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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/16947/2006

CAPH/188/2008 (2) du 29.10.2008 sur TRPH/876/2007 ( CA ) , PARTIELMNT CONFIRME

Descripteurs : CONTRAT INDIVIDUEL DE TRAVAIL; EMPLOYÉ DE MAISON; CONTRAT-TYPE DE TRAVAIL; SALAIRE; ATTESTATION DE SALAIRE; HEURES DE TRAVAIL SUPPLÉMENTAIRES; VACANCES; RÉSILIATION; CERTIFICAT DE TRAVAIL; OPPOSITION(PROCÉDURE); FARDEAU DE LA PREUVE; JUGEMENT PAR DÉFAUT
Normes : LJP.59; LJP.61; LJP.62; LJP.76; LJP.35; CO.319; CO.342; CC.8; LPC.186; LPC.40a
Résumé : Amenée à examiner les critiques de E1 et E2 portant sur le raisonnement du Tribunal qui avait considéré que T travaillait à temps plein, la Cour relève que la simple conviction de T n'est à elle seule pas suffisante pour déterminer le nombre d'heures réellement effectuées. Procédant alors à une analyse des témoignages recueillis, elle en vient à la conclusion que T travaillait non pas à plein temps, mais à temps partiel. En outre, comme ce dernier n'a pas établi correctement son horaire de travail, la Cour le détermine sur la base des témoignages, au regard de l'expérience générale de la vie et sur le cours ordinaire des choses. Partant, elle recalcule la rémunération due à T sur base de ce nouveau raisonnement. Pour le surplus, elle confirme le jugement entrepris.
En fait
En droit
Par ces motifs

 

E1_____ et

E2_____

Dom. élu : Me Grégoire MANGEAT

Rue du Marché 20

1204 Genève

 

 

Parties appelantes et intimées sur appel incident

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

D'une part

 

 

T_____

Dom. élu : Syndicat sans Frontières

Avenue Wendt 10

1203 Genève

 

 

 

Partie intimée et appelante sur appel incident

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

D’autre part

 

 

 

ARRET

 

du 29 octobre 2008

 

 

M. Louis PEILA, président

 

 

Mme Denise BOËX et M Jean-Marc GUINCHARD, juges employeurs

 

Mmes Pierrette FISHER et Astrid JAQUOT, juges salariées

 

 

M. Gabriel SZAPPANYOS, greffier d'audience

 

 

 

 

EN FAIT

 

A. Par demande parvenue au greffe de la Juridiction des prud’hommes le 11 juillet 2006, T_____ a assigné E1_____ et E2_____ en paiement de fr. 83'090.80.-, plus intérêts moratoires au taux de 5% l’an dès le 1er avril 2006. Ladite somme se décompose comme suit:

– fr. 66'650.– à titre de différence de salaire;

– fr. 6'691.50 à titre d’heures supplémentaires;

– fr. 6'109.30 à titre d’indemnité de vacances;

– fr. 3'640.– à titre du salaire afférent au délai de congé.

Il a également conclu à la délivrance d’un certificat de travail et des décomptes mensuels de salaire.

A l'audience du 26 octobre 2006, les époux E_____ n'ont pas comparu, sans motifs.

Par jugement du 5 décembre 2006, expédié pour notification le lendemain, le Tribunal, statuant par défaut, a condamné E1_____ et E2_____ à verser à T_____ la somme brute de fr. 79'450.80, plus intérêts moratoires à 5% dès le 1er avril 2006.

Les époux E_____ ont valablement formé opposition contre ce jugement et conclu à ce qu’il leur soit donné acte qu’ils reconnaissent devoir fr. 17'432.- au demandeur, qui devait être débouté de toute autre conclusion.

 

B. Par jugement sur opposition à défaut du 7 décembre 2007, notifié le même jour, le Tribunal des prud’hommes a donné acte à E1_____ et E2_____ de leur engagement à verser à T_____ la somme brute de fr. 17'432 avec intérêts à 5 % dès le 1er avril 2006 et les a condamnés à payer la somme brute de fr. 58'465.60, avec intérêts à 5 % dès le 1er avril 2006.

Le Tribunal a estimé, en équité, que T_____, sans qualification particulière, travaillait à temps complet au service des époux E_____ et pouvait prétendre à un salaire mensuel brut de fr. 3'430.- Il avait également droit à fr. 8'575.- à titre de vacances. En revanche, ses prétentions issues des heures supplémentaires devaient être écartées, leur réalité n'ayant pas été démontrée.

 

C. Par acte déposé le 11 janvier 2008, E1_____ et E2_____ appellent de cette décision et concluent notamment à ce qu'il leur soit donné acte de leur accord de verser fr. 38'749.55 à T_____.

