Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des prud'hommes

1 resultats
C/8187/2023

ACJC/779/2025 du 06.06.2025 sur JTPH/192/2024 ( OS ) , JUGE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8187/2023 ACJC/779/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU VENDREDI 6 JUIN 2025

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 24 juillet 2024 (JTPH/192/2024) et intimée, comparant par
Me Yann LAM, avocat, rue Joseph-Girard 20, case postale 1611, 1227 Carouge,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé et appelant,

et

C______ SARL, sise ______, intimée, comparant par Me Butrint AJREDINI, avocat, rue de Saint-Jean 15, case postale 23, 1211 Genève 4,

et

C______/D______/B______ SA, sise ______, autre intimée.


 

EN FAIT

A.           a. C______ SARL, sise au no. 1______ rue 2______ à Genève, est une société de droit suisse constituée le 21 juin 2021 qui a notamment pour but l'exploitation de cabinets médicaux. E______ et B______ occupaient chacun la fonction d'associé-gérant avec signature individuelle jusqu'au 24 novembre 2022, date à laquelle B______ a cessé d'occuper cette fonction et a vendu ses parts à E______.

Entre janvier et décembre 2022, C______ SARL exploitait un cabinet au no. 1______ rue 2______ à Genève sous l'enseigne C______/D______.

b. Au début de l'année 2022, F______, employée de C______ SARL, qui travaillait pour tous les médecins de la clinique mais principalement comme assistante de B______, a pris contact avec A______, qui était l'épouse d'un collègue de son ex-mari, en lui indiquant que B______ était à la recherche de plusieurs infirmières (tém. F______ ; décl. A______).

c. Au mois de mars 2022, A______ a rencontré B______ pour un entretien d'embauche dans les locaux de C______ SARL.

Selon A______, B______ lui avait proposé de travailler comme infirmière dans un "nouveau cabinet". Il lui avait montré les plans de ce dernier, qui semblait se trouver de l'autre côté du couloir. B______ lui avait indiqué que les travaux étaient en cours, de sorte qu'il ne savait pas encore quand son emploi pourrait débuter.

d. Par courriel du 24 mai 2022, envoyé à la demande de B______, F______ a remercié A______ pour l'intérêt qu'elle portait au "nouveau cabinet" et le temps accordé lors de l'entretien avec B______. Elle lui a offert de travailler à 80% pour une rémunération de 4'560 fr. bruts et des horaires du lundi au vendredi sur une plage horaire allant de 8h à 18h, le jour non travaillé étant à discuter.

Ce courriel était signé "F______ AP C______/D______" et envoyé depuis l'adresse F______.C______/D______@gmail.com.

e. B______ a fondé la société C______/D______/B______ SA, sise au no. 3______ rue 2______ à Genève, le ______ 2022. Le but de cette société était notamment l'exploitation de cabinets médicaux. B______ occupait la fonction d'administrateur avec signature individuelle.

f. Par courriel du 27 mai 2022, A______ a répondu à F______ (à l'adresse F______.C______/D______@gmail.com) que les conditions posées lui convenaient parfaitement et qu'elle souhaiterait avoir congé les mercredis. Elle a encore posé des questions s'agissant des pauses, de la manière dont s'organisaient les journées, quel était son droit aux vacances et comment celles-ci devaient être planifiées.

g. Par la suite, il a été oralement prévu que A______ débute son activité le 1er septembre 2022 (tém. F______; décl. A______).

h. A la demande de A______, qui avait indiqué avoir besoin de ce document pour la crèche de son enfant, F______ a émis, en mai 2022, avec l'autorisation de B______, une "attestation d'engagement" qui certifiait que A______ était engagée en qualité d'infirmière à compter du 1er septembre 2022 pour un taux d'activité de 80%.

Ce document, non daté, a été dressé sur un papier à l'entête de C______/D______ et est muni du tampon de C______/D______. Sur le tampon est apposée une signature qui n'est pas celle de E______ ou de B______.

i. Le 11 août 2022, A______ s'est rendue dans les locaux de C______/D______ pour une réunion, lors de laquelle elle a été informée par B______ du fait que l'extension des locaux ne serait pas achevée au 1er septembre 2022. Il lui a été indiqué que, durant les travaux, elle pourrait être amenée à travailler pour un laboratoire qui effectuait des tests PCR (tém. F______; décl. A______).

j. Par message téléphonique du 30 août 2022, A______ a demandé à F______, où elle travaillerait le vendredi et comment cela se passerait.

Cette dernière lui a répondu de venir au cabinet le jeudi à 6h45 et le vendredi à 8h afin de faire les post-opératoires avec B______ et une dénommée G______.

k. Le 31 août 2022, F______ a demandé à A______, par message téléphonique, si elle pouvait venir le lendemain à 6h, ce à quoi A______ a répondu positivement.

A______ est passée à la clinique le 31 août 2022 pour savoir où se trouvaient les instruments (décl. A______; décl. B______).

l. A______ a travaillé le jeudi 1er septembre 2022 dans les locaux sis au no. 1______ rue 2______ avec différents médecins.

m. Elle n'a pas travaillé le vendredi 2 septembre 2022.

n. Par message téléphonique du 4 septembre 2022, A______ a demandé à F______ si elle travaillerait le lendemain, et le reste de la semaine, subodorant toutefois que la réponse était négative puisqu'elle ne lui avait rien dit. Elle lui a demandé s'il serait possible de faire des tours doubles avec G______ en attendant que B______ s'arrange avec le labo, ce qui lui permettrait de gagner de l'expérience plus rapidement.

