Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des baux et loyers

1 resultats
C/8307/2021

ACJC/744/2025 du 05.06.2025 sur JTBL/868/2024 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8307/2021 ACJC/744/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU JEUDI 5 JUIN 2025

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [VD], Madame B______, domiciliée ______ [GE] et C______ SARL, sise ______ [GE], appelantes d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 6 septembre 2024, représentées par
Me Michael RUDERMANN, avocat, cours des Bastions 4, 1205 Genève,

et

FONDATION DE PLACEMENTS IMMOBILIERS D______, sise ______ [ZH], intimée, représentée par Me Pascal MARTI, avocat, rue Jean-Sénébier 20,
1205 Genève,

Madame E______, domiciliée ______ [GE], et Madame F______, domiciliée ______ [GE], autres intimées, représentées par Me Swan MONBARON, avocat, rue du Purgatoire 1, 1204 Genève.

 


EN FAIT

A. a. Par jugement JTBL/868/2024 du 6 septembre 2024, notifié à B______, A______ et C______ SARL le 17 septembre 2024, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a déclaré inefficace le congé notifié le 12 juin 2018 par F______ et E______ à la FONDATION DE PLACEMENTS IMMOBILIERS D______ concernant l'arcade de 202 m2 au 5ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève ainsi que la place de parking située au sous-sol du même immeuble (ch. 1 du dispositif), déclaré efficaces les congés notifiés le 23 mai 2018 pour le 30 juin 2018 par la FONDATION DE PLACEMENTS IMMOBILIERS D______ à F______ et E______ (ch. 2), condamné B______, A______, C______ SARL, F______ et E______, conjointement et solidairement, à verser à la FONDATION DE PLACEMENTS IMMOBILIERS D______ 89'853 fr. 50 avec intérêts à 5% dès le 15 octobre 2018 (ch. 3), condamné F______ et E______, conjointement et solidairement, à rembourser à B______, A______ et/ou C______ SARL tout montant que l'une et/ou l'autre d'entre elles seraient amenées à verser à la FONDATION DE PLACEMENTS IMMOBILIERS D______ selon le chiffre 3 (ch. 4), condamné F______ et E______, conjointement et solidairement, à verser à la FONDATION DE PLACEMENTS IMMOBILIERS D______ les sommes de 92'752 fr. avec intérêts à 5% dès le 15 février 2020, 28'498 fr. 60 avec intérêts à 5% dès le 21 mai 2021 et 27'786 fr. avec intérêts à 5% dès le 5 janvier 2021 (ch. 5), écarté les oppositions formées aux commandements de payer, poursuites n° 2______ et 3______, à concurrence de 30'312 fr., plus intérêts (ch. 6), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7) et dit que la procédure était gratuite (ch. 8).

b. Par jugement JTBL/921/2024 du 20 septembre 2024, reçu par les parties le 26 septembre 2024, le Tribunal a rejeté la requête de rectification de ce jugement formée par B______, A______ et C______ SARL, débouté les parties de toutes autres conclusions et dit que la procédure était gratuite.

B. a. Le 16 octobre 2024, B______, A______ et C______ SARL (ci-après également : les "anciennes locataires" ou les "appelantes"), ont formé appel contre les chiffres 3 et 4 du dispositif du jugement du 6 septembre 2024, concluant principalement à ce que la Cour de justice annule le chiffre 3 précité en tant qu'il les condamne à verser 89'833 fr. 50 plus intérêts à la FONDATION DE PLACEMENTS IMMOBILIERS D______ (ci-après également : "la bailleresse" ou "l'intimée"), déboute celle-ci de toutes ses conclusions à leur encontre, et annule le chiffre 4 du dispositif du jugement querellé. Subsidiairement, elles ont conclu à ce que la Cour de justice les condamne à verser 29'229 fr. 50 avec intérêts à 5% l'an dès le 15 octobre 2018 à la bailleresse.

b. Le 18 novembre 2024, cette dernière a conclu à la confirmation du jugement querellé.

c. F______ et E______ (ci-après également : les "nouvelles locataires" ou les "intimées") s'en sont rapportées à justice sur le sort de l'appel.

d. Les parties ont répliqué, dupliqué et déposé des écritures spontanées dans les délais légaux.

e. Elles ont été informées le 16 avril 2025 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a.a Le 6 novembre 2008, la bailleresse et les anciennes locataires ont conclu un contrat de bail portant sur la location d'une arcade sise rue 1______ no. ______ à Genève et d'une place de parking.

