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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/9878/2023

ACJC/989/2025 du 14.07.2025 sur JTPH/256/2024 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9878/2023 ACJC/989/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU LUNDI 14 JUILLET 2025

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par le
Tribunal des prud'hommes le 2 octobre 2024 (JTPH/256/2024), représentée par Me Valérie DEBERNARDI, avocate, rue des Pavillons 17, case postale 90,
1211 Genève 4,

et

1) Madame B______, domiciliée ______, intimée, représentée par
Me Mike HORNUNG, avocat, place du Bourg-de-Four 9, 1204 Genève,

2) CAISSE DE CHÔMAGE C______, sise ______, autre intimée.


EN FAIT

A. a. D______, né le ______ 1918, et son épouse E______ (ci-après : les époux) ont vécu de manière autonome à leur domicile jusqu'au printemps 2017.

Leur fils, F______ vivait en République dominicaine depuis plusieurs années, leur rendant visite ponctuellement à Genève.

Leur nièce, B______, leur rendait visite une fois par semaine, notamment pour faire les courses avec D______.

b. Au printemps 2017, G______, l'infirmière des époux, a constaté que ceux-ci ne pouvaient plus se passer d'une aide constante, de sorte qu'ils devaient entrer en EMS ou bénéficier d'une présence permanente à leur domicile. Elle leur a donc recommandé l'engagement de deux aides-soignantes.

c. Dans ce contexte, A______ a été reçue pour un entretien d'embauche par les époux, en présence de B______.

d. Par contrat de travail écrit du 12 octobre 2017, A______ a été engagée par la "famille D______" en qualité d’aide à domicile à compter du 13 septembre 2017. L’horaire de travail a été fixé du samedi dès 9h au lundi à 9h ainsi que du lundi au vendredi de 16h30 à 19h30, le salaire horaire étant de 25 fr.

Le contrat a été signé par D______.

e. Par avenant du 19 décembre 2017, les horaires de travail ainsi que le salaire de A______ ont été modifiés, avec effet au 13 décembre 2017, dans la mesure suivante : du lundi au jeudi de 16h30 à 19h30, du jeudi 19h30 au vendredi à 9h, le vendredi de 16h30 à 19h30, le samedi de 9h à 19h30 et le dimanche de 9h à 19h30. Le salaire mensuel brut de l’employée a été fixé à 3'839 fr. et à 140 fr. durant les nuitées.

Cet avenant a été signé par D______.

f. Par avenant du 31 décembre 2017, il a été convenu que, dès le 1er janvier 2018, les horaires de travail devraient être effectués selon le planning établi et remis à l’employée deux semaines à l’avance. Il était précisé que toute modification devrait être annoncée à l’employeur, ou son représentant, dans les quarante-huit heures dès réception du planning.

Ce document a été signé « p.o » D______ par B______.

g. Par avenant du 29 novembre 2018, les horaires de travail de A______ ont été modifiés, dès le 1er janvier 2019, dans la mesure suivante : du lundi au vendredi de 16h30 à 19h30, le samedi de 9h à 19h30 et le dimanche de 9h à 19h30. À compter du 1er juillet 2019, son salaire horaire a été fixé à 21 fr. 50, plus 8.33% correspondant à la part vacances.

Ce document a été signé « p.o » D______ par B______.

h. B______ établissait le planning des employés une fois par mois.

i. Afin de faciliter l'organisation du personnel, un groupe WhatsApp "personnel tonton", dont faisaient notamment partie F______, B______, l'infirmière G______ et les employés de maison, a été créé.

Il résulte des échanges sur ce groupe que B______ gérait les horaires et les vacances des membres du personnel, validant les demandes de modification des horaires convenus, afin qu'une présence constante soit assurée auprès des époux D______/E______.

j. Par ailleurs, B______ établissait les fiches de salaire, sur la base des heures travaillées et du tarif horaire contractuel, et les remettait aux employées.

B______, qui n'avait pas de procuration sur les comptes de son oncle, établissait les ordres de paiement des salaires qui étaient signés par D______, et parfois par F______.

k. E______ est décédée le ______ 2020 et D______ le ______ septembre 2021, laissant pour seul héritier, son fils, F______.

l. Par courrier du ______ septembre 2021, F______ a notifié à A______, ainsi qu'aux autres employés, la fin de son contrat de travail en raison du décès de son père.

m. Par pli du 9 juin 2022, A______, par le biais de son conseil, a écrit à F______ pour lui signifier avoir travaillé au service de ses parents du 13 septembre 2017 au ______ septembre 2021. Elle s'adressait à lui en sa qualité de successeur universel de son père, qui était son ancien employeur, car la rémunération qui lui avait été versée ne correspondait pas aux minimas légaux. Elle a réclamé à F______ plusieurs sommes d'argent au titre d'heures de nuit, de solde de vacances et d'indemnité pour fin abrupte du contrat.

n. En juillet 2022, A______ a déposé une plainte auprès de l’Office cantonal de l’inspection et des relations de travail (ci-après OCIRT) au sujet de ses conditions de travail auprès de la famille [de] D______.

o. Lors de son audition par l'OCIRT le 17 août 2022, elle a notamment déclaré que B______ l’avait recrutée et reçue pour un entretien d’embauche, en présence de ses oncle et tante, et que ses relevés horaires, ainsi que les contrats, avenants, plannings et décomptes de salaires avaient été établis par celle-ci. En pratique, cette dernière venait une fois par semaine pour relever et traiter le courrier de son oncle et contrôler si tout allait bien. Une fois par mois, elle collait le planning sur la porte de la cuisine et distribuait les décomptes de salaire aux employées. Elle donnait les instructions et les ordres aux employées. En plus de l'organisation du travail et des instructions, elle s'occupait de toute l'administration. F______ lui avait d’ailleurs demandé de s’adresser à B______ lorsqu’elle s’était approchée de lui pour se plaindre de ses conditions de travail. B______ lui demandait de ne pas discuter des horaires ou des congés avec les époux D______/E______ ou leur infirmière, mais avec elle uniquement.

p. Interpellée par l'OCIRT, B______ avait indiqué avoir uniquement aidé son oncle et sa tante pour la préparation de certains documents administratifs. Ces derniers avaient directement recruté et engagé le personnel. La documentation réclamée par l'OCIRT était en possession de F______. Elle a toutefois fourni les noms et prénoms de six employées, ainsi que des informations sur le taux d’activité et la période des rapports de travail de chacune d’entre elles.

q. Dans le cadre de son enquête, H______, inspectrice du travail de l'OCIRT, a établi des rapports après avoir entendu les autres personnes employées au service de D______ en août et septembre 2022.