o. Par courriel du 6 septembre 2022, A______ s'est enquise auprès de B______ (à l'adresse B______.C______/D______@gmail.com) si elle allait travailler les prochains jours, précisant avoir prévu un séjour à l'étranger du 9 au 17 septembre 2022 mais qu'elle ne partirait pas si elle devait travailler. Elle a rappelé avoir demandé à faire des journées d'entrainement avec la dénommée G______ afin de bien connaître les procédures et la logistique.

p. Par message téléphonique du même jour, A______ a indiqué à F______ que B______ l'avait autorisée à effectuer son séjour à l'étranger, car il partait aussi en voyage quelques jours. Elle attendait de ses nouvelles concernant l'organisation de ses horaires.

q. Par courriel du 12 octobre 2022, A______ a demandé à B______ si elle allait travailler prochainement, relevant que cela faisait un mois qu'elle n'avait pas eu de ses nouvelles.

r. Par courriel du 20 octobre 2022, A______ a requis de B______ quelle était "leur" assurance-accident et "leur" institution de prévoyance, en vue du transfert de ses avoirs LPP.

s. Par courriel du 31 octobre 2022, A______ a demandé à F______ s'ils avaient déjà une date estimée de la fin des travaux et si elle allait pouvoir prochainement travailler.

t. Par courriel du 7 novembre 2022, F______ a répondu à A______ ne pas avoir encore de date précise concernant le début d'activité du nouveau cabinet, tout en précisant qu'il ouvrirait peut-être début mars 2023.

u. Par courriel du 14 novembre 2022 à F______, mettant B______ en copie, A______ s'est enquise des aspects administratifs du contrat (transfert de LPP, assurance-accident) et que la crèche de son enfant lui demandait ses fiches de salaires pour ajuster son paiement. Elle a indiqué ne pas pouvoir s'inscrire au chômage puisqu'elle était engagée par la clinique, grâce à la "promesse d'embauche", ce qui la mettait en difficultés financières. Elle a demandé à F______ s'il était possible de trouver une solution à ces différents problèmes.

v. Par courrier du 18 novembre 2022, A______ a écrit à C______/D______ qu'un contrat de travail avait été valablement conclu à compter du 1er septembre 2022 à 80% en qualité d'infirmière avec un salaire mensuel brut de 4'560 fr. Elle n'avait cessé de la relancer pour savoir quand elle serait occupée, sachant qu'elle se tenait à son entière disposition. Il lui avait été répondu "qu'ils n'avaient" pas de travail pour elle en l'état. Elle a mis la C______/D______ en demeure de lui verser ses salaires des mois de septembre et octobre 2022 et rester à leur disposition pour travailler.

w. Par message du 19 novembre 2022, répondant au courriel de A______ du 14 novembre 2022, F______ lui a écrit ce qui suit : "Ce que l'on va faire, c'est mettre fin à la promesse d'embauche (ce courriel faisant foi), afin de te libérer et que tu puisses avoir un autre emploi à compter de ce jour. Comme nous te l'avions dit, la quantité de travail actuellement est faible pour pouvoir te proposer de venir au cabinet".

x. Par pli du 24 novembre 2022, C______/D______ a répondu à A______ que ses travaux d'extension à l'intérieur desquels ils envisageaient de collaborer avaient été retardés, ce qu'elle avait pu entendre lors de la réunion du 11 août 2022 à laquelle elle avait participé avec l'équipe médicale. Dans ces conditions, elle n'avait pas commencé à travailler pour elle et n'avait fourni qu'une journée d'essai. Cette journée pouvait justifier un droit au salaire. Elle reviendrait à elle au fur et à mesure de l'avancement des travaux.

Ce courrier, non signé, mentionne en bas de page C______/D______.

y. Par courrier du 2 décembre 2022, A______ a sommé C______/D______ de lui verser les salaires prévus par son contrat de travail pour les mois de septembre à novembre 2022 d'ici au 15 décembre 2022.

z. Par courrier du 6 décembre 2022, C______/D______, par le biais de son conseil, a indiqué à A______ qu'elle ne donnerait aucune suite à sa demande en paiement des salaires, faisant valoir qu'il lui avait été clairement indiqué que son contrat ne prendrait effet qu'à l'issue de ces travaux qui étaient toujours en cours.

aa. Par courrier du 7 décembre 2022, C______/D______, sous la plume de E______, a expliqué à A______ n'avoir jamais eu connaissance de son contrat. Or, pour être valable, son contrat aurait dû être cosigné par lui-même et B______, ce qui n'avait pas été le cas à teneur du document qu'elle lui avait transmis. Il a indiqué à A______ qu'elle devait s'adresser directement à B______, lequel l'avait engagée en son nom, alors qu'il était encore associé au sein de C______/D______.

B.            a. Par requête déposée en vue de conciliation le 21 avril 2023, déclarée non conciliée le 26 juin 2023 et déposée devant le Tribunal des prud'hommes le 12 juillet 2023, A______ a assigné C______ SARL, C______/D______/B______ SA et B______ en paiement de la somme totale de 22'800 fr. à titre de salaire des mois de septembre à décembre 2022 et de janvier 2023, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 15 novembre 2022.

En substance, elle a allégué avoir été engagée pour le 1er septembre 2022 en qualité d'infirmière à la suite d'un entretien d'embauche courant mars 2022 avec B______. Elle avait effectué son premier jour de travail le 1er septembre 2022 au cours duquel elle avait notamment côtoyé B______ et E______. A l'issue de son premier jour de travail, elle avait été priée de rester chez elle en attendant des nouvelles, les travaux de la clinique n'étaient pas totalement terminés. Faute d'informations, elle avait relancé à de nombreuses reprises B______ et son employée, F______, pour savoir quand elle travaillerait, puis pour leur réclamer le paiement de ses salaires. Aucune société n'étant inscrite au Registre du commerce sous la raison C______/D______, elle ignorait qui de C______ SARL, C______/D______/B______ SA ou B______ devait être considéré comme son employeur.

b. Dans leur réponse du 6 octobre 2023, B______ et C______/D______/B______ SA ont conclu à l'irrecevabilité de la demande les concernant et au déboutement de leur adverse partie.