Les locaux étaient destinés à l'exploitation d'un hammam à l'enseigne "C______". Les anciennes locataires reprenaient l'exploitation de l'établissement "G______", avec l'ensemble des installations, dont notamment le hammam et les fontaines d'eau.

Selon l'article 4 du contrat de bail, elles s'engageaient à reprendre les installations existantes, à les entretenir et en assumer les frais d'exploitation, pendant la durée du contrat.

Le loyer de l'arcade était échelonné et a été fixé pour le dernier échelon à 67'200 fr. par année, hors charges, et celui de la place de parking à 2'040 fr. par année.

Le bail a été conclu pour une durée de 5 ans, du 1er décembre 2008 au 30 novembre 2013, avec option de renouvellement pour une durée de 5 ans, jusqu'au 30 novembre 2018.

A l'expiration du bail, les anciennes locataires s'engageaient à restituer la surface louée et ses annexes vides, nettoyées et en bon état, l'usure normale étant réservée.

a.b Le contrat de bail du 6 novembre 2008 prévoyait le versement par les anciennes locataires d'une garantie de loyer de 33'600 fr.

Par avenant n° 1 du 8 juin 2009, cette garantie a été réduite à 22'400 fr.

La société [de cautionnement] H______ SARL s'est portée garante du versement de ce montant pour le compte des anciennes locataires. Cette société a cependant été déclarée en faillite le ______ 2009 et radiée du Registre du commerce le ______ 2010. Cette garantie n'existe dès lors plus depuis de nombreuses années.

b.a Par avenant n° 2 du 14 décembre 2010, le loyer mensuel net de l'arcade a été fixé à 5'300 fr., indexé à 100% à l'ISPC, dès le 1er décembre 2010.

b.b Par avenant n° 3 du 25 novembre 2013, les parties sont convenues de reporter la fin du bail au 30 novembre 2014 et d'octroyer aux anciennes locataires une option de renouvellement de 5 ans du 1er décembre 2014 au 30 novembre 2019.

b.c Par avenant n° 4 du 11 juillet 2014, les parties sont convenues que le contrat de bail se renouvelait pour une nouvelle période de 5 ans, du 1er décembre 2014 au 30 novembre 2019 (terme fixe), le bail prenant automatiquement fin au 30 novembre 2019.

c. Le 20 juin 2017, la bailleresse, les anciennes locataires, agissant en tant que "locataires transférants", et F______ (qui s'appelait à l'époque [F______]) et E______, agissant en tant que "locataires repreneurs", ont signé un document intitulé "avenant n° 5, transfert de bail".

Selon ce document, les anciennes locataires souhaitaient cesser leur activité au sein de l'arcade et transférer leurs droits et obligations aux nouvelles locataires. Dès le 15 juin 2017, l'ensemble de leurs droits et obligations liés au contrat de bail du 6 novembre 2009 et de ses quatre avenants était repris par les locataires repreneurs, solidairement responsables.

Cet avenant précisait que "conformément aux dispositions de l'art. 263 al. 4 du CO, les locataires transférants, C______ Sàrl et Mesdames B______ et A______, répondent solidairement avec les locataires repreneurs de tous les droits et obligations découlant des baux susmentionnés et ceci jusqu'au 15 juin 2019".

L'avenant prévoyait qu'au vu du transfert, les parties convenaient d'un nouveau loyer, dès le 1er juin 2017, de 58'584 fr. par an, hors charges, pour l'arcade, à savoir un loyer mensuel de 4'882 fr., auquel s'ajoutait un acompte de charges de 45 fr. par mois et le loyer de la place de parking de 170 fr. par mois.

En outre, à l'échéance du bail au 30 novembre 2019, une option de renouvellement de 5 ans pouvait être exercée par les locataires repreneurs.

Finalement, il était prévu que la garantie de loyer de 30'312 fr. était reprise par les locataires repreneurs qui devaient en constituer une complémentaire de 30'312 fr., ce qu'elles ont fait.

