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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/2829/2024

ACJC/1594/2024 du 12.12.2024 sur JTBL/585/2024 ( SBL ) , JUGE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2829/2024 ACJC/1594/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MARDI 10 DECEMBRE 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 6 mai 2024, représenté par Me Maud VOLPER, avocate, boulevard Georges-Favon 14, 1204 Genève,

et

1) Monsieur B______, domicilié ______, intimé,

2) Madame C______, domiciliée ______, intimée.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTBL/585/2024 du 6 mai 2024, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire, a condamné B______ et C______, conjointement et solidairement, à payer à A______ la somme de 48’780 fr. avec intérêts à 5% l’an dès le 15 décembre 2023 (ch. 1 du dispositif), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

En substance, les premiers juges ont retenu que les conditions d’une demande en paiement par la procédure de protection de cas clair selon l'article 257 CPC étaient réunies.

Le prononcé de la mainlevée des oppositions formées aux commandements de payer, poursuites n° 1______ et n° 2______, était prématuré et ne pouvait dès lors être prononcé. Selon lui, « il n’appartient pas au juge saisi d’une requête en protection de cas clair d’instruire et de faire un tri entre les faits allégués pour déterminer ce qui doit être admis ou rejeté, les conclusions devant en effet pouvoir être admises dans leur intégralité, sous peine d’irrecevabilité ».

a. Par acte expédié le 10 juin 2024 au greffe de la Cour de justice, A______ (ci‑après : le bailleur ou l’appelant) a formé « recours » de ce jugement, sollicitant l’annulation du chiffre 2 de son dispositif. Cela fait, il a conclu à ce que la Cour ordonne la mainlevée définitive des oppositions aux commandements de payer, poursuites n° 1______ et n° 2______, confirme le jugement pour le surplus et déboute B______ et C______ (ci-après, ensemble : les sous-locataires ou les intimés) de toutes autres conclusions.

b. Dans leur réponse du 27 juin 2024, B______ et C______ ont conclu à ce que le "Tribunal" se déclare incompétent, subsidiairement au fond, au rejet de la demande sous suite de frais et dépens. Ils ont contesté devoir des "loyers" à A______, envers lequel ils ne s’estimaient pas liés par un contrat de bail.

c. Les parties ont été avisées par pli du greffe de la Cour de justice du 22 août 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Le 10 novembre 2015, A______ et D______, propriétaires et bailleurs, et E______ SA, locataire, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 5 pièces au 7ème étage de l'immeuble sis no. ______ avenue 3______, à Genève.

Le bail a été conclu pour une durée d’une année, du 15 novembre 2015 au 15 novembre 2016, et s’est depuis lors renouvelé tacitement d’année en année.

Le montant du loyer a été fixé à 5’000 fr. par mois. Un acompte mensuel provisionnel de charges de 220 fr. et un montant de 200 fr. pour le garage devaient également être payés.

b. Le 10 novembre 2015, la locataire a conclu un contrat de sous-location avec B______ et C______, pour une durée d’un an, renouvelable, moyennant un loyer mensuel de 5'000 fr., hors charges.

c. Par avenant du 17 juin 2022, A______ est devenu seul propriétaire et bailleur de l’appartement.

d. Par avis comminatoire du 11 mai 2023, le bailleur a mis en demeure E______ SA de lui verser les loyers des mois d’avril et de mai 2023, charges comprises, ainsi que les frais de mise en demeure, dans un délai de 30 jours. La somme réclamée s’élevait à 10’920 fr. Il l'a informée de son intention, à défaut de paiement dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d al. 2 CO.

e. E______ SA ne s’est pas acquittée dudit montant.

f. Par avis officiel du 21 juin 2023, A______ a résilié le contrat de bail pour le 31 juillet 2023.

g. Le même courrier a été envoyé à B______ et C______, à titre informatif.

h. Par courriers recommandés du 13 juillet 2023, E______ SA et les époux B______/C______ ont été informés que l’état des lieux de sortie définitive se tiendrait le 31 juillet 2023 à 11h00.

i. L’appartement n’a pas été restitué le 31 juillet 2023.

j. Par courriers recommandés du 7 août 2023, le bailleur a mis en demeure la locataire et les sous-locataires de quitter les lieux dans les plus brefs délais et a précisé que tout paiement effectué au-delà serait considéré comme une indemnité pour occupation illicite de l’appartement.

k. Le 13 décembre 2023, à la requête de A______, l’Office des poursuites a notifié séparément à B______ et C______ deux commandements de payer, respectivement poursuites n° 1______ et n° 2______, chacun portant sur la somme de 21'680 fr.

Figure, pour les deux commandements de payer, dans la rubrique titre et date de la créance la mention : « Indemnités pour occupation illicite du logement du 01.08.2023 au 30.11.2023 ».

Oppositions y ont été formées.

l. Par requête en protection de cas clair du 6 février 2024 au Tribunal, A______ a formé une demande en paiement d’indemnités pour occupation illicite pour les mois d’août 2023 à janvier 2024, charges incluses, avec intérêts à 5% l’an dès le 1er octobre 2023, et sollicité la mainlevée des oppositions formées aux commandements de payer précités.

m. Par courrier du 1er mai 2024 au Tribunal, les sous-locataires ont conclu à l’irrecevabilité de la demande en raison de l’incompétence de ce dernier « en ce qui concerne la forme », et subsidiairement au fond, au rejet de la demande, sous suite de frais et dépens. Ils ont fait valoir que le contrat de sous-location était nul, aucun avis de fixation de loyer n’ayant été établi, de sorte que la créance réclamée n’était pas due.

o. A l'audience du 6 mai 2024 au Tribunal, B______, représentant également son épouse, a contesté toute relation contractuelle directe avec A______. Il a contesté la validité du contrat de sous-location avec E______ SA. Il a confirmé avoir versé les montants des mois d’août 2023 à avril 2024 à la précitée, mais ne pas avoir sur lui les justificatifs y relatifs.

