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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/21615/2022

CAPH/81/2024 du 03.10.2024 sur JTPH/72/2024 ( OS ) , REFORME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21615/2022 CAPH/81/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU JEUDI 3 OCTOBRE 2024

 

Entre

A______ SARL, sise ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 28 mars 2024 (JTPH/72/2024), représentée par Me Romain JORDAN, avocat, Merkt & Associés, rue Général-Dufour 15, case postale , 1211 Genève 4,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé, représenté par le Syndicat C______, ______ [GE].


EN FAIT

A.           Par jugement du 28 mars 2024, expédié pour notification aux parties le même jour, le Tribunal des prud'hommes a condamné A______ Sàrl à verser à B______ 13'287 fr. 55 bruts sous déduction de 2'815 fr. nets, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2023 (ch. 5), invité celle-ci à opérer les déductions sociales légales et usuelles (ch. 6), dit qu'il ne serait pas prélevé de frais ni alloué de dépens (ch. 7), et débouté les parties de toute autre conclusion.

En substance, il a retenu que les rapports de travail étaient soumis au CTT genevois du commerce de détail, lequel prévoyait la souscription d'une assurance perte de gain maladie en faveur des employés, que B______ avait donc droit à des indemnités journalières pour les mois de juillet, août, novembre et décembre 2022 (3 x 2'159 fr. 59 et 1 x 2'816 fr. 70), ainsi que pour les mois de septembre 2022 à raison de 9 jours entiers et 21 jours à 50% (1'830 fr. 86) et octobre 2022 à raison de 29 jours entiers et 2 jours à 50% (2'816 fr. 70), dont à déduire les versements nets opérés les 10 et 16 août 2022 pour 2'695 fr. (1'890 fr. + 805 fr.) ainsi que le 21 février 2023 pour 120 fr., montants qui seraient alloués à concurrence des conclusions formulées.

B.            Par acte du 7 mai 2024, A______ Sàrl a conclu à l'annulation du jugement précité, cela fait au déboutement de B______ des fins de ses conclusions, sous suite de frais.

B______ a conclu à la confirmation du jugement.

Par avis du 20 août 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Il résulte de la procédure les faits pertinents suivants:

a. A______ Sàrl est une société à responsabilité limitée inscrite au Registre du commerce genevois, qui a pour but la cordonnerie et le pressing à baskets, la vente de maroquinerie et d'articles de mode notamment dans le domaine vestimentaire.

Selon ses déclarations au Tribunal, son chiffre d'affaires provient à 25% de l'activité de cordonnerie, à 50% de celle du pressing de sneakers, et à 25% de la customisation (y compris vente d'articles en rapport avec le soin de la chaussure). L'activité liée au traitement du cuir ne fait pas partie des activités des pressings traditionnels, ceux-ci n'étant pas équipés pour ce faire, de sorte qu'il n'y a pas de concurrence avec eux.

Elle n'a pas conclu d'assurance perte de gain en faveur de ses employés (au nombre de quatre, en moyenne).

b. A compter du 1er mars 2022, B______ s'est engagé au service de A______ Sàrl.

Dans sa demande, et sans produire de pièce à cet égard, il a allégué qu'il travaillait en tant qu'employé dans une cordonnerie, et qu'il bénéficiait d'une allocation d'initiation au travail (AIT) accordée par l'Office cantonal de l'emploi.

Ultérieurement, dans sa réplique, il a allégué qu'il avait été engagé, selon son contrat de travail daté du 17 février 2022 (lequel mentionne notamment "les cotisations imposées par la loi pour AVS/APG/AC et les cotisations de l'assurance accident […] supportées pour moitié par le travailleur, pour moitié par l'employeur"), en qualité de "vendeur et spécialiste shoeshine", et, selon la décision d'AIT du 25 mars 2022 qui spécifie (outre qu'il s'agit d'un emploi à 80%) que la mesure octroyée permettrait à l'intéressé "d'obtenir les compétences nécessaires, selon le plan d'initiation fourni par l'employeur, pour assumer un poste de vendeur, spécialiste shoeshine", en qualité d'"agent technico-commercial".