I______ lui avait déclaré avoir travaillé auprès des époux du 1er juillet 2019 au ______ septembre 2021. Son entretien d’embauche avait eu lieu en présence de F______. Toutes les conditions d’engagement, dont son salaire, avaient été discutées uniquement avec B______. Cette dernière lui avait soumis son contrat de travail, décidait de son planning et c’était à elle qu’elle demandait ses vacances. Quel que soit le problème ou la demande, les employées avaient pour instruction de ne s’adresser qu’à elle. Elle préparait les décomptes de salaire et procédait aux versements.

J______ avait travaillé auprès des époux du 13 décembre 2017 au ______ septembre 2021. Elle avait été engagée par B______ qui s’était occupée de ses conditions de travail, oralement dans un premier temps. Après la fin des rapports de travail, F______, en sa qualité d’héritier, lui avait versé un montant de 13'000 fr. pour solde de tout compte. B______ s’occupait de tout pendant la durée des rapports de travail : elle décidait des horaires, des salaires, des vacances, des remplacements, elle établissait les fiches de salaire et rédigeait les documents et courriers divers.

K______ avait travaillé auprès des époux de mars à août 2021. Elle avait été engagée par B______ en qualité de remplaçante des employées fixes. Ses conditions de travail avaient été convenues oralement avec cette dernière. Elle n’avait jamais rencontré F______.

r. Par courrier du 13 septembre 2022, l’OCIRT a transmis les auditions des quatre travailleuses à B______, lui indiquant qu'il considérait qu'elle endossait le rôle d'employeuse de ces personnes.

s. B______ a contesté les allégations des employées, et maintenu qu’elle n’était pas leur employeuse. Elle ne voyait que rarement les personnes qui s’étaient occupées de ses oncle et tante qui recevaient leurs instructions de D______, voire des infirmières. Elle ne faisait que les démarches administratives pour soulager son oncle, comme une fiduciaire.

t. Par pli du 24 avril 2023, H______ a informé A______ que l'OCIRT considérait qu'elle avait été engagée par B______ afin de travailler en tant qu'employée de maison chez son oncle et sa tante. Le salaire minimum n’avait pas été respecté, de sorte qu'il avait été demandé à B______ de se mettre en conformité.

u. Dans le cadre de son enquête, deux inspectrices du travail de l’OCIRT ont encore entendu l'infirmière des époux, G______, le 5 juin 2023.

Il résulte du procès-verbal d'audition que cette dernière avait commencé son activité pour les époux au printemps 2017. Elle avait alors constaté que les époux ne pouvaient plus rester seuls, du fait de leur grand âge et des atteintes à leur santé. Elle n’intervenait pas dans l’organisation du travail de l’équipe et donnait uniquement des instructions relatives aux questions médicales ou diététiques. À sa connaissance, c’était D______ qui était le « patron ». Il décidait qui engager et qui licencier et « se plaignait de la cherté de ses employées, qui lui coûtaient entre 15'000 fr. et 20'000 fr. par mois ». Ce n'était pas B______, proche aidante, qui s’occupait de l’engagement des aides-soignantes, mais D______. B______ gérait les horaires, les différends entre les employées et leur remettait les enveloppes avec le salaire, mais c'était D______ qui payait les employées.

v. Malgré les dénégations de B______, l'OCIRT lui a infligé un avertissement le 12 décembre 2023. L’appréciation des éléments au dossier, en particulier les échanges Whatsapp, avait forgé sa conviction qu’elle revêtait la qualité d’employeuse. Il n’entendait pas procéder à des actes d’instruction complémentaires, ni suspendre la procédure en l'attente de l'issue de la procédure pendante devant le Tribunal des prud'hommes (cf. infra B). Un délai lui était accordé pour procéder notamment aux rattrapages salariaux, avant le prononcé de sanctions administratives et pénales.

w. B______ ayant réitéré ne pas être employeuse, par décision du 8 avril 2024, l’OCIRT lui a infligé une amende de 30'000 fr.

B. a. Parallèlement à la procédure administrative, par requête déposée en vue de conciliation le 12 mai 2023, déclarée non conciliée le 14 juin 2023 et déposée devant le Tribunal des prud'hommes le 15 septembre 2023, A______ a assigné B______ en paiement de la somme totale de 136'102 fr. 67, soit 20'867 fr. 30 bruts, à titre de différence salariale, avec intérêts à 5% l’an dès le 13 septembre 2019 (date moyenne), 3'012 fr. 56 bruts, à titre de supplément pour les heures de nuit, avec intérêts à 5% l’an dès le 13 septembre 2019 (date moyenne), 53'461 fr. 45 bruts, à titre de supplément pour le travail du dimanche, avec intérêts à 5% l’an dès le 13 septembre 2019 (date moyenne), 5'936 fr. 79 bruts, à titre de supplément pour les heures supplémentaires, avec intérêts dès le ______ septembre 2021, 29'028 fr. 30 nets, à titre d’indemnité pour licenciement immédiat injustifié, avec intérêts à 5% l’an dès le ______ septembre 2021 et 23'796 fr. 20 nets, à titre d’indemnité supplémentaire pour licenciement immédiat injustifié, avec intérêts à 5% dès le ______ septembre 2021.

A l’appui de sa demande, A______ a allégué avoir été engagée par B______, à compter du 13 septembre 2017, en qualité d’employée de maison affectée au ménage et à la prise en charge des époux. Compte tenu de leur âge très avancé au moment de son engagement, il aurait été impossible pour ceux-ci de conclure un contrat de travail et encore moins de lui donner des directives ou de gérer son emploi du temps. D______ n’avait pas la capacité de discernement. B______ avait donc toujours été responsable de ses conditions de travail ainsi que de celles de toutes les autres employées de maison en charge de l’assistance des époux.

