Décisions | Cour d'appel du Pouvoir judiciaire
ACAPJ/7/2023 (3) du 29.11.2023 , Irrecevable
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Arrêt du 29 novembre 2023
CAPJ 4_2023 ACAPJ/7/2023
Monsieur A______, recourant
contre
LE CONSEIL SUPERIEUR DE LA MAGISTRATURE, intimé
EN FAIT :
1. Par courrier daté du 15 juin 2023, reçu par le Conseil supérieur de la magistrature (ci‑après : CSM) le 22 juin 2023, A______ s’est plaint d’un refus du Ministère public du canton de Genève de remplir ses obligations.
Il demandait au CSM d’apporter des réponses à l’ensemble des questions qu’il avait soulevées dans un courrier adressé à la Commission de gestion du Pouvoir judiciaire le 3 mai 2023 et d’indiquer ce que ce conseil entendait faire face à une situation mettant en évidence de très graves et inacceptables violations de la loi.
2. Par acte daté du 31 août 2023, le dénonciateur a saisi la Cour d’appel du Pouvoir judiciaire (ci-après : CAPJ) d’un recours pour déni de justice contre l’absence de décision du CSM. Aucune suite n’avait été donnée au courrier du 15 juin 2023. Le CSM devait être invité à répondre et à prendre toutes dispositions utiles pour mettre fin à l’immobilisme du Procureur général.
3. Le 29 septembre 2023, le CSM a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler, se référant à la jurisprudence de la cour de céans en matière de dénonciation.
À ce pli était joint le dossier du CSM, constitué du courrier du 15 juin 2023 et de ses annexes.
4. Dans le délai imparti, échéant le 10 novembre 2023, le recourant a maintenu ses conclusions initiales et développé les reproches et critiques qu’il portait sur le traitement de son dossier pénal, soulignant les conséquences que cela avait entrainé pour lui-même. Il avait notamment dû renoncer à présenter sa candidature à un poste de procureur international.
5. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.
EN DROIT :
1. La loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10), est applicable aux procédures relevant de la compétence de la Cour de céans (art. 139 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 [LOJ – E 2 05]).
Le recours a été interjeté dans le délai et les formes prescrits par la loi (art. 62 al. 1 let. a, art. 64 al. 1 et art. 65 al. 1 et 2 LPA), auprès de la CAPJ, compétente pour statuer sur les recours dirigés contre les décisions du CSM (art. 138 let. a LOJ).
2. Le CSM est l’autorité administrative de surveillance des magistrats du Pouvoir judiciaire (art. 15 LOJ), qui veille au bon fonctionnement des juridictions et s’assure notamment que les magistrats exercent leur charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité (art. 16 al. 1 et 2 LOJ).
Les dénonciations dont il est saisi peuvent être classées par le président lorsqu’elles apparaissent manifestement mal fondées. Si le dénonciateur persiste dans son action, cette dernière est soumise au CSM, siégeant en séance plénière (art. 19 al. 2 LOJ).
La décision du CSM est communiquée au dénonciateur pour information (art. 19 al. 5 LOJ).
3. Selon l’art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir non seulement les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a), mais aussi toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce que celle-ci soit annulée ou modifiée (let. b).
L’intérêt digne de protection consiste en l’utilité pratique que l’admission du recours apporterait au recourant, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait. L’existence d’un intérêt digne de protection présuppose que la situation de fait ou de droit du recourant puisse être influencée par l’annulation ou la modification de la décision attaquée, ce qu’il lui appartient d’établir (ACAPJ/11/2022 du 3 août 2022, ainsi que les jurisprudences citées).
