Décisions | Chambre des prud'hommes
ACJC/88/2025 du 20.01.2025 sur JTPH/102/2024 ( OS ) , CONFIRME
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/14569/2022 ACJC/88/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des prud'hommes DU LUNDI 20 JANVIER 2025 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 24 avril 2024 (JTPH/102/2024), représenté par Me Charles PIGUET, avocat, GREEN AVOCATS, rue Ferdinand-Hodler 9,
1207 Genève,
et
B______ SA, sise ______ (ZH), prise en sa succursale du C______, ______ [GE], intimée, représentée par Me Michaël BIOT, avocat, BMJ Avocats SA, rue de Berne 3, 1201 Genève.
A. Par jugement JTPH/102/2024 rendu le 24 avril 2024, reçu le lendemain par A______, le Tribunal des prud'hommes (ci-après, le Tribunal), après avoir déclaré recevable la demande formée le 31 octobre 2022 par celui-ci (chiffre 1 du dispositif), l'a débouté de ses conclusions [en paiement de 4'840 fr. 95, plus intérêts, dirigées contre son ancien employeur B______ SA et correspondant au temps nécessaire pour revêtir et enlever son uniforme] (ch. 2), dit qu'il ne serait pas perçu de frais, ni alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 4).
B. a. Par acte expédié le 27 mai 2024 à la Cour de justice (ci-après, la Cour), A______ a formé recours contre ce jugement, en sollicitant son annulation. Cela fait, il a conclu à ce que la Cour condamne B______ SA à lui payer 4'840 fr. 95 avec intérêts à 5% l'an dès le 16 août 2019.
b. B______ SA a conclu au rejet du recours, sous suite de frais judiciaires.
c. Les parties ont répliqué, respectivement dupliqué, et persisté dans leurs conclusions.
d. Par avis du 5 novembre 2024, la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :
a. B______ SA est une société de droit suisse sise à G______ (ZH), dont le but est notamment la fourniture de prestations pour la préparation au sol, l'embarquement et le débarquement d'avions avec fret, passagers et bagages, la fourniture de prestations pour le trafic aérien, en particulier dans les domaines d'embarquement et de débarquement d'avions, de passagers, de bagages, de fret et de courrier ainsi que le stockage de fret et l'entretien de véhicules. Elle dispose d'une succursale au C______ (Genève).
b. A______, né le ______ 1969, a été engagé, pour une durée indéterminée, le 1er novembre 1996, par D______ SA. Le contrat de travail ne figure pas à la procédure.
Le 1er janvier 2004, son contrat de travail a été transféré à B______ SA.
c. A______ exerçait son activité à plein temps, soit 40 heures par semaine, au sein de la succursale précitée, d'abord en qualité d'"agent d'exploitation fret" au sein de l'unité "______" puis, dès le 1er mai 2011, en tant que "______", pour un salaire mensuel brut de 5'761 fr. 45.
Son emploi appartenait à la catégorie "cols bleus" au sein de l'entreprise.
Dans l'exercice de son activité, il devait porter des chaussures de sécurité et un équipement de sécurité individuel (EPI).
d. La rémunération mensuelle brute de A______, versée treize fois l'an, a été portée à 6'002 fr. entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2018, à 6'080 fr. entre le 1er janvier et le 31 décembre 2019 et à 6'116 fr. 50 dès le 1er janvier 2020.
e. A______ était notamment soumis à la convention collective de travail pour le personnel avec salaire mensuel 2012-2015 de B______ SA, en vigueur jusqu'au 30 mai 2021 (ci-après, CCT 2012-2015), au Règlement des uniformes de B______ SA (ci-après, le Règlement) et à la directive 1______ de B______ SA du 1er octobre 2010, intitulée "Ligne de conduite" (ci-après, la Ligne de conduite).
La CCT 2012-2015 – prolongée jusqu'au 30 septembre 2020 – ne mentionne rien au sujet de la comptabilisation d'un éventuel temps d'habillage des employés.
