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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/15443/2023

ACJC/1517/2025 du 27.10.2025 sur JTPH/323/2024 ( OS ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15443/2023 ACJC/1517/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU LUNDI 27 OCTOBRE 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, recourant d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 10 décembre 2024 (JTPH/323/2024), représenté par
Me Pierluca DEGNI, avocat, DEGNI & VECCHIO, rue du Général-Dufour 12, case postale 220, 1211 Genève 8,

et

B______ SA, sise ______, intimée, représentée par Me Stéphanie FULD, avocate, VALFOR AVOCATS SARL, rue Jacques-Balmat 5, case postale 1203, 1211 Genève 1.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/323/2024 du 10 décembre 2024, notifié le 11 décembre 2024 à A______, le Tribunal des prud'hommes (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure simplifiée, a déclaré recevable la demande formée le 23 juillet 2023 par A______ contre B______ SA (ch. 1 du dispositif), débouté A______ de ses conclusions (ch. 2), débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite et qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 4).

B.            a. Par acte déposé le 27 janvier 2025 au greffe de la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a formé recours contre ce jugement, dont il sollicite l'annulation.

Il a conclu à ce que la Cour condamne B______ SA à lui verser la somme nette de 6'210 fr. avec intérêts à 5% l'an à compter du 1er juillet 2023 et à ce qu'elle déboute B______ SA de toutes autres ou contraires conclusions.

b. Dans sa réponse du 3 mars 2025, B______ SA a conclu au rejet du recours.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions. Elles se sont par la suite spontanément déterminées sur l'écriture de leur partie adverse.

d. Les parties ont été informées par plis du greffe de la Cour du 20 juin 2025 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments pertinents suivants résultent de la procédure :

a. B______ SA est une société de droit suisse, dont le siège se situe à Genève, et dont le but est la prestation de services dans le domaine du conseil en matière de constitution et de contrôle de fondations et sociétés dans différentes juridictions, la mise en place de trusts, la supervision de services rendus par des trustees hors territoire suisse ainsi que la prestation de services et conseils juridiques, comptables et administratifs y relatifs.

C______ en est l'administratrice présidente et déléguée avec signature individuelle.

b. Par contrat du 28 août 2015, B______ SA a embauché A______ en tant que "Trust Officer" à compter du 1er janvier 2016. A______ ayant négocié la réduction de son délai de congé auprès de son précédent employeur, une nouvelle lettre d'embauche et un nouveau contrat de travail, avec effet au 1er novembre 2015, ont été établis le 7 septembre 2015.

c. Avant son entrée en fonction, A______ a accompli une première formation de [la société] "D______" (ci-après : D______) et obtenu à ce titre son diplôme le 18 septembre 2015. Les frais de cette formation, en 9'000 fr., ont été remboursés par B______ SA au précédent employeur de A______.

En 2019 et 2020, A______ a effectué deux formations complémentaires D______, dont les frais ont intégralement été pris en charge par B______ SA.

d. Par courriel du 26 octobre 2021, A______ a informé C______ qu'il avait déposé son dossier de candidature afin d'effectuer un Master "MSc Law and Private Wealth Advice" (ci-après : le "Master"), dont le prix s'élevait à 5'350 GBP. Cette formation s'inscrivait selon lui dans le prolongement de sa dernière formation D______ de 2019. Il souhaitait accomplir ce Master afin d'approfondir ses compétences dans le domaine juridique, perfectionnement qui profiterait également à B______ SA dans le cadre de son activité. Il avait apprécié la prise en charge par B______ SA de ses formations D______ antérieures, tout en précisant qu'il ne "considérait pas pour acquis" ("don't take for granted") que B______ SA accepte de prendre financièrement en charge cette formation, et qu'il comprendrait tout à fait si tel n'était pas le cas.

Après avoir sollicité des informations complémentaires sur le Master, C______ lui a répondu favorablement et a confirmé le 20 décembre 2021 que les frais allaient être pris en charge par B______ SA.