Cela étant, ils contestent principalement le raisonnement du Tribunal qui a conduit à considérer que T_____ travaillait à temps complet au sens du contrat-type de travail applicable en l'espèce.

Dans sa réponse du 5 mars 2008, T_____ a conclu à ce que le jugement querellé soit confirmé et, sur appel incident, à ce que les époux E_____ soient condamnés à lui payer fr. 6'637.- à titre d'heures supplémentaires et fr.3'430.- à titre de salaire correspondant au délai de congé légal.

E1_____ et E2_____ ont conclu à l'irrecevabilité de l'appel incident, en raison des carences de motivation qu'il comportait.

 

D. Il ressort de la procédure les éléments suivants:

a. La famille E_____ est active à Genève, notamment au sein la Banque A_____ (Suisse) SA, qui lui appartient, via E_____ GROUP of COMPANIES. E2_____ est le "Chairman" de l'établissement genevois.

b. E1_____ et E2_____, qui possèdent la nationalité suisse et résident à Genève depuis de nombreuses années, étaient, lors des faits pertinents, domiciliés _____ à Cologny (GE), dans une villa de 400 m2, comprenant un jardin de 2'000 m2, qu'ils partageaient avec leurs deux enfants et leurs sept petits enfants.

c. Alors que les époux E_____ cherchaient une jeune fille au pair,
B_____, nettoyeur indépendant travaillant notamment pour eux, leur a présenté T_____, originaire du Pérou, à l'insistance de la tante de l'amie de ce dernier (cf. audition B_____, pv d'enquêtes du 10.03.07, p. 2). C'est dans ces circonstances que le susnommé a été engagé, oralement, afin d'accomplir diverses tâches domestiques et ce dès le 2 octobre 2003.

Son travail n'a jamais été déclaré par les époux E_____, pas plus qu'ils n'annonçaient d'ailleurs les activités d'autres membres de leur personnel domestique. Ces autres personnes, d'origine indienne, étaient rémunérées en roupies par le bureau indien du groupe E_____, à des montants inférieurs à ceux que les époux E_____ versaient à T_____. Pour ces faits, les époux E_____ ont été pénalement dénoncés, puis condamnés par ordonnance à une peine d'amende, pour avoir violé les dispositions sur la LAVS et la LACI.

d. Il n'est pas contesté que T_____ a reçu, toujours en liquide, fr.700.- par mois d'octobre 2003 à mars 2004, puis fr.1'040.- d'avril à août 2004 et fr. 1'200.- de septembre 2004 jusqu'à mars 2006. Chaque mois, une indemnité de fr. 270.- compensant les repas de midi venait s'ajouter à ces montants. Les époux E_____ n'hébergeaient pas T_____, lequel était nourri à midi d'octobre 2003 à août 2004.

e. Le 31 mars 2006, T_____ ne s’est pas présenté au domicile des époux E_____. Il a manifesté, par pli du 5 avril suivant, son intention de ne pas reprendre son travail.

f. Les parties divergent tant en ce qui concerne les horaires de l'employé que la nature de son activité, ce qui nécessite le rappel des positions de chacun et le résumé des enquêtes, étant observé que les témoins entendus sur ces questions se sont montrés relativement peu diserts.

f.a. T_____ affirme avoir accompli onze heures effectives par jour, avec une heure de pause à midi, soit de 8h00 à 20h00, entre les mois d'octobre 2003 et avril 2004, puis neuf heures effectives entre les mois de mai 2004 et mars 2006. Les samedis, il travaillait six heures, soit de 9h00 à 16h00 avec une pause d'une heure. Il s'occupait du nettoyage des terrasses et de la piscine et effectuait de nombreux travaux d'ébénisterie, comprenant la réparation et la fabrication de meubles. Il soutient avoir également travaillé dans les locaux de la Banque A_____ et considère avoir effectué 668 heures supplémentaires d'octobre 2003 jusqu'à fin mars 2006. Enfin, il expose n'avoir pris aucun jour de vacances.

f.b. Selon les époux E_____, il n'avait jamais été question d'engager
T_____ à plein temps, mais de lui confier divers travaux d'entretien de la villa, pour lui venir en aide; ils lui avaient aussi demandé de fabriquer des armoires, travail qui était le plus souvent mal exécuté. Son horaire courait, en général, du lundi au vendredi, de 9h00 à 17h00, avec une pause pour le petit déjeuner de 45 minutes et, à midi, d'une heure; le samedi, l'horaire s'étendait de 10h00 à 14h00, avec une heure de pause à midi. Selon eux, T_____ avait, en sus de son activité chez eux, trouvé un engagement dans un restaurant, de sorte que, dès cet événement, il n'effectuait plus l'horaire susvisé, s'absentant chaque jour trois ou quatre heures au moment du déjeuner.