L'article 2.2. du Règlement prévoit notamment que les uniformes / vêtements de protection sont destinés à l'usage professionnel et doivent être portés pendant le service. L'uniforme peut être porté sur le trajet entre le domicile et l'aéroport et vice versa.
L'Annexe B du Règlement, qui concerne les "cols bleus", indique que le port de chaussures de sécurité fournies par l'employeur est obligatoire pour toute personne travaillant sur le tarmac, au tri-bagage et au dépôt fret (art. 2.1.). Le port d'un équipement de protection individuel est obligatoire sur le tarmac (art. 2.2. portant le titre "Vêtements haute visibilité"). En outre, le port de gants est obligatoire (art. 2.5).
Aux termes de l'article 1.1 de la Ligne de conduite, le début de l'horaire de travail commence en uniforme, à la place de travail, étant précisé que les unités auxquelles les collaborateurs sont rattachés définissent le lieu exact considéré comme tel en fonction de leur organisation géographique. L'article 1.2 prévoit que lorsque le collaborateur a terminé sa tâche en avance et pour autant que la production le permette, il peut être libéré de son travail. La tolérance maximale, sans compensation, est de quinze minutes.
L'article 6.1 de l'Ordre de service N° 3 de GENEVE AEROPORT prévoit que dès l'entrée sur l'aire de mouvement de l'aéroport, toute personne doit se conformer à l'obligation de porter un équipement haute visibilité conformément à ce qui est prévu dans les prescriptions complémentaires d'utilisation de la plateforme portant sur les véhicules et les conducteurs.
f. La Chambre des relations collectives de travail (ci-après, CRCT) a, dans une recommandation du 13 octobre 2020, relevé les difficultés économiques de B______ SA à la suite de la pandémie de COVID-19. Dans ce contexte, elle recommandait non pas la prolongation de la CCT 2012-2015, mais de conclure une ou deux nouvelles conventions collectives de travail.
g. Le 4 janvier 2021, B______ SA a adressé un courrier à ses employés, auquel étaient annexées les "Nouvelles conditions d'emploi" qui entreraient en vigueur le 1er juin 2021 et feraient partie intégrante du contrat de travail. Un délai au 28 janvier 2021 était accordé aux employés pour renvoyer leur nouveau contrat de travail, daté et signé. La non-réception du nouveau contrat de travail daté et signé serait considérée comme un refus de l'employé des nouvelles conditions d'emploi, et, en conséquence, entraînerait la fin des rapports de travail.
A______ n'a pas accepté les nouvelles conditions d'emploi.
h. Par courrier du 15 février 2021, B______ SA a résilié le contrat de travail de A______ avec effet au 30 juin 2021. Elle a précisé que le congé s'inscrivait dans le contexte de la restructuration au sein de la société à Genève, qui avait été annoncée le 4 janvier 2021.
i. Le 1er juin 2021, la convention collective de travail temporaire dite de "crise" pour le personnel avec salaire mensuel (ci-après, la CCT de crise) est entrée en vigueur. Dès cette date, les nouvelles conditions d'emploi pour le personnel avec salaire mensuel ont également régi les rapports de travail des employés.
Dans la CCT de crise et les nouvelles conditions d'emploi, aucune mention n'est faite au sujet de la comptabilisation d'un éventuel temps d'habillage dans le temps de travail des employés.
j.a. Par plainte du 21 juin 2021, un syndicat a dénoncé B______ SA à l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après, OCIRT). Il a notamment conclu à ce que le temps d'habillage des employés de la société devant obligatoirement revêtir des chaussures de sécurité et un uniforme professionnel soit comptabilisé dans la durée du travail.
