Décisions | Chambre des baux et loyers
ACJC/22/2025 du 08.01.2025 sur JTBL/556/2024 ( OBL ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/10367/2022 ACJC/22/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des baux et loyers DU VENDREDI 13 DECEMBRE 2024 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant d’un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 23 mai 2024, représenté par l’ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,
Et
B______ AG, ayant son siège ______ (GL), intimée, représentée par Mes Robert et Frédéric HENSLER, avocats, avenue de la Roseraie 16A, case postale, 1211 Genève 12.
A. Par jugement JTBL/556/2024 du 23 mai 2024, reçu par les parties le 29 mai 2024, le Tribunal des baux et loyers a déclaré valable le congé notifié le 25 avril 2022 à A______ pour le 31 mai 2022 portant sur un appartement de 3,5 pièces au rez-de-chaussée de l’immeuble sis route 1______ no. ______ à Genève (chiffre 1 du dispositif), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 3).
B. a. Par acte déposé le 28 juin 2024 auprès de la Cour de justice, A______ forme appel contre ce jugement, dont il sollicite l’annulation. En premier lieu, il conclut au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle instruction dans le sens des considérants. Si mieux n’aime la Cour, il conclut principalement à la nullité des congés des 25 avril 2022 pour le 31 mai 2022, 12 juillet 2022 pour le 31 août 2022 et 12 juillet 2022 pour le 30 avril 2023, subsidiairement à l’inefficacité du congé du 12 juillet 2022 pour le 31 août 2022 et à l’annulation du congé du 12 juillet 2022 pour le 30 avril 2023, plus subsidiairement à l’annulation des congés du 12 juillet 2022 pour le 31 août 2022 et du 12 juillet 2022 pour le 30 avril 2023 et plus subsidiairement encore à l’octroi d’une prolongation de bail de quatre ans échéant au 30 avril 2027, avec autorisation de restituer les locaux en tout temps avant cette date, moyennant un préavis écrit de quinze jours pour le quinze ou la fin d’un mois.
b. B______ SA n’a pas répondu dans le délai qui lui a été imparti par la Cour.
c. Les parties ont été avisées le 9 septembre 2024 de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les éléments suivants résultent de la procédure :
a. B______ AG, bailleresse, et A______, locataire, ont conclu le 28 avril 1999 un contrat de bail à loyer portant sur la location d’un appartement de 3,5 pièces au rez-de-chaussée de l’immeuble sis route 1______ no. ______ à Genève.
b. Le contrat a été conclu pour une durée d’une année, du 1er mai 1999 au 30 avril 2000, renouvelable ensuite tacitement d’année en année. Le préavis de résiliation était de trois mois.
Le loyer annuel, charges non comprises, a été fixé par le contrat à 9'000 fr.
c. Par avis de majoration de loyer du 7 janvier 2020, le loyer annuel, charges non comprises, a été porté à :
- 9'996 fr. du 1er mai 2020 au 30 avril 2021,
- 10'992 fr. du 1er mai 2021 au 30 avril 2022, et
- 12'000 fr. dès le 1er mai 2022.
d. Le ______ 2020, A______ a épousé C______, née [C______].
e. Par courrier du 11 septembre 2020 adressé à la régie en charge de la gérance de l’immeuble, A______ a informé le bailleur qu’il ne sous-louait pas son appartement mais hébergeait un tiers, soit un dénommé D______, qu’il s’était marié et que son épouse s’était installée à son domicile.
f. Selon une attestation du 5 mai 2021 de l’Office cantonal de la population et des migrations, une demande d’autorisation de séjour a été déposée au nom de C______.
g. A______ n’a pas adapté ses paiements de loyer après l’entrée en vigueur du second échelon et continué à payer 833 fr. par mois de mai 2021 à février 2022, accumulant un arriéré de loyer de 830 fr.