f.c. Il ressort des enquêtes que T_____ commençait son activité entre 8 et 10 heures le matin suivant les jours. Ainsi, selon le témoin C_____, jardinier indépendant présent une fois par semaine au domicile des époux E_____, T_____ arrivait juste après 8h00; en fin de journée, il ne l'avait vu qu'à une ou deux reprises après 17h00, soit vers 17h30; selon D_____, chauffeur des époux E_____ travaillant de 9h00 à 18h00, T_____ débutait son travail vers 10h00 et prenait sa pause avant le retour du témoin, aux alentours de 12h00 ou 13h00, pour ne revenir que vers 15h00 et terminer vers 17h00. D_____ a ajouté qu'il devait l'appeler sur demande des époux lorsqu'il ne se trouvait pas à la maison.

f.d. Dans le cadre de l'enquête consécutive à la dénonciation susvisée, la police a recueilli divers témoignages, lesquels ont été valablement produits dans la présente cause. Il en ressort que, selon l'un des fils des époux E_____, F_____, qui apparaît comme le principal occupant de la maison sise _____ à Cologny (cf. déclaration E2_____ devant le juge d'instruction le 8 mars 2007) "cette personne [NdT : T_____] n'a pas travaillé à plein temps chez moi. Il ne résidait d'ailleurs pas chez moi. Il était employé pour divers travaux, notamment de menuiserie. Je ne pourrais pas vous donner plus de détail, car je n'avais presque pas de contacts avec lui.". F_____ E_____ a ajouté que T_____ avait peut-être travaillé dans les locaux de la banque A_____, "mais seulement une fois ou deux", ce qui a été confirmé par un témoin (G_____). Pour sa part, E2_____ a précisé que la famille E_____ occupait quatre employés de maison et deux chauffeurs, sans compter T_____. Au sujet de celui-ci, E2_____ a déclaré à la police qu'il ne savait rien, car c'était sa femme qui s'était occupée de son engagement. Il l'avait vu quelques fois chez lui et à la banque et il croyait qu'il s'était occupé du déménagement de quelques objets. Devant le Juge d'instruction, E2_____ a déclaré ceci : "… Nous sommes des personnes très respectueuses des êtres humains. Nous nous sommes montrés ainsi avec T_____. Celui-ci a supplié ma femme de lui donner du travail. Il a été introduit par une autre personne, soit une femme qui vantait ses mérites. Ce jeune homme avait 25-26 ans et ma femme a été émue par sa situation. Elle lui a donc proposé cette activité temporaire. Je précise qu'il ne savait rien faire à son arrivée et que c'est le chauffeur qui lui a montré des méthodes de travail. (…) S'agissant encore de T_____, il mangeait à la maison et travaillait irrégulièrement. Il a soudainement disparu et mon épouse en a été toute bouleversée.". E1_____ a confirmé les propos de son mari s'agissant de l'engagement de T_____, ajoutant qu'il avait travaillé deux ou trois ans pour eux et que les travaux qu'il avait effectués lui avaient été enseignés par le précédent chauffeur, dans la mesure où il ne savait rien faire; elle a prétendu qu'il n'avait pas été leur employé et qu'elle ne lui avait versé que de l'argent de poche. Elle a finalement précisé, à la demande du Juge : " …que T_____ devait arriver à 9 heures mais parfois il arrivait à 10-11 heures. Au début, il était régulier, mais ensuite il a commencé à venir à sa guise. Il avait en effet trouvé entre temps un autre travail. Il était cuisinier dans un restaurant (…). Il a peut-être été présent chez nous, notamment avec sa copine, pour prendre le petit-déjeuner, mais il ne commençait pas à travailler avant 9h30, soit l'heure d'arrivée de notre chauffeur H_____. Les 3 ou 4 premiers jours, il est effectivement resté jusqu'à 20 heures, soit jusqu'à ce que sa copine vienne le chercher." Les quatre employés de maison entendus par la police n'ont fourni aucun renseignement s'agissant de l'activité ou des horaires de T_____.

f.f. La prétention relative aux heures supplémentaires, intégralement contestée, n'a reçu aucune confirmation lors des enquêtes.

f.g. S'agissant des vacances, les époux E_____ affirment que T_____ a pu en bénéficier normalement, notamment en se rendant en Espagne, sans toutefois être en mesure de préciser les dates. A ce sujet,
E1_____ a déclaré, en audience, le 10 mai 2007, que T_____ "prenait par exemple 10 jours de vacances avec mon accord, mais il s'absentait pendant 2 semaines et demie ou trois semaines. Une autre fois, il a demandé de prendre 3 semaines de vacances et il a pris plus d'un mois. Ce n'était pas un travail fixe. Il n'y avait pas de durée de vacances fixes. Il lui arrivait de s'absenter un ou deux jours par semaine." (pv de comparution personnelle du 10.05.07, p. 3). Le fait que T_____ ait pris des vacances est confirmé par le témoin D_____, chauffeur des époux E_____, en ces termes : "Il [NdT : T_____] a plusieurs fois demandé congé notamment pour se rendre en Espagne effectuer des papiers. Cela lui a été accordé." (pv d'enquêtes du 8.03.07, p. 3).