Il a déclaré au Tribunal qu'à son engagement, il n'avait pas été spécifié qu'il ne serait pas au bénéfice d'une assurance perte de gain. Il était chargé de gérer un stand de réparation de chaussures, sis au sein du magasin de chaussures D______, son travail consistant à accueillir des clients, proposer des services de patine, de changement de couleurs de chaussures, ainsi qu'à faire la promotion et vendre la gamme de chaussures proposée par A______ Sàrl.

A______ Sàrl a déclaré pour sa part avoir précisé que n'était pris en charge que ce qui figurait au contrat, soit les cotisations AVS, AI, AC, LPP, LAA et APG pour service militaire, congés maternité et paternité. B______ avait été engagé pour vendre ses services, faire du shoeshine et du soin à la chaussure. La grande partie de ses objectifs était de vendre ses services, notamment le pressing de sneakers; B______ n'avait pas vendu un seul article en rapport avec le soin à la chaussure. Il n'y avait pas de vente de détail sur le stand sis dans le magasin D______. Les fiches de salaire étaient établies par l'un des associés gérants.

Le plan de formation remis à l'Office cantonal de l'emploi, visé dans la décision d'AIT, comprenait la gestion des points de vente, le management, la logistique, la botterie, ainsi que des formations à l'externe financées par l'entrepris, telles qu'inciter et responsabiliser en entreprise, maîtriser son image et sa voix, gérer efficacement son temps, etc. (témoin E______, conseillère en personnel à l'Office cantonal de l'emploi).

c. Il est admis que le temps d'essai était d'un mois, que l'horaire de travail hebdomadaire convenu était de 35 heures, que le salaire mensuel était de 3'500 fr. bruts, et que le paiement de cette rémunération a été effectué par 3'150 fr. nets pour les mois de mars et avril 2022.

Pour le mois de mai 2022, B______ a reçu 2'400 fr. nets le
30 mai 2022, bien que la fiche de salaire y relative porte mention d'un montant de 3'150 fr.

d. A compter du 25 juin 2022, B______ a été totalement incapable de travailler.

Le 7 juillet 2022, il a perçu 2'992 fr. nets, bien que la fiche de salaire relative au mois de juin porte la mention d'un montant de 3'150 fr.

Le 10 août 2022, il a reçu 1'890 fr. nets, et le 16 août 2022, 805 fr. nets.

e. Du 10 septembre au 2 octobre 2022, B______ a été partiellement incapable de travailler (50%).

Le 28 septembre 2022, il a reçu 1'575 fr. nets.

f. Dès le 3 octobre 2022, B______ a été à nouveau totalement incapable de travailler.

g. Les fiches de salaire remises à B______ pour les mois de mars à juin 2022 mentionnent, au titre des déductions, outre les cotisations AVS/AI/APG, AC, AANP, LPP et CAF, une cotisation "IJM" (indemnité journalière maladie) prélevée à raison de 0,955% soit 30 fr. 08 par mois.

h. Le 23 septembre 2022, B______ a été licencié pour le
31 décembre 2022.

i. Le 31 octobre 2022, B______ a saisi l'Autorité de conciliation du Tribunal des prud'hommes d'une requête dirigée contre A______ Sàrl, en paiement de salaire.

Au bénéfice d'une autorisation de procéder remise le 10 janvier 2023 à l'issue de l'audience de conciliation, il a, le 16 janvier 2023, déposé une demande au Tribunal, concluant à ce que A______ Sàrl soit condamnée à lui verser 1'408 fr. 35 bruts et 11'879 fr. 20 nets, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 31 octobre 2022.

