Décisions | Cour d'appel du Pouvoir judiciaire
ACAPJ/8/2023 (3) du 29.11.2023 , Irrecevable
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Arrêt du 29 novembre 2023
CAPJ 5_2023 ACAPJ/8/2023
Monsieur A______, recourant
contre
LE CONSEIL SUPERIEUR DE LA MAGISTRATURE, intimé
EN FAIT :
1. Le 3 juillet 2023, A______ a adressé un courrier au Conseil supérieur de la magistrature (ci-après : CSM), auquel était annexée la copie d’une plainte pénale qu’il avait déposée le 22 juin 2023 contre une magistrate du Ministère public.
Il souhaitait que le CSM ouvre une enquête contre la personne visée.
2. Le 14 juillet 2023, le président du CSM a indiqué à l’auteur de la dénonciation que cette dernière serait classée.
L’intéressé ayant persisté dans sa dénonciation, le CSM, statuant en séance plénière le 28 août 2023, a confirmé la décision de classement précitée.
3. Le 24 septembre 2023, l’intéressé a saisi la Cour d’appel du pouvoir judiciaire (ci-après : CAPJ) d’un recours contre la décision du CSM. Cette dernière était nulle à la forme, car trop laconique et non motivée. L’intéressé mettait en exergue des éléments concernant le fond de la procédure pénale dont il avait fait l’objet, éléments qui constituaient, selon lui, de nombreuses violations de principes et de lois tant fédérales que cantonales.
4. Le 23 octobre 2023, le CSM a transmis son dossier, renonçant au surplus à émettre des observations.
5. Le 17 novembre 2023, dans le cadre de l’exercice de son droit à la réplique, l’intéressé a persisté dans ses conclusions initiales et développé ses arguments.
De nouvelles pièces étaient jointes à cette écriture, notamment l’ordonnance de non-entrée en matière rendue par le procureur général le 2 novembre 2023 au sujet de la plainte pénale déposée le 22 juin 2023.
6. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées le 21 novembre 2023.
EN DROIT :
1. La loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10), est applicable aux procédures relevant de la compétence de la CAPJ (art. 139 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 [LOJ – E 2 05]).
2. Le recours a été interjeté dans les formes et le délai prescrits par la loi (art. 62 al. 1 let. a, art. 64 al. 1 et art. 65 al. 1 et 2 LPA), auprès de la CAPJ, compétente pour statuer sur les recours dirigés contre les décisions du CSM (art. 138 let. a LOJ).
3. Le CSM est l’autorité administrative de surveillance des magistrats du Pouvoir judiciaire (art. 15 LOJ), qui veille au bon fonctionnement des juridictions et s’assure notamment que les magistrats exercent leur charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité (art. 16 al. 1 et 2 LOJ).
Les dénonciations dont il est saisi peuvent être classées par le président lorsqu’elles apparaissent manifestement mal fondées. Si le dénonciateur persiste dans son action, cette dernière est soumise au CSM, siégeant en séance plénière (art. 19 al. 2 LOJ).
La décision du CSM est communiquée au dénonciateur pour information (art. 19 al. 5 LOJ).
4. Selon l’art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir non seulement les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a), mais aussi toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce que celle-ci soit annulée ou modifiée (let. b).
L’intérêt digne de protection consiste en l’utilité pratique que l’admission du recours apporterait au recourant, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait. L’existence d’un intérêt digne de protection présuppose que la situation de fait ou de droit du recourant puisse être influencée par l’annulation ou la modification de la décision attaquée, ce qu’il lui appartient d’établir (ACAPJ/11/2022 du 3 août 2022, ainsi que les jurisprudences citées).
5. La dénonciation est une procédure non contentieuse par laquelle n’importe quel administré peut attirer l’attention d’une autorité hiérarchiquement supérieure sur une situation de fait ou de droit qui justifierait à son avis une intervention de l’État dans l’intérêt public. La dénonciation est possible dans toute matière où l’autorité pourrait intervenir d’office. En principe, l’administré n’a aucun droit à ce que sa dénonciation soit suivie d’effets, car l’autorité saisie peut, après un examen sommaire, décider de la classer sans suite ; le dénonciateur n’a même pas de droit à ce que l’autorité prenne une décision au sujet de sa dénonciation (ATF 133 II 468 consid. 2).
Par conséquent, dans une procédure non contentieuse, la seule qualité de plaignant ou de dénonciateur ne donne pas le droit de recourir contre la décision prise ; le plaignant ou le dénonciateur doit encore pouvoir invoquer un intérêt digne de protection à ce que l’autorité de surveillance intervienne.
Celui qui introduit une procédure disciplinaire ne possède aucun droit à recevoir une décision sujette à recours, de sorte que, s’il n’y est pas donné suite, il n’est pas atteint dans ses intérêts personnels. Le fait que la décision de l’autorité disciplinaire soit susceptible d’avoir une incidence sur une procédure à laquelle le dénonciateur est partie ne permet pas non plus de considérer que celui-ci est directement touché dans ses droits et obligations.
En résumé, le refus de donner suite à une dénonciation ne peut faire l’objet d’aucun recours, puisque le dénonciateur n’agit dans ce cadre que comme auxiliaire de l’autorité en déclenchant la procédure. Ces principes ont été appliqués a des procédures disciplinaires visant notamment des notaires, des avocats et des magistrats du pouvoir judiciaire (ACAPJ/11/2022 précité).
6. Le recours, manifestement irrecevable, sera écarté, sans autre acte d’instruction (art. 72 LPA).
7. Au vu de cette issue, il sera renoncé à mettre des frais ou émoluments à charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA).
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LA COUR D’APPEL DU POUVOIR JUDICIAIRE
- Déclare irrecevable le recours formé le 24 septembre 2023 par A______ contre la décision du Conseil supérieur de la magistrature du 28 août 2023.
- Renonce à mettre des frais et émoluments à la charge du recourant.
- Dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110) le présent arrêt peut être porté dans les 30 jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public. Le délai est suspendu pendant les périodes prévues à l’article 46 LTF. Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuves et porter la signature du recourant ou de son mandataire. Il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recours invoquées comme moyens de preuves doivent être joints à l’envoi.
- Communique le présent arrêt à A______ ainsi qu’au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire.
Siégeant : M. Philippe THÉLIN, vice-président, Mme Marie-Laure PAPAUX VAN DELDEN, juge titulaire, M. Philippe PRETI, juge suppléant.
AU NOM DE LA COUR D’APPEL DU POUVOIR JUDICIAIRE
Alessia TAVARES DE | Philippe THÉLIN |
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Copie conforme du présent arrêt a été communiquée à A______ et au Conseil supérieur de la magistrature, par pli recommandé.