seulement partiellement, ceci à juste titre.

En effet, selon son titre même, l'initiative avait pour but de prévoir des places de crèches gratuites pour tous les enfants. Amputée des dispositions prévoyant une offre répondant à la demande ainsi que de celles sur la gratuité, l'IN 196 est dépouillée des deux objectifs principaux visés par les initiants et il ne demeurerait plus que des dispositions prévoyant les moyens pour atteindre ces buts, soit la programmation de la réservation et l'acquisition de terrains et le budget d'investissement (art. 6 al. 3 LAPr tel que proposé par l'IN 196) ainsi que la contribution des employeurs (art. 10 al. 4 et 42 al. 1 LAPr tel que prévu par l'IN 196). Or, à supposer qu'elles soient valides – ce dont le Conseil d'État doute pour la seconde –, ces dispositions n'ont pas d'existence indépendante, puisqu'elles visent uniquement à permettre d'atteindre les deux objectifs précités.

Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que le Conseil d'État a invalidé l'IN 196 dans sa totalité.

Dans ces circonstances, le recours, entièrement mal fondé, sera rejeté.

8.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge solidaire des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 décembre 2023 par le COMITÉ D'INITIATIVE 196 « DES CRÈCHES GRATUITES POUR TOUS LES ENFANTS », A______, B______ et C______ contre l’arrêté du Conseil d’État du 1er novembre 2023 déclarant nulle l’initiative populaire cantonale 197 « Des crèches gratuites pour tous les enfants » ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge solidaire du COMITÉ D'INITIATIVE 196 « DES CRÈCHES GRATUITES POUR TOUS LES ENFANTS », de A______, de B______ et de C______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les 30 jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Stéphane GRODECKI, avocat des recourants ainsi qu’au Conseil d’État.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Blaise PAGAN, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, Philippe KNUPFER, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

la secrétaire-juriste :

 

 

 

J. BALZLI

 

 

 

le président :

 

 

 

J.-M. VERNIORY

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :