Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des baux et loyers

1 resultats
C/27423/2023

ACJC/1573/2024 du 10.12.2024 sur JTBL/272/2024 ( SBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/27423/2023 ACJC/1573/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 9 DÉCEMBRE 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant et recourant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 14 mars 2024,

et

SOCIETE COOPERATIVE B______, sise ______, intimée, représentée par
Me Nadia CLERIGO CORREIA, avocate, quai des Bergues 23, 1201 Genève.

 


EN FAIT

A. a. Le 8 juin 2022, SOCIETE COOPERATIVE B______, en qualité de bailleresse, et A______, en qualité de locataire, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 5 pièces situé au 3ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______, [code postal] Genève, et sa dépendance (une cave). La gérance de l'immeuble a été confiée à C______ (ci-après : la régie).

Le contrat a été conclu pour une durée initiale de cinq ans, du 15 juin 2022 au 30 juin 2027, renouvelable ensuite tacitement de 60 mois en 60 mois, sauf congé donné trois mois à l'avance.

Le loyer annuel a été fixé à 45'000 fr. (3'750 fr. par mois) et la provision annuelle pour charges à 2'340 fr. (195 fr. par mois).

b. Le 9 juin 2022, A______ (ci-après : le locataire) a constitué une garantie de loyer de 11'835 fr. en faveur de SOCIETE COOPERATIVE B______ (ci-après : la bailleresse), sous la forme d'un cautionnement contracté auprès de D______ SA (certificat n° 2022.06.3______).

c. Par avis comminatoires du 11 septembre 2023, la bailleresse a sommé le locataire et son éventuelle épouse de s'acquitter sous 30 jours du montant de 7'890 fr., à titre d'arriérés de loyers et de charges pour les mois d'août et septembre 2023, à défaut de quoi le bail serait résilié conformément à l'art. 257d CO.

d. Le 16 octobre 2023, le locataire a versé à la bailleresse 3'945 fr., correspondant au loyer et charges du mois d'août 2023.

e. Considérant que la somme réclamée dans l'avis comminatoire n'avait pas été intégralement réglée dans le délai imparti, la bailleresse a, par avis officiels du 20 octobre 2023 adressés au locataire et à son éventuelle épouse, résilié le bail pour le 30 novembre 2023.

f. Par requête en protection des cas clairs formée devant le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) le 15 décembre 2023, dirigée contre le locataire et contre les "sous-locataires illicites", soit "Monsieur et/ou Madame E______ et F______", la bailleresse a requis l'évacuation des précités, avec mesures d'exécution directe. Elle a en outre conclu à ce que le locataire soit condamné à lui payer la somme de 11'835 fr., intérêts en sus, à titre de loyers et charges pour les mois de septembre à novembre 2023, à ce que les "sous-locataires illicites [soient condamnés] à verser cette somme solidairement à titre d'indemnité pour occupation illicite" et à ce que la garantie de loyer soit entièrement libérée en sa faveur.

La bailleresse a allégué que la régie avait découvert, en novembre 2023, que le locataire était officiellement domicilié à la rue 2______ no. ______, [code postal] Genève, et que les noms "E______" et "F______" figuraient sur la sonnette de la porte palière de l'objet loué. Ces personnes n'étaient pas connues de la régie qui avait demandé des explications au locataire - sans succès. Elle a produit une attestation de l'Office cantonal de la population et des migrations du 23 novembre 2023, dont il ressort que le locataire est domicilié à la rue 2______ no. ______.

g. Le 12 janvier 2024, le Tribunal a cité les parties mentionnées sur la requête à comparaître à une audience fixée le 8 février 2024.

Les citations adressées par plis recommandés et par plis simples à "Madame E______, Rue 1______ no. ______, [code postal] Genève" et à "Monsieur F______, Rue 1______ no. ______, [code postal] Genève" ont été retournées au Tribunal avec la mention "le destinataire est introuvable à l'adresse indiquée".

h. Par ordonnance du 18 janvier 2024, le Tribunal a annulé l'audience précitée et imparti un délai à la bailleresse pour fournir une adresse de notification valable en Suisse pour "Monsieur F______ et Madame E______", faute de quoi "la requête ne ser[ait] pas prise en considération".