Il n'est pas contesté que, au moment de la signature de cet avenant n° 5, la bailleresse ignorait que la société H______ SARL avait fait faillite et que la garantie des anciennes locataires n'existait plus.

d. Parallèlement à la signature de l'avenant n° 5, F______ et E______ ont signé avec C______ SARL, représentée par B______ et A______, un document intitulé "Contrat de vente du fonds de commerce", lequel prévoyait que la seconde vendait aux premières son fonds de commerce "Centre de soins C______", avec effet au 15 juin 2017.

Le prix de vente de 130'000 fr. couvrait la clientèle existante, tous les équipements et le mobilier.

Le vendeur garantissait que les installations et le matériel se trouvant dans le commerce cédé étaient en bon état de fonctionnement (art. 2).

L'article 10 du contrat précisait que le transfert de bail impliquait pour le vendeur un engagement solidaire pour les 24 mois qui suivaient la date de reprise et que dès lors l'acquéreur s'engageait à payer le loyer avec la plus grande ponctualité. En cas de retard de plus de 60 jours dans le paiement du loyer, le vendeur était en droit de réclamer à l'acquéreur le règlement immédiat des arriérés ou, à défaut, la remise des clefs de l'institut dont la vente pouvait être invalidée.

Ce contrat a été rédigé par I______, courtier mandaté par les anciennes locataires pour la vente de leur fonds de commerce. Entendu par le Tribunal dans une cause parallèle, celui-ci a expliqué que l'une des propriétaires de C______ SARL gérait plusieurs fonds de commerce et était débordée de travail, de sorte qu'elle souhaitait se séparer de l'un deux, raison pour laquelle elle l'avait mandaté pour trouver un acquéreur pour le centre de soins litigieux (chargé III appelantes, pièce V, PV du 27 juin 2022 p. 6).

e. Les anciennes locataires ont exploité le centre de soins jusqu'à la reprise des locaux par les nouvelles locataires le 15 juin 2017.

f. Par ailleurs, dès 2008, les installations du centre de soins ont subi des pannes et provoqué des infiltrations d'eau dans un local technique situé au 4ème étage. Les anciennes locataires ont fait effectuer différents travaux pour remédier à ces problèmes, avant la vente du fonds de commerce. Après la vente, de nouvelles infiltrations d'eau se sont produites.

Ces défauts ont donné lieu à un litige entre les parties à la présente cause.

Les nouvelles locataires ont notamment cessé de payer le loyer, au motif qu'elles estimaient avoir à l'encontre de la bailleresse une créance en réparation des défauts.

g. Le 10 avril 2018, la bailleresse a mis en demeure les nouvelles locataires de s'acquitter de l'arriéré de loyer au 11 avril 2018 s'élevant à 11'644 fr., dans un délai de 30 jours, sous menace de résiliation du bail.

h. Par courrier du 18 avril 2018, la bailleresse a informé les anciennes locataires de ce qui précède, leur rappelant qu'aux termes de l'avenant n° 5 et du transfert de bail, elles répondaient solidairement des droits et obligations découlant des baux jusqu'au 15 juin 2019. Elle ajoutait que les infiltrations d'eau provenant du hammam avaient causé des dégâts aux locaux loués et qu'elle réservait tous ses droits envers elles, compte tenu de la solidarité découlant de l'art. 263 al. 4 CO.

i. Aucun paiement de la part des nouvelles locataires n'étant intervenu dans le délai imparti, la bailleresse a résilié le bail le 23 mai 2018, pour le 30 juin 2018.

j. Le 12 juin 2018, les nouvelles locataires ont résolu le contrat portant sur la vente du fonds de commerce, au motif que le coût de réparation des défauts était plus élevé que le prix de vente, défauts que les anciennes locataires ne pouvaient ignorer et dont elles avaient volontairement dissimulé l'existence.

Le même jour, elles ont résilié avec effet immédiat le contrat de bail au motif que les locaux ne pouvaient plus être exploités conformément à leur destination.