A______ a déposé un décompte actualisé de la somme réclamée, duquel il ressortait que le montant de l’arriéré s’élevait dorénavant à 48'780 fr. Pour le surplus, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l’issue de l’audience.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

L’appel, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, compte tenu de l'application de la procédure sommaire (art. 311 al. 1 CPC; 314 al. 1 CPC cum art. 251 let. a CPC).

Si un appel est interjeté en lieu et place d'un recours, ou vice-versa, la conversion est admise si les conditions de recevabilité de la voie de droit correcte sont réunies, si l'acte peut être converti dans son entier, si la conversion ne porte pas atteinte aux droits de la partie adverse et si l'erreur ne résulte pas d'un choix délibéré de la partie représentée par un avocat de ne pas suivre la voie de droit mentionnée au pied de la décision de première instance ou d'une erreur grossière (arrêts du Tribunal fédéral 4A_145/2021 du 27 octobre consid. 5.1; 5A_46/2020 du 17 novembre 2020 consid. 4.1).

1.2 En l'espèce, les conclusions de dernière instance portent sur des montants supérieurs à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte. Bien que l’appelant ait intitulé à tort son acte « recours », ce dernier répond néanmoins aux conditions de forme prévues pour l'appel. On ne voit a priori pas en quoi la conversion de recours en appel nuirait aux intérêts des intimés.

Partant, l’appel est recevable.

1.3 L’appel peut être formé pour violation du droit et, ou, constatation inexacte des faits (art. 310 let. a et b CPC). L'instance d'appel dispose d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit, mais uniquement dans la limite des griefs qui sont formulés (ATF 144 III 394 consid. 4.1.4; 142 III 413 consid. 2.2.4).

2. L’appelant reproche au Tribunal d’avoir rejeté sa requête de mainlevée définitive des oppositions aux commandements de payer, poursuites n° 1______ et n° 2______, notifiés respectivement à B______ et C______, au motif que celle-ci était prématurée, alors qu’il a admis sa demande en paiement par la procédure en protection de cas clair pour la même créance.

2.1 Au sens de l’art. 79 LP, le créancier à la poursuite duquel il est fait opposition peut agir par la voie de la procédure civile afin de faire reconnaitre son droit. Cette disposition autorise le juge civil ordinaire ou l’autorité à lever l'opposition, de façon à ce qu'il ne soit pas nécessaire – sous réserve des cas visés par l’art. 79 al. 2 LP - de recourir encore à la procédure cantonale (sommaire) de mainlevée (ATF
134 III 115 consid. 3.2, arrêt du Tribunal fédéral 5A_315/2007 du 13 décembre 2007 consid. 3). L'autorité saisie selon l'art. 79 LP aura donc la compétence de prononcer la mainlevée de l'opposition en même temps qu'elle statue sur le fond (ATF 134 III 115 consid. 4.1.2; 107 III 60 consid. 3).

En procédure civile, l’opposition peut ainsi être levée par le juge saisi de la procédure au fond tant en procédure ordinaire (art. 219 ss CPC) qu’en procédure simplifiée (art. 243 ss CPC) et procédure sommaire (art. 248 ss CPC), par exemple en procédure de protection pour les cas clairs de l’art. 257 CPC (Staehelin, BSK, SchKG, n. 2b ad art. 79 LP).

2.2 En l’espèce, l’appelant a fait notifier deux commandements de payer, poursuite n° 2______ et poursuite n° 1______, aux intimés, que ceux-ci ont frappé d'opposition.

Agissant par la voie civile, l’appelant a requis du Tribunal la condamnation des intimés au paiement et le prononcé de la mainlevée définitive des oppositions formées aux commandements de payer précités.

Le Tribunal, qui a admis la demande au fond par la voie de la procédure sommaire, était en mesure de se prononcer sur la requête de mainlevée définitive. Au regard des principes juridiques exposés ci-avant, la motivation du Tribunal selon laquelle cette requête en mainlevée serait prématurée, est erroné.

Au vu de ce qui précède, le grief de l’appelant est fondé. Le chiffre 2 du dispositif sera annulé et il sera statué à nouveau (art. 318 al. 1 let. b CPC) en ce sens que la mainlevée définitive des oppositions formées aux commandements de payer, poursuites n° 2______ et n° 1______, sera prononcée.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6; arrêt du Tribunal fédéral 4A_219/2020 du 12 mars 2021 consid. 7).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l’appel interjeté le 10 juin 2024 par A______ contre le jugement JTBL/585/2024 rendu le 6 mai 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/2829/2024.

Au fond :

Annule le chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris et, statuant à nouveau sur ce point :

Prononce la mainlevée définitive de l’opposition formée au commandement de payer poursuite n° 2______.

Prononce la mainlevée définitive de l’opposition formée au commandement de payer poursuite n° 1______.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions d'appel.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER, Monsieur Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Victoria PALAZZETTI, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.