Alléguant notamment avoir perçu pour la durée de son emploi un total de
14'387 fr. nets, il a fondé ses prétentions sur la CCT de la cordonnerie et de l'orthopédie, subsidiairement sur le CCT pour le secteur du commerce du détail à Genève, prévoyant l'obligation de conclusion d'une assurance perte de gain en cas de maladie. Le montant ainsi dû représentait selon lui les indemnités journalières dues pendant 172 jours, soit 16'149 fr. nets, ainsi que du salaire dû pendant douze jours de travail représentant 1'408 fr. 35, sous déduction des montants versés du 1er juillet au 31 décembre 2022, soit 4'270 fr.

A______ Sàrl a conclu au déboutement de B______ des fins de ses conclusions. Elle a notamment allégué avoir constaté, à l'occasion de l'audience de conciliation, que des retenues sur salaire relatives aux indemnités journalières maladie avaient été prélevées par erreur au détriment de l'employé, retenues qu'elle avait remboursées, en 120 fr., le 21 février 2023. Elle a, entre autres pièces, produit des fiches de salaire rectifiées en ce sens qu'elles ne comportaient pas de déduction d'indemnités "IJF", mentionnant un salaire net de 3'150 fr. pour les mois de mars à juin 2022, et de 2'540 fr. (tout en indiquant le virement de 3'150 fr.) pour le mois de juillet 2022, ainsi qu'un ordre de virement de 120 fr. opéré en faveur de B______ le 21 février 2023. Elle a notamment allégué avoir versé un salaire net de 16'715 fr. (3'150 fr. pour les mois de mars à mai 2022, 2'520 fr. pour la période du 1er au 24 juin 2022, 3'170 fr. "correspondant à un mois de salaire additionnel" et 1'575 fr. nets pour la période de capacité de travail à 50% du 10 septembre au 2 octobre 2022) au total pour la durée de l'emploi.

Dans sa réplique, B______ a conclu au paiement de 11'879 fr. 20 nets, sous déduction de 120 fr. nets, ainsi que de 1'408 fr. 35 bruts "à titre de salaires non payés en septembre et octobre 2022". Il a fondé ses prétentions sur le CTT du commerce de détail genevois, subsidiairement sur la CCT romande du nettoyage de textile.

A l'audience du Tribunal du 5 octobre 2023, B______ a modifié ses conclusions en ce sens que sa prétention de 11'879 fr. 20 s'entendait en montant brut, et que les intérêts moratoires étaient requis à compter du 1er janvier 2023.

A l'issue de l'audience du Tribunal du 5 octobre 2023 les parties ont plaidé, persistant dans leurs conclusions respectives. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.             Selon l'art. 308 CPC, l'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance, si, dans les affaires patrimoniales, la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins.

L'appel, écrit et motivé, est introduit dans les trente jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311 CPC).

Déposé selon la forme et dans le délai requis, l'appel est recevable.

2.             La procédure simplifiée s'applique aux affaires patrimoniales dont la valeur litigieuse ne dépasse pas 30'000 fr. (art. 243 al. 1 CPC).

Le Tribunal établit les faits d'office lorsque la valeur litigieuse ne dépasse pas 30'000 fr. dans les litiges portant sur un contrat de travail (art. 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC).

3.             L'appelante reproche au Tribunal d'avoir retenu que les rapports de travail étaient soumis au CTT genevois du commerce de détail, avec la conséquence que l'obligation de souscrire une assurance perte de gain visée par ce texte n'avait pas été respectée.

Pour sa part, l'intimé soutient le raisonnement des premiers juges sur le point précité, subsidiairement pour le cas où celui-ci serait écarté, reprend son argumentation développée déjà à titre subsidiaire dans sa réplique de première instance, liée à la mention de déductions "IJM" dans ses fiches de salaire, permettant selon lui de fonder également ses conclusions.