 

 

 

 

EN DROIT

 

 

1.1. Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi (art. 59 LJP), l'appel principal est recevable.

1.2. La loi prévoit expressément que les mémoires d'appel et d'appel incident doivent comporter une motivation (art. 59 al. 2, art. 61 al. 2 et art. 62 al. 1 et 2 LJP).

Dans ce cadre et conformément à une jurisprudence constante, l'acte d'appel n'est recevable que s'il établit concrètement que la décision attaquée consacre une violation de la loi, alternativement l'appréciation arbitraire d'un point de fait (art. 292 al. 1 lit. c LPC; BERTOSSA/GAILLARD/GUYET/SCHMIDT,Commentaire sur la loi de procédure civile., n. 8 et 10 ad art. 292 LPC et n. 8 ad art. 300 LPC).

En l'occurrence, l'acte d'appel incident ne satisfait manifestement pas à ces conditions, puisque l'intimé ne formule aucune critique à l'encontre du jugement querellé. Il ne démontre pas de manière précise en quoi les premiers juges auraient violé la loi, et plus particulièrement les art. 102, 177 et 181 LPC, se contentant de reprendre les allégués et les calculs figurant dans sa demande initiale.

En conséquence, l'appel incident étant irrecevable à la forme, les questions qu'il soulève ne seront pas abordées ci-après. La Cour relèvera cependant que les prétentions de l'intimé relatives au paiement des heures supplémentaires auraient dû, quoi qu'il en soit, être écartées, n'ayant pas reçu de sa part la démonstration que la répartition du fardeau de la preuve lui imposait et qu'il n'aurait pas obtenu le paiement du délai légal de congé, puisqu'il avait quitté abruptement son emploi.

 

Il est établi et non contesté que les parties ont été liées par un contrat de travail au sens de l'art. 319 CO. La Juridiction des prud'hommes est dès lors compétente.

 

3. 3.1. Le statut des travailleurs de l’économie domestique est régi à Genève par un Contrat-type (ci-après : CTT).

Ce CTT a été élaboré en application de l'art. 359 al. 2 CO, selon lequel les cantons sont tenus d'édicter des contrats-types pour le service de maison notamment (ATF np 4C.261/1999 du 28 janvier 2000, consid. 2a). Sauf accord contraire, le contrat-type de travail s'applique directement aux rapports de travail qu'il régit (art. 360 al. 1 CO), peu importe que les parties en aient ou non eu connaissance (arrêt du Tribunal fédéral du 30 novembre 1998, in SJ 1999 I p. 161, consid. 1b). Il est donc applicable au cas d’espèce, dans sa globalité.

Les art. 342 al. 2 CO et 9 OLE obligent l'employeur - qu'il ait requis ou non un permis de travail - à verser au travailleur étranger la rémunération usuelle dans la localité pour la profession considérée. En cas de travail "au noir" ou si l'activité usuelle exercée dans la réalité n'est pas celle autorisée, le juge civil doit déterminer à titre préjudiciel le salaire usuel (ATF 122 III 110; 129 III 618 consid. 5.1; STREIFF/VON KAENEL, Arbeitsvertrag, 6e éd., Zurich 2006, n. 8 ad art. 322 CO), soit en l'occurrence celui que stipule le CTT applicable dans le temps pour les prestations en cause.

3.2.1. Selon l'art. 1 al. 1 lit. a aCTT, le contrat-type de travail pour les travailleurs de l'économie domestique à temps complet était applicable aux travailleurs de l'économie domestique âgés de plus de 18 ans et occupés à temps complet dans le canton de Genève, dans un ménage privé. Ce contrat-type prévoyait, notamment, que la durée hebdomadaire du travail était de 48 heures (art. 12 al. 1) et fixait un salaire minimum en espèces (art. 17 al. 1), étant précisé que ces deux dispositions n'étaient ni impératives, ni relativement impératives, de sorte qu'il pouvait y être dérogé par écrit tant au détriment de l'employeur que de celui du travailleur.