Le Tribunal a constaté sans être critiqué sur ce point que A______ a achevé son Master en juin 2023.

e. Par courrier du 26 avril 2023, A______ a mis fin à son contrat de travail, avec effet au 30 juin 2023.

B______ SA a déduit un montant de 6'210 fr. nets du dernier salaire de A______ à titre de remboursement du montant qu'elle avait versé pour son Master.

f. Le Tribunal a retenu que l'ancienne version du document intitulé "Terms & conditions of employment" (soit la version antérieure aux modifications apportées par B______ SA en automne 2014) était pleinement applicable aux relations contractuelles entre les parties, ce qui n'est plus remis en cause en appel, étant précisé que cette question était litigieuse devant le Tribunal.

Lesdits Terms & conditions of employment précisent notamment ce qui suit s'agissant des frais de formation : "L'entreprise prend en charge les coûts relatifs à la formation D______, y compris les cours de formation, livres, etc, lorsque dite formation est pertinente par rapport au développement professionnel de l'employé au sein de B______ SA. Si l'employé quitte l'entreprise durant l'année suivant la fin de ses examens, il ou elle doit rembourser l'entreprise, sauf circonstances exceptionnelles. D'autres types de formation professionnelle peuvent également être discutés avec la direction au cas par cas".

g. Le Tribunal a retenu, sans être critiqué, que A______ avait confirmé avoir reçu et pris connaissance du règlement du personnel de la défenderesse (ci-après: "l'Employee Handbook") dans sa version révisée du 24 octobre 2014, selon une attestation signée par ses soins le 3 novembre 2015, soit de façon quasi concomitante à sa prise de fonction.

Selon l'article 10.5.2 de l'Employee Handbook, en traduction libre, les frais de formation étaient pris en charge par B______ SA pour tous ses employés, pour autant que ceux-ci fassent preuve d'un engagement à long terme. A défaut, le remboursement de la formation pouvait être demandé par B______ SA en fonction de la présence de l’employé au sein de la société après la fin du cours ou de l’examen final selon le barème suivant:

-        Moins d'un an : 100% ;

-        Entre 1 et 2 ans : 50% ;

-        Entre 2 et 3 ans : 25% ;

-        Plus de 3 ans : 0%.

L'Employee Handbook précisait également que, dans l’hypothèse où les frais de formation ne pourraient pas être payés par le nouvel employeur, ils seraient automatiquement déduits du dernier salaire.

h. Il ressort ce qui suit de l'interrogatoire des parties et de l'audition des témoins devant le Tribunal concernant le remboursement des frais de formation lors du départ d'un employé de B______ SA :

A______ a affirmé que le remboursement des frais de formation de son Master avait été effectué par "vengeance", en raison du contexte litigieux qui opposait les parties dans d'autres procédures.

C______, représentante de B______ SA, a nié avoir déduit les frais de formation du dernier salaire de A______ par "vengeance". Elle a précisé qu'au moment de la démission de A______, E______, ancien employé de B______ SA de 2004 à 2022, avait quitté la société pour fonder une société concurrente, F______ TRUSTEES SA que A______ avait rejointe. Avant la modification des Terms & conditions of employment, les employés avaient déjà connaissance de ce que les formations prises en charge par B______ SA – non limitées aux formations D______ – devaient être remboursées en cas de départ de la société.

G______, aide-comptable et assistante des ressources humaines de B______ SA, a déclaré, en se référant à une employée qui avait démissionné en 2014 à l'issue de l'une de ses formations, que l'ancienne version des Terms & conditions of employment ne permettait pas de réclamer le remboursement des frais de formation, raison pour laquelle les Terms & conditions of employment avaient été mis à jour en parallèle de l'article 10.5.2 de l'Employee Handbook. Elle n'avait pas le souvenir d'autres collaborateurs ayant démissionné après avoir effectué des formations, sauf un cas pour lequel les délais de remboursement étaient dépassés.