Par pli du 23 janvier 2024, la régie a informé le Tribunal qu'elle n'avait "aucune information sur les sous-locataires illicites E______ et F______, dont [elle] avait découvert les noms sur la sonnette de l'appartement le 12 janvier 2024 [sic]". Elle invitait le Tribunal à maintenir l'audience du 8 février 2024 à l'encontre du seul locataire ou à "reconvoquer à brève échéance uniquement [le locataire], afin de faire le point avec lui sur son retard de paiement et sur les sous-locataires qui semblent occuper son logement".

i. Le 2 février 2024, le Tribunal a cité la bailleresse et le locataire à comparaître à une audience fixée le 14 mars 2024.

La citation destinée au locataire lui a été notifiée par voie d'huissier judiciaire le 22 février 2024. Aucune citation à comparaître n'a été adressée aux dénommés "E______" et "F______".

j. Lors de l'audience du 14 mars 2024, à laquelle le locataire n'était ni présent ni représenté, la bailleresse a persisté dans ses conclusions. Elle a précisé que l'arriéré s'élevait dorénavant à 27'685 fr. (soit les loyers et charges de septembre 2023 à mars 2024, plus 70 fr. de frais de rappel), de sorte qu'elle amplifiait ses conclusions en paiement à hauteur de ce montant. Elle a produit, notamment, un courriel du locataire du 4 mars 2024, lequel y affirmait ne pas sous-louer son appartement et ne pas connaître "E______" et/ou "F______".

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

B. a. Par jugement non motivé JTBL/272/2024 du 14 mars 2024, le Tribunal, statuant par voie de procédure sommaire, a condamné A______, "E______" et "F______" à évacuer immédiatement de leurs personnes et de leurs biens, ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec eux, l'appartement de 5 pièces au 3ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______, [code postal] Genève, ainsi que sa dépendance (une cave) (ch. 1 du dispositif), autorisé SOCIETE COOPERATIVE B______ à requérir l'évacuation par la force publique de A______, de "E______" et de "F______" dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), condamné conjointement et solidairement A______, "E______" et "F______" à verser à SOCIETE COOPERATIVE B______ la somme de 27'685 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 1er novembre 2023 (date moyenne) (ch. 3), autorisé la libération de la garantie de loyer de 11'835 fr. constituée auprès de D______ SA (référence n° 2022.06.3______), en faveur de SOCIETE COOPERATIVE B______, le montant ainsi libéré venant en déduction de la somme due figurant sous chiffre 3 du dispositif (ch. 4), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5) et dit que la procédure était gratuite (ch. 6).

Un huissier judiciaire s'est rendu le 26 mars 2024 dans l'immeuble sis no. ______, rue 1______, en vue de notifier ce jugement au locataire, à "Madame E______" et à "Monsieur F______". A teneur des actes de notification figurant au dossier, l'huissier judiciaire a remis le jugement "en mains propres" au locataire, tandis qu'il a "laissé un avis de passage sur la porte" à l'attention de "Madame E______" et de "Monsieur F______" - avec la mention "Remarques : Jugement coincé dans la porte, pas ce nom sur la Boîte à lettres".

b. Par pli recommandé expédié au Tribunal le 5 avril 2024, A______ a sollicité la motivation du jugement JTBL/272/2024, tout en présentant ses excuses au Tribunal pour son absence à l'audience du 14 mars 2024 "pour des raisons de maladie".

Le 15 avril 2024, Me G______, avocat, s'est constitué pour la défense des intérêts du locataire et a invité le Tribunal à lui notifier directement la motivation du jugement, ce qui a été fait le 19 avril 2024.

Le 18 avril 2024, un huissier judiciaire s'est rendu dans l'immeuble sis no. ______, rue 1______, en vue de notifier ce jugement à "Madame E______" et à "Monsieur F______". A teneur des actes de notification figurant au dossier, l'huissier judiciaire a remis le jugement "en mains du sous-locataire" sans spécifier l'identité de ce dernier.

c. Dans sa motivation, le Tribunal a retenu que les conditions d'une résiliation selon l'art. 257d al. 1 CO étaient manifestement réunies, de sorte que la bailleresse était fondée à donner le congé, ce qu'elle avait fait en respectant les conditions de l'art. 257d al. 2 CO. En continuant à occuper les locaux loués, "les parties citées" violaient l'art. 267 al. 1 CO prévoyant l'obligation de restituer la chose à la fin du bail. Il convenait de faire droit à la requête tendant à leur évacuation, de même qu'aux mesures d'exécution requises par la bailleresse. Il ressortait par ailleurs des pièces produites que cette dernière était fondée à réclamer à "la partie citée" la somme de 27'685 fr., intérêts en sus, à titre d'arriérés de loyer, ainsi que la libération de la garantie de loyer constituée auprès de D______ SA.