3.2.2. Selon l'art. 1 al. 1 du contrat-type de travail pour les travailleurs de l'économie domestique à temps partiel applicable du 1er février 2000 au 30 juin 2004 (abrogé le 30 mars 2004), étaient considérés comme travailleurs à temps partiel de l'économie domestique, les travailleuses et travailleurs, âgés de 18 ans au moins, employés régulièrement ou occasionnellement dans le canton de Genève, dans un ménage selon honoraire convenu (par exemple : à l'heure, à la demi-journée, à la journée, à la semaine, notamment comme femmes de ménage, repasseuses, cuisiniers, cuisinières). L'art. 11 al.1 de ce contrat ("Durée de travail") prévoyait que la journée de travail effectif ne devait pas dépasser 8 heures et l'art. 16 al. 1 définissait les salaires minima. Les dispositions concernant la durée de travail et les salaires minima n'étaient ni impératives ni relativement impératives et pouvaient faire l'objet d'une dérogation écrite en défaveur du travailleur (cf. art. 2 al. 1, 4, 11 et 16).

3.2.3. Les deux contrats-type de travail précités ont été remplacés, le 30 mars 2004, par le contrat-type de travail pour les travailleurs de l'économie domestique à temps complet et à temps partiel, entré en vigueur le 1er juillet 2004.

A teneur de l'art. 1 al. 2 de ce dernier contrat-type, sont considérés comme travailleurs à temps partiel de l'économie domestique, les travailleuses et travailleurs employés régulièrement ou occasionnellement dans le canton de Genève dans un ménage selon honoraire convenu (par exemple : à l'heure, à la demi-journée, à la journée, à la semaine, notamment comme femmes de ménage, repasseuses, cuisiniers, cuisinières). L'art. 12 de ce contrat prévoit que la durée de la semaine de travail pour les travailleurs à temps complet est de 46 heures (al. 1) et que la journée de travail effective pour les travailleurs à temps partiel ne doit pas dépasser 8 heures (al. 2).

3.3. Les premiers juges ont considéré, en équité, que l'intimé avait été employé à temps complet par les appelants, ce que ceux-ci contestent.

3.3.1. Selon les principes généraux, il appartient au débiteur de prouver les faits permettant de constater qu'il s'est libéré de ses obligations, soit en l'occurrence à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté du salaire dû à l'employé.

En vertu des art. 8 CC et 186 LPC, chaque partie doit, à défaut de prescriptions contraires, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. Cette répartition du fardeau de la preuve ne réglemente toutefois pas l'appréciation des preuves, qui relève de l'intime conviction du juge, auquel l'art. 8 CC n'interdit pas, lorsque les moyens de preuve ordinaires font défaut, de procéder par indices ou de se fonder une très grande vraisemblance (BERTOSSA/GAILLARD/GUYET/ SCHMIDT, op. cit., n. 1 ad art. 186 LPC et les références citées), ou encore sur l'expérience générale de la vie et du cours ordinaire des choses, sorte de présomption naturelle facilitant l'apport de la preuve (ATF 117 II 256 consid. 2b et les références). La libre appréciation des preuves permet au juge de tenir compte non seulement des preuves matérielles proprement dites, mais également de celles plus subjectives ou psychologiques telles que l'attitude des parties et des témoins, le degré de crédibilité de leurs déclarations, les difficultés rencontrées par les parties dans l'administration des preuves, etc. (SJ 1984, p. 29). Le principe de la libre appréciation des preuves n'est cependant pas la porte ouverte à l'arbitraire : bien que le juge puisse fonder sa décision sur sa libre conviction, il devra toujours la motiver (HABSCHEID, Droit judiciaire privé Suisse, p. 368 et 432).

3.3.2. En l'espèce, il n'est pas contesté que l'intimé travaillait relativement régulièrement au service des appelants; par contre, la durée et l'ampleur du travail accompli restent litigieux.

Il convient en conséquence, avant de déterminer le salaire qui lui est dû, de savoir si l'intimé travaillait à plein temps ou à temps partiel, en procédant à un examen basé sur les éléments juridiques retenus ci-dessus et au regard du contenu de la procédure et des témoignages recueillis, l'appréciation en équité de ces éléments n'étant pas soutenable en l'espèce.

S'agissant du nombre d'heures effectué au service des appelants, l'intimé n'a rien apporté d'autre que sa conviction, laquelle ne saurait permettre à elle seule de retenir qu'il travaillait à temps complet. La réponse à cette question doit, par conséquent s'appuyer sur les éléments objectifs contenus dans la procédure et sur l'expérience de la vie.