E______ a déclaré qu'un certain nombre de documents étaient remis aux nouveaux collaborateurs, comprenant notamment le contrat de travail, éventuellement le règlement du personnel, ainsi que les Terms & conditions of employment. En 18 ans d'emploi chez B______ SA, il n'avait pas le souvenir d'un collaborateur ayant démissionné qui aurait dû rembourser à son départ ses frais de formation.

i. En août 2022, H______, ancienne collaboratrice de B______ SA, a démissionné avec effet au 30 novembre 2022, alors qu'elle avait terminé une précédente formation en juin ou juillet 2021. Il n'est pas contesté que B______ SA n'a pas sollicité le remboursement de ses frais de formation.

Devant le Tribunal, B______ SA a déclaré que H______ avait démissionné alors que B______ SA se trouvait en plein processus d'obtention de la licence de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (ci-après : la FINMA). H______ ayant considérablement apporté son aide à B______ SA durant ce processus, C______ n’avait pas déduit ses frais de formation afin de la remercier. Hormis des cas exceptionnels, tels que celui qu'elle venait d'évoquer, le remboursement des frais de formation en cas de départ était toujours pratiqué.

G______ a confirmé qu'en application de l'article 10.5.2 de l'Employee Handbook, B______ SA aurait dû solliciter de H______ le remboursement de la moitié de ses frais de formation. C______ avait cependant renoncé à faire usage de cette clause, dans la mesure où H______ avait beaucoup aidé B______ SA pendant la durée de son préavis.

E______ a déclaré qu'il ignorait les raisons pour lesquelles H______ n'avait pas dû rembourser ses frais de formation.

D. a. Par demande en paiement déposée le 23 novembre 2023, déclarée non conciliée lors de l'audience du 3 octobre 2023 et introduite le 23 juillet 2023, A______ a conclu à ce que le Tribunal condamne B______ SA à lui verser la somme nette de 6'210 fr., avec intérêts moratoires à 5% l'an à compter du 1er juillet 2023.

Dans le corps de son acte, il a soutenu que B______ SA avait donné son accord sur la prise en charge financière de son Master, ceci sans réserve ni condition. Depuis sa démission, B______ SA avait cependant mis en place différentes mesures de rétorsion à son encontre, dont la déduction, opérée sur son dernier salaire, du montant de son Master.

b. Dans sa réponse du 20 mars 2024, B______ SA a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.

Elle a notamment soutenu qu'à la lecture des Terms & conditions of employment, l'employé devait rembourser l'entièreté des frais de formation D______ lorsqu'il quittait l'entreprise dans l'année qui suivait ses examens. A______ était ainsi, a fortiori, tenu au remboursement de l'entier des frais de formation de son Master qui avaient été assumés par B______ SA.

c. Plusieurs échanges d'écritures subséquents ont eu lieu entre A______ et B______ SA, dans lesquelles les parties ont produit des pièces complémentaires, se sont déterminées sur les écritures de leurs parties adverses et ont formulé des allégués complémentaires. Elles ont persisté dans leurs conclusions.

d. Le Tribunal a entendu les parties et les témoins, dont les déclarations ont été reproduites, dans la mesure utile, supra, aux audiences des 27 et 28 août 2024.

A l'issue de l'audience du 28 août 2024, les parties ont plaidé, persistant dans leurs conclusions, et ont été informées par le Tribunal que la cause était gardée à juger.

E. Dans son jugement, le Tribunal a retenu que le Master effectué par A______ n'était pas imposé par l'exécution de son travail. Cette formation lui procurait, de manière prépondérante, un avantage personnel.

B______ SA avait établi que l'ancienne version des Terms & conditions of employment ainsi que l'Employee Handbook – ces documents ayant une force contraignante vis-à-vis de A______ – contenaient des clauses de remboursement des frais de formation en cas de départ d'un employé de la société.