C. a. Par acte expédié le 29 avril 2024 à la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______, représenté par son avocat, a formé appel, respectivement recours contre ce jugement, dont il a sollicité l'annulation, sous suite de frais et dépens. Cela fait, il a conclu, principalement, à l'irrecevabilité de la requête du 15 décembre 2023 et à l'annulation de la résiliation du bail, subsidiairement, à l'annulation de la résiliation du bail, au rejet de la requête du 15 décembre 2023 et à l'octroi d'un délai de trois mois pour évacuer le logement, plus subsidiairement, au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants. A titre préalable, il a conclu à ce que la Cour ordonne son audition ainsi que celle de son épouse et lui réserve le droit "de produire les attestations de renseignements requises auprès de l'Office cantonal de la population concernant Madame E______ et M. F______".

Il a allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles. En substance, il a fait valoir que même s'il était domicilié avec son épouse à la rue 2______ no. ______, il se rendait régulièrement dans l'appartement loué. Il y hébergeait un ami proche, qui avait un enfant à charge, cela à titre purement gratuit. Il n'avait jamais sous-loué l'appartement et ne connaissait pas "E______" et "F______", étant précisé que ces personnes ne résidaient pas dans l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève.

b. Par arrêt du 14 mai 2024, la Cour a constaté que la requête du locataire tendant à suspendre le caractère exécutoire du jugement attaqué était dépourvue d'objet, l'appel ayant un effet suspensif automatique de par la loi.

c. Dans sa réponse du 10 mai 2024, la bailleresse a conclu au rejet de l'appel, respectivement du recours, ainsi qu'à la confirmation du jugement attaqué. A titre préalable, Elle a conclu à l'irrecevabilité des allégations et pièces produites par le locataire à l'appui de ses écritures d'appel et de recours, ainsi qu'au rejet des mesures d'instruction requises par celui-ci.

Elle a produit des pièces nouvelles.

d. La cause a été gardée à juger le 4 juin 2024, ce dont les parties ont été avisées le jour même.


 

EN DROIT

1.             1.1 Selon la jurisprudence, la nullité absolue d'un acte juridique ou d'une décision judiciaire doit être constatée d'office, en tout temps et par toute autorité chargée d'appliquer le droit, même en procédure de recours. Elle ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement décelables; sa constatation ne doit pas mettre sérieusement en danger la sécurité du droit (ATF 138 II 501 consid. 3.1; 137 I 273 consid. 3.1). Sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il ne faut admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire (ATF 130 II 249 consid. 2.4).

Des vices de la procédure qui tiennent à des violations du droit d'être entendu sont en soi guérissables et ne conduisent en règle générale qu'à l'annulabilité de la décision entachée du vice. S'il s'agit cependant d'un manquement particulièrement grave aux droits essentiels des parties, les violations du droit d'être entendu entraînent aussi la nullité. C'est en particulier le cas quand la personne concernée par une décision, à défaut d'avoir été citée valablement, ignore tout de la procédure ouverte à son encontre et, partant, n'a pas eu l'occasion d'y prendre part. L'irrégularité de la citation à comparaître empêche ainsi l'intéressé de prendre part à la procédure et de préserver ses droits procéduraux. Un jugement par défaut suppose une citation régulière (ATF 129 I 361 consid. 2.1 et 2.2 et les références citées, JdT 2004 II 47).