3.1 Lorsque le travailleur est empêché de travailler sans faute de sa part pour cause de maladie, l'employeur verse le salaire pour un temps limité dans la mesure où les rapports de travail ont duré plus de trois mois ou ont été conclus pour plus de trois mois (art. 324a al. 1 CO). Pendant la première année de service, le salaire est payé pendant trois semaines et, ensuite, pour une période plus longue fixée équitablement en fonction de la durée des rapports de travail et des circonstances particulières (art. 324a al. 2 CO); la pratique a fixé des barèmes dans ce domaine, dont l'échelle bernoise généralement appliquée par les tribunaux dans les cantons romands. Le droit au salaire cesse à la fin des rapports de travail (ATF 127 III 318 consid. 4b).

Il ne peut être dérogé à ce régime légal de base en défaveur du travailleur
(cf. art. 362 al. 1 CO; ATF 131 III 623 consid. 2.2). Il s'ensuit qu'un régime conventionnel peut se concevoir de deux manières.

Dans le régime complémentaire, les parties conviennent d'améliorer la protection du travailleur sans déroger au régime légal de base, par exemple en prolongeant la période pendant laquelle le salaire reste dû (art. 324a al. 2 in principio CO) ou en assurant la couverture des empêchements de travailler survenant durant les trois premiers mois de travail, lorsque le contrat de travail a été conclu pour moins de trois mois. L'accord des parties, qui peut porter sur la conclusion d'une assurance collective perte de gain, n'est soumis à aucune forme particulière
(ATF 131 III 623 consid. 2.5.2).

Dans le régime dérogatoire prévu à l'art. 324a al. 4 CO, un accord écrit, un contrat-type de travail ou une convention collective peut déroger au régime légal, en substituant une couverture d'assurance à l'obligation légale de payer le salaire (ATF 141 III 112 consid. 4.1), à condition toutefois que le travailleur bénéficie de prestations au moins équivalentes. L'idée est que la réduction des droits du travailleur pendant la période de protection légale (éventuel délai de carence, indemnité représentant moins de 100% du salaire) soit compensée par des prestations supplémentaires (versement pendant une période plus longue que celle prescrite à l'art. 324a al. 2 CO). L'équivalence est en tout cas admise lorsque l'employeur contracte une assurance perte de gain qui garantit des indemnités journalières correspondant à 80% du salaire pendant 720 ou 730 jours, après un délai d'attente de 2 à 3 jours, et dont il paie au moins la moitié des primes
(ATF 135 III 640 consid. 2.3.2). Outre l'équivalence, un éventuel accord des parties doit respecter la forme écrite (cf. art. 11ss CO), laquelle couvrira les points essentiels du régime dérogatoire, à savoir les risques couverts, le pourcentage du salaire assuré, la durée des prestations, les modalités de financement des primes et, le cas échéant, le délai d'attente; un renvoi aux conditions générales d'assurance ou à un autre document tenu à disposition du travailleur est suffisant
(ATF 131 III 623 consid. 2.5.1); l'accord doit être signé par les deux parties
(art. 13 al. 1 CO).

Lorsque l'employeur ne satisfait pas à ses obligations contractuelles, par exemple s'il omet de conclure l'assurance avec les prestations prévues, il doit réparer le préjudice subi par le travailleur sur la base de l'art. 97 al. 1 CO, que l'inexécution soit totale ou partielle, et verser des dommages-intérêts correspondant aux prestations que le travailleur aurait reçues de l'assurance en question pour le risque considéré (ATF 141 III 112 consid. 4.5 p. 115; 127 III 318 consid. 5; 124 III 126 consid 4 p. 133; 115 II 251 consid. 4a et 4b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_228/2017 du 23 mars 2018 consid. 2.2).