Elles ont cessé l'exploitation des locaux le 23 juin 2018. Elles ont cependant laissé sur place tout le mobilier et les installations du centre de soins.

k. Le 4 juin 2020, la bailleresse a déposé une requête en évacuation des nouvelles locataires par la voie de la protection pour les cas clairs.

Lors de l'audience du 22 juillet 2020, le Tribunal a donné acte à ces dernières de leur acquiescement à l'évacuation.

l. Les locaux ont été vidés entre le 6 et le 8 octobre 2020 par les soins de l'huissier judiciaire mandaté par la bailleresse.

m. Des commandements de payer en réalisation de gage, poursuites n° 2______ et 3______, ont été notifiés à F______ et E______ en date des 24 et 28 août 2020 pour 168'113 fr. avec intérêts à 5% dès le 15 mai 2019, au titre de créances de loyers du 1er mars 2018 au 31 juillet 2020. Oppositions y ont été faites.

n. Le 11 novembre 2020, les nouvelles locataires ont déposé à l'encontre des anciennes locataires une demande en paiement, réclamant notamment la restitution du prix de vente du fonds de commerce.

Par jugement JTPI/14987/2022 du 14 décembre 2022, le Tribunal de première instance les a déboutées de leurs conclusions. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour de justice ACJC/1590/2023 du 27 novembre 2023. La Cour a notamment retenu qu'il ne pouvait être reproché aux anciennes locataires de ne pas avoir averti F______ et E______ des problèmes d'infiltrations d'eau car, au vu des conclusions des différents rapports d'intervention des sociétés mandatées, la cause de celles-ci était l'état des joints qui avaient été refaits à plusieurs reprises, la dernière fois en mai 2017 soit peu de temps avant la remise du fonds de commerce. En outre, après cette réfection, les anciennes locataires avaient continué à exploiter le hammam jusqu'à la remise des locaux en juin 2017 et aucune nouvelle infiltration n'avait eu lieu. Finalement, c'était l'utilisation que faisaient les nouvelles locataires du hammam qui avait causé des infiltrations sans aucune mesure avec les anciennes infiltrations, à savoir qu'elles lavaient le hammam avec un jet d'eau. Avant cette utilisation, les infiltrations étaient minimes et tolérées par la bailleresse.

o. Les nouvelles locataires ont également porté plainte pénale à l'encontre des anciennes locataires pour escroquerie.

Le 19 octobre 2023, le Ministère public a classé la procédure. Par arrêt ACPR/123/2024 du 19 février 2024, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice a rejeté le recours déposé contre cette ordonnance. Le recours formé contre cet arrêt au Tribunal fédéral a été déclaré irrecevable le 22 avril 2024 (arrêt du Tribunal Fédéral 7B_360/2024).

Les instances pénales ont retenu que les infiltrations d'eau survenues après le transfert de bail étaient sans commune mesure avec celles précédemment constatées, lesquelles pouvaient être considérées comme un défaut mineur, la régie elle-même étant disposée à les tolérer. En outre, les infiltrations de 2014 et 2016 avaient été imputées par les entreprises intervenues à des joints défectueux, joints qui avaient été refaits par les anciennes locataires avant le transfert. Dès lors, ces dernières pouvaient légitimement considérer que le problème avait été réglé.

D. a. Par requête déposée le 29 avril 2021 par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers et demande introduite en temps utile devant le Tribunal, la bailleresse a conclu à ce que celui-ci constate l'inefficacité de la résiliation de bail signifiée par les nouvelles locataires le 12 juin 2018, condamne solidairement les nouvelles et anciennes locataires à lui verser, intérêts en sus, 23'188 fr. à titre d'arriérés de loyers et 66'665 fr. 50 à titre d'indemnités pour occupation illicite, condamne les nouvelles locataires à lui verser solidairement, intérêts en sus, 92'752 fr. à titre d'indemnités pour occupation illicite, 6'278 fr. 45 et 22'220 fr. 15 à titre de dommages supplémentaires au sens de l'article 106 CO et 31'883 fr. 50 à titre d'indemnités jusqu'à la relocation des locaux au 1er avril 2021, et prononce la mainlevée des oppositions formées aux commandements de payer notifiés aux nouvelles locataires.

b. Les anciennes locataires ont conclu, principalement, à ce que le Tribunal déboute la bailleresse de ses conclusions. Subsidiairement, elle ont conclu à ce qu'il limite leur responsabilité solidaire à 29'229 fr. 50 et condamne les nouvelles locataires à leur rembourser tous les montants qu'elles seraient tenues de verser à la bailleresse.

c. Les nouvelles locataires ont conclu, principalement, au déboutement de la bailleresse de toutes ses conclusions.

d. Les parties ont persisté dans leurs conclusions dans leurs plaidoiries finales écrites.