h. Par courrier du 1er mars 2022 adressé à A______, la bailleresse a attiré son attention sur le montant dû, à savoir 1'076 fr. à titre de loyer et charges pour le mois de mars 2022, 830 fr. à titre d’arriérés de loyer de mai 2021 à février 2022 et 107.70 fr. à titre de frais de mise en demeure. Elle l’a mis en demeure de verser ces montants dans un délai de 30 jours, avec menace de résiliation du bail.
i. Le 9 mars 2022, A______ a versé 993 fr., qui ont été affectés au paiement du loyer de mars 2022. Il a, à nouveau, versé 993 fr. le 19 avril 2022 et ce paiement a été affecté au paiement du loyer d’avril 2022.
j. Par courrier recommandé du 25 avril 2022, la bailleresse a adressé à A______ un avis de résiliation du bail pour le 31 mai 2022, pour non-paiement du loyer, en application de l’art. 257d CO.
k. Aucun avis de résiliation du bail n’a été adressé à C______.
l. A______ s’est acquitté de l’arriéré de 830 fr. en date du 10 mai 2022.
m. Le 25 mai 2022, A______ a introduit une requête en contestation de congé et en prolongation de bail, déclarée non conciliée à l’audience de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers du 6 juillet 2022 et portée devant le Tribunal le 6 septembre 2022.
Il a fait valoir que l’avis comminatoire du 1er mars 2022 et l’avis de résiliation étaient nuls, n’ayant pas été notifiés à son épouse, C______, alors que cette dernière résidait et avait son domicile officiel auprès de lui, à l’adresse de l’appartement litigieux.
n. Dans sa réponse du 18 octobre 2022, la bailleresse a conclu à la validité de la résiliation, exposant que C______ n’était pas officiellement domiciliée dans le canton et ne vivait pas dans le logement litigieux. Elle a produit notamment deux attestations de l’Office cantonal de la population et des migrations des 16 mai et 11 octobre 2022, à teneur desquelles C______ n’était pas enregistrée dans le registre de la population.
o. En parallèle, le 30 juin 2022, la régie s’est adressée à A______ en l’interpellant au sujet de la sous-location de son appartement, l’informant qu’une telle sous-location n’avait pas été autorisée. Un délai lui était imparti au 11 juillet 2022 pour la renseigner, respectivement mettre un terme à la sous-location. A défaut, le bail serait résilié en application de l’art. 257f al 3 CO.
p. Par avis de résiliation du bail du 12 juillet 2022, notifié à A______ seul, la bailleresse a résilié le bail pour le 31 août 2022 au motif de la violation de l’obligation de diligence du locataire.
q. Le même jour, par avis notifié à A______, la bailleresse a résilié le bail pour la prochaine échéance contractuelle, soit le 30 avril 2023.
r. Par requête du 28 juillet 2022, déclarée non conciliée à l’audience du 18 octobre 2022 et introduite devant le Tribunal le 17 novembre 2022, A______ a contesté les deux congés du 12 juillet 2022.
La contestation desdites résiliations a été enregistrée sous les numéros de causes C/15256/2022, respectivement C/15257/2022, lesquelles ont été jointes à la présente procédure par ordonnance du 29 mars 2023.
s. Par acte du 16 décembre 2022, C______ a vendu l’appartement dont elle était propriétaire à E______ [France]. L’attestation du notaire indique qu’à la date de la vente, C______ demeurait rue 3______ no. ______ à E______, soit l’adresse dudit appartement.
t. Interrogé lors de l’audience du Tribunal du 16 mai 2023, A______ a déclaré avoir toujours habité Genève, hormis pour de courtes périodes, notamment pour rénover une maison dont il était propriétaire en F______ (France). A ces occasions, il avait annoncé son départ à l’étranger. Depuis lors, sa maison avait brûlé. Il s’était également absenté plusieurs mois pour se rendre au Brésil.