1.2 A titre liminaire, la Cour constatera d'office la nullité du jugement entrepris en tant que celui-ci concerne "E______" et "F______". Il est en effet manifeste que ces personnes - dont l'identité et l'adresse exactes demeurent inconnues à ce jour - ignorent tout de la présente procédure et, partant, n'ont pas pu y prendre part, tant il est vrai qu'elles n'ont pas reçu les citations à comparaître à l'audience du 8 février 2024 (celles-ci ayant été retournées au Tribunal avec la mention "le destinataire est introuvable à l'adresse indiquée"), qu'elles n'ont pas été citées à comparaître à l'audience du 14 mars 2024 et qu'elles n'ont pas reçu le jugement attaqué (celui-ci leur ayant été "remis" à l'adresse de l'objet loué - soit "coincé dans la porte", soit en main d'un tiers non identifié - alors qu'elles sont introuvables à cette adresse). Il appert donc que le Tribunal a gravement violé le droit d'être entendu de "E______" et de "F______", de sorte que le jugement entrepris, manifestement vicié à l'endroit des précité(e)s, ne saurait leur être opposable.

2. 2.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC). Seul le recours est recevable contre les décisions du juge de l'exécution (art. 309 let. a et 319 let. a CPC).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, il y a lieu de prendre en compte la durée prévisible pendant laquelle l'usage des locaux se prolongerait si le congé était éventuellement invalidé, soit la période de protection de trois ans de l'art. 271a al. 1 let. e CO
(ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3, JdT 2019 II 235 p. 236 et 239).

En l'espèce, le locataire conteste son expulsion en tant que telle, mais également la résiliation du bail. Vu la quotité du loyer brut, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte sur ces questions, tandis que celle du recours l'est contre les mesures d'exécution prononcées par le Tribunal.

2.2 L'appel et le recours, écrits et motivés (art. 311 al. 1 et 321 al. 1 CPC), doivent être formés dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision motivée ou de la notification postérieure de la motivation, si la décision a été rendue en procédure sommaire (art. 314 al. 1 et 321 al. 2 CPC), laquelle est applicable aux cas clairs (art. 248 let. b et 257CPC).

En l'espèce, l'appel et le recours sont recevables en tant qu'ils ont été interjetés en temps utile devant l'autorité compétente. En revanche, la question de leur recevabilité se pose eu égard aux conclusions prises devant la Cour et aux griefs soulevés par le locataire (cf. infra consid. 3).

2.3 La maxime des débats est applicable à la procédure de protection des cas clairs (art. 55 al. 1 et 255 a contrario CPC). Il en résulte que les faits non contestés par la partie défenderesse sont considérés comme prouvés (ATF 144 III 462 consid. 4).

3. L'appelant conclut, pour la première fois devant la Cour, à l'irrecevabilité/au rejet de la requête en protection des cas clairs du 15 décembre 2023, à l'annulation du congé et à l'octroi d'un sursis humanitaire de trois mois. Se fondant sur des allégués de faits et des offres de preuve nouveaux, il fait grief au Tribunal de l'avoir condamné à évacuer l'appartement loué avec effet immédiat.

3.1
3.1.1
Selon l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé (let. a) et que la situation juridique est claire (let. b). Le tribunal n'entre pas en matière sur la requête lorsque cette procédure ne peut pas être appliquée (art. 257 al. 3 CPC).

L'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur. Il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve doit être rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes, qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure pour les cas clairs est exclue et la requête irrecevable. A l'inverse, le cas clair doit être retenu lorsque sont émises des objections manifestement mal fondées ou inconsistantes sur lesquelles il peut être statué immédiatement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_550/2020 du 29 avril 2021 consid. 5.2 et les références citées). La situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvée (ATF 144 III 462 consid. 3.1).

Si le tribunal parvient à la conclusion que les conditions du cas clair sont réalisées, le demandeur obtient gain de cause par une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire. Si elles ne sont pas remplies, le tribunal doit prononcer l'irrecevabilité de la demande (Ibidem).

3.1.2 Selon l'art. 257d CO, lorsque le locataire a reçu la chose louée et qu'il tarde à s'acquitter d'un terme ou de frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et lui signifier qu'à défaut de paiement dans ce délai, il résiliera le bail; ce délai doit être d'au moins trente jours pour les baux d'habitations ou de locaux commerciaux (al. 1). A défaut de paiement dans le délai fixé, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d'habitations ou de locaux commerciaux peuvent être résiliés avec un délai de congé minimum de trente jours pour la fin d'un mois (al. 2).