La cause a été gardée à juger par le Tribunal le 5 juin 2024.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel, formé dans les délais et forme légaux, contre une décision finale rendue dans une affaire patrimoniale avec une valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr. est recevable (art. 308 et 311 CPC).

1.2 L’appel peut être formé pour violation du droit ou constatation inexacte des faits (art. 310 CPC).

L'instance d'appel dispose d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit. En particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus. Il incombe toutefois à l'appelant de motiver son appel (art. 311 al. 1 CPC) (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2. Le Tribunal a considéré, sur l'un des deux points encore litigieux à ce stade, que la question de savoir si l'avenant n° 5 au contrat de bail devait être qualifié de transfert de bail, de nouveau contrat de bail ou de transfert de bail suivi de la conclusion d'un nouveau contrat pouvait demeurer indécise. La volonté des appelantes d'être solidairement responsables aux côtés des nouvelles locataires de tous les droits et obligations découlant des baux jusqu'au 15 juin 2019 était clairement mentionnée dans l'avenant, ce avec quoi les autres parties étaient d'accord. Cette solidarité avait été confirmée par l'intimée dans un courrier du 18 avril 2018 qui n'avait pas suscité de réaction de la part des appelantes. La vente du fonds de commerce prévoyait également la responsabilité solidaire de celles-ci jusqu'au 15 juin 2019. Les appelantes devaient dès lors être condamnées solidairement a paiement des arriérés de loyer et indemnités pour occupation illicite jusqu'au 15 juin 2019 en 89'853 fr. 50, intérêts en sus.

Les appelantes font valoir que le bail initial avait été transféré aux nouvelles locataires dans un premier temps, puis "modifié" entre celles-ci et l'intimée qui avaient conclu un nouveau contrat à de nouvelles conditions, puisque le montant du loyer avait été diminué, les garanties financières augmentées et la durée du bail prolongée. La conclusion d'un nouveau bail excluait leur responsabilité solidaire prévue par l'art. 263 al. 4 CO. Les conditions légales pour admettre un engagement solidaire indépendant de leur part au sens de l'art. 143 al. 1 CO n'étaient par ailleurs pas réalisées, ce d'autant plus qu'elles ne connaissaient pas bien la signification du vocabulaire juridique utilisé dans le contrat de bail qu'elles avaient signé. Elles n'avaient de plus aucun intérêt direct à accepter un tel engagement solidaire. Deux des appelantes étant des personnes physiques, cet engagement aurait dû prendre la forme d'un cautionnement solidaire conclu en la forme authentique, laquelle n'avait pas été respectée, ce qui entraînait sa nullité. De plus, le montant total dû par la caution aurait dû être indiqué dans l'acte, ce qui n'était pas le cas. Les prétentions financières de l'intimée à leur encontre devaient dès lors être rejetées.

2.1.1 Le contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté (art. 1 al. 1 CO). Cette manifestation peut être expresse ou tacite (art. 1 al. 2 CO).

Si les parties se sont mises d'accord sur tous les points essentiels, le contrat est réputé conclu, alors même que des points secondaires ont été réservés (art. 2 al. 1 CO).

A teneur de l'art. 18 al. 1 CO, pour apprécier la forme et les clauses d'un contrat, il y a lieu de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention.

Le juge doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices; si elle aboutit, cette démarche conduit à une constatation de fait. S'il ne parvient pas à déterminer cette volonté, ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté manifestée par l'autre - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves - il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective). Le juge doit rechercher, par l'interprétation selon la théorie de la confiance, quel sens les parties pouvaient ou devaient donner, de bonne foi, à leurs manifestations de volonté réciproques (principe de la confiance); il s'agit d'une question de droit. Le principe de la confiance permet ainsi d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même s'il ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 142 III 671 consid. 3.3; 140 III 134 consid. 3.2; 136 III 186 consid. 3.2.1;
135 III 295 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_290/2017 du 12 mars 2018 consid. 5.1).