L’existence d’un lien de subordination entre elle et B______ était notamment attestée par des échanges de la discussion WhatsApp sur le groupe « personnel tonton ». Il ressortait de ceux-ci que B______ contrôlait son temps de travail et l’organisait. Elle était également responsable du paiement des salaires. En cas d’erreur ou d’absence de paiement, elle-même ainsi que ses collègues se retournaient vers B______. Cette dernière vérifiait son travail et lui avait dit que toute demande ou revendication devait passer par elle. B______ avait également décidé et lui avait communiqué les changements en matière de salaire ou de taux d’occupation, soit des éléments fondamentaux du contrat de travail. Les rapports de travail avaient été rompus avec effet immédiat le ______ septembre 2021, jour du décès de feu D______.

b. Par demande d’intervention principale du 27 septembre 2023, CAISSE DE CHOMAGE C______ (ci-après : C______) a déclaré se subroger dans les droits de A______ à hauteur de 6'326 fr. 75, montant correspondant aux indemnités journalières versées pour les mois d’octobre et novembre 2021 ainsi que janvier et février 2022.

c. Dans sa réponse du 22 janvier 2024, B______ a conclu à ce qu’il soit constaté qu’elle n’avait jamais été l’employeuse de A______, cette dernière devant être déboutée de ses conclusions.

Elle a allégué que A______ avait été engagée par feu D______, qui avait signé le contrat de travail, pour s’occuper des époux D______/E______. Elle n'était que la nièce du couple, ne vivait pas chez eux et n'avait jamais eu besoin d'une employée de maison. Elle ne s’était pas quotidiennement occupée de son oncle et de sa tante ou encore du ménage de ces derniers. C'était feu D______ qui versait le salaire de A______ depuis son compte bancaire, sur lequel elle n'avait aucune procuration. Sa présence à l'entretien d'embauche ne faisait pas d'elle l'employeuse de A______. Certes, D______ lui avait confié une partie de la gestion administrative de ses employées en raison de sa malvoyance. Mais elle n'intervenait qu'en raison des fréquentes interversions des horaires de travail que les employées décidaient sans en parler à D______ au préalable.

Elle a produit trois attestations établies par l’Abbé L______ le 6 mai 2023, par la Dresse M______ le 2 mai 2023 et par G______ le 5 mai 2023. A teneur de l’attestation de l’Abbé L______, D______ était en parfaite possession de ses facultés mentales jusqu’au moment de son décès et maîtrisait tout à fait les décisions qu’il prenait, même s’il déléguait certaines démarches en raison de ses difficultés visuelles liées à son grand âge. La Dresse M______ a déclaré que D______ avait gardé sa capacité de discernement jusqu'à son décès. Il était capable de gérer ses affaires administratives et son personnel. G______ a quant à elle attesté, en sa qualité d’infirmière ayant travaillé pour D______, que ce dernier avait sa capacité de discernement. Il était orienté dans le temps et dans l’espace jusqu’à la veille de son décès. Il avait la capacité d’agir raisonnablement et de mener une discussion réfléchie et cohérente. Il était capable de décider pour lui-même.

B______ a également produit divers ordres de paiement relatifs au compte de feu D______, dont certains portent la signature de ce dernier et d’autres celle de son fils, les lettres de fin des rapports de travail qui avaient été adressées aux employés par F______ le ______ septembre 2021 et les certificats de travail dressés par ce dernier.

d. Dans sa réplique du 18 mars 2024, A______ a persisté dans ses conclusions, concluant préalablement à la production par B______ de l’intégralité de la procédure menée par l’OCIRT au sujet de ses conditions de travail.

e. Dans sa duplique du 22 avril 2024, B______ a persisté dans ses conclusions.

f. Par courrier du 29 mai 2024 au Tribunal, A______ a diminué ses conclusions en ce sens qu’elle ne réclamait plus que 119'525 fr. 40.

g. A l’audience de débats d’instruction du 3 juin 2024, A______ a expliqué avoir réduit ses conclusions en raison de l’invocation par B______ de l’exception de prescription.

B______ s'est opposée à la production de l’intégralité du dossier de l’OCIRT dès lors que le fardeau de la preuve appartenait à A______. Elle a ajouté avoir recouru contre la décision de l’OCIRT auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice en date du 10 mai 2024.

A l’issue de l’audience, le Tribunal a rendu une ordonnance d’instruction aux termes de laquelle il a renoncé, en l’état, à demander la production du dossier complet de l’OCIRT.

Il a, sur le siège, rendu une ordonnance de preuve, admettant comme moyens de preuve, les titres produits, l'audition des parties et l'audition des témoins dont il a dressé la liste.

h. Lors de l'audience d'enquêtes du 25 juin 2024, H______, entendue en qualité de témoin, a expliqué au Tribunal avoir entendu, en sus de A______, trois autres travailleuses qui lui avaient confirmé un lien de subordination uniquement avec B______. Elle n'avait pas tenu de procès-verbal des auditions des quatre employées, qu’elle avait rencontrées rapidement. Elle-même comprenant l’espagnol et les employées en question comprenant et parlant suffisamment bien le français, elle n’avait pas fait appel à un interprète. Elle n’avait jamais rencontré D______, qui était déjà décédé lors de son contrôle, de sorte qu'elle n'avait pas pu constater son état psychique, et que tout ce qu’elle en savait, elle le tenait des employées. La question de savoir si D______ avait la capacité de discernement n'avait pas été examinée. Elle n'avait également jamais rencontré B______, la procédure étant essentiellement écrite. Le contrat de travail de A______ avait été signé par D______ mais la grande majorité des pièces avait été signée par B______ ou "p.o" par B______. Les salaires étaient préparés et versés par B______, du compte de D______. Certains ordres de paiement avaient effectivement été signés par D______, mais elle ignorait combien.