L'action en expulsion pour défaut de paiement du loyer au sens de l'art. 257d CO, selon la procédure de protection dans les cas clairs (art. 257 CPC), présuppose que le bail ait valablement pris fin, puisque l'extinction du bail est une condition du droit à la restitution des locaux (art. 267 al. 1 CO). Le tribunal doit donc trancher à titre préjudiciel la question de la validité de la résiliation, laquelle ne doit être ni inefficace, ni nulle, ni annulable. Les conditions de l'art. 257 al. 1 CPC s'appliquent également à cette question préjudicielle (ATF 144 III 462 consid. 3.3.1; 142 III 515 consid. 2.2.4; 141 III 262 consid. 3.2 in fine).

Il appartient au bailleur, conformément à l'art. 8 CC, d'alléguer et de prouver les conditions de l'art. 257d CO (faits générateurs de droit), conformément aux exigences de l'art. 257 CPC. En revanche, il incombe au locataire d'invoquer les faits dirimants ou destructeurs en invoquant des objections ou des exceptions telle l'extinction de sa dette ou la compensation avec une contre-créance (arrêt du Tribunal fédéral 4A_195/2023 du 24 juillet 2023 consid. 3).

Une résiliation qui répond aux exigences de l'art. 257d CO, mais qui est contraire aux règles de la bonne foi, peut être annulée selon les art. 271 ss CO. Le congé doit toutefois être contesté dans le délai de trente jours prévu à l'art. 273 CO. Si cette démarche n'a pas été faite, le grief du congé contraire à la bonne foi ne peut plus être invoqué dans la procédure d'expulsion par la voie du cas clair (arrêts du Tribunal fédéral 4A_367/2022 du 10 novembre 2022 consid. 5.2.1; 4A_571/2020 du 23 mars 2021 consid. 4.2, n. p. aux ATF 147 III 218).

3.1.3 Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont recevables en appel qu'aux conditions de l'art. 317 al. 1 CPC. Les nova improprement dits (ou faux ou pseudo-nova) ne sont recevables qu'à deux conditions : (1) la partie qui s'en prévaut ne pouvait pas les invoquer avant, malgré sa diligence et (2) elle les présente sans retard. Ainsi, ne sont pas recevables les contestations et objections que le locataire soulève pour la première fois en instance d'appel, comme par exemple le fait qu'il a payé l'arriéré de loyer dans le délai de sommation de trente jours ou qu'il a obtenu du bailleur un sursis au paiement. Le locataire doit invoquer ces moyens de défense en temps utile, conformément au principe de la simultanéité des moyens d'attaque et de défense (maxime éventuelle ou maxime de concentration), qui vaut aussi en procédure sommaire de protection dans les cas clairs, soumise à la maxime des débats. Le fait que ces moyens de défense reposent sur des faits notoires ne dispense pas le locataire qui est assisté d'un avocat de les invoquer devant le premier juge (arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid. 4.2.2 et les références citées; 4A_470/2022 du 4 janvier 2023 consid. 4.1).

Selon l'art. 317 al. 2 CPC, la demande ne peut être modifiée devant l'instance d'appel que si les conditions fixées à l'art. 227 al. 1 CPC sont remplies (let. a) et si la modification repose sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux (let. b).

Selon l'art. 326 al. 1 CPC, les conclusions, les allégations de fait et les preuves nouvelles sont irrecevables devant l'instance de recours.

3.2
3.2.1
En l'espèce, le locataire a été valablement cité à comparaître à l'audience du Tribunal du 14 mars 2024, à laquelle il n'était ni présent ni représenté. Il n'a formé aucune requête en restitution (art. 148 CPC) en lien avec son défaut à cette audience, étant au demeurant relevé que les "raisons de maladie" évoquées dans son courrier du 4 avril 2024, dont on ignore tout de la nature et de la durée, n'étaient nullement étayées par pièces.