j.b. Le 28 septembre 2021, l'OCIRT a envoyé une demande de conformité à B______ SA. Il a expliqué avoir procédé à deux contrôles au sein de la société, au cours desquels il avait notamment pu constater que la majorité des employés venaient à l'aéroport en habit de travail et quittaient l'entreprise avec ces mêmes habits. S'ils le souhaitaient, ils pouvaient toutefois se changer au travail. L'ensemble des employés avait accès à des vestiaires et avait au minimum un demi-casier à sa disposition. L'OCIRT a ajouté que, selon son interprétation du droit, le temps où le travailleur se tenait à la disposition de l'employeur comptait comme temps de travail. Pour les employés "cols bleus", travaillant notamment en salopette, l'enfilage d'habits ayant une vocation de protection contre les salissures, les habits de pluie ainsi que les équipements de protection individuelle comme les chaussures de sécurité et les habits haute visibilité devait compter comme temps de travail. L'OCIRT impartissait à B______ SA un délai pour qu'elle définisse les différents cas de figure où le temps nécessaire au changement de vêtements et au passage des contrôles de sécurité comptait comme temps de travail et qu'elle lui soumette des propositions organisationnelles conformes au droit, en consultation avec le personnel.
j.c. Par courrier du 15 octobre 2021, B______ SA a fait part de ses observations à l'OCIRT. Elle a contesté l'interprétation de la loi faite par celui-ci ainsi que de son application en lien avec la notion de temps de travail rémunéré en son sein, ajoutant souhaiter organiser une rencontre entre leurs directions.
j.d. Par courrier du 9 décembre 2021, l'OCIRT a contesté l'analyse de B______ SA du 15 octobre 2021. Elle lui a enjoint de comptabiliser le temps afférent au changement des vêtements de protection comme temps de travail, de proposer des mesures organisationnelles ainsi que de modifier la directive 1______ dans le sens où les collaborateurs n'avaient pas l'obligation de s'annoncer pour la prise de poste en ayant déjà revêtu les uniformes ayant une vocation de protection.
j.e. Par courrier du 11 août 2022, l'OCIRT a adressé un dernier avertissement à B______ SA et lui a imparti un délai notamment pour comptabiliser le temps nécessaire au changement de vêtements de protection comme temps de travail, afin que ce temps d'habillage s'ajoute à la durée du travail planifiée, et pour proposer des mesures organisationnelles conformes au droit.
j.f. Par deux courriers du 12 septembre 2022, adressés à l'OCIRT et aux membres de la Commission du personnel, B______ SA a annoncé qu'un temps forfaitaire de dix minutes par jour travaillé serait accordé aux collaborateurs concernés dès cette date et que ce temps additionnel serait positionné en fin d'horaire de travail. Ceci répondait au souhait de la Commission d'offrir un "plus" aux collaborateurs en lien avec le temps de change en leur permettant de partir plus tôt et d'utiliser ce temps à d'autres fins le cas échéant.
Ce temps de vestiaire forfaitaire a fait l'objet d'une nouvelle directive intitulée "LIGNE DE CONDUITE", entrée en vigueur le 12 septembre 2022 (ci-après, la Ligne de conduite - 2022). En particulier, l'article 2.2 de la Ligne de conduite - 2022 prévoit notamment : "Un temps forfaitaire de 10 minutes par jour travaillé est positionné de manière systématique en fin d'horaire de travail pour le personnel rattaché aux unités Ramp (Piste, Tri, Trafic, Pushback, Deicing) et Cargo, excepté les fonctions de Team Manager et Activity Manager. Ce temps de change dédié aux vêtements de protection spécifiques (EPI) compte comme temps de travail […]. Si, pour des raisons opérationnelles, le collaborateur devait effectuer des heures de travail supplémentaires, il est compris que le forfait serait alors ajouté sans supplément pour heures supplémentaires à la suite de l'horaire initial de travail afin de garantir ce temps de change et dans la mesure où celui-ci est de nature forfaitaire. Le management veille personnellement à prendre en compte ce temps de change qui est positionné systématiquement en fin de shift dans l'organisation du travail".
j.g. Par courrier du 29 septembre 2022, l'OCIRT a confirmé à B______ SA qu'au vu des explications fournies, notamment quant au type d'équipement porté, et des pratiques effectives qui avaient pu être observées, elle considérait que la solution proposée répondait globalement aux exigences légales. La procédure d'exécution à son encontre était donc terminée.