Ils ont fait valoir qu'aucun contrat de travail n'avait été conclu à la suite de l'entretien d'embauche et que, pour le cas où A______ aurait été engagée, son activité ne devait débuter que lorsque les travaux au sein de la clinique seraient terminés, ce qui lui avait été rappelé lors de la séance du 11 août 2022. Ils n'avaient, par ailleurs, jamais vu l'attestation d'engagement dont se prévalait A______ laquelle était, au demeurant, ni datée ni signée par B______ et rédigée au nom de la raison sociale sous laquelle exerçait C______ SARL. A______ avait effectué une journée d'essai le 1er septembre 2022 mais elle n'avait pas répondu aux attentes des médecins de la clinique et il lui avait été indiqué oralement que ses services n'étaient pas sollicités. Par courriel du 19 novembre 2022, C______ SARL avait finalement indiqué à A______ mettre un terme à sa promesse d'embauche afin qu'elle puisse avoir un autre emploi, ce qui démontrait qu'aucun contrat de travail n'avait été conclu et que A______ n'avait pas exercé ses fonctions depuis le 1er septembre 2022.

c. Dans sa réponse, C______ SARL a conclu principalement à l'irrecevabilité de la demande et, subsidiairement, au déboutement de son adverse partie de toute prétention à son encontre.

Elle a allégué que si un contrat de travail avait été conclu, il l'avait été avec B______ dès lors que E______ ignorait tout de A______. Cette dernière n'avait jamais travaillé pour elle pas plus qu'elle n'était liée à elle par un contrat de travail.

d. Par courrier du 6 novembre 2023 au Tribunal, A______ a modifié ses conclusions alternatives en conclusions subsidiaires visant principalement C______ SARL et, subsidiairement, C______/D______/B______ SA et, encore plus subsidiairement, B______.

e. A l’audience de débats du 25 janvier 2024, A______ a réduit ses prétentions à 18'240 fr. considérant que la fin des rapports de travail était survenue le 31 décembre 2022.

f. Lors des enquêtes diligentées par le Tribunal, le témoin F______ a affirmé avoir envoyé le courriel du 24 mai 2022 à A______ après en avoir discuté avec B______. A la base, A______ devait commencer le 1er septembre 2022. Mais comme l'extension de la clinique prendrait plus de temps que prévu, ils avaient convoqué A______ en août 2022 pour lui faire part du fait que l'extension n'était pas prête, ce dont elle avait pleinement conscience. A la suite de l'absence d'une infirmière, ils avaient proposé à A______ de venir faire une "journée test". Ils avaient fait passer des journées d'essai à deux reprises. Selon F______, cette journée s'était assez mal passée, A______ étant beaucoup moins professionnelle que ce qu'elle leur avait indiqué. En fin de journée, il avait été indiqué à A______ que cela "ne jouait pas". Si elle avait dit dans le courrier du 7 novembre 2022 que le début de l'activité dans le nouveau cabinet était reporté, cela ne signifiait pas qu'ils voulaient "reprendre" A______. Elle ne se souvenait pas si B______ lui avait demandé d'appeler A______ pour lui dire qu'il ne souhaitait plus collaborer avec elle.

Jusqu'en novembre 2022, le témoin avait travaillé pour C______ SARL qui payait son salaire. Elle recevait des instructions de tous les docteurs mais principalement de B______.

g. Le témoin H______, médecin ayant exercé le jour où A______ avait travaillé à la clinique, avait pu constater que celle-ci avait eu "des difficultés sur les distances à garder pour une bonne stérilité", selon lui compte tenu du fait que c'était son premier jour de travail la journée s'était globalement passée de manière positive. Il savait que c'était son premier jour de travail mais ignorait s'il s'agissait d'une journée d'essai ou son premier jour de contrat.

h. Entendue par le Tribunal, A______ a déclaré qu'à la fin de la journée du 1er septembre 2022, B______ et F______ lui avaient indiqué qu'elle serait recontactée en fonction de l'avancée des travaux du nouveau cabinet. Il n'a jamais été mentionné qu'il s'agissait d'une journée d'essai et aucune remarque ne lui avait été faite sur son travail. A aucun moment, il ne lui avait été signifié que son contrat de travail était résilié.

i. B______ a déclaré au Tribunal qu'en février 2022, E______ avait décidé que chaque docteur devrait payer l'employé qui travaillait pour lui. Leur fiduciaire leur avait ainsi demandé de payer chaque mois 19'000 fr. à C______ SARL à titre de charge, en plus des salaires.

Sur conseil de sa fiduciaire, il avait créé C______/D______/B______ SA en mai 2022. La décision de créer cette société était sans lien avec les travaux d'extension de C______ SARL, même s'il avait signé en personne les baux en lien avec l'extension.

C______ SARL cherchait une infirmière pour un contrat de durée indéterminée car son activité augmentait. Lors de son entretien avec A______ au mois de mars 2022, B______ travaillait pour C______ SARL et il avait indiqué à celle-ci qu'elle travaillerait pour cette entité qui comprenait d'autres docteurs. Il lui avait fait part de l'extension de la C______ SARL et lui avait montré les plans. L'extension concernait C______ SARL car il n'avait pas encore l'intention de la quitter. Il lui avait proposé de faire une journée d'essai qui devait avoir lieu beaucoup plus tôt que le 1er septembre 2022.