J______ a déclaré au Tribunal parler un peu le français mais préférer s'exprimer en espagnol, de sorte qu'un interprète lui a été adjoint lors de son audition. Elle a témoigné avoir commencé à travailler pour la famille [de] D______ en décembre 2017. Elle avait été engagée par F______. B______ lui avait fait signer les documents légaux. Son employeur était D______, qui avait toujours eu de bonnes facultés mentales, et ce jusqu’à son décès, même s'il prenait toujours les décisions après consultation de son fils. Elle pensait que c'était D______ et son fils qui s'occupaient de l'organisation. Son salaire était payé par D______. Les plannings étaient respectés, il y avait parfois des changements lorsque quelqu'un était malade. Chacun notait les heures de travail directement sur le planning s'il y avait un changement d'horaire.

I______, entendue comme témoin, qui avait travaillé pour la famille [de] D______ de 2018 jusqu’au décès de D______, a déclaré avoir été engagée par D______ et F______. Son employeur était D______. Elle avait rencontré B______ pour la première fois lors de sa deuxième semaine de travail. B______ s’occupait d’établir les plannings sur instructions de D______. Les plannings étaient respectés. Parfois A______ demandait des changements d'heures qui étaient acceptés par B______. B______ payait ses salaires, l'argent étant versé depuis le compte de D______. Si elle avait eu un problème administratif du vivant de D______, c’est à lui qu’elle en aurait parlé. Celui-ci avait toute sa tête jusqu’à peut-être deux semaines avant son décès. D______ discutait de la moindre chose avec B______.

K______, entendue en qualité de témoin, a indiqué préférer s'exprimer en espagnol. Elle a été assistée d'un interprète. Elle avait commencé à travailler aux alentours de fin 2019-début 2020, et ce jusqu’au décès de D______. Ce dernier l’avait engagée en présence de B______, qui lui avait expliqué le travail. Selon elle, c’était D______ qui prenait les décisions. Son salaire lui était versé sur son compte et les fiches de salaires étaient signées par D______. Les plannings de travail étaient établis par B______ en fonction de leurs désirs. Les plannings étaient généralement respectés. Il y avait occasionnellement des changements. En cas de problèmes administratifs ou autres, elle s’adressait en premier lieu à D______ ainsi que parfois à B______. Elle a ajouté que D______ avait toutes ses facultés mentales jusqu’à la fin de sa vie.

i. B______ a indiqué renoncer à l’audition de la Dresse M______, de F______ et de N______.

j. Lors de l'audience du Tribunal du 9 juillet 2024, O______, la nièce de feu D______, entendue en qualité de témoin, a déclaré rendre visite à son oncle environ toutes les deux ou trois semaines. Il avait toute sa tête et était cohérent.

P______, une autre nièce de D______, allait voir son oncle deux fois par semaine ainsi que les samedis pour lui livrer les courses avec B______. D______ avait toute sa tête et toutes ses fonctions cognitives jusqu’à la fin de sa vie. Il avait des problèmes de vue comme une personne très âgée, mais avec des lunettes, il pouvait tout à fait lire. B______ s’était occupée de l’aspect administratif, agissant sur les ordres de F______ ou de D______.

L______ n’avait pas constaté de difficultés mentales de D______. Ce dernier, qu'il rencontrait environ une fois par trimestre, avait des problèmes de vision et de déplacements, mais ils avaient ensemble souvent de longues discussions en allemand. Il était maître de son langage également dans cette langue.

G______ a témoigné avoir été engagée par D______. C'est sur sa proposition que ce dernier avait décidé d’engager du personnel. B______ s’occupait de la gestion administrative, mais D______ prenait les décisions, parfois sur proposition de son fils, F______. B______ préparait les fiches de paie sur instructions de D______.

k. Lors de l’audience de débats principaux du 10 juillet 2024, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions respectives.

C. Par arrêt ATA/949/2024 du 14 août 2024, rendu sur recours de B______, la Chambre administrative de la Cour de justice a annulé la décision de l’OCIRT du 8 avril 2024, considérant que c'était à tort qu'il avait été retenu que B______ revêtait la qualité d'employeuse.

La Cour a considéré que la valeur probante des rapports établis par l'OCIRT devait être appréciée avec circonspection car ils ne constituaient pas des procès-verbaux, mais des résumés d’entretien rédigés par l’inspectrice du travail, qui n’avaient été ni relus, ni signés par les personnes concernées. Celles-ci n’avaient au demeurant pas été assistées d’un interprète, alors que devant le Tribunal des prud’hommes, tant J______ que K______ avaient indiqué qu’elles préféraient parler en espagnol. Les propos recueillis par l’OCIRT avaient, par ailleurs, été contredits par les employées elles-mêmes devant le Tribunal des prud’hommes, lesquelles avaient toutes affirmé en audience que leur employeur était D______. J______ avait été engagée par F______, K______ par D______ et I______ par F______ et D______. Il ressortait également des déclarations recueillies devant le Tribunal des prud’hommes que si B______ s’occupait des plannings, elle suivait en cela les instructions de D______. En cas de problème administratif, les employées avaient déclaré qu’elles s’adressaient en premier lieu à ce dernier. Il prenait les décisions, cas échéant après consultation de son fils. Ces déclarations avaient fait l’objet de procès-verbaux dûment établis par la juridiction prud’homale, qui avait exhorté les témoins à répondre conformément à la vérité, avaient été recueillies en contradictoire et les employées avaient pu s’exprimer à l’aide d’une interprète. Dans ces conditions, il convenait d’accorder plus de poids aux déclarations contenues dans les procès-verbaux établis par le Tribunal des prud’hommes qu’à celles résumées dans les rapports de l’OCIRT.

Ainsi, l'OCIRT ne pouvait être suivi lorsqu'il affirmait qu'il résultait des déclarations concordantes des employées qu’elles étaient recrutées par B______. C’était D______ qui avait procédé à l’engagement des aides-soignantes. La présence de B______ aux entretiens d'embauche servait à « expliquer le travail » et à « faire signer les documents légaux » aux employées.