Il ressort ainsi des témoignages recueillis, bien qu'ils ne soient pas totalement convergents, que l'intimé effectuait des tâches précises, limitées à la réparation de certains meubles, au nettoyage des terrasses, de la piscine et des voitures, sans intervention significative sur le lieu de travail des appelants. Aucun élément du dossier ne permet de retenir le caractère récurrent de ces tâches d'entretien et il n'apparaît en tout cas pas qu'elles aient été demandées quotidiennement par l'employeur. Au surplus, certaines d'entre elles étaient aussi effectuées par d'autres personnes, tels que le jardinier ou les chauffeurs pour l'entretien de la terrasse, de la piscine ou des voitures. L'examen précis des tâches conférées à l'intimé, et donc du temps qu'il leur consacrait, doit également prendre en considération le fait que les appelants bénéficiaient d'un important personnel de maison, comprenant quatre employés en sus des deux chauffeurs et du jardinier professionnel, présent chaque semaine (cf. déclaration C_____), comme mentionné ci-dessus. Il ressort de ces observations que l'intimé n'avait pas d'autres tâches à effectuer que celles décrites ci-dessus et que le temps de travail qu'elles devaient générer ne justifiaient certainement pas un emploi à plein temps, au regard de l'expérience générale de la vie et du cours ordinaire des choses.

Il sera en conséquence retenu que l'intimé travaillait à temps partiel, ce que confirme la déclaration du témoin D_____, qui devait téléphoner à plusieurs reprises à l'intimé, sur demande des appelants, en raison de son absence de son lieu de travail et des horaires qu'il décrit.

3.4.1. Cela étant posé, il sied de déterminer la quantité d'heures effectuée par l'intimé. En l'absence de preuves rapportées par ce dernier, la Cour retiendra, au vu des déclarations des parties et des témoins, en fixant des valeurs moyennes, que l'intimé a travaillé, d'octobre à décembre 2003, de 8 heures à 17 heures, avec une heure de pause, du lundi au vendredi, et 4 heures le samedi, soit 44 heures par semaine. Cette durée ne saurait être augmentée du temps pendant lequel, au début, l'intimé attendait son amie en restant au domicile des appelants, correspondant vraisemblablement aux soirs où il restait au-delà de 17h00. Ensuite, selon notamment le témoignage du chauffeur D_____, dont l'horaire s'étendait de 9 heures à 18 heures et qui n'a jamais vu l'intimé être là lorsqu'il arrivait ou être encore là quand il partait, on peut retenir, toujours sur une base moyenne, un temps de présence dès 9h30 le matin et jusqu'à 17 heures le soir, heure qui résulte également de l'audition du jardinier, qui n'a vu, sur toute la période en cause, qu'une ou deux fois l'intimé être encore là à 17h30, avec une heure de pause à midi, l'activité annexe dans un restaurant supposée par les appelants n'ayant pas été démontrée. Il en résulte un temps de travail moyen de 6 heures 30 durant cinq jours, auquel il convient d'ajouter un temps de travail de 4 heures le samedi, soit 36,5 heures par semaine.

3.4.2.1. Le temps de travail déterminé ci-dessus, caractéristique d'un engagement à temps partiel, nécessite le calcul des montants dus, desquels seront retranchés les montants versés, dont la somme n'est pas contestée.

3.4.2.2. La rémunération minimale des employés domestiques sans qualification dès 18 ans ayant évolué dans le temps, il convient, compte tenu de la durée d'emploi de l'intimé, de rappeler la progression attachée à l'application de l'art. 18 CTT (anciennement 17), qui règle cette question.

Ainsi, selon le CTT du 18 janvier 2000, applicable du 1er février 2000 au 30 juin 2004, la rémunération horaire s'élevait à fr. 17.80 (aCTT, J 1 50.06), alors que, selon le CTT suivant, elle fut portée à fr. 18.45 (CTT, J 1 50.03).

3.4.2.3. La rémunération de l'intimé est donc la suivante.

- Du 1er octobre au 31 décembre 2003, l'intimé accomplissait 44 heures hebdomadaires, qui lui donnent droit à un salaire mensuel de fr. 3'391.25 (17.80 x 4,33 x 44), dont il faut déduire les montants versés, soit fr. 700.- à titre de salaire et fr. 270.- à titre du repas de midi, représentant, sur ladite période, un montant de fr.7'263.75 ((3'391.25-970.-)*3).

- Du 1er janvier au 30 juin 2004, l'intimé accomplissait 36,5 heures chaque semaine, ce qui représente un salaire mensuel de fr. 2'813.20 (17.80 x 4,33 x 36,5), dont il faut déduire fr. 970.-, pour les trois premiers mois et fr. 1'310.- pour les trois autres. L'intimé avait donc droit, du 1er janvier au 30 juin 2004 à
fr. 11'059.20 (16'879.20-[2'910+3'930]).