En procédant à une interprétation objective des Terms & conditions of employment, rien n'indiquait qu'un régime différent aurait été prévu pour les autres frais de formation que les formations D______. Si d'autres types de formations pouvaient être prises en charge par B______ SA, la même conséquence, soit une demande de remboursement des frais engendrés en cas de départ de la société dans un laps de temps limité, apparaissait a fortiori applicable. Cette analyse était corroborée par le contenu de l'article 10.5.2 de l'Employee Handbook, qui prévoyait expressément le remboursement de tous types de frais de formation dans leur intégralité lorsque l'employé quittait la société dans l'année suivant la fin du cours ou de l'examen final.

Le Tribunal n'était ainsi pas convaincu des arguments de A______ consistant à retenir que seule la partie des Terms & conditions of employment relative à la prise en charge des frais de formation devait lui être applicable, et non la partie ayant trait à l'obligation de remboursement. Son attitude contrastait par ailleurs avec celle qu’il avait adoptée lorsqu'il avait sollicité la prise en charge des frais de son Master, dans la mesure où il avait spécifié qu'il comprendrait si B______ SA refusait sa demande, eu égard aux précédentes prises en charge financière de ses deux autres formations en cours d'emploi.

EN DROIT

1.             1.1 Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties avant le 1er janvier 2025, la présente procédure d'appel demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.

1.2 Le recours est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans le délai utile de trente jours et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1 et 321 al. 1 CPC), à l'encontre d'une décision finale de première instance qui statue sur des conclusions pécuniaires dont la valeur litigieuse est, compte tenu des prétentions demeurées litigieuses en première instance, inférieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 a contrario et 319 let. a CPC).

1.3 La cause est soumise à la procédure simplifiée compte tenu de sa valeur litigieuse inférieure à 30'000 fr. (art. 243 al. 1 CPC).

1.4 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour de céans est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait (ATF 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5; arrêt du Tribunal fédéral 4A_282/2019 du 4 novembre 2019 consid. 2.1).

1.5 Le litige est soumis aux maximes inquisitoire et de disposition (art. 247 al. 2 let. b ch. 2 et 58 al. 1 CPC).

2.             Dans un premier grief, le recourant soutient que divers éléments de faits essentiels pour l'issue du litige n'ont pas été pris en considération par le Tribunal, de sorte que celui-ci aurait procédé à une constatation manifestement inexacte des faits, confinant à l'arbitraire.

2.1 Lorsqu'elle est saisie d'un recours, la Cour doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits retenus par le premier juge et ne peut s'en écarter que s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2).

La constatation manifestement inexacte des faits équivaut à l'arbitraire. La constatation des faits ou l'appréciation des preuves est arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3; 137 III 226 consid. 4.2). Le recourant ne peut pas se borner à contredire les constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; il doit indiquer de façon précise en quoi ces constatations sont arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3).

Le grief de constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 let. b CPC) ne peut être soulevé que si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2; Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2e éd., 2019, n. 5 ad art. 320 CPC), ce qui n'est pas le cas lorsqu'il vise une constatation de fait n'ayant aucune incidence sur l'application du droit (ATF 127 I 38 consid. 2a).

2.2 En l'espèce, le recourant reproche au Tribunal de n'avoir que partiellement pris en compte certains témoignages. C______ avait ainsi déclaré qu'elle n'était pas certaine que l'Employee Handbook traitait du remboursement des frais de formation et qu'elle ignorait que H______ avait rejoint F______ TRUSTEES SA après sa démission. G______ avait précisé qu'elle n'avait pas eu connaissance du litige opposant les parties avant l'audience par-devant le Tribunal. Elle avait recherché l'Employee Handbook à la demande de C______ et avait précisé que, s'il était vrai que l'Employee Handbook contenait un formulaire ("Appendix I") pour procéder aux demandes de formation, celui-ci n'était pas utilisé dans la pratique. E______ avait expliqué avoir pris connaissance de l'Employee Handbook à son arrivée dans l'entreprise en 2004, mais n'avoir jamais eu connaissance de son Appendix I ni n'avoir souvenir d'avoir lu ou eu connaissance des articles relatifs aux frais de formation. A cela s’ajoutait que l'intimée n'avait produit que lors de l'audience du 28 août 2024 l'Employee Handbook et avait confondu ce document avec les Terms & conditions of employment dans l'une de ses déterminations, éléments qui ne ressortaient pas du jugement entrepris. Le Tribunal n'avait par ailleurs pas reproduit dans son intégralité l’article 10.5.2 de l'Employee Handbook, qui précisait que le montant des frais de formation à rembourser par l'ancien employé devait être annoncé à l'avance par B______ SA.