2.1.2 Selon l'art. 263 al. 1 CO, le locataire d’un local commercial peut transférer son bail à un tiers avec le consentement écrit du bailleur. Le bailleur ne peut refuser son consentement que pour de justes motifs (al. 2). Si le bailleur donne son consentement, le tiers est subrogé au locataire (al. 3). Le locataire est libéré de ses obligations envers le bailleur. Il répond toutefois solidairement avec le tiers jusqu’à l’expiration de la durée du bail ou la résiliation de celui-ci selon le contrat ou la loi mais, dans tous les cas, pour deux ans au plus (al. 4).

Cette norme vise à faciliter la remise de commerce, convention, en règle générale de vente mobilière, dont dépend d’ordinaire le transfert de bail (Lachat/Bohnet, Commentaire romand, Code des Obligations I, 2021, n. 2 ad art. 263 CO).

Lorsque le bailleur consent au transfert, le bénéficiaire est subrogé aux droits du transférant. Il prend sa place dans le contrat au jour où le bailleur donne son consentement. Pour que les sûretés au sens de l'art. 257e CO constituées par le transférant garantissent le bénéficiaire du transfert, la banque doit y consentir; d’où en pratique la constitution de nouvelles sûretés par le bénéficiaire du transfert et la libération de celles constituées par le transférant (Lachat/Bohnet, op. cit., n. 8 ad art. 263 CO).

Avec le transfert du bail, le transférant perd ses droits vis-à-vis du bailleur, mais il reste solidairement responsable, au sens des art. 143 à 149 CO, des obligations découlant du contrat jusqu’à son échéance, mais au plus tard durant deux ans, à dater du jour où le bailleur donne son consentement. De ce chef, le transférant répond non seulement du paiement du loyer, mais de toutes les autres obligations découlant du bail : remise en état de la chose louée (art. 267 CO) ou paiement d’indemnités pour occupation illicite des locaux suite à une résiliation anticipée du contrat consécutive à la demeure (art. 257d al. 2 CO) du bénéficiaire du transfert (Lachat/Bohnet, op. cit., n. 9 ad art. 263 CO).

L'article 263 CO limite la liberté contractuelle du bailleur en faveur du locataire de locaux commerciaux. Le locataire a un intérêt à imposer au bailleur un nouveau locataire déterminé dans le cas où, en plus du bail, il veut aussi faire reprendre le commerce avec une plus-value qu'il a conférée à la chose louée, par exemple, sa clientèle. Dans un tel cas, il peut imposer au bailleur, même contre sa volonté, la substitution d'un tiers déterminé (arrêt du Tribunal fédéral 4A_453/2022 du 29 août 2023 consid. 4.1.3).

Étant donné que le bailleur n'est pas libre de s'opposer au transfert du contrat, l'article 263 al. 4, 2ème phr., CO prévoit en contrepartie que le locataire initial répond solidairement avec le locataire reprenant pendant une certaine durée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_453/2022 du 29 août 2023 consid. 4.1.3). Il s'agit d'une responsabilité solidaire au sens de art. 143 ss CO entre le locataire reprenant et le locataire sortant (ATF 140 III 344 consid. 5).

2.1.3 L’engagement solidaire au sens de l'art. 143 CO, duquel l’on rapprochera la reprise cumulative de dette, fait naître à charge du débiteur une obligation indépendante et principale. Le créancier peut s’en prendre à l’un ou à l’autre des débiteurs. Le reprenant devient directement et personnellement le débiteur de la dette; il s’oblige comme un débiteur et non seulement pour un débiteur. L’obligation n’est pas accessoire (bien qu’elle dépende de l’existence de la dette d’origine), mais principale. A la différence du cautionnement, la reprise cumulative de dette n’est soumise à aucune forme (Meier, Commentaire romand, Code des obligations I, 2021, n. 32 intro ad art. 492-512 CO).