C______ avait emménagé dans son appartement dès le mariage, célébré le ______ 2020. Précédemment, elle habitait à E______ dans l’appartement qui lui appartenait. Elle avait annoncé son arrivée aux autorités suisses. Une demande de permis avait été faite dès le mariage et son adresse avait été annoncée route 1______ no. ______. Aucune réponse n’avait été donnée. C______ n’avait plus de permis en Suisse et était toujours domiciliée en France où elle touchait des indemnités chômage. Elle s’était rendue périodiquement à G______ pour "assister" sa fille.
L’appartement avait été mis en vente dès 2021. A______ et C______ avaient cherché à louer cet appartement sur H______ [plateforme de location], mais l'épouse n’était pas vraiment d’accord. De plus, en France, on ne pouvait pas louer un appartement mis en vente.
A______ a également affirmé héberger des gens dans le besoin, jusqu’à trois personnes. Le couple formé de J______ et sa compagne K______ avait ainsi été logé durant deux ans, dans le salon transformé en chambre. Lui-même et son épouse occupaient la chambre à coucher et la petite chambre était utilisée pour loger occasionnellement d’autres personnes.
A______ connaissait un de ses voisins logeant au 3ème étage, L______, décédé en 2021. Il connaissait ses autres voisins de vue.
u. Le Tribunal a procédé à l’audition de témoins lors des audiences des 16 mai, 17 octobre et 5 décembre 2023.
C______ a déclaré avoir travaillé [auprès de] I______ jusqu’au 30 avril 2019 et avoir été au bénéfice d’un permis G jusqu’en 2020. Elle avait emménagé dans l’appartement litigieux à partir du moment où elle s’était mariée. Elle avait annoncé son arrivée en Suisse à l’Office cantonal de la population et des migrations, mais n’avait pas annoncé son départ aux autorités françaises, ignorant qu’elle devait le faire. Elle n’avait pas cherché de travail en Suisse, car elle n’avait reçu aucune réponse à son annonce d’établissement. Renseignements pris, un courrier lui aurait été adressé, mais n’avait pas été distribué car son nom de jeune fille ne figurait pas sur la boîte aux lettres à l’adresse route 1______ no. ______. Elle n’avait pas contracté d’assurance-maladie en Suisse.
A l’époque de son mariage, elle ne travaillait pas, étant dans l’attente de débuter une formation d’infirmière, qu’elle n’avait finalement pas suivie. Elle n’avait pas travaillé après son mariage et s’était occupée de sa fille après la rentrée scolaire 2021. Elle avait donné son adresse en France aux employeurs auprès de qui elle avait effectué des remplacements ponctuels. Néanmoins, elle n’avait plus vécu dans son appartement en France après son mariage. Elle avait essayé de le louer, mais cela réclamait beaucoup de démarches et l’agence avait posé beaucoup de conditions. Elle avait fini par le vendre. Elle avait laissé ses affaires et passait régulièrement dans cette maison.
Son mari et elle avaient accueilli un couple, J______ et K______, dont elle ignorait le nom de famille. Ils étaient blonds, de style rasta. Le seul voisin qu’elle avait connu dans l’immeuble était un homme d’origine cubaine qui était décédé.
Le concierge de l’immeuble a déclaré vivre dans l’immeuble sis route 1______ no. ______ depuis mars 2022 et s’occuper de la conciergerie depuis juillet 2022. Il connaissait tous les locataires de l’immeuble, y compris A______. Il ne connaissait en revanche pas son épouse, qui ne lui avait jamais été présentée. Il ne voyait A______ que rarement et ne l’avait jamais vu accompagné d’une femme. Il avait constaté que ce dernier hébergeait des gens qu’il croisait plus souvent que le locataire lui-même. Plusieurs personnes avaient accès à l’appartement avec une clé. Depuis qu’il avait emménagé dans l’immeuble, plusieurs personnes s’étaient succédées. Au tout début, il avait vu un couple, jeune et blond, mais ne le voyait plus depuis 4 à 6 mois. Il avait aussi vu deux messieurs asiatiques à partir de septembre ou octobre 2022 et jusqu’en décembre 2022 ou janvier 2023. D’autres jeunes hommes fréquentaient l’appartement, mais n’avaient pas la clé. Enfin, il avait également vu des femmes loger dans l’appartement, dont une, encore présente au jour de son audition, lui avait demandé si un appartement était libre dans l’immeuble. Au moment de son audition, un jeune couple logeait dans l’appartement depuis deux mois. Il avait vu A______ à plusieurs reprises, mais moins souvent que les personnes précitées. Différents noms avaient été scotchés sur la boîte depuis son arrivée, qu’il avait enlevés.