S'il est vrai que ces éléments n'ont pas été reproduits dans la partie « En fait » du jugement entrepris, ils ne sont toutefois pas, comme cela sera exposé ci-dessous (cf. infra consid. 3.2), de nature à influer sur le sort de la cause. Aucun arbitraire dans l'établissement des faits ne peut ainsi être retenu, le Tribunal étant correctement arrivé à la conclusion que ces éléments n'étaient pas pertinents pour l'issue du litige.

Le recourant a par ailleurs soutenu que le Tribunal avait mal constaté le contenu de son courriel du 26 octobre 2021, dans la mesure où il avait à l'époque expliqué à l'intimée qu'il ne "considérait pas pour acquis" que l’intimée accepte de prendre en charge son Master, mais non pas qu'il avait "présumé que les frais de son Master ne seraient pas acceptés par B______ SA", comme l'avait retenu le Tribunal. Le courriel du 26 octobre 2021 étant rédigé en anglais, le Tribunal a procédé à une traduction de celui-ci. La traduction effectuée par le Tribunal ne reflète cependant effectivement pas le contenu exact du courriel, de sorte que l'état de fait ci-dessus a été corrigé sur ce point (cf. supra consid. C.d).

3.             3.1 Le recourant soutient que le Tribunal a violé les principes découlant de l'art. 18 CO et avait erré dans les différentes formes d'interprétation des Terms & conditions of employment ainsi que de l'Employee Handbook, subsidiairement n'avait pas appliqué les principes découlant de l'adage in dubio contra stipulatorem.

3.1.1 Selon l’art. 327a al. 1 CO, l’employeur rembourse au travailleur tous les frais imposés par l’exécution du travail et, lorsque le travailleur est occupé en dehors de son lieu de travail, les dépenses nécessaires pour son entretien.

Les frais d’une formation intervenant en cours d’emploi, sur ordre de l’employeur ou en vertu de la loi, sont en principe liés à l’exécution du travail. Il s’agit alors de frais nécessaires qui doivent être remboursés par l’employeur en application de l’art. 327a al. 1 CO. Les frais d’une formation qui sont sans rapport direct avec l’exécution du travail, mais qui procurent au travailleur un avantage durable sur le marché du travail, sont à la charge du travailleur (Danthe, Commentaire du contrat de travail, 2e éd., 2022, n. 14 et 15 ad art. 327a CO).

Pour les formations sans rapport direct avec le travail, qui sont destinées à améliorer la capacité professionnelle du travailleur, un accord contraire des parties est réservé. L’employeur peut en effet s’engager à prendre en charge tout ou partie des frais d’une telle formation. Il peut dans cette hypothèse lier sa participation à un engagement de remboursement dégressif des frais encourus, si le travailleur quitte l'entreprise durant un délai déterminé suivant la fin de la formation (Danthe, op.cit., n. 16 ad art. 327a CO). L'employeur pourra donc demander le remboursement de tout ou partie des frais de formation au travailleur, à condition que l'obligation de rembourser ait été valablement convenue avant le début de la formation, que le montant à rembourser et la période du remboursement soient précisés et que la durée de l'engagement ne porte pas atteinte pendant une période excessive au droit du travailleur de résilier son contrat (Wyler/Heinzer/Witzig, Droit du travail, 5e éd., 2024, p. 3383s.; Danthe, op.cit., n. 17 ad art. 327a CO).

3.1.2 En matière d'interprétation des contrats, le juge doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté – écrites ou orales –, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_254/2021 du 21 décembre 2021 consid. 5.2.1).

Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties – parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes – ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance, qui consiste à rechercher comment chacune des parties pouvait et devait comprendre de bonne foi les déclarations de l'autre, en fonction du contexte dans lequel elles ont traité (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 4A_254/2021 du 21 décembre 2021 consid. 5.2.2). Cette interprétation objective s'effectue non seulement d'après le texte et le contexte des déclarations, mais également sur le vu des circonstances qui les ont précédées et accompagnées, à l'exclusion des événements postérieurs (ATF 135 III 295 consid. 5.2; 132 III 626 consid. 3.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_116/2014 du 17 juillet 2014 consid. 5.1; 4A_219/2012 du 30 juillet 2012 consid. 2.5).

Subsidiairement, si l'interprétation selon le principe de la confiance ne permet pas de dégager le sens de clauses ambiguës, celles-ci sont à interpréter en défaveur de celui qui les a rédigées, en vertu de la règle "in dubio contra stipulatorem" (ATF 133 III 61 consid. 2.2.2.3; 122 III 118 consid. 2a).

3.2 En l'espèce, il n'est pas contesté par les parties que le Master suivi par le recourant lui a procuré de manière prépondérante un avantage personnel, de sorte qu'un accord entre les parties était nécessaire concernant sa prise en charge financière. Est toutefois litigieuse la question d’un accord portant sur le remboursement des frais du Master, dans la mesure où la démission du recourant a coïncidé avec la fin de sa formation.

Le recourant ne peut être suivi lorsqu'il soutient que l'intimée aurait "découvert", en cours de procédure, les règles découlant de l'Employee Handbook. Il fonde principalement son argumentation sur des faits qui n'ont, à juste titre, pas été pris en considération par le Tribunal (cf. supra consid. 2.2). L'on peine en effet à discerner les conséquences juridiques que tente de tirer le recourant des déclarations de E______ sur l'applicabilité de l'Employee Handbook, dans la mesure où elles n'apportent pas de renseignements sur l'accord de volonté ayant lié les parties. Concernant G______, il était normal que celle-ci, dans sa position de témoin, n'ait pas été informée du contenu du litige opposant les parties. Au demeurant, ses déclarations sur le non-usage de l'Appendix I de l'Employee Handbook relèvent d'aspects purement formels, sans incidence sur les conditions posées par l’intimée pour solliciter le remboursement des frais de formation par ses employés quittant l’entreprise. Quant aux déclarations de C______, qui a exprimé des doutes sur le contenu de l'Employee Handbook, elles signifient tout au plus que celle-ci ne connaissait pas, de tête, le contenu de ce document, mais non pas qu'il ne s'appliquerait pas. Par ailleurs, aucune conséquence juridique ne peut être tirée du moment où l'Employee Handbook été produit par l'intimée par-devant le Tribunal, cette pièce étant recevable, ce qui n’est pas remis en cause par le recourant. Il en est de même du fait que H______, ou d'autres employés, n'aient pas dû rembourser leurs frais de formation après leur démission, cette situation découlant d'accords différents entre l'intimée et les intéressés, de sorte que le recourant ne peut en tirer aucun droit.

Une interprétation subjective de la volonté des parties permet au contraire d'aboutir à la conclusion que les Terms & conditions of employment étaient complétés par les règles figurant dans l'Employee Handbook, ces deux documents étant bel et bien applicables aux relations contractuelles entre les parties. Le recourant a ainsi lui-même confirmé avoir pris connaissance de l'Employee Handbook le 3 novembre 2015, de sorte qu'il importe peu que son contenu lui ait été rappelé ou non lorsque l'intimée a fait suite à sa demande de prise en charge financière de son Master.