Tous les témoignages convergeaient sur le fait que ce dernier avait gardé sa capacité de discernement jusqu’à son décès. Ainsi, et contrairement à ce que soutenait A______, on ne pouvait exclure, sur la base de son seul état de santé, qu’il ait pu endosser le rôle d’employeur. S’ajoutait à cela que de nombreux documents en lien avec l’emploi du personnel, soit les décomptes de salaire, contrats de travail, permis de travail et affiliation aux assurances sociales, mentionnent en en-tête le nom de D______. Si la plupart de ces documents comportaient la signature de B______ en « p.o. », celle-ci avait toutefois dûment expliqué, sans que ce point n’ait été contesté, que son oncle souffrait de malvoyance, ce qui rendait l’écriture difficile. Il lui avait ainsi délégué les tâches administratives, étant précisé que son fils, domicilié à l’étranger, ne pouvait s’en charger.

C'était sur instruction de feu D______ que B______ gérait les horaires des employées, soit les demandes de remplacements, les vacances et congés, ainsi que l’établissement des décomptes de salaire. Les discussions sur le groupe WhatsApp portaient principalement sur des remplacements et changements d’horaires, soit des questions de pure organisation de travail, sur lesquelles D______ ne souhaitait pas intervenir afin de maintenir des relations cordiales avec ses employées. Devant le Tribunal des prud’hommes, J______, I______ et K______ avaient toutes déclaré que leur employeur était D______, I______ et K______ ayant même affirmé qu’en cas de problèmes administratifs, elles se référaient à lui en premier lieu. Selon les propos tenus par l’infirmière devant l’OCIRT, il était « le patron » et « décidait avec qui il voulait rester et qui devait partir ». Ainsi les décisions principales étaient prises par D______, B______ se chargeant essentiellement du respect des plannings de travail et des affaires administratives.

Il n’était enfin pas contesté que D______ payait les salaires, ce qui est d’ailleurs corroboré par les divers ordres de paiement versés au dossier, B______ ayant relevé n’avoir jamais eu de procuration sur les comptes bancaires de feu son oncle. Il apparaissait d’ailleurs, sur la base des pièces au dossier, que l’aspect financier était également géré par son fils, F______, comme en attestent les échanges WhatsApp et l’arrangement financier conclu avec J______.

Pour toutes ces raisons, la Chambre administrative de la Cour de justice a considéré que le rapport de subordination n’était pas établi à satisfaction de droit et que s'était à tort que l'OCIRT avait considéré que B______ revêtait la qualité d’employeuse.

Aucun recours n'a été formé contre cette décision auprès du Tribunal fédéral.

D. Par jugement JTPH/256/2024 du 2 octobre 2024, le Tribunal des prud'hommes a déclaré recevable la demande formée le 15 septembre 2023 par A______ à l’encontre de B______ (ch. 1 du dispositif) ainsi que la demande d’intervention principale formée le 27 septembre 2023 par C______ (ch. 2), débouté A______ de ses conclusions (ch. 3), débouté C______ de ses conclusions (ch. 4), débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 5), arrêté les frais de la procédure à 1'830 fr. (ch. 6), les a mis à la charge de A______ (ch. 7 à 9), dit qu’il n’était pas alloué de dépens (ch. 10) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 10).

En substance, le Tribunal a retenu que si B______ avait été présente lors de l'embauche de A______, elle n'y avait pas participé activement. Les documents contractuels avaient été signés par feu D______. Les ex-collègues de A______, l’infirmière chargée de la prise en charge sur le plan médical de feu D______ et les personnes de l’entourage de celui-ci avaient tous déclaré que D______ avait toute sa tête, et ce jusqu’à son décès, qu’il était parfaitement en mesure de prendre des décisions et d’en comprendre la portée. A______ n'avait fourni des prestations de travail qu'en faveur de feu D______. En outre, le salaire des employées était versé par feu D______ depuis son propre compte bancaire, les ordres de virement étant signés par l’intéressé, voire par son fils, F______. Enfin, la lettre de fin des rapports de travail émanait de F______.

S'il ressortait des échanges WhatsApp que B______ intervenait en ce qui concernait l’organisation du planning de travail des employées chargées de s’occuper de son oncle à domicile, il n'était pas établi qu’elle gérait d’autres aspects que des questions purement organisationnelles.

Toutes les employées de maison du couple D______/E______ avaient déclaré que, pour elles, leur employeur était feu D______ et que, si elles avaient eu une question ou un problème du vivant de ce dernier, elles se seraient référées à lui. Le fait que celui-ci pouvait alors demander conseil à sa nièce ne suffisait pas à considérer qu’elle endossait un « pouvoir dirigeant ».

Les témoignages des ex-employées de maison du couple D______/E______ contredisaient les constatations faites par l’inspectrice de l’OCIRT dans le cadre de son enquête. Cependant, cette dernière n’avait rencontré les travailleuses que « rapidement », elle n’avait fait appel à aucun interprète alors qu’elles étaient de langue maternelle étrangère et aucun procès-verbal de leurs auditions n’avait été tenu. Dans ces circonstances, il n'était pas possible d’accorder de force probante ni aux déclarations de l’inspectrice du travail, ni a fortiori aux conclusions figurant dans son courrier du 24 avril 2023.

Le Tribunal a ainsi considéré qu'il n’existait aucun lien de subordination entre les parties, B______ ne s'occupant que d’organiser le travail des aides à domicile de son oncle, dont il était le seul à profiter.