Selon B______, la journée du 1er septembre 2022, qui avait été indiquée à A______ comme étant une journée d'essai, ne s'était pas bien déroulée. A______ avait participé aux interventions et aux consultations. A la fin de la journée, A______ avait eu un entretien avec F______ pour faire un point de situation. Il n'avait pas participé à cet entretien, car il était énervé, mais F______ lui avait rapporté que la journée s'était mal passée. Même si la journée du 1er septembre s'était bien déroulée, il n'aurait pas demandé à A______ de revenir le 2 septembre ou le lundi 5 septembre, car il s'agissait uniquement d'une journée d'essai, comme cela était le cas pour chaque employé que la clinique désirait embaucher.

Il avait demandé à F______ d'indiquer à A______ qu'il n'y aurait pas de suite au 1er septembre 2022, de sorte qu'il avait été étonné qu'elle le contacte pour savoir ce qu'il en était de la suite de son emploi et raison pour laquelle il la renvoyait systématiquement vers F______.

j. Pour sa part, C______ SARL, représentée par E______, a déclaré que lui-même et B______ avaient décidé de mettre un terme à leur association en novembre 2021. Ils avaient discuté du fait que B______ prenne d'autres locaux au nom d'une autre société. Pour les engagements, il était prévu dès février 2022 que chacun gère et paye ses propres employés qui étaient précédemment payés par le compte commun. Si B______ disposait d'une signature individuelle pour C______ SARL jusqu'au mois de novembre 2022, date de la scission effective, ils étaient toutefois convenus que personne ne pourrait engager un employé sans l'accord de l'autre.

Pour sa part, E______ ne pratiquait pas de journée d'essai.

k. A l'issue de l'audience du 29 février 2024, le Tribunal a gardé la cause à juger.

C.           Par jugement JTPH/192/2024 du 24 juillet 2024, le Tribunal des prud'hommes a déclaré recevable la demande formée le 12 juillet 2023 par A______ contre C______ SARL, C______/D______/B______ SA et B______ (ch. 1 du dispositif), débouté A______ des fins de sa demande, en tant qu'elle était dirigée contre C______ SARL et C______/D______/B______ SA (ch. 2), condamné B______ à verser à A______ la somme brute de 18'240 fr. avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 31 décembre 2022 (ch. 3), invité la partie qui en avait la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 4), dit qu'il ne serait pas perçu de frais, ni alloué de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 6).

En substance, le Tribunal a retenu qu'à la suite d'un entretien d'embauche, A______ avait reçu une proposition de contrat, soit une rémunération de 4'560 fr. pour un taux d'activité de 80%, proposition qu'elle avait acceptée, en répondant que les conditions proposées lui convenaient parfaitement. Par la suite, elle avait reçu une attestation qui lui certifiait qu'elle était engagée en qualité d'infirmière à compter du 1er septembre 2022. A______ avait donc reçu puis accepté une offre portant sur un poste précis ainsi que des horaires et un salaire déterminés. Elle avait ensuite reçu confirmation que son activité commencerait le 1er septembre 2022. Elle avait bel et bien travaillé ce jour-là et il n'était pas démontré que sa prise de fonction ou son engagement était conditionné à l'achèvement des travaux du cabinet. Aussi, indépendamment de l'identité du cocontractant, l'administration des preuves et les enquêtes démontraient un accord complet sur les éléments essentiels et caractéristiques du contrat de travail. A______ était donc au bénéfice d'un contrat de travail à durée indéterminée conclu tacitement avec un début d'activité prévu au 1er septembre 2022.

S'agissant de l'identité de l'employeur, il était avéré que lorsque l'engagement de A______ avait eu lieu, C______ SARL et B______ avaient déjà la volonté de se séparer. F______ avait remercié A______ pour l'intérêt qu'elle portait pour le "nouveau cabinet". Cela démontrait que les discussions portaient sur un emploi au sein de la nouvelle structure de B______ et non au sein de C______ SARL. Le fait que l'attestation d'engagement ait été établie au nom de C______/D______ n'était pas pertinent puisque les enquêtes avaient révélé que ce document avait été rédigé par F______ avec l'accord de B______. B______ et F______ avaient été les seuls interlocuteurs de A______. Puisque les échanges ayant conduit à la conclusion du contrat s'étaient déroulés avant la création de la société C______/D______/B______ SA et B______ n'apportant pas la preuve que les rapports contractuels avaient été envisagés avec la société en cours de création ou même qu'ils lui avaient été transférés une fois celle-ci constituée, le Tribunal a retenu que B______ s'est lié personnellement à A______.

D.           a. Par acte expédié le 16 septembre 2024 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a appelé de ce jugement, qu'elle a reçu le 31 juillet 2024. Elle a conclu à l'annulation du chiffre 2 du dispositif de cette décision et à ce que C______ SARL soit condamnée à lui verser 18'240 fr. bruts avec intérêts à 15% dès le 15 novembre 2022 et, subsidiairement, à ce que C______/D______/B______ SA soit condamnée à lui verser ce montant.

b. Dans sa réponse, C______ SARL a conclu au rejet des appels formés par A______ et B______ (cf. infra E), à la confirmation du jugement et à ce que A______ et/ou B______ soient condamnés aux frais judiciaires et dépens. Subsidiairement, elle a conclu à ce que l'appel de B______ soit admis en tant qu'il tend à débouter A______ des fins de sa demande, au rejet de l'appel formé par A______, cela fait, à l'annulation des chiffres 3 et 4 du dispositif rendu par le Tribunal des prud'hommes.

c. Dans leur réponse, C______/D______/B______ SA et B______ ont conclu au rejet de l'appel de A______ en tant qu'il les concerne, sous suite de frais des deux instances, et à ce qu'il soit fait droit en tout état à l'appel que B______ a déposé le 16 juillet 2024.

d. Dans leurs écritures ultérieures, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

e. Les parties ont été informées par avis du greffe de la Cour du 12 février 2025 de ce que la cause était gardée à juger.