En cas de doute quant à l’engagement voulu par les parties, il appartient au juge d’examiner si les situations juridiques qui présentent des caractéristiques semblables au cautionnement doivent lui être rattachées ou non. Lorsque les termes de l’accord laissent planer un doute, il faudra rechercher le but économique et juridique visé et comment il serait le mieux réalisé. L’on optera pour l’engagement solidaire ou la reprise cumulative de dette lorsque le débiteur reprenant a un intérêt propre et marqué, immédiat et matériel à l’exécution de l’obligation ou qu’il en retire un avantage. Si le doute devait subsister, l’on tranchera en faveur du cautionnement, que le législateur a soumis à des prescriptions plus rigoureuses pour éviter des engagements inconsidérés (Meier, op. cit., n. 33 intro. ad art. 492-512 CO).

2.2 En l'espèce, l'avenant n° 5 au bail principal a été qualifié par les parties de transfert de bail et la transaction exécutée par celles-ci correspond en tous points à cette opération, telle que prévue par l'art. 263 CO. Le contrat est clair et précis et il n'y a aucun motif de considérer qu'il ne reflèterait pas la volonté des parties.

Ce transfert de bail était dans l'intérêt des appelantes car il leur était indispensable pour leur permettre de vendre leur fonds de commerce, ce qui est précisément le but de l'art. 263 CO, qui vise à favoriser les locataires qui, comme les appelantes, souhaiteraient remettre leur entreprise.

Le fait que le loyer ait été légèrement baissé et que les nouvelles locataires aient obtenu une option de renouvellement du contrat de bail, qu'elles n'ont d'ailleurs jamais utilisée, ne sont pas des éléments permettant de retenir que les nouvelles locataires auraient, immédiatement après le transfert du bail en leur faveur, conclu avec l'intimée un nouveau contrat de bail, avec la conséquence que les appelantes seraient libérées de leur responsabilité solidaire pour le paiement du loyer.

Comme le relève à juste titre l'intimée, le nouveau loyer est entré en vigueur le 1er juin 2017, soit avant l'entrée en vigueur du transfert du bail. Le montant du loyer n'a donc pas changé au moment du transfert.

Quant à l'augmentation du montant de la garantie de loyer, il s'agit d'une opération usuelle dans le cadre d'un accord tendant au transfert d'un bail, de sorte que cet élément ne confirme pas la thèse des appelantes.

Les appelantes n'ont d'ailleurs, au moment des faits, jamais remis en question le fait qu'elle avaient bien conclu un accord tendant à la reprise du bail du centre de soins litigieux par les nouvelles locataires au sens de l'art. 263 CO et qu'elles restaient solidairement engagées pour le paiement du loyer pendant la période prévue par l'art. 263 al. 2 CO. L'intimée leur a notamment rappelé cette obligation en avril 2018 sans qu'elles ne la contestent.

Aucun élément du dossier ne permet de retenir qu'elles n'auraient pas compris la portée de l'engagement qu'elles avaient pris au moment du transfert du bail. Leur prétendue inexpérience est contredite par le témoignage du courtier chargé de la vente de leur fonds de commerce, qui a affirmé que les appelantes géraient plusieurs commerces. Le contrat de vente du centre de soins litigieux, qui prévoyait également la responsabilité solidaire des appelantes pour le paiement du loyer, avait d'ailleurs été rédigé par le représentant de celles-ci, de sorte que l'on ne saurait considérer qu'elles n'en avaient pas compris la teneur.

La thèse que les appelantes soutiennent devant la Cour n'a au demeurant été énoncée que plusieurs années après les faits, en cours de procédure, visiblement pour les besoins de la cause.

A cela s'ajoute que l'intimée n'aurait certainement pas accepté de conclure un nouveau bail sans que les appelantes demeurent responsables du paiement du loyer aux côtés des nouvelles locataires. Une telle exigence était légitime, étant rappelé que le législateur l'a précisément prévue pour compenser le fait que le bailleur ne peut s'opposer au transfert du bail que s'il peut invoquer des justes motifs, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

Il résulte de ce qui précède que les parties ont bien conclu un contrat de transfert de bail et que les appelantes sont tenues solidairement du paiement du loyer, conformément à l'art. 263 al. 4 CO et aux engagements qu'elles ont pris.