Un détective privé a déclaré avoir sonné à plusieurs reprises à la porte de l’appartement litigieux entre le 23 mars et le 31 mai 2022. A une reprise, deux femmes lui avaient ouvert la porte, dont l’une parlait français, puis à une autre reprise, un homme lui avait répondu. Tous lui avaient affirmé que A______ n’habitait pas sur place. Il lui avait été indiqué que pour contacter le locataire, il fallait s’adresser à "M. A______" à un numéro de téléphone qui correspondait à celui de A______. Tant l’homme, que la femme, qui parlait français, lui avaient déclaré que l’appartement était un lieu de passage.
Un ami de longue date de A______ a déclaré s’être rendu dans l’appartement litigieux et y avoir même dormi lorsqu’il était à la rue. Il l’avait aidé à déménager son appartement sur France à E______ qui avait été vendu, sans savoir s’il l’habitait ou le louait. Il avait rencontré C______ à trois ou quatre reprises. Lors du déménagement, celle-ci emmenait ses propres meubles dans sa maison à M______ [France]. Il ne savait pas si elle habitait dans l’appartement litigieux. Quant à A______, il lui arrivait de dormir dans l’appartement sis route 1______ lorsqu’il était à Genève. Le reste du temps, il voyageait et vivait sa vie. Il rencontrait A______ une à deux fois par mois environ, en général, dans un lieu public à Genève.
v. Par mémoires de plaidoiries finales du 23 février, respectivement 4 mars 2024, les parties ont persisté dans leurs conclusions.
w. La cause a été gardée à juger par le Tribunal le 20 mars 2024.
1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).
Lorsque la contestation porte sur la validité d'une résiliation de bail, ou que le locataire requiert la constatation de la nullité ou de l'inefficacité du congé, la valeur litigieuse est égale au loyer, provisions pour frais accessoires incluses, dû pour la période pendant laquelle le bail subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, c'est-à-dire jusqu'au jour où un nouveau congé pourra être donné. En pratique, il convient de prendre en considération le loyer et les frais accessoires pour la période de trois ans de l'art. 271a al. 1 let. e CO
(ATF 137 III 389 consid. 1.1; 111 II 384 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_87/2012 du 10 avril 2012 consid. 1.1).
1.2 En l'espèce, au vu du loyer annuel fixé en dernier lieu à 12'000 fr. charges non comprises, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.
1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit ; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).
2. L'appelant fait grief au Tribunal d’avoir retenu de manière arbitraire et en violation de la loi que le logement litigieux ne constituait pas un logement familial. Il soutient que ses déclarations et les témoignages recueillis par le Tribunal ne permettraient pas de conclure que son épouse ne vivait pas avec lui dans ce logement.
2.1 En l'absence d'une disposition spéciale instituant une présomption, l'art. 8 CC répartit le fardeau de la preuve pour toutes les prétentions fondées sur le droit fédéral et détermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 129 III 18 consid. 2.6;
ATF 127 III 519 consid. 2a). Il en résulte que la partie demanderesse doit prouver les faits qui fondent sa prétention, tandis que la partie adverse doit prouver les faits qui entraînent l'extinction ou la perte du droit (ATF 130 III 321 consid. 3.1). Ainsi, les faits qui empêchent la naissance d'un droit ou en provoquent l'extinction doivent être prouvés par la partie qui les allègue (ATF 132 III 186 consid. 8.3). S'il existe une exception à une règle générale, il appartient à la partie qui invoque cette exception de prouver que les conditions en sont remplies (ATF 132 III 186 consid. 5.1).