E.            a. Par acte expédié le 16 septembre 2024 à la Cour, B______ a également appelé du jugement JTPH/192/2024, qu'il a reçu le 25 juillet 2024. Il a conclu, sous suite de frais judiciaires et dépens, à son annulation et, principalement, à ce que les conclusions formées par A______ à son encontre et à l'encontre de C______/D______/B______ SA soient déclarées irrecevables. Subsidiairement, il a conclu au déboutement de A______ de ses conclusions à son égard et à l'égard de C______/D______/B______ SA.

b. Dans sa réponse, A______ a conclu à la jonction de cet appel avec son propre appel, à l'annulation du chiffre 2 du dispositif du jugement, à ce que C______ SARL soit condamnée à lui verser 18'240 fr. bruts avec intérêts à 5% l'an dès le 15 novembre 2022, subsidiairement à ce que C______/D______/B______ SA soit condamnée à lui verser ce montant, l'appel formé par B______ devant être très subsidiairement rejeté et le jugement entrepris confirmé.

c. Dans sa réponse, C______ SARL a conclu au rejet des appels formés par B______ et A______, à la confirmation du jugement et à ce que B______ et/ou A______ soient condamnés aux frais judiciaires et dépens. Subsidiairement, elle a conclu à ce que l'appel de B______ soit admis en tant qu'il tend à débouter A______ des fins de sa demande, au rejet de l'appel formé par A______, cela fait, à l'annulation des chiffres 3 et 4 du dispositif rendu par le Tribunal des prud'hommes.

d. Dans leurs écritures ultérieures, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

B______ a produit une pièce nouvelle avec sa réplique du 22 novembre 2024, soit un procès-verbal d'audition daté du 7 juin 2024.

e. Les parties ont été informées par avis du greffe de la Cour du 12 février 2025 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties avant le 1er janvier 2025, la présente procédure d'appel demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.

2.             2.1 Interjetés contre une décision finale (art. 308 al. 1 let. a CPC), auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), dans le délai utile de trente jours et selon la forme écrite prescrite par la loi (art. 142 al. 1 et 3 CPC, art. 311 al. 1 CPC), les appels sont recevables.

Par souci de simplification et pour respecter le rôle initial des parties A______ sera ci-après désignée en qualité d'appelante, B______ en qualité d'intimé et C______ SARL en qualité d'intimée.

2.2 La valeur litigieuse étant inférieure à 30'000 fr. et le litige portant sur un contrat de travail, la cause est soumise à la procédure simplifiée (art. 243 al. 1 CPC) et à la maxime inquisitoire sociale (art. 247 al. 2 let. b CPC). Cette maxime implique notamment que le tribunal n'est pas lié par les offres de preuves et les allégués de fait des parties (ATF 139 III 457 consid. 4.4.3.2), et qu'il peut fonder sa décision sur des faits qui n'ont certes pas été allégués, mais dont il a eu connaissance en cours de procédure en consultant le dossier (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2021 du 14 décembre 2021 consid. 5.1 s. résumé in CPC Online, ad art. 247 CPC).

2.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit. En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4;
138 III 374 consid. 4.3.1).

Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelante estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante – et, partant, recevable –, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

3.             La pièce nouvelle produite en appel par l'intimé est recevable dès lors qu'elle se rapporte à un fait qui s'est produit en juin 2024, soit à une date ultérieure à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience du 29 février 2024 (art. 317 al. 1 CPC).

4.             L'intimé reproche au Tribunal d'avoir considéré qu'un contrat de travail a été conclu avec l'appelante.

4.1.1 Par le contrat individuel de travail, le travailleur s'engage, pour une durée déterminée ou indéterminée, à travailler au service de l'employeur et celui-ci à payer un salaire fixé d'après le temps ou le travail fourni (art. 319 al. 1 CO). Les éléments caractéristiques de ce contrat sont une prestation de travail, un rapport de subordination, un élément de durée et une rémunération (arrêt du Tribunal fédéral 4A_117/2024 du 21 août 2024 consid. 4.1 et les arrêts cités).

La preuve de l'existence d'un contrat de travail incombe à la partie qui s'en prévaut pour en déduire un droit (art. 8 CC; ATF 125 III 78 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_504/2015 du 28 janvier 2016 consid. 2.1.2, in JAR 2017 p. 123).

4.1.2 Selon l'art. 320 al. 1 CO, sauf disposition contraire de la loi, le contrat individuel de travail n'est soumis à aucune forme spéciale.

Il est conclu lorsque les parties ont, réciproquement et d’une manière concordante, manifesté leur volonté (art. 1 CO), cette manifestation pouvant être expresse ou tacite (art. 1 al. 2 CO).

L’accord doit porter sur tous les éléments essentiels du contrat (art. 2 al. 1 CO), à savoir les quatre critères de l'art. 319 al. 1 CO s'agissant du contrat de travail. Il suffit d’un accord sur le principe d’une rémunération en échange de la mise à disposition de son temps par la personne salariée, sans que le montant du salaire ni la durée du contrat ne doivent être précisés (Meier, Commentaire romand, Code des obligations I, 2021, n. 1 ad art. 320 CO). 

L'identité du cocontractant peut constituer un élément essentiel du contrat lorsque l'autre partie au contrat s'est engagée principalement en considération de la personnalité du partenaire contractuel (cf. arrêt du tribunal fédéral 4C.389/2022 du 31 mars 2003 consid. 5.1).

4.1.3 Pour déterminer si un contrat a été conclu, quels en sont les cocontractants et quel en est le contenu, le juge doit interpréter les manifestations de volonté des parties (ATF 144 III 93 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_180/2022 du 5 juillet 2022 consid. 4.2).