3.2 Le contrat-type de travail avec salaires minimaux impératifs pour le secteur du commerce de détail (CTT-CD) du 13 juin 2017 (J 1 50 17) s'applique, à teneur de son article premier, d'une part à toutes les entreprises du commerce de détail du canton de Genève, à l'exclusion notamment des commerces suivants: la réparation et la retouche d'articles d'habillement, et les services « minute », y compris d'impression sur des articles en textile, d'autre part notamment au personnel de vente fixe à plein temps (on entend par personnel de vente les employés qui exercent leur activité principale de vente ou de préparation sur la surface de vente, y compris les zones de stock).

3.3 En l'occurrence, il convient de noter d'emblée que l'intimé n'a, à raison, et en dépit des versements irréguliers et peu clairs effectués par l'appelante, pas prétendu que, durant son incapacité de travail (qui a commencé le 25 juin 2022) et alors qu'il était dans sa première année de service, il n'aurait pas été rémunéré entièrement s'agissant des trois semaines prévues par l'art. 324a al. 2 CO ni s'agissant de la période où il a pu reprendre le travail à 50%. Ses prétentions ont trait à un éventuel régime dérogatoire fondé sur l'art. 324a al. 4 CO, soit en raison de l'application d'un contrat-type, soit en raison d'un supposé accord tacite en ce sens.

Il est établi que l'appelante a pour but social d'abord la cordonnerie et le pressing de chaussures, ensuite la vente de maroquinerie et d'articles de mode. L'appelante a déclaré que son activité principale consistait dans ledit pressing, ce qui couvrait la moitié de son chiffre d'affaires, puis à parts égales, dans la cordonnerie et la "customisation" incluant la vente d'articles en rapport avec le soin à la chaussure. A ce dernier propos, elle a ajouté que l'intimé n'avait vendu aucun article de ce type, précisant qu'il n'y avait pas de vente de détail opérée sur son stand existant au sein de la boutique D______, ce que ce dernier n'a pas contredit.

L'intimé, dans la présente procédure, a commencé par alléguer dans sa requête, et sans produire à ce stade son contrat de travail, qu'il était employé de cordonnerie. Dans sa réplique, il n'a pas décrit son travail. Au Tribunal, il a déclaré avoir été engagé pour gérer un stand de réparation de chaussures (et donc non de vente de chaussures), et cité les tâches qu'il avait effectuées au service de l'appelante, soit en premier lieu la proposition de services de cordonnerie, et en second lieu seulement la vente de la "gamme de chaussures", sans autre précision.

Il est par ailleurs constant que le contrat de travail conclu entre les parties porte sur une activité de "vendeur et spécialiste shoeshine". L'intimé a déclaré que la première mention se rapportait à la vente de services (et donc non à la vente d'objets). Par ailleurs, la décision d'initiation au travail mentionne un poste de "vendeur, spécialiste shoeshine" à terme, l'activité de début étant visée sous l'appellation peu caractérisée d'"agent technico-commercial".

Le plan de formation de ce poste, selon le témoignage E______, portait sur la gestion des points de vente, le management, la logistique et la botterie, soit des activités qui ne permettent pas de déterminer qu'elles se rapporteraient spécifiquement à du commerce de détail.

Au vu de ce qui précède, il n'est pas établi que l'activité de vente d'objets serait prééminente, ni dans le but social de l'entreprise, ni dans les résultats économiques évoqués par l'appelante; elle n'a pas non plus été démontrée dans la décision administrative ni dans les tâches effectivement réalisées par l'intimé, peu important que celles-ci aient eu lieu sur un stand, dédié et indépendant, se trouvant au sein d'un commerce de chaussures. Selon les propres déclarations de l'intimé, ce stand avait pour objet la réparation de chaussures, soit un domaine expressément soustrait du champ d'application du CTT-CD en vertu de l'art. 1 de ce texte.

Il s'ensuit que le CTT-CD de la vente de détail ne s'applique pas en l'espèce, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges. Le grief de l'appelante est ainsi fondé.