k. Par demande déposée en vue de conciliation le 27 juillet 2022, non conciliée le 22 septembre 2022 et introduite au Tribunal le 31 octobre 2022, A______ a assigné B______ SA en paiement de 11'474 fr., plus intérêts à 5% l'an dès le 16 août 2019 (date moyenne), à titre d'indemnité pour habillage et pour le temps consacré au passage des portiques de sécurité entre 2017 et la fin de son contrat de travail en 2021. Cette somme correspondait à vingt minutes par jour travaillé.
l. B______ SA a conclu au déboutement de A______.
m. A l'audience de débats du Tribunal du 15 novembre 2023, A______ a réduit ses conclusions en paiement à 4'840 fr. 95, avec intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 16 août 2019, correspondant à 10 minutes de temps d'habillage par jour. Il a ainsi renoncé à l'indemnité correspondant au temps nécessaire pour passer les portiques de sécurité.
A______ a déclaré qu'il utilisait son casier tous les jours pour se changer, ce qui lui prenait environ dix minutes deux fois par jour. En travaillant au dépôt, en qualité de ______, ses habits étaient souvent très sales et remplis de graisse. Il ne pouvait donc pas les porter à l'extérieur. De plus, ce n'était pas des habits confortables, tout comme les chaussures de sécurité. Il ignorait si les autres employés se changeaient sur leur lieu de travail. Toutefois, lorsqu'il se trouvait dans les vestiaires, il voyait des collègues se changer. Il bénéficiait de deux casiers, un pour les habits propres et un pour les habits sales.
B______ SA, représentée par E______, chef des opérations, a confirmé ses conclusions et ses écritures. Les casiers n'étaient pratiquement pas utilisés par les employés pour se changer, mais plus couramment pour y déposer des objets personnels ou des repas. Un sondage oral avait été effectué en 2021-2022, auprès des responsables de service, afin de savoir s'il y avait besoin de casiers additionnels du fait de la polyvalence des employés. La réponse avait été négative. C'était suite à ce sondage que le précité pouvait affirmer que les casiers n'étaient pratiquement pas utilisés pour se changer ; seuls 10% des employés en faisaient usage à cette fin. En outre, le représentant de B______ SA a relaté que le parking pour sa voiture étant situé à dix à quinze minutes à pied de l'aéroport, il croisait de nombreux collaborateurs et avait pu constater que la plupart arrivait déjà en uniforme de travail, avec les chaussures de sécurité.
Lors de la même audience, F______, "Business Line Leader", responsable du département Fret depuis ______ au sein de B______ SA, a été entendu en qualité de témoin. Il travaillait pour B______ SA depuis 2004 et avait été collègue de A______ depuis 2003. Avant cela, il avait travaillé pour le groupe H______, et ce depuis 1988. Il n'utilisait pas les casiers mis à disposition par B______ SA pour se changer. Il avait été "col bleu" de 1988 à 1990. A cette époque, il se rendait au travail systématiquement en uniforme et arrivait en habits civils uniquement lorsqu'il avait une activité prévue le soir. Quant aux chaussures de sécurité, il les mettait lorsqu'il arrivait au travail en se rendant à son casier. Toutefois, lorsqu'il venait travailler en voiture ou à pied depuis son lieu d'habitation qui se situait à I______, il arrivait en uniforme et souvent avec également ses chaussures de sécurité aux pieds. Cela ne le gênait pas de les porter déjà sur le trajet. L'uniforme et les chaussures de sécurité étaient confortables. D'ailleurs, les modèles actuels de chaussures, soit depuis 2013, étaient beaucoup plus souples et légères. Beaucoup d'employés arrivaient au travail en uniforme, que ce soient des "cols bleus" ou des "cols blancs". Au département Fret, environ 20% des collaborateurs utilisaient les casiers pour se changer, que ce soient des "cols bleus" ou des "cols blancs". En outre, lorsqu'il arrivait au travail, la plupart des collaborateurs qu'il croisait étaient déjà en uniforme. Débutant sa journée plus tard que A______, il ignorait si ce dernier arrivait en habits de travail ou en civil, mais il le voyait partir parfois en habits civils, parfois en uniforme. Il ne pensait pas que lorsque A______ finissait son travail, il était très sale. Son uniforme n'était pas tous les jours plein de graisse, mais cela pouvait arriver. Il n'avait pas le souvenir d'avoir vu A______ plein de graisse, mais si cela était le cas, il devait se changer.