- Dès juillet 2004 et jusqu'au 31 mars 2006, l'intimé avait droit à un salaire mensuel de fr. 2'915.95 (18.45 x 4,33 x 36,5), alors qu'il recevait, à titre de salaire et de repas de midi, fr. 1'310.-, de sorte que ses prétentions mensuelles pour cette période s'élèvent à fr. 1'605.95, soit pour toute la période considérée, fr. 36'936.85 (1605.95 x 23).

Le total des prétentions de l'intimé sera donc arrêté à fr. 55'259.80, y compris les vacances (cf. 4.3 ci-dessous).

4. Les appelants soutiennent contrairement à l'avis des premiers juges, que l'intimé a pu bénéficier de ses vacances.

4.1. La loi réglemente les vacances comme un droit contractuel du travailleur à une prestation de la part de l’employeur, et non comme une simple restriction des prestations dues par le travailleur. Il appartient dès lors au travailleur de prouver l’existence d’une obligation contractuelle de l’employeur de lui accorder des vacances et la naissance de cette obligation du fait de la durée des rapports de travail. Il incombe en revanche à l’employeur, débiteur des vacances, de prouver que le travailleur a bénéficié des vacances auxquelles il avait droit (ATF 128 III 271, consid. 2a = JdT 2003 I, p. 606 ; ATF du 15 septembre 1999 en la cause 4C.230/1999, consid. 4; AUBERT, in Code des obligations I, Commentaire romand, 2003, § 7 ad art. 329a CO, p. 1736).

Lorsque le nombre de jours pris ne peut pas être établi avec une absolue certitude, le juge peut faire application analogique de l’article 42 al. 2 CO (ATF 128 III 271, consid. 2b = JdT 2003 I, p. 606).

4.2. En l'espèce, l'un des appelants à décrit avec suffisamment de précision les circonstances dans lesquelles l'intimé prenait des jours de congé ou des vacances, alléguant notamment un départ en Espagne. Le fait que l'intimé ne disposait pas de papiers ne permet pas d'inférer une impossibilité de déplacement, puisqu'il est venu en Suisse en en étant dépourvu. Par ailleurs, les affirmations des appelants ont été confirmées par le témoin D_____. En conséquence, il apparaît que l'intimé a pu bénéficier de l'intégralité de ses vacances et il sera débouté des prétentions élevées de ce chef.

4.3. A teneur de l'art. 24a al.4 CTT, le travailleur à temps partiel a droit pendant les vacances à 8,33% du salaire brut réalisé au cours des douze derniers mois pour les travailleurs qui ont droit à 4 semaines de vacances, ce qui est le cas de l'intimé.

Il appert toutefois du dossier que les dates des vacances sont incertaines, ce qui rend difficile le calcul des indemnités adéquates, compte tenu notamment de l'évolution des gains de l'intimé. Dans ces circonstances, le montant de l'indemnité étant peu ou prou identique au montant du salaire, la Cour considérera, ex aequo et bono, que les prétentions arrêtées ci-dessus, qui concernent l'intégralité de la période de travail, couvrent également les vacances.

5. Les appelants soutiennent que la mise à leur charge des frais de justice en application de l'art. 76 LJP est arbitraire.

A teneur de cette disposition, le juge peut mettre les dépens et les frais de justice à la charge de la partie qui plaide de manière téméraire.

Toutefois, le juge peut mettre les dépens et les frais de justice à la charge de la partie qui plaide de manière téméraire (art. 76 al. 1er in medio LJP). La témérité sous-entend que la démarche du plaideur est dénuée de toute chance de succès ou qu’une partie se comporte de manière inadmissible pendant la procédure, en recourant à des mesures dilatoires, ou en n’invoquant certains moyens qu’en fin de procédure (cf. également l’art. 40 LPC). Si une demande n’a pratiquement aucune chance d’aboutir, elle n’est pas encore téméraire (Mémorial 1990, p. 2943).

Selon l'art. 40 let. a LPC, est condamné à l'amende la partie qui, pour fonder sa demande ou sa défense a recours à des allégations inexactes, à des imputation calomnieuses ou à tout autre moyen de mauvaise foi. Le devoir de loyauté impose en particulier aux parties de renoncer au mensonge et un exposé contraire à la vérité peut être sanctionné. La disposition légale précitée vise par ailleurs tout allégué attentatoire à l'honneur au sens des art. 173, 174 ou 177 du Code pénal. Le juge devra toutefois faire preuve de réserve et tenir compte des nécessités du débat judiciaire et des réactions qu'il entraîne. Ainsi les parties ne sauraient être empêchées d'invoquer la faute, le comportement illicite ou la mauvaise foi de leur adversaire, lorsque ces allégués sont nécessaires au fondement de leur action ou de leur défense (BERTOSSA/GAILLARD/GUYET/SCHMIDT, op. cit., n. 2 et 3 ad art. 42 LPC et n. 2 ad art. 40 LPC).