Reste à examiner la question des déductions opérées par l'appelante sur le salaire de l'intimé, apparaissant dans les fiches de salaire reçues par celui-ci pour les mois de mars à juin 2022. L'intimé y voit le reflet de l'engagement de l'appelante consistant à lui assurer les prestations d'une assurance perte de gain, tandis que l'employeur soutient que la mention considérée procéderait uniquement d'une erreur de sa part.

Le contrat de travail est muet sur la question des prestations de l'employeur en cas de maladie, de sorte qu'il n'y a pas d'accord écrit portant sur un régime dérogatoire, au sens de l'art. 324a al. 4 CO.

Aucune des parties n'a, au demeurant, formé d'allégué précis sur la circonstance de la conclusion de ce contrat, ni sur l'état des discussions précontractuelles en lien avec les prestations précitées. L'employé a allégué ne pas avoir été informé de ce que l'employeur "ne contractait pas d'assurance perte de gain [maladie] au moment de la signature du contrat", tandis que l'appelante a allégué avoir informé l'intimé "dès son engagement" de l'absence d'une telle assurance. Au Tribunal, le premier a déclaré avoir appris après octobre 2022 l'absence de cette assurance, la seconde ne pas avoir évoqué l'assurance perte de gain maladie mais précisé que l'employeur ne prenait en charge que ce qui figurait au contrat.

Aucun élément ne permet donc d'établir le contenu des échanges entre les parties au moment de la conclusion du contrat, étant relevé qu'en tout état il n'y a pas eu d'accord écrit sur le principe et encore moins sur les points essentiels d'un régime dérogatoire.

L'intimé a d'ailleurs lui-même déclaré non pas qu'il lui aurait été promis la conclusion d'une assurance perte de gain maladie, mais qu'il ne lui aurait pas été indiqué qu'il n'y aurait pas une telle assurance. Or, selon le système légal, le principe est celui d'une obligation de l'employeur portant sur le versement du salaire entier durant un temps limité en fonction de l'ancienneté, l'assurance perte de gain n'intervenant, pour autant qu'il y ait prestations au moins équivalentes à l'obligation précitée, qu'au titre de régime dérogatoire en présence soit d'un accord écrit soit d'un contrat-type ou d'une convention collective de travail.

Il est certes acquis que toutes les fiches initiales de salaire de l'intimé portent explicitement la mention d'une retenue au titre des indemnités perte de gain maladie de 0,955%, laquelle a été effectuée en tout cas en mars et avril 2022, sa trace étant moins perceptible au vu des paiements partiels opérés par l'appelante pour les mois de mai à juillet 2022, avant d'être remboursée au cours de la présente procédure. A supposer que puisse être contournée l'exigence de forme écrite, rien ne permettrait, sur la base de la mention précitée de déterminer l'équivalence des prestations par rapport au régime légal, contrairement au cas visé dans l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_517/2010 du 11 novembre 2010 cité par l'intimé (où la déduction opérée avait été mise en relation avec un projet de contrat de travail entre les parties, prévoyant les conditions d'une assurance perte de gain).

Il s'ensuit que l'intimé a été, en l'absence de régime dérogatoire, rémunéré conformément à l'art 324a al. 1 CO, si bien que sa prétention n'est pas fondée.

Au vu de ce qui précède, le jugement attaqué sera annulé.

Il sera statué à nouveau (art. 318 al. 1 let. b CPC), dans le sens que l'intimé sera débouté des fins de ses conclusions.

4.             Il n'est pas perçu de frais (art. 114 let. c CPC) ni alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé par A______ Sàrl contre le jugement rendu le 28 mars 2024 par le Tribunal des prud'hommes.

Au fond :

Annule ce jugement. Statuant à nouveau:

Déboute B______ des fins de ses conclusions.

Déboute les parties de toute autre conclusion.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Nadia FAVRE, Monsieur Valery BRAGAR, juges assesseurs; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119
al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 15'000 fr.