4. La dénonciation est une procédure non contentieuse par laquelle n’importe quel administré peut attirer l’attention d’une autorité hiérarchiquement supérieure sur une situation de fait ou de droit qui justifierait à son avis une intervention de l’État dans l’intérêt public. La dénonciation est possible dans toute matière où l’autorité pourrait intervenir d’office. En principe, l’administré n’a aucun droit à ce que sa dénonciation soit suivie d’effets, car l’autorité saisie peut, après un examen sommaire, décider de la classer sans suite ; le dénonciateur n’a même pas de droit à ce que l’autorité prenne une décision au sujet de sa dénonciation (ATF 133 II 468 consid. 2).
Par conséquent, dans une procédure non contentieuse, la seule qualité de plaignant ou de dénonciateur ne donne pas le droit de recourir contre la décision prise ; le plaignant ou le dénonciateur doit encore pouvoir invoquer un intérêt digne de protection à ce que l’autorité de surveillance intervienne.
Celui qui introduit une procédure disciplinaire ne possède aucun droit à recevoir une décision sujette à recours, de sorte que, s’il n’y est pas donné suite, il n’est pas atteint dans ses intérêts personnels. Le fait que la décision de l’autorité disciplinaire soit susceptible d’avoir une incidence sur une procédure à laquelle le dénonciateur est partie ne permet pas non plus de considérer que celui-ci est directement touché dans ses droits et obligations.
En résumé, le refus de donner suite à une dénonciation ne peut faire l’objet d’aucun recours, puisque le dénonciateur n’agit dans ce cadre que comme auxiliaire de l’autorité en déclenchant la procédure. Ces principes ont été appliqués a des procédures disciplinaires visant notamment des notaires, des avocats et des magistrats du pouvoir judiciaire (ACAPJ/11/2022 précité).
5. a. Selon l’art. 62 al. 6 LPA, une partie peut recourir en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié si l’autorité concernée ne donne pas suite rapidement à la mise en demeure prévue à l’art. 4 al. 4 de cette loi. Lorsqu’une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 LPA).
Pour pouvoir se plaindre de l’inaction de l’autorité, encore faut-il que l’administré ait effectué toutes les démarches adéquates en vue de l’obtention de la décision qu’il sollicite. Les conclusions en déni de justice sont irrecevables lorsque le recourant n’a pas procédé à la mise en demeure prévue à l’art. 4 al. 4 LPA (ATA/590/2023 du 6 juin 2023 consid. 3.1 et les jurisprudences citées).
b. En l’espèce, le délai entre la saisine du CSM et le dépôt du recours pour déni de justice est de 70 jours, dont une grande partie a couru pendant la période estivale. Il n’est pas en soi suffisamment long pour constituer un retard injustifié. De plus, le dénonciateur n’a pas mis en demeure l’autorité intimée.
6. Au vu de ce qui précède, le recours sera déclaré irrecevable, sans qu’il ne soit nécessaire de trancher la question de la qualité pour agir d’un dénonciateur se plaignant d’un retard injustifié, en particulier au regard du droit à la communication, pour information, de la décision prononcée par le CSM.
Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).
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LA COUR D’APPEL DU POUVOIR JUDICIAIRE
- Déclare irrecevable le recours daté du 31 août 2023 de A______ contre le silence du Conseil supérieur de la magistrature.
- Met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-.
- Dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110) le présent arrêt peut être porté dans les 30 jours qui suivent sa notification par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public. Le délai est suspendu pendant les périodes prévues à l’article 46 LTF. Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuves et porter la signature du recourant ou de son mandataire. Il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recours invoquées comme moyens de preuves doivent être joints à l’envoi.
- Communique le présent arrêt à A______ ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature.
Siégeant : M. Matteo PEDRAZZINI, président, M. Philippe THÉLIN, vice-président, Mme Marie-Laure PAPAUX VAN DELDEN, juge.
AU NOM DE LA COUR D’APPEL DU POUVOIR JUDICIAIRE
Alessia TAVARES DE Matteo PEDRAZZINI
ALBUQUERQUE-CAMPAGNOLO Président
Greffière-juriste
Copie conforme du présent arrêt a été communiquée à A__________ et au Conseil supérieur de la magistrature, par pli recommandé.