A 'issue de l'audience, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions respectives, puis le Tribunal a gardé la cause à juger.
D. A teneur de la décision querellée, le Tribunal, après avoir constaté que la CCT 2012-2015 et la CCT de crise étaient applicables, a considéré que A______ pouvait se rendre à son travail déjà vêtu de son uniforme. Les enquêtes avaient montré que la majorité des employés procédaient ainsi. A______ n'avait pas démontré que son uniforme était sale au point qu'il ne pût le porter jusqu'à la maison ; même si ça avait été le cas, il aurait pu rentrer à la maison dans son uniforme sale et revenir le lendemain avec une tenue propre. C'était donc par convenance personnelle que l'employé se rendait au travail en tenue civile et attendait de s'y trouver pour revêtir l'uniforme. Il n'était ainsi pas à disposition de son employeur lorsqu'il revêtait son uniforme et ses chaussures de sécurité, quand bien même il se changeait sur le lieu de travail. Ce temps n'était donc pas du temps de travail, qui méritait rémunération, aucune disposition réglementaire ou contractuelle contraire n'existant à l'époque.
1. Le recours, écrit, motivé et formé dans les trente jours par une partie qui y a un intérêt (art. 59 al. 2 let. a CPC), est recevable contre les décisions finales de première instance rendues dans le cadre d'affaires patrimoniales dont la valeur litigieuse est inférieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 a contrario, 319 let. a et 321 al. 1 CPC).
Interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans les délai et forme prescrits par la loi, le recours est recevable.
Il peut être formé pour violation du droit et pour constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).
2. Il est superflu de s'attarder sur le grief d'arbitraire dans l'établissement des faits soulevé par le recourant, car l'état de fait ci-dessus a été complété dans la mesure utile.
3. Le recourant fait grief au Tribunal d'avoir considéré que le temps qu'il avait passé à changer de tenue n'était pas du temps de travail.
3.1 L'application de la LTr et des conventions collectives susévoquées au cas d'espèce n'est pas contestée, à juste titre.
3.2
3.2.1 Selon l’article 9 al. 1 LTr, la durée maximale de la semaine de travail est de 45 heures pour les travailleurs occupés dans les entreprises industrielles ainsi que pour le personnel de bureau, le personnel technique et les autres employés, y compris le personnel de vente des grandes entreprises de commerce de détail (let. a) et de 50 heures pour les autres travailleurs (let. b).
Selon l’article 13 al. 1 1ère phr. de l’Ordonnance 1 relative à la loi sur le travail (OLT 1) est réputé durée du travail au sens de la loi le temps pendant lequel le travailleur doit se tenir à la disposition de l’employeur ; le temps qu’il consacre au trajet pour se rendre sur son lieu de travail et en revenir n’est pas réputé durée du travail.
Selon l’article 18 al. 5 OLT 1, est réputé place de travail, au sens de l’article 15 al. 2 LTr, tout endroit où le travailleur doit se tenir pour effectuer le travail qui lui est confié, que ce soit dans l’entreprise ou en dehors.
Selon le commentaire du Secrétariat d’Etat à l’économie (ci-après, SECO) de l’OLT 1, toutes les activités et mesures qui doivent être effectuées ou prises, par exemple pour des raisons de sécurité ou d’hygiène au travail, avant que l’acte de travail proprement dit puisse débuter comptent comme temps de travail. L’habillage et le changement de vêtements nécessaires au processus de travail en font partie, tels que l’enfilage d’un équipement de protection dans un but de protection de la santé et contre les accidents, l’enfilage d’une tenue de travail par-dessus les vêtements de ville ou d’une tenue de travail stérile ou encore le passage dans un sas pour des raisons d’hygiène, etc. (ad art. 13 al. 1 OLT 1, p. 113-1).