En tout état de cause, même à supposer que la transaction litigieuse ne doive pas être qualifiée de transfert de bail, comme le soutiennent les appelantes, avec la conséquence que l'art. 263 al. 4 CO ne serait pas applicable, les appelantes sont liées par la teneur de l'engagement auquel elles ont expressément souscrit.

En signant l'avenant n° 5 au bail, ainsi que le contrat de vente de leur fonds de commerce, elles se sont valablement engagées envers les nouvelles locataires et l'intimée à rester solidairement responsables du paiement du loyer pendant une période de deux ans.

Un tel engagement ne constitue pas un cautionnement mais un engagement solidaire au sens de l'art. 143 CO, qui ne nécessite pas la forme authentique pour être valable. En effet, la volonté des appelantes de s'engager solidairement comme débitrices, de manière non accessoire, mais principale, résulte clairement de la formulation des deux contrats qu'elles ont signés. Les termes de l'accord des parties ne laissent ainsi planer aucun doute sur la teneur de leur volonté.

A cela s'ajoute que, comme déjà relevé, l'opération était dans l'intérêt des appelantes, puisqu'elle leur permettait de vendre leur fonds de commerce, ce qui est un critère caractéristique de l'engagement solidaire, permettant d'exclure la qualification de cautionnement.

Le Tribunal a dès lors considéré à juste titre que les appelantes étaient tenues solidairement du paiement du loyer jusqu'au 15 juin 2019, soit une période de deux ans à compter de la signature de l'avenant n° 5.

3. Le Tribunal a indiqué au consid. 8 f) de son jugement du 6 septembre 2024 que la garantie de loyer de 30'312 fr. versée par les nouvelles locataires devait être portée en déduction des montants dus. Il n'a cependant pas mentionné cette déduction dans le dispositif du jugement querellé. Suite à la requête de rectification formée par les appelantes, il a exposé, dans son jugement du 20 septembre 2024, que le dispositif du jugement du 6 septembre 2024 était correct, contrairement au considérant précité. Puisque la bailleresse n'avait pas conclu à la libération de la garantie de loyer, il n'y avait pas lieu de retenir de déduction à ce titre.

Les appelantes font valoir, à titre subsidiaire, que la garantie de loyer de 30'312 fr. versée par les nouvelles locataires et celle du même montant qu'elles auraient dû constituer, devraient être déduites du montant qu'elles ont été condamnées à payer solidairement avec les nouvelles locataires à l'intimée, de sorte qu'elles ne devraient être condamnées à payer que 29'229 fr. 50 à l'intimée.

3.1 Selon l'art. 144 al. 1 CO, le créancier peut, à son choix, exiger de tous les débiteurs solidaires ou de l’un d’eux l’exécution intégrale ou partielle de l’obligation. Les débiteurs demeurent tous obligés jusqu’à l’extinction totale de la dette (al. 2).

Celui des débiteurs solidaires dont le paiement ou la compensation éteint la dette en totalité ou en partie libère les autres jusqu’à concurrence de la portion éteinte (art. 147 al. 1 CO).

3.2 En l'espèce, le Tribunal n'a à juste titre pas opéré les déductions réclamées par les appelantes.

La garantie de loyer de 30'312 fr. versée par les nouvelles locataires sera prise en compte au stade de la procédure d'exécution du jugement querellé. Il n'y a dès lors pas lieu d'opérer de déduction à ce titre en l'état.

Il n'y a pas non plus lieu de déduire des montants dus à l'intimée une garantie inexistante, qui n'a jamais été versée par les appelantes, en violation de leurs obligations. Contrairement à ce que celles-ci font valoir, une telle déduction ne saurait se justifier au motif que l'intimée aurait dû s'assurer qu'elles avaient bien fourni la garantie prévue par l'avenant n° 5.

Au vu de ce qui précède, le jugement querellé sera confirmé.

4. Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 16 octobre 2024 par A______, B______ et C______ SARL contre le jugement JTBL/868/2024 rendu le 6 septembre 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/8307/2021.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Nathalie RAPP, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Laurence MIZRAHI, Monsieur Jean-Philippe FERRERO, juges assesseurs; Madame Victoria PALAZZETTI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.