E. a. Par acte expédié le 4 novembre 2024 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a appelé de ce jugement, qu'elle a reçu le 3 octobre 2024. Elle a conclu à l'annulation du chiffre 3 du dispositif de cette décision et, cela fait, à ce que la qualité pour défendre de B______ soit reconnue et à ce que cette dernière soit condamnée à lui verser 20'867 fr. 30 bruts, à titre de différence salariale, avec intérêts à 5% l’an dès le 13 septembre 2019 (date moyenne), 3'012 fr. 56 bruts, à titre de supplément pour les heures de nuit, avec intérêts à 5% l’an dès le 13 septembre 2019 (date moyenne), 53'461 fr. 45 bruts, à titre de supplément pour le travail du dimanche, avec intérêts à 5% l’an dès le 13 septembre 2019 (date moyenne), 5'936 fr. 79 bruts, à titre de supplément pour les heures supplémentaires, avec intérêts dès le ______ septembre 2021, 29'028 fr. 30 nets, à titre d’indemnité pour licenciement immédiat injustifié, avec intérêts à 5% l’an dès le ______ septembre 2021 et 23'796 fr. 20 nets, à titre d’indemnité supplémentaire pour licenciement immédiat injustifié, avec intérêts à 5% dès le ______ septembre 2021. Subsidiairement, elle a conclu à ce que la qualité pour défendre de B______ soit reconnue et au renvoi de la cause devant le Tribunal des prud'hommes pour qu'il statue dans le sens des considérants.

Elle a préalablement conclu à ce que la Cour ordonne la tenue de débats d'instruction et principaux, ordonne la production de l'intégralité de la procédure menée par l'OCIRT et entende nouvellement les parties sur les allégués requis dans la demande en paiement ainsi que les témoins H______, J______, I______ et K______.

b. Dans sa réponse du 4 décembre 2024, C______ a conclu à ce qu'il soit constaté qu'elle s'était substituée à A______ à hauteur de 6'326 fr. et à ce que B______ soit condamnée à lui payer ce montant majoré de 5% d'intérêts à partir de l'échéance légale, les frais et dépens devant être mis à la charge de B______.

Elle a produit une pièce nouvelle, soit une lettre d'information sur le droit à l'assurée du 21 janvier 2022.

c. Dans sa réponse du 20 décembre 2024, B______ a conclu au rejet de l'appel.

Elle a produit des pièces nouvelles, soit un arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice du 14 août 2024, un courrier de l'OCIRT du 2 octobre 2024, un courrier du Tribunal fédéral du 9 octobre 2024 et un courrier de la Chambre administrative de la Cour de justice du 18 octobre 2024.

d. Dans leurs écritures ultérieures, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

e. Les parties ont été informées par avis du greffe de la Cour du 13 mai 2025 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties avant le 1er janvier 2025, la présente procédure d'appel demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.

2.             2.1 Interjeté contre une décision finale (art. 308 al. 1 let. a CPC), auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), dans le délai utile de trente jours et selon la forme écrite prescrite par la loi (art. 142 al. 1 et 3 CPC, art. 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

Par souci de simplification, B______ sera ci-après désignée comme intimée, C______ étant désignée par son nom.

2.2 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit. En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4;
138 III 374 consid. 4.3.1).

2.3 La valeur litigieuse étant supérieure à 30'000 fr., la procédure ordinaire s'applique et le procès est régi par la maxime des débats, qui prévoit que les parties allèguent les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions et produisent les preuves qui s'y rapportent (art. 55 al. 1, 243 et 247 al. 2 CPC a contrario).

3.             Les parties ont produit des pièces nouvelles.

Les pièces nouvelles produites en appel par l'intimée sont recevables dès lors qu'elles se rapportent à un fait qui s'est produit après que le Tribunal a gardé la cause à juger (art. 317 al. 1 CPC).

En revanche, la pièce produite par C______ est irrecevable dès lors qu'elle aurait pu être produite devant le Tribunal.

4.             L'appelante reproche au premier juge d'avoir limité la procédure probatoire à la question de la légitimation passive de l'intimée et d'avoir refusé la production du dossier complet de l'OCIRT, alors qu'il aurait été pertinent de connaître la teneur des déclarations des employées pendant l'enquête administrative afin de pouvoir, le cas échéant, confronter les témoins au cours de l'instruction devant le Tribunal des prud'hommes. Elle demande ainsi que les témoins soient réentendus après production du dossier de l'OCIRT.

4.1.
4.1.1 Le tribunal conduit le procès. Il prend les décisions d’instruction nécessaires à une préparation et à une conduite rapides de la procédure (art. 124 al. 1 CPC).

Pour simplifier le procès, le Tribunal peut notamment limiter la procédure à des questions ou des conclusions déterminées (art. 125 let. a CPC).

Une limitation de la procédure est notamment justifiée si elle peut conduire immédiatement à la fin de la procédure, parce qu'une question préliminaire telle que la prescription ou la qualité pour agir est tranchée (cf. à titre d'exemple d'une procédure limitée aux conditions de recevabilité et à la légitimation active et passive) (arrêt du Tribunal fédéral 4A_441/2022 du 3 janvier 2024 consid. 3.3.1). 

4.1.2 Conformément à l'art. 316 al. 3 CPC, l'instance d'appel peut librement décider d'administrer des preuves: elle peut ainsi ordonner que des preuves administrées en première instance le soient à nouveau devant elle, faire administrer des preuves écartées par le tribunal de première instance ou encore décider l'administration de toutes autres preuves. Néanmoins, cette disposition ne confère pas au recourant un droit à la réouverture de la procédure probatoire et à l'administration de preuves (arrêt du Tribunal fédéral 5A_505/2021 du 29 août 2022 consid. 3.3.2). Le droit à la preuve, comme le droit à la contre-preuve, découlent de l'art. 8 CC ou, dans certains cas, de l'art. 29 al. 2 Cst., dispositions qui n'excluent pas l'appréciation anticipée des preuves (cf. ATF 133 III 189 consid. 5.2.2, ATF 133 III 295 consid. 7.1; ATF 129 III 18 consid. 2.6).

L'instance d'appel peut notamment renoncer à ordonner une mesure d'instruction lorsque celle-ci paraît, selon une appréciation anticipée des preuves, manifestement inadéquate, porter sur un fait non pertinent ou qui n'est pas de nature à ébranler la conviction qu'elle a acquise sur la base des éléments déjà recueillis (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1-4.3.2; 130 III 734 consid. 2.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_86/2016 du 5 septembre 2016 consid. 5.2.2).

L'autorité jouit d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 142 III 413 consid. 2.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_37/2017 du 10 juillet 2017 consid. 3.1.2).