Le SECO indique également que les règles prescrites par la loi et ses ordonnances en matière de temps de travail ont pour finalité la prévention des atteintes à la santé, notamment grâce à l’observation des durées maximales du travail quotidien et du travail hebdomadaire et de la durée minimale du temps de repos. Il ajoute que la rémunération du temps de travail est régie par le code des obligations ou par les prescriptions de droit public sur les conditions d’engagement (ad art. 13 al. 1 OLT 1, pp. 113-1 et 113-2).
Le SECO relève enfin que par place de travail, la loi prend en considération tout endroit, dans l’entreprise ou en dehors, où le travailleur doit se tenir pour effectuer le travail qui lui est confié (ad art. 18 al. 5 OLT 1, p. 118-2).
3.2.2 Les heures supplémentaires, dont il est question à l'art. 321c CO, correspondent aux heures de travail accomplies au-delà de l'horaire contractuel, soit au-delà du temps de travail prévu par le contrat, l'usage, un contrat-type ou une convention collective (ATF 126 III 337 consid. 6a ; 116 II 69 consid. 4a). L'employeur est tenu de rétribuer les heures de travail supplémentaires qui ne sont pas compensées par un congé (art. 321c al. 3 CO ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_138/2023 du 12 juin 2023 consid. 4.1).
En ce qui concerne l'accomplissement d'heures supplémentaires, le fardeau de la preuve incombe au travailleur. Il doit donc prouver que, sur instruction ou du moins dans l'intérêt de l'employeur, il a consacré plus de temps que ce qui était convenu contractuellement ou habituellement (ATF 86 II 155 consid. 2, cf. aussi ATF 116 II 69 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_254/2021 du 21 décembre 2021 consid. 4.2).
Selon l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. En l'absence de disposition spéciale contraire, l'art. 8 CC répartit le fardeau de la preuve et détermine quelle partie doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 129 III 18 consid. 2.6). S'il convient en principe de rapporter la preuve stricte d'un allégué, la certitude absolue n'est pas requise; de légers doutes peuvent subsister (cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2; cf. ATF 141 III 569 consid. 2.2.1). Une réduction du degré de preuve, notamment à la vraisemblance prépondérante, présuppose qu'une preuve stricte n'est pas possible ou ne peut pas être exigée en raison de la nature de l'affaire (ATF 130 III 321 consid. 3.2, 128 III 271 consid. 2b). L'abaissement du degré de preuve ne doit pas conduire en fin de compte à un renversement du fardeau de la preuve. La partie chargée de la preuve doit alléguer et prouver, dans la mesure du possible et du raisonnable, toutes les circonstances qui plaident en faveur de la réalisation des faits allégués (arrêt du Tribunal fédéral 4A_254/2021 du 21 décembre 2021 consid. 4.1).
3.2.3 Selon la jurisprudence cantonale et fédérale, la rémunération du temps de vestiaire est déterminée par l'usage, dès lors que la LTr ne règle pas cette question, y compris dans le cadre de rapports de travail de droit privé. On ne peut rien tirer de l'art. 13 OLT 1 pour savoir si un salaire est dû pendant le laps de temps considéré. Le droit privé – ou le droit public s'il s'agit d'un fonctionnaire – est à cet égard seul déterminant (arrêt du Tribunal fédéral 4A_65/2023 du 15 novembre 2023 consid. 4.1). Cette rémunération peut, par exemple, être comprise dans le salaire mensuel. Ainsi, lorsque le règlement du personnel ne comprend pas une rémunération spécifique et qu'aucune pratique contraire n'existe, une telle rémunération n'est pas due en sus (jugement du Tribunal administratif du canton de Zurich VB.2019.00766 du 24 juin 2020, consid. 3.2 et 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_514/2020 du 20 janvier 2021, consid. 5.2.1, 5.2.3 et 5.2.4, concernant un hôpital public). Il en va différemment lorsque, dans un hôpital soumis au droit privé, l'employeur instruit expressément ses employés de revêtir leurs vêtements de travail dans ses locaux et de se dévêtir à leur départ. Ils se tiennent donc à sa disposition lors de ces changements de tenue : il s'agit ainsi de temps de travail qui doit être rémunéré, car l'interprétation du contrat de travail ne permet pas de retenir un accord contraire excluant une rémunération (décision du Bezirksgericht de Bülach AN190021 du 19 février 2021 concernant les employés d'un hôpital privé commentée in Cigerli/Schuler/Rudolph, Umziehzeiten als Arbeitszeit in Festschrift für Adrian von Kaenel, 2022, p. 95 et suivantes, p. 99 et suivantes ; dans le même sens, arrêt de la Cour d'appel civile du canton de Vaud HC/2022/435 du 23 août 2022 consid. 4.2.3 concernant une employée d'une boulangerie soumise à l'obligation de se changer sur le lieu de travail ; cf. également arrêt de la Chambre de céans CAPH/115/2023 du 8 novembre 2023 consid. 5, concernant un commis de salle dans un restaurant, qui pouvait se rendre au travail dans son uniforme et n'était pas tenu contractuellement de se changer dans les vestiaires professionnels).