Eu égard à ce qui précède, les allégués et offres de preuve nouveaux dont le locataire se prévaut devant la Cour sont irrecevables. En effet, ces allégués et moyens de preuve se rapportent à des faits survenus avant que la cause ait été gardée à juger par le Tribunal, sans que l'appelant explique en quoi il aurait été empêché de s'en prévaloir en première instance - plus particulièrement à l'audience du 14 mars 2024 à laquelle il a fait défaut sans motif valable. Or, dans la mesure où les moyens de défense invoqués par le locataire dans son acte d'appel se fondent entièrement sur des nova irrecevables, celui-ci est forclos à s'en prévaloir devant la Cour. Les conclusions que le locataire a formulées pour la première fois dans son acte d'appel sont également irrecevables, dès lors qu'elles ne reposent pas sur des faits et/ou moyens de preuve nouveaux recevables en appel. En tout état, la conclusion du locataire tendant à l'annulation du congé n'a pas sa place en procédure sommaire de protection dans les cas clairs (cf. supra consid. 3.1.1 in fine). La conclusion tendant à l'octroi d'un sursis humanitaire est quant à elle irrecevable conformément à l'art. 326 al. 1 CPC.

Il suit de là que tant l'appel que le recours sont irrecevables.

Cela étant, même s'ils avaient été recevables, l'appel et le recours auraient quoi qu'il en soit été rejetés. Il ressort en effet des explications des parties et des pièces produites devant le Tribunal que la bailleresse a résilié le bail en se conformant aux exigences posées par les art. 257d al. 1 et 2 CO. Si le locataire - se fondant sur des nova irrecevables - reproche à la bailleresse de lui avoir notifié l'avis comminatoire à son adresse professionnelle, il ne conteste pas avoir effectivement reçu cet avis qu'il a retiré au guichet postal, ainsi que cela ressort des suivis d'envoi "track & trace" versés au dossier. Il ne conteste pas non plus qu'il était en retard dans le paiement du loyer lorsque la sommation du 11 septembre 2023 lui a été adressée, d'une part, et qu'il ne s'est pas acquitté de l'arriéré dans le délai fixé (les mensualités courantes n'étant plus payées depuis le mois de septembre 2023), d'autre part. En outre, le locataire ne soutient pas - et a fortiori n'établit pas - avoir contesté le congé dans le délai de trente jours fixé à l'art. 273 CO, de sorte qu'il ne saurait se prévaloir d'un éventuel motif d'annulation du congé pour faire obstacle à son évacuation. Au surplus, il ne remet pas en cause l'exactitude et le bien-fondé des montants qu'il a été condamné à payer à la bailleresse à titre d'arriérés de loyers et de charges, pas plus qu'il ne critique la libération de la garantie de loyer ordonnée par le premier juge. Finalement, le locataire - qui admet être domicilié avec son épouse dans un autre logement - ne se prévaut d'aucune circonstance qui justifierait de surseoir à son expulsion immédiate de l'appartement loué.

3.2.2 En définitive, l'arrêt et le recours seront déclarés irrecevables. La nullité du jugement attaqué sera constatée en tant qu'il vise "E______" et "F______" et, dans un souci de clarté, les chiffres 1 à 4 du dispositif seront rectifiés en conséquence.

4. Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (l'art. 22 al. 1 LaCC).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


Déclare irrecevables l'appel et le recours interjetés le 29 avril 2024 par A______ contre le jugement JTBL/272/2024 rendu le 14 mars 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/27423/2023.

Constate la nullité de ce jugement en tant qu'il concerne "E______" et "F______", et rectifie en conséquence les chiffres 1 à 4 du dispositif comme suit :

Condamne A______ à évacuer de sa personne et de ses biens, ainsi que de toute autre personne faisant ménage commun avec lui, l'appartement de 5 pièces au 3ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______, [code postal] Genève, ainsi que sa dépendance (une cave).

Autorise SOCIETE COOPERATIVE B______ à requérir l'évacuation par la force publique de A______ dès l'entrée en force du jugement.

Condamne A______ à verser à SOCIETE COOPERATIVE B______ la somme de 27'685 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 1er novembre 2023 (date moyenne).

Autorise la libération de la garantie de loyer de 11'835 fr. constituée auprès de D______ SA (référence n° 2022.06.3______), en faveur de SOCIETE COOPERATIVE B______, le montant ainsi libéré venant en déduction de la somme due susmentionnée.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Pauline ERARD et Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Damien TOURNAIRE et Madame Sibel UZUN, juges assesseurs; Madame Victoria PALAZZETTI, greffière.

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.