4.2.
4.2.1 En l'espèce, dans la mesure où l'intimée conteste sa légitimation passive, c'est à juste titre que le Tribunal, afin de simplifier la procédure, a limité celle-ci à cette question et circonscrit, dans un premier temps, les questions qui pouvaient être posées aux témoins.

4.2.2 Par ailleurs, il n'est pas nécessaire d'ordonner l'apport de l'intégralité du dossier de l'OCIRT puisque l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice du 14 août 2024 restitue l'ensemble des faits pertinents de la procédure administrative, notamment le contenu des rapports d'audition des employés établis par l'inspectrice du travail. Cette production est d'autant moins pertinente que la valeur probante de ces documents est moindre que celle des procès-verbaux d'audition des mêmes personnes entendues par le Tribunal des prud'hommes, pour toutes les raisons évoquées à juste titre par la Chambre administrative de la Cour de justice.

4.2.3 Enfin, il n'est pas nécessaire de réentendre les témoins dans le but de les confronter à ce que l'appelante soutient être leurs déclarations contradictoires. En effet, les rapports de l'OCIRT, qui ne sont pas des procès-verbaux, ne restituent pas ce que les employées ont déclaré mais uniquement ce qu'a compris l'inspectrice de ses entretiens, rapides, avec ces personnes. Il n'existe donc pas de contradiction à éclaircir.

4.3 La Cour disposant de tous les éléments utiles pour statuer, il ne sera pas donné suite aux réquisitions de preuves sollicitées par l'appelante.

5.             L'appelante reproche au Tribunal d'avoir considéré que l'intimée n'était pas son employeuse, faute de lien de subordination.

5.1.
5.1.1 Par le contrat individuel de travail, le travailleur s'engage, pour une durée déterminée ou indéterminée, à travailler au service de l'employeur et celui-ci à payer un salaire fixé d'après le temps ou le travail fourni (art. 319 al. 1 CO). Les éléments caractéristiques de ce contrat sont une prestation de travail, un rapport de subordination, un élément de durée et une rémunération (arrêt du Tribunal fédéral 4A_117/2024 du 21 août 2024 consid. 4.1 et les arrêts cités).

La preuve de l'existence d'un contrat de travail incombe à la partie qui s'en prévaut pour en déduire un droit (art. 8 CC; ATF 125 III 78 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_504/2015 du 28 janvier 2016 consid. 2.1.2, in JAR 2017 p. 123).

5.1.2 Selon l'art. 320 al. 1 CO, sauf disposition contraire de la loi, le contrat individuel de travail n'est soumis à aucune forme spéciale.

Il est conclu lorsque les parties ont, réciproquement et d’une manière concordante, manifesté leur volonté (art. 1 CO), cette manifestation pouvant être expresse ou tacite (art. 1 al. 2 CO).

L’accord doit porter sur tous les éléments essentiels du contrat (art. 2 al. 1 CO), à savoir les quatre critères de l'art. 319 al. 1 CO s'agissant du contrat de travail. Il suffit d’un accord sur le principe d’une rémunération en échange de la mise à disposition de son temps par la personne salariée, sans que le montant du salaire ni la durée du contrat ne doivent être précisés (Meier, Commentaire romand, Code des obligations I, 2021, n. 1 ad art. 320 CO). 

L'identité du cocontractant peut constituer un élément essentiel du contrat lorsque l'autre partie au contrat s'est engagée principalement en considération de la personnalité du partenaire contractuel (cf. arrêt du tribunal fédéral 4C_389/2022 du 31 mars 2003 consid. 5.1).

5.1.3 Pour déterminer si un contrat a été conclu, quels en sont les cocontractants et quel en est le contenu, le juge doit interpréter les manifestations de volonté des parties (ATF 144 III 93 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_180/2022 du 5 juillet 2022 consid. 4.2).

En droit suisse des contrats, la question de savoir si les parties ont conclu un accord est soumise au principe de la priorité de la volonté subjective sur la volonté objective. Lorsque les parties se sont exprimées de manière concordante, qu'elles se sont effectivement comprises et, partant, ont voulu se lier, il y a accord de fait. Si au contraire, alors qu'elles se sont comprises, elles ne sont pas parvenues à s'entendre, ce dont elles étaient d'emblée conscientes, il y a un désaccord patent et le contrat n'est pas conclu. Subsidiairement, si les parties se sont exprimées de manière concordante, mais que l'une ou les deux n'ont pas compris la volonté interne de l'autre, ce dont elles n'étaient pas conscientes dès le début, il y a désaccord latent et le contrat est conclu dans le sens objectif que l'on peut donner à leurs déclarations de volonté selon le principe de la confiance; en pareil cas, l'accord est de droit (ou normatif) (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1; 123 III 35 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_643/2020 du 22 octobre 2021 consid. 4.1).

5.1.4 Selon l’art. 16 CC, toute personne qui n’est pas privée de la faculté d’agir raisonnablement en raison de son jeune âge, de déficience mentale, de troubles psychiques, d’ivresse ou d’autres causes semblables est capable de discernement au sens de la présente loi.

La capacité de discernement est présumée (ATF 144 III 264 consid. 6.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_1/2024 du 16 janvier 2025 consid. 3.2.3), de sorte qu'il incombe à celui qui prétend qu'elle fait défaut de le prouver (ATF 130 III 321 consid. 3.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_191/2012 du 12 octobre 2012 consid 4.1.2).

5.1.5 En droit suisse, la partie employeuse est celle qui a conclu le contrat de travail, et au service de laquelle le travail est fourni. La position d'employeur se caractérise en particulier par le droit à la prestation de travail et le droit de donner les directives. Il convient toutefois de noter que certaines compétences découlant du contrat de travail peuvent être déléguées. L'employeur peut notamment déléguer tout ou partie du droit de donner des instructions à des tiers, sans que le tiers habilité à donner des instructions ne devienne pour autant un employeur (arrêt du Tribunal fédéral 2C_298/2024 consid. 5.3.3 et les références citées, notamment arrêt du Tribunal fédéral 4A_142/2018 du 16 mai 2018 consid. 2.3.4).