3.3 En l'espèce, le recourant fait valoir qu'il avait l'obligation de revêtir un uniforme, comprenant des éléments de protection et des chaussures de sécurité. Le temps pour se changer lui prenait dix minutes deux fois par jour et survenait alors qu'il était à la disposition de son employeur. L'intervention ultérieure de l'OCIRT avait confirmé qu'il s'agissait de temps de travail, lequel devait être comptabilisé au titre des heures supplémentaires.
L'intimée se réfère à la Ligne de conduite qui prévoyait que le travail commençait au moment où l'employé se trouvait en uniforme à la place de travail. Le simple fait d'être soumis à un code vestimentaire ne signifiait pas que l'employé était à disposition de l'employeur lorsqu'il s'habillait. D'ailleurs, l'uniforme du recourant était conçu pour être pratique et confortable, de sorte que la plupart des employés préféraient le revêtir à la maison. Le fait d'octroyer actuellement dix minutes par jour depuis septembre 2022 n'avait aucune influence sur les règles en vigueur précédemment. Enfin, il était tacitement convenu entre les parties que le temps d'habillage ne serait pas rémunéré : durant ses nombreuses années de service, le recourant n'avait jamais élevé une telle prétention.
3.3.1. Il n'est pas contesté que ni le contrat de travail, ni la CCT 2012-2015, ni la CCT de crise ne prévoyaient une quelconque indemnisation pour les heures liées au changement de tenue. Au contraire, les règlements de l'employeur stipulaient, d'une part, que l'uniforme pouvait être porté entre le domicile et l'aéroport (cf. art. 2.2 du Règlement) et, d'autre part, que le travail commençait lorsque l'employé se trouvait en uniforme à sa place de travail (art. 1.1 Ligne de conduite).
Le raisonnement du recourant repose entièrement sur le commentaire du SECO de l'art. 13 al. 1 1ère phr. OLT 1, disposition qui définit le temps de travail. Le SECO évoque, entre autres, les activités et les mesures prises pour des raisons de sécurité, avant que l'acte de travail proprement dit puisse débuter, qui comptent comme temps de travail. L'habillage et le changement de vêtements nécessaires au processus de travail (par exemple pour des questions de sécurité) en font partie selon le SECO.
Or, cette interprétation du SECO est trop large. En effet, il ne peut être considéré, comme l'évoque l'intimée, que tout acte d'habillement, voire de coiffage ou de maquillage est destiné à permettre le début de l'acte de travail. De plus, conformément à la jurisprudence, le fait que le temps consacré à se changer soit compté comme du temps de travail ne signifie pas encore qu'il doit faire l'objet d'une rémunération spéciale, puisque les dispositions de la LTr et des ordonnances liées ne règlent pas cette question.
Le recourant n'a pas apporté de preuve d'un usage au sein de sa branche, qui imposerait à l'employeur de rémunérer le temps passé à revêtir l'uniforme de travail, ni de l'existence d'une obligation de revêtir l'uniforme sur le lieu de travail, ni de la source d'une obligation de l'employeur de rémunérer le temps pris par les employés pour se changer.