Il ressort par ailleurs du texte des Terms & conditions of employment que l'intimée prenait à sa charge les frais de formation D______ et que l’employé qui quittait l'intimée dans l'année suivant la fin de ses examens devait rembourser l’intimée, sauf circonstances exceptionnelles. Il était par ailleurs précisé que "[d]'autres types de formation professionnelle [pouvaient] également être discutés avec la direction au cas par cas". En parallèle, l’article 10.5.2 de l'Employee Handbook soulignait très clairement, sans distinction qu'il s'agisse des formations D______ ou d'autres types de formation, qu'un employé qui quittait l'entreprise moins d'une année après la fin de l'examen final de sa formation était tenu de rembourser les frais en découlant dans leur intégralité. Ainsi, tant les Terms & conditions of employment que l'Employee Handbook prévoyaient une clause de remboursement intégrale des frais de formation dans l'éventualité où un employé venait à quitter l'intimée dans l'année suivant la fin de sa formation.

L'intimée a par ailleurs toujours été constante quant à l'existence de règles obligeant l'employé à rembourser ses frais de formation, sans opérer de distinction selon le type de formation. Quant au comportement du recourant, il découle très clairement de son courriel du 26 octobre 2021 qu'il n'ignorait pas que des règles spécifiques étaient applicables à la prise en charge financière des formations autres que les formations D______, de sorte qu'il savait que ces autres formations étaient également soumises à des modalités de remboursement similaires.

Partant, il résulte de la volonté subjective des parties que le recourant était tenu de rembourser la totalité des frais engagés par l'intimée pour sa formation dans la mesure où il avait donné son congé simultanément à la fin de sa formation. L'intimée était ainsi en droit de lui déduire les frais de son Master de son dernier salaire.

Dans une argumentation subsidiaire, le recourant reproche au Tribunal de ne pas avoir correctement interprété l'article 10.5.2 de l'Employee Handbook, en omettant de le reproduire dans son intégralité (cf. supra consid. 2.2). L'on peine toutefois à discerner les conséquences juridiques que tente de tirer le recourant de cette violation – qu'il se contente par ailleurs uniquement de relever – pour justifier une inapplication des règles relatives au remboursement des frais de formation. Son grief sera dès lors écarté sur ce point.

Finalement, une interprétation objective de la volonté des parties ne permet pas d'aboutir à une conclusion différente. En effet, la phrase mentionnant dans les Terms & conditions of employment que "[d]'autres types de formation professionnelle [pouvaient] également être discutés avec la direction au cas par cas", se situe dans le même paragraphe que les phrases précisant les modalités applicables aux formations D______, dont les frais devaient être remboursés par l'employé quittant l'intimée durant l'année suivant la fin de ses examens. Cette phrase ne peut ainsi s'interpréter isolément des phrases qui la précèdent, mais forme un tout avec celles-ci. Ce paragraphe ne peut donc être compris que comme signifiant, au mieux, que l'intimée était prête à contribuer au cas par cas au paiement des frais de formation autres que les formations D______, voire qu'elle n'envisageait pas de participer à ces dernières, sauf à conclure un accord préalable sur ce point. En tout état, il résulte qu'objectivement, il ne pouvait être compris que l'intimée aurait accepté de prendre en charge d'autres formations que les formations D______ en renonçant à se faire rembourser si l'employé venait à quitter l'entreprise dans l'année qui suivait la fin de sa formation.

Dans la mesure où tant l'interprétation subjective de la volonté des parties que l'interprétation objective permettent d'aboutir à la conclusion que l'intimée était fondée à retenir les frais de formation du dernier salaire du recourant, il n'y a pas lieu de recourir à l'interprétation in dubio contra stipulatorem, laquelle est subsidiaire.

Partant, le recours sera rejeté.

4. La valeur litigieuse étant inférieure à 50'000 fr., il ne sera pas prélevé de frais judiciaires, ni alloué de dépens (art. 71 RTFMC et 22 al. 2 LaCC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :


A la forme
:

Déclare recevable le recours formé par A______ le 27 janvier 2025 à l'encontre du jugement JTPH/323/2024 rendu le 10 décembre 2024 dans la cause C/15443/2023.

Au fond :

Le rejette.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Monique FORNI, Monsieur Aurélien WITZIG, juges assesseurs; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 15'000 fr.