5.2.
5.2.1 En l'espèce, le 12 octobre 2017, D______ et l'appelante ont signé un contrat de travail écrit par lequel cette dernière s'est engagée à mettre son temps à disposition du premier pour s'occuper de lui et de son épouse contre une rémunération.

Dans sa demande, l'appelante a plaidé que feu D______ n'était, malgré ce contrat écrit, pas son employeur car il n'avait pas la capacité de conclure le contrat et de lui donner des directives, compte tenu de son âge très avancé. Pour cette raison, elle considérait que son employeuse réelle était l'intimée, laquelle lui avait donné des directives. Or, les témoins entendus sur ce point ont unanimement déclaré que D______ avait conservé sa capacité de discernement jusqu'à son décès et qu'il savait ce qu'il voulait. Par conséquent, rien ne permet de retenir que le contrat écrit conclu le 12 octobre 2017 serait invalide, nul ou annulable pour cette raison.

Le fait que l'intimée ait été présente lors de la signature du contrat, en sus des époux, et avait tendu les documents à signer à l'appelante, ne permet pas de retenir que l'intimée se serait substituée comme cocontractante à D______, qui a seul signé le contrat. En outre, les avenants, établis au nom du précité, qui n'ont pas été signés par lui l'ont été par l'intimée avec la précision "p.o." soit pour ordre, et non à titre personnel. Par ailleurs, l'appelante n'a pas plaidé qu'elle se serait trompée sur la personne de son employeur, soit qu'elle pensait et voulait que l'intimée, et non feu D______, soit son employeur, et qu'il lui importait que l'intimée soit son employeuse. D'ailleurs, dans un premier temps, l'appelante a écrit au fils de feu D______ que ce dernier était son employeur. Ce n'est vraisemblablement qu'en l'absence de réaction de ce dernier, qui est domicilié à l'étranger, qu'elle a revu sa position et considéré que l'intimée était en réalité son employeuse.

Par conséquent, compte tenu de l'existence d'un contrat de travail écrit entre feu D______ et l'appelante et dans la mesure où il est établi que le salaire de l'appelante était versé par celui-ci, c'est bien feu D______ qui était l'employeur de l'appelante.

5.2.2 Certes, l'intimée décidait du planning de l'appelante. Il résulte toutefois de la procédure qu'elle effectuait cette tâche à la demande de son oncle. En outre, le planning était établi sur la base des horaires de travail convenus contractuellement. L'intimée ne faisait que donner suite aux demandes de modification d'horaire des différents employés et de vacances pour les coordonner et faire en sorte qu'une personne soit constamment présente auprès de feu D______. L'avenant au contrat du 31 décembre 2017 fait d'ailleurs mention du fait que la modification du planning devait être acceptée par l'employeur ou son représentant, ce qui permet de confirmer que l'intimée était la représentante de son oncle en la matière.

Le fait que feu D______ ait délégué à l'intimée le droit de donner des instructions à l'appelante, et aux autres employées de maison, notamment de gérer les modifications d'horaire et les vacances, ne permet pas de retenir que l'intimée serait devenue l'employeur de l'appelante. Il ne résulte, en outre, pas de la procédure que l'intimée aurait donné des ordres à l'appelante sur la manière d'effectuer ses tâches ou l'aurait réprimandée à ce sujet.

C'est également à la demande de son oncle que l'intimée établissait les décomptes de salaire de l'appelante. Il s'agissait de déterminer le salaire mensuel sur la base du tarif horaire prévu contractuellement en tenant compte des modifications d'horaires intervenues pour le mois concerné. Ce n'est donc pas l'intimée qui décidait du montant du salaire de l'appelante puisqu'elle ne faisait qu'appliquer le tarif convenu aux heures effectuées par l'appelante, le montant du salaire mensuel étant par la suite validé par feu D______ qui signait l'ordre de paiement y relatif.

5.2.3 Contrairement à ce que plaide l'appelante dans ses dernières écritures devant la Cour, sa situation ne saurait être comparée à l'état de fait de l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_293/2024, dans lequel il avait été reconnu que le proche de la personne âgée bénéficiaire était l'employeur car il avait non seulement donné des ordres à l'employée mais également principalement versé son salaire. Dans le cas tranché par le Tribunal fédéral, il n'existait aucun contrat écrit désignant l'employeur, raison pour laquelle il avait été nécessaire de déterminer qui était la personne de l'employeur compte tenu de l'existence d'un contrat de travail tacite. Or, en l'espèce, il existe un contrat de travail écrit valable qui désigne feu D______ comme étant l'employeur de l'appelante.

5.2.4 Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que le Tribunal a considéré que l'intimée n'était pas l'employeuse de l'appelante et que cette dernière a été déboutée de ses conclusions faute de légitimation passive de l'intimée.

Le jugement querellé sera ainsi confirmé.

6.             Au regard de la valeur litigieuse supérieure à 50'000 fr., il y a lieu de percevoir des frais judiciaires pour la procédure d'appel (art. 114 let. c cum 116 al. 1 CPC; art. 19 al. 3 let. c LaCC; art. 71 RTFMC).

Les frais judiciaires seront fixés à 1'500 fr. (art. 71 RTFMC), compensés avec l'avance de frais du même montant opérée par l'appelante, laquelle demeure entièrement acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC) et mis à la charge de l'appelante qui succombe dans toutes ses conclusions (art. 95 et 106 al. 1 CPC; art. 19 al. 3 let. c LaCC; art. 71 RTFMC).

Il n'est pas alloué de dépens dans les causes soumises à la juridiction des prud’hommes (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :


A la forme
:

Déclare recevable l'appel formé le 4 novembre 2024 par A______ contre le jugement JTPH/256/2024 rendu par le Tribunal des prud'hommes le 2 octobre 2024 dans la cause C/9878/2023.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'500 fr., les compense avec l'avance de frais opérée, qui reste acquise à l'Etat de Genève, et les met à la charge de A______.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Monique FLÜCKIGER, Monsieur Michael RUDERMANN, juges assesseurs; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.