S’agissant du cas particulier où la chose louée est un logement familial (art. 266m et 266n CO), le Tribunal fédéral a jugé qu’il ressort clairement du titre marginal de la loi que l'art. 266l CO exprime le principe général et que l'hypothèse d'un logement familial constitue une exception. Il découle ainsi des principes rappelés ci-dessus que celui qui invoque une règle d'exception pour paralyser les effets d'un acte juridique doit prouver les faits permettant de constater que les conditions de ladite exception sont réalisées (ATF 139 III 7 consid. 2.2).
2.2 La preuve est considérée comme apportée lorsque le juge est convaincu de la réalité d’une allégation. Il doit être convaincu, d’un point de vue objectif, de l’existence du fait concerné. Cette existence ne doit cependant pas être établie avec certitude ; il suffit que d’éventuels doutent apparaissent insignifiants (ATF 128 III 271). Lorsqu’une preuve stricte n’est pas seulement impossible à apporter dans un cas particulier, mais est exclue ou n’est raisonnablement pas exigible en raison de la nature même de l’affaire, en particulier si les faits allégués par la partie qui supporte le fardeau de la preuve ne peuvent être établis qu’indirectement par des indices, le juge peut se fonder sur la vraisemblance prépondérante (ATF 130 III 321).
2.3 Les art. 169 CC, 266m et 266n CO ont été conçus dans le même but et tendent à protéger de manière particulière les époux ou partenaires enregistrés dans leur faculté d'occuper le logement de la famille.
La notion de logement de famille recouvre le lieu qui remplit la fonction de logement et de centre de vie de la famille. Seuls bénéficient de cette protection les époux mariés avec ou sans enfant(s) et les partenaires enregistrés
(ATF 136 III 257 consid. 2.1, Lachat, Le bail à loyer, Lausanne 2019 p. 139).
Le logement perd son caractère familial en cas de dissolution définitive du mariage ou du partenariat enregistré, lorsque les deux époux ou partenaires ont renoncé à le considérer comme tel, lorsqu'ils l'ont quitté ou ont décidé de son attribution définitive à l'un d'eux (ATF 114 II 396 consid. 5b). Le logement perd également son caractère familial lorsque l'époux ou le partenaire bénéficiaire de la protection légale quitte, de son propre chef, le logement familial de manière définitive ou pour une durée indéterminée (ATF 136 III 257 consid. 2.1; cf. également: Higi, Zürcher Kommentar, 1995, n° 15 ad art. 266m-266n CO; Burkhalter/Martinez-Favre, Le droit suisse du bail à loyer, Commentaire, 2011, n° 10 ad art. 266l-266o CO).
La réglementation des art. 169 CC, 266m et 266n CO est conçue pour éviter, en cas de conflit conjugal (ou entre partenaires), que l'époux (ou le partenaire), qui n'est pas titulaire du droit réel ou du droit personnel dont dépend le logement familial, se trouve privé de toute possibilité de l'occuper parce que l'autre, ayant quitté les lieux, ou ayant la volonté de lui nuire, dispose du droit réel sur le logement ou ne fait pas valoir ses droits de locataire (ATF 114 II 396 consid. 5a).
Ainsi, il est prévu que, dans le cas d'un congé donné par le bailleur, celui-ci doit être communiqué séparément au locataire et à son conjoint ou partenaire (non titulaire du bail) afin que chacun puisse faire valoir, indépendamment de l'autre, les droits qui appartiennent normalement au locataire. Cette double notification est prévue sous peine de nullité (art. 266o CO). La double notification a donc pour but de protéger l'époux (ou le partenaire enregistré) non titulaire du bail contre le risque de ne pas recevoir la notification et d'être ainsi privé de toute possibilité de s'opposer au congé ou de demander une prolongation du bail
(ATF 118 II 42 consid. 3b).