En droit suisse des contrats, la question de savoir si les parties ont conclu un accord est soumise au principe de la priorité de la volonté subjective sur la volonté objective. Lorsque les parties se sont exprimées de manière concordante, qu'elles se sont effectivement comprises et, partant, ont voulu se lier, il y a accord de fait. Si au contraire, alors qu'elles se sont comprises, elles ne sont pas parvenues à s'entendre, ce dont elles étaient d'emblée conscientes, il y a un désaccord patent et le contrat n'est pas conclu. Subsidiairement, si les parties se sont exprimées de manière concordante, mais que l'une ou les deux n'ont pas compris la volonté interne de l'autre, ce dont elles n'étaient pas conscientes dès le début, il y a désaccord latent et le contrat est conclu dans le sens objectif que l'on peut donner à leurs déclarations de volonté selon le principe de la confiance; en pareil cas, l'accord est de droit (ou normatif) (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1; 123 III 35 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_643/2020 du 22 octobre 2021 consid. 4.1).

En procédure, le juge doit donc rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices (art. 18 al. 1 CO). Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté – écrites ou orales –, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes. Cette interprétation subjective repose sur l'appréciation des preuves, le juge appréciant les indices concrets selon son expérience générale de la vie. Si elle s'avère concluante, le résultat qui en est tiré, c'est-à-dire la constatation d'une commune et réelle intention des parties, relève du domaine des faits (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; 142 III 239 consid. 5.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_417/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.2).

Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties – parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes – ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_417/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.2). D'après ce principe, la volonté interne de s'engager du déclarant n'est pas seule déterminante; une obligation à sa charge peut découler de son comportement, dont l'autre partie pouvait, de bonne foi, déduire une volonté de s'engager. Le principe de la confiance permet ainsi d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_411/2020 du 9 février 2021 consid. 3.1.3 et 4A_643/2020 du 22 octobre 2021 consid 4.2.2). Les circonstances déterminantes à cet égard sont uniquement celles qui ont précédé ou accompagné la manifestation de volonté, mais non pas les événements postérieurs (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_411/2020 du 9 février 2021 consid. 3.1.3 et 4A_643/2020 du 22 octobre 2021 consid 4.2.2).

4.2 En l'espèce, l'intimé reproche au Tribunal d'avoir pris en compte l'"attestation d'embauche" comme preuve de la conclusion du contrat alors que celle-ci a été délivrée pour une démarche privée et qu'elle n'est pas signée par lui-même. Si la procédure n'a effectivement pas permis de déterminer qui a signé cette attestation, il n'en demeure pas moins qu'il est prouvé que celle-ci a été établie par F______ avec l'autorisation de l'intimé, de sorte que l'absence de signature sur le document n'est pas suffisante pour lui dénier toute valeur probante. En outre, puisqu'un contrat de travail peut être conclu oralement, l'absence de signature sur l'"attestation d'embauche" ne permet pas de conclure à l'absence de contrat. L'intimé perd en outre de vue que ce document n'est pas le seul élément qu'a pris en compte le Tribunal pour retenir qu'un contrat de travail a été conclu. En effet, les juges ont considéré à juste titre qu'une offre avait été faite à l'appelante le 24 mai 2022, que celle-ci l'a acceptée le 27 mai suivant.

Par ailleurs, contrairement à ce que fait valoir l'intimé, le début de l'activité de l'appelante n'a pas été conditionné à la fin des travaux, mais a été fixé au 1er septembre 2022. Si aucune date ne résulte de ses messages des 24 et 27 mai 2022, F______ a témoigné qu'il était convenu que l'appelante devait travailler dès le 1er septembre 2022, ce qui résulte également de l'"attestation d'embauche", qui ne fait que corroborer ce qui avait été prévu oralement. Certes, l'appelante a été informée de ce que les travaux ne seraient pas terminés à la date prévue. Il ne lui a toutefois pas été indiqué que le début de son contrat serait repoussé à une date ultérieure au 1er septembre 2022. Au contraire, il lui a été annoncé qu'en attendant la fin des travaux elle pourrait travailler dans d'autres secteurs de la clinique, notamment un laboratoire. De plus, l'appelante a effectivement travaillé le 1er septembre 2022. On ne saurait suivre l'intimé lorsqu'il fait valoir que ce jour constituait une journée d'essai. En effet, non seulement il n'a pas été prouvé que l'appelante aurait été informée que tel serait le cas mais il résulte surtout des messages entre l'appelante et F______ des 30 et 31 août 2022 qu'il était prévu que l'appelante travaille également le vendredi 2 septembre 2022, puisqu'il lui a été demandé de se présenter à 8h du matin ce jour-là. Le fait qu'à l'issue de la journée du 1er septembre 2022, il ait été dit à l'appelante que ça "ne jouait pas" et qu'elle n'ait plus été appelée à travailler par la suite, ne permet pas de retenir qu'aucun contrat n'a été conclu. Les incertitudes de l'appelante sur le fait que du travail lui soit donné les jours suivants et ses interrogations s'agissant du contenu de son contrat de travail, notamment son affiliation à l'assurance de prévoyance professionnelle, indiquent que celle-ci avait des inquiétudes quant au fait que son employeur ne lui fournisse pas de travail, mais pas sur l'existence d'un contrat de travail en lui-même. En outre, c'est parce que son employeur ne lui proposait pas d'activité que l'appelante lui a rappelé qu'étant liée à lui par un contrat de travail elle ne pouvait pas s'inscrire au chômage. Elle se considérait donc bien liée par un contrat de travail. Le fait que le terme "promesse" ait été utilisé après le 1er septembre 2022 n'est pas pertinent puisque l'appelante avait bel et bien commencé à travailler.

Il n'est également pas relevant de savoir si F______ et l'appelante entretenaient des liens de nature personnelle, ce qui ne semble pas le cas puisque la seconde a simplement été mise en contact avec la première par l'intermédiaire de leur mari et ex-mari, puisqu'en tout état le contrat de travail n'a pas été conclu avec F______.