A l'instar du Tribunal, la Cour constate que l'un des appelants a nié une quelconque intervention de police à son domicile. Or la procédure pénale, versée a posteriori au dossier, a démontré le contraire. En occultant sciemment cet élément, les appelants ont vainement tenté de minimiser la gravité de la situation, stratégie qui doit être considérée comme inadmissible. D'autre part, les absences répétées du couple aux audiences et leur représentation par un de leurs fils, incapable de fournir les précisions requises par le Tribunal, ne sont pas compatibles avec les exigences tirées du principe de la bonne foi.

Au vue de ce qui précède, il ne saurait être reproché au Tribunal d'avoir fait application de l'art. 76 al.1 LJP.

6. Les appelants contestent devoir s'acquitter des frais sur opposition, puisque celle-ci a été déclarée recevable par le Tribunal.

6.1. A teneur de l'art. 35 LJP, si le défendeur régulièrement cité ne comparaît à l'audience, sans que son absence soit justifiée, défaut est prononcé contre lui et le demandeur présent obtient ses conclusions sauf si le tribunal n'est pas compétent ou si les conclusions ne sont pas fondées sur les faits articulés ou les pièces produites. Cette décision fait l'objet d'un jugement notifié aux parties (al. 2).

L'art. 37 LJP prévoit quant à lui que tout jugement rendu par défaut peut être frappé d'opposition dans les quinze jours dès sa notification (al. 1). Si le défaillant est absent ou domicilié hors du canton, le tribunal peut fixer, dans le jugement par défaut, un délai plus long pour l'opposition (al. 2). L'opposition est formée par une écriture motivée déposée au greffe en autant de copies qu'il y a de parties. Si tel n'est pas le cas, les copies manquantes sont dressées aux frais de l'opposant. L'écriture contient la justification du défaut, les arguments et conclusions au fond ainsi que l'indication des moyens de droit. Elle est accompagnée de toutes les pièces utiles (al. 4). En principe, le tribunal met à la charge de l’opposant qui ne justifie pas d’un motif d’absence valable tout ou partie des frais d’audience causés par son défaut, même s’il obtient gain de cause sur le fond (al. 7).

L’absence de motifs valables d’opposition n’a pas pour conséquence l’irrecevabilité de l’opposition, mais la prise en charge par l’opposant de tout ou partie des frais d’audience causés par son défaut.

6.2. En l'espèce, les appelants ont justifié leur absence à l'audience du 26 octobre 2006 par le fait que les convocations avaient été remises à leur cuisinier, qui ne les avait pas fait suivre.

A l'instar du Tribunal, la Cour considère que ces faits ne constituent pas une excuse légitime, étant la conséquence d'une négligence de leur part. En effet, il leur appartenait de prendre les mesures adéquates pour réceptionner le courrier en leur absence, compte tenu notamment du nombre d'employés non francophones à leur service.

Le jugement doit donc être confirmé sur ce point.

 

7. La valeur litigieuse étant supérieure à fr. 30'000.-, un émolument doit être perçu. Chaque partie succombant, partiellement ou totalement, dans son appel l'émolument versé par les appelants restera dès lors acquis à l'Etat.

Les particularités du cas d’espèce n’impliquent pas de déroger à la règle selon laquelle chaque partie prend en charge ses dépens devant les prud’hommes.

 

 

 

PAR CES MOTIFS

La Cour d'appel des prud'hommes, groupe 5,

 

A la forme :

 

1. déclare recevable l'appel principal formé par E1_____ et E2_____ contre le jugement du Tribunal des prud'hommes du 7 décembre 2007 dans la cause C/16947/2006-5;

 

2. déclare irrecevable l'appel incident formé par T_____ contre le jugement du Tribunal des prud'hommes du 7 décembre 2007 dans la cause C/16947/2006-5;

 

Au fond :

 

3. annule ledit jugement;

 

Puis statuant à nouveau :

 

4. condamne E1_____ et E2_____ à payer à T_____ la somme brute de fr. 55'259.80 (cinquante-cinq mille deux cent cinquante-neuf francs et quatre-vingt centimes) avec intérêts à 5% l'an dès le 1er avril 2006;

 

confirme pour le surplus le jugement;


 

6. dit que l'émolument versé par E1_____ et E2_____ restera acquis à l'Etat de Genève ;

 

7. déboute les parties de toute autre conclusion.

 

 

 

 

Le greffier de juridiction Le président