D'ailleurs, le recourant n'a même pas allégué un tel usage; l'intervention de l'OCIRT démontre qu'il n'en existait pas. Cet Office n'en a pas mentionné l'existence et aucun élément ne permet d'en déceler un.
3.3.2 Il résulte des preuves administrées que la plupart des employés revêtaient leur tenue chez eux et se rendaient au travail en la portant. Cela corrobore, qu'il n'existait pas d'obligation pour le recourant de revêtir sa tenue dans les locaux de l'employeur, mais qu'il pouvait le faire chez lui, ce que confirment les règlements de l'employeur. Devant cette liberté de choix, il ne peut être retenu que le recourant se tenait à disposition de son employeur lorsqu'il se changeait sur le lieu de travail, alors qu'il aurait pu le faire chez lui et que, dans ce cas, il n'aurait pas été considéré comme exerçant son activité. En tant que tel, l'uniforme, dont les composantes n'ont pas été alléguées avec précision par les parties et ne ressortent pas des pièces produites, n'apparaît pas comme étant constitué d'éléments particulièrement encombrants et / ou fragiles. Il apparaît davantage assimilable à tout vêtement usuel, ce que corrobore le fait que de nombreux employés le revêtaient chez eux. Cela le distingue d'une tenue stérile (dans le domaine médical par exemple), d'un vêtement de protection encombrant (par exemple, une tenue d'apiculteur) ou d'un vêtement de fantaisie relevant du domaine du divertissement (par exemple, un déguisement de clown), dont il ne peut être attendu de l'employé qu'il le porte dans les transports publics ou dans la rue. Il en aurait aussi été autrement si l'employeur avait interdit aux employés de porter l'uniforme en dehors de l'entreprise. Le recourant pouvait librement choisir de revêtir sa tenue de travail directement à la maison ou se changer sur le lieu de travail. Aucun élément du dossier ne révèle que le temps passé à revêtir l'uniforme aurait été supérieur à celui passé à s'habiller en vêtements civils. Le recourant a, certes, allégué que ses vêtements étaient parfois souillés, mais n'a pas apporté de preuves concrètes de la fréquence à laquelle cette situation survenait, ni établi ces faits avec suffisamment de précision.
3.3.3 Enfin, il n'existe aucun fondement à une obligation de rémunérer le temps consacré par l'employé à se changer. En effet, comme il a été vu ci-dessus, aucune disposition contractuelle ou conventionnelle ne prévoyait l'obligation de rémunérer ce temps. Durant plus de vingt ans, le recourant n'a pas perçu de rémunération, ni élevé de prétention sur ce point, ni encore signalé à son employeur qu'il effectuait des heures supplémentaires. L'intervention de l'OCIRT corrobore qu'il n'existait pas de fondement contractuel à une rémunération du temps passé à se changer, dès lors qu'il a été nécessaire d'inviter l'employeur à en fournir une.
Il s'ensuit que le recourant n'était pas à disposition de l'intimée lorsqu'il se changeait dans les locaux de celle-ci et qu'aucune obligation de le rémunérer n'existait.
3.3.4 Par conséquent, le jugement entrepris sera confirmé.
4. La valeur litigieuse étant inférieure à 50'000 fr., il ne sera pas perçu de frais judiciaires (art. 19 al. 3 let. c LaCC et art. 71 RTFMC).
C'est à juste titre que l'intimée ne sollicite pas de dépens, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction des prud’hommes (art. 22 al. 2 LaCC).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :
A la forme :
Déclare recevable le recours formé le 27 mai 2024 par A______ contre le jugement JTPH/102/2024 rendu le 24 avril 2024 dans la cause C/14569/2022.
Au fond :
Le rejette.
Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires, ni alloué de dépens de recours.
Siégeant :
Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Nadia FAVRE, Monsieur
Valery BRAGAR, juges assesseurs; Madame Fabia CURTI, greffière.
Indication des voies de recours et valeur litigieuse :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 15'000 fr.