Enfin, c'est à tort que l'intimée fait valoir qu'aucun contrat n'a été conclu puisque l'appelante ne connaissait pas l'identité de son cocontractant, celle-ci désirant travailler pour C______/D______ sans qu'il lui importe de savoir qui se tenait derrière cette enseigne.

Pour le surplus, le fait que les parties n'aient jamais formalisé la conclusion du contrat par écrit ne permet pas de retenir qu'il n'y a pas eu conclusion d'un contrat de travail, aucune dérogation n'étant démontrée par l'intimé s'agissant du domaine de la santé.

Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que le Tribunal a considéré qu'un contrat de travail avait été conclu.

5.             Les intimés contestent avoir été les cocontractants de l'appelante et cette dernière reproche au Tribunal d'avoir retenu que l'intimé et non l'intimée était son employeur.

5.1.1 La volonté d'une personne morale s'exprime par ses organes (art. 55 al. 1 CC). Ceux-ci obligent la personne morale par leurs actes juridiques et par tous autres faits (art. 55 al. 2 CC).

L’organe doit agir comme tel, soit dans le cadre de ses fonctions. Ce critère d’imputation permet de distinguer les actes attribuables à la personne morale de ceux accomplis à titre privé ou pour un tiers. La condition n’est pas expressément prévue à l’art. 55 al. 2 CC mais ressort des règles spéciales. Les actes juridiques sont imputés à la personne morale si l’organe agit au nom de la personne morale et s’il a le pouvoir de la représenter ou, à défaut, si la bonne foi du tiers doit être protégée (Xoudis, Commentaire romand, Code civil I, 2023, n. 19 ad art. 54/55 CC).

5.1.2 La société à responsabilité limitée est celle que forment deux ou plusieurs personnes ou sociétés commerciales sous une raison sociale et dont le capital est déterminé d'avance (art. 772 al. 1 CO).

Chaque gérant a le pouvoir de représenter la société (art. 814 al. 1 CO). En matière de représentation de la société, les principes applicables à la société anonyme sont applicables par analogie à la société à responsabilité limitée compte tenu du renvoi de l'art. 814 al. 4 CO.

En droit de la société anonyme, lorsqu’une personne autorisée à signer pour le compte de la société, signe un document dans le but d’engager cette dernière, elle doit le faire en ajoutant «sa signature personnelle à la raison sociale» de la SA concernée (art. 719 CO). La mention de la raison sociale a pour but d’éviter tout doute quant au fait de savoir si c’est la personne physique qui signe pour son compte, ou si elle le fait pour le compte de la société​ (Peter/Birchler, Commentaire romand, Code des obligations II, 2024, n. 2 ad art. 719 CO).

Les personnes autorisées à représenter la société peuvent également engager la société oralement, voire par actes concluants​ lorsqu’aucune forme particulière n’est requise. Dans de telles hypothèses, le représentant veillera toutefois à ce que le cocontractant sache qu’il agit pour le compte de la société, sous réserve des cas prévus par l'art. 32 al. 2 CO (Peter/Birchler, op. cit., n. 5 ad art. 719 CO).

5.1.3 Peuvent signer un contrat de travail, ou une modification de ce contrat avec un employé, les organes (sociaux) exécutifs qui disposent du pouvoir de représentation, ainsi que toutes les personnes qui peuvent valablement représenter la Sàrl dans les actes juridiques avec des tiers (cf. ATF 141 III 80 consid. 1.3 p. 82).

Lorsque la situation est équivoque, il faut déterminer en application du principe de la confiance si le tiers était en droit de conclure à l'acte d'un organe (Rimer, Commentaire bernois 1993, n. 40 ad art. 54/55 CC). Et, selon la jurisprudence, le tiers ne doit conclure à un acte privé que lorsque l'organe agit manifestement comme particulier (ATF 101 Ib 422, 437).

5.2.1 En l'espèce, on ne saurait suivre l'intimée lorsqu'elle fait valoir qu'aucun contrat n'a été conclu, puisque F______, qui était à l'origine des messages envoyés à l'appelante, n'avait pas les pouvoirs de la représenter. C'est oublier que F______ n'a, en tant qu'employée, fait qu'exécuter les ordres qui lui ont été donnés par l'intimé, ce que ce dernier n'a pas contesté. La procédure a permis d'établir qu'elle a envoyé le courriel du 24 mai 2022 ainsi que l'attestation d'embauche avec l'approbation de l'intimé.

5.2.2 S'agissant des parties au contrat, l'appelante pensait avoir été engagée par C______/D______, sans savoir qu'il ne s'agissait que d'une enseigne utilisée par l'intimée jusqu'à la fin de l'année 2022. L'appelante pensait avoir été engagée par C______/D______ puisqu'elle avait été reçue dans les locaux de celle-ci, que les e-mail relativement à la conclusion du contrat avaient été expédiés depuis une adresse incluant le terme "C______/D______" et que l'attestation qui lui avait été remise avait été dressée à l'entête de C______/D______. D'ailleurs, même le propre conseil de l'intimée a indiqué agir pour C______/D______. Par conséquent, on ne peut reprocher à l'appelante d'avoir ignoré que C______/D______ n'existait pas et que la personne morale qui se cachait derrière cette enseigne était l'intimée. L'appelante a, par ailleurs, indiqué que, dans la mesure où le "nouveau cabinet" devait se trouver de l'autre côté du couloir au vu des plans, soit de manière attenante aux locaux déjà existants, elle pensait qu'il s'agissait d'une extension de C______/D______ et non d'une entité séparée, puisqu'elle ignorait que les associés entendaient se séparer. Par conséquent, il est établi que l'appelante pensait avoir conclu son contrat de travail avec l'intimée.