2.4 La nullité d’un congé peut être invoquée en tout temps, à n’importe quel stade de la procédure, et doit être relevée d’office par le juge (ATF 140 III 244 consid. 4.1 et les références citées).
L’abus de droit est toutefois réservé (art. 2 al. 2 CC).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le locataire qui invoque le défaut de notification à sa colocataire commet un abus de droit lorsque ladite colocataire a déjà quitté définitivement l’objet du bail avant la notification de l’avis comminatoire et du congé et qu’elle n’a aucun intérêt au maintien du bail (ATF 140 III 491 consid. 4.2). Il a également retenu, s’agissant d’un logement de famille, que le locataire qui, pour faire constater la nullité de la résiliation, se prévaut de l’intérêt de son époux, alors que celui-ci a quitté les lieux et s’est totalement désintéressé de la question, invoque l’article 266n CO de manière abusive (ATF 139 III 7 consid. 2.3.2).
2.5 En l’espèce, les premiers juges n’ont, en dépit des allégations de l’appelant et de son épouse, pas été convaincus que l’appartement litigieux représentait le logement de famille des époux A______/C______.
Ils ont considéré que les déclarations de l’appelant et de C______ concernant l’appartement de cette dernière à E______, vendu en décembre 2022, son absence de tout démarche administrative en Suisse hormis une demande d’autorisation de séjour restée lettre morte, son absence de postulation pour un emploi en Suisse et, enfin, le fait qu’à partir de la rentrée scolaire de 2021, elle s’était consacrée à sa fille, domiciliée à G______ (France) et atteinte dans sa santé, démontraient que le centre de vie de C______ n’était pas à l’adresse de l’appartement litigieux.
Ils ont également retenu qu’aucun des témoins entendus n’avait pu attester avoir vu C______ dans l’immeuble sis route 1______ no. ______ et qu’elle-même ne connaissait manifestement pas les nombreuses personnes ayant occupé l’appartement depuis la date à laquelle elle affirmait s’y être installée. D’ailleurs, cette occupation du logement par des tiers ne laissait pas de place au couple A______/C______.
Au surplus, les déclarations de l’appelant lui-même, d’un de ses amis, du concierge de l’immeuble et d’un détective privé ayant enquêté sur ce dossier ont convaincu les premiers juges que le centre de vie de l’appelant ne semblait pas non plus être au logement litigieux.
La Cour fait entièrement sienne l’appréciation des premiers juges. Les explications que le locataire réitère dans son appel ne sont pas convaincantes et ne permettent pas de remettre en cause la constatation, qui repose sur les témoignages recueillis, du fait que le couple A______/C______. n’a pas établi son centre de vie dans le logement litigieux.
Partant, c’est à bon droit que le Tribunal a considéré que l’appelant ne saurait bénéficier de la protection du logement de famille, faute d’avoir démontré avoir créé une communauté de vie avec son épouse dans le logement litigieux, avec l’intention de s’y établir durablement. Au vu de circonstances, l’appelant commet un abus de droit en invoquant l’art 266n CO.
2.6 Le jugement attaqué sera par conséquent confirmé.
3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers.
* * * * *
La Chambre des baux et loyers :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté le 28 juin 2024 par A______ contre le jugement JTBL/556/2024 rendu le 23 mai 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/10376/2022.
Au fond :
Confirme ce jugement.
Dit que la procédure est gratuite.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Siégeant :
Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIÉTHOZ, juges; Madame Cosima TRABICHET-CASTAN et Monsieur Jean-Philippe FERRERO, juges assesseurs; Madame Victoria PALAZZETTI, greffière
|
|
|
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.