S'agissant des intentions de l'intimé, celui-ci a déclaré avoir agi au nom de la société qui avait besoin de nouvelles infirmières compte tenu de l'augmentation de son activité. Dans ses échanges avec l'appelante, l'intimé a toujours agi sous couvert de l'enseigne C______/D______ puisque le papier à entête de celle-ci a été utilisé pour l'"attestation d'embauche" et que les courriels provenaient de cette entité et non d'adresses privées. Lors de la réunion du mois d'août 2022 qui réunissait les employés de la clinique, l'intimé a proposé à l'appelante de travailler dans le labo du cabinet en attendant l'achèvement des travaux. A aucun moment, l'intimé n'a indiqué à l'appelante qu'elle travaillerait exclusivement pour lui. L'intimé a expliqué que le terme "nouveau cabinet" avait été utilisé en lien avec l'extension de la C______/D______, puisqu'il ne savait pas encore s'il partirait de la société au début de l'année 2022, étant précisé que la société C______/D______/B______ SA avait été créée pour des raisons de paiement interne des salaires au sein de l'intimée. L'ensemble de ces éléments permettent de retenir que l'intimé avait bel et bien la volonté d'engager l'appelante au nom et pour le compte de l'intimée, ce qui rentrait dans le but de la société et ce qu'il avait le droit de faire par sa signature individuelle jusqu'au mois de novembre 2022.

Par conséquent, il sera retenu que les parties aux contrats étaient l'appelante et l'intimée, qui a été valablement représentée par l'intimé.

Par surabondance, il sera relevé que l'on aboutirait à une solution identique si l'on avait considéré que l'intimé avait eu l'intention d'agir à titre personnel. On se trouverait, en effet, dans l'hypothèse où les parties au contrat n'auraient pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat. Or, d'un point de vue objectif, l'intimé disposait du pouvoir de représenter la société par sa signature individuelle, si bien que le fait que E______ n'ait jamais échangé avec l'appelante ne serait pas pertinent, de même que la volonté des associés de mettre un terme à leur collaboration, puisque cela n'a pas été communiqué aux tiers, notamment à l'appelante. Comme déjà évoqué, le fait d'avoir mentionné l'existence d'un "nouveau cabinet" pouvait être compris comme étant une extension de la structure déjà existante puisque les locaux étaient attenants à ceux de l'intimée. Par ailleurs, l'ensemble des échanges ayant précédé la conclusion du contrat a eu lieu dans les locaux de l'intimée et avec les adresses e-mails de celle-ci. Enfin, à aucun moment l'intimé n'a indiqué à l'appelante qu'elle ne travaillerait pas pour l'intimée mais pour lui-même puisqu'il allait fonder son propre cabinet. Par conséquent, le comportement de l'intimé lors de la conclusion du contrat permettait à l'appelante de déduire, de bonne foi, qu'il entendait l'engager pour travailler au sein de C______/D______, soit l'intimée.

6.             L'intimé soutient que l'appelante n'a jamais valablement offert ses services de sorte qu'aucun salaire ne lui est dû.

6.1 Selon l'article 324 CO, si l'employeur empêche par sa faute l'exécution du travail ou s'il se trouve en demeure de l'accepter pour d'autres motifs, il reste tenu de payer le salaire sans que le travailleur doive encore fournir son travail.

Il n'y a de demeure de l'employeur que si l'employé a clairement offert ses services. Pour que l'employeur soit en demeure, il faut qu'il ressorte clairement de l'attitude du travailleur que ce dernier soit en mesure et apte à exécuter effectivement sa prestation de travail. Cette offre de service du travailleur doit être claire et sérieuse. L'offre de service n'est soumise à aucune forme (forme orale, tacite ou écrite), elle peut et doit être claire et sérieuse : l'employeur de bonne foi doit en effet, d'après les circonstances, comprendre que le travailleur a l'intention d'exécuter sa prestation (ATF 115 V 437; arrêt du Tribunal fédéral 4A_464/2018 du 18 avril 2019).

6.2 En l'espèce, c'est à juste titre que le Tribunal a retenu que l'appelante s'était toujours tenue à disposition pour travailler à la clinique. Compte tenu du fait qu'à l'issue de la journée du jeudi 1er septembre 2022 il lui avait été indiqué d'attendre des instructions, on ne saurait lui reprocher d'avoir formulé sa demande de travail du 4 septembre 2022 sous forme d'interrogation.

Le montant arrêté par le premier juge au titre des prétentions salariales de l'appelante n'étant pas contesté en appel, celui-ci sera confirmé.

7.             Au vu de ce qui précède, les chiffres 2 et 3 du dispositif du jugement querellé seront annulés et C______ SARL sera condamnée à verser à l'appelante la somme brute de 18'240 fr. avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 31 décembre 2022.

8.             Au regard de la valeur litigieuse, inférieure à 50'000 fr., il n'y a pas lieu de percevoir des frais judiciaires d'appel (art. 116 CPC, art. 19 al. 3 let. c LaCC).

Par ailleurs, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction prud'homale, il n'est pas alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :


A la forme
:

Déclare recevables les appels formés le 16 septembre 2024 par A______ et le 16 septembre 2024 par B______ à l'encontre du jugement JTPH/192/2024 rendu le 24 juillet 2024 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/8187/2023.

Au fond :

Annule les chiffres 2 et 3 du dispositif de ce jugement et, statuant à nouveau sur ces points :

Condamne C______ SARL à verser à A______ la somme brute de 18'240 fr. avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 31 décembre 2022.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Sur les frais :

Dit que la procédure est gratuite et qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Mme Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Monsieur Claudio PANNO, Madame Karine RODRIGUEZ, juges assesseurs, Madame Fabia CURTI, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.