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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/18916/2019

ACJC/1481/2024 du 21.11.2024 sur JTBL/804/2023 ( OBL ) , RENVOYE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18916/2019 ACJC/1481/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU JEUDI 21 NOVEMBRE 2024

 

Entre

A______ SARL, Monsieur B______ et Monsieur C______, domiciliés ______, appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 3 octobre 2023, représentés par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,

et

D______ SA, sise ______, intimée, représentée d'abord par Me PATEK, puis par
Me Philippe PROST, avocat, 65, rue du Rhône, case postale 3139, 1211 Genève 3.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/804/2023 du 3 octobre 2023, reçu par les parties le 12 octobre 2023, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a débouté A______ SARL, B______ et C______ des fins de leur demande en validation de la consignation de loyer, exécution de travaux et réduction de loyer (ch. 1 du dispositif), ordonné aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de libérer les loyers consignés en faveur de D______ SA (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

B. a. Le 13 novembre 2023, A______ SARL, B______ et C______ ont formé appel de ce jugement, concluant à ce que la Cour de justice l'annule et renvoie la cause au Tribunal pour l'audition des témoins E______, F______ et G______ et nouvelle décision, ou, si mieux n'aime, valide la consignation de loyer n° 14L 2019 1______ du 16 juillet 2019, ordonne à D______ SA d'effectuer les travaux suivants, dans les règles de l'art et à ses frais, sous trente jours : 1) Installation d'un store en toile au niveau du vitrage de la cuisine, 2) Installation d'un store unique en toile sur toute la terrasse, alternativement de deux stores en toile, sans espace entre les toiles, couvrant toute la terrasse, 3) Installation d'étagères de rangement au niveau du bar côté vitrine, de même capacité que celles existant précédemment, 4) Dépose du guichet du bar et repose de celui d'origine en bois massif, ordonne à D______ SA de solliciter auprès du Service de l'espace public, pour validation auprès de l'Office du patrimoine et des sites, l'autorisation de poser un store unique en toile sur toute la terrasse, leur accorde une réduction de loyer de 25% en raison de l'humidité excessive et la présence de moisissures dans le restaurant, du 4 mai 2018 au 28 février 2021, soit durant 34 mois, une réduction de loyer de 20% d'octobre 2018 à avril 2019, d'octobre 2019 à avril 2020 et d'octobre 2020 à février 2021, soit durant 19 mois, en raison du froid qui a régné dans les locaux, ainsi qu'une réduction de loyer de 15% du 1er mai 2021 jusqu'à l'exécution complète et définitive des travaux susmentionnés, avec intérêts à 5% l'an, à la date moyenne, ordonne aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de déconsigner les loyers en leur faveur au titre des réductions de loyer précitées et condamne D______ SA à leur verser le solde dû à titre de réduction de loyer.

b. Le 18 décembre 2023, D______ SA a conclu à la confirmation du jugement querellé.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées le 22 mars 2024 de ce que la cause était gardée à juger.


 

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. A______ SARL, B______ et C______, en tant que locataires, ont conclu avec D______ SA, bailleresse propriétaire de l'immeuble, un contrat de bail à loyer portant sur la location d'une arcade de 77 m2 au rez-de-chaussée et dépôt de 50 m2 au sous-sol de l'immeuble sis rue 2______ no. ______ à Genève avec effet au 1er mai 2018.

Les locaux sont destinés à l'exploitation d'un café.

Le contrat a été conclu pour une durée initiale courant jusqu'au 31 août 2021, renouvelable tacitement de 5 ans en 5 ans.

Le loyer annuel, charges non comprises, a été fixé à 36'000 fr. et est indexé à l'indice officiel suisse des prix à la consommation.

Le bail initial du restaurant avait été conclu en septembre 2011. A______ SARL, B______ et C______ ont ainsi bénéficié d'un transfert de bail.

b. Le 4 mai 2018, les locataires se sont plaints auprès de la bailleresse de plusieurs défauts dont la suppression était demandée, notamment du fait que le store de la terrasse était usé, taché et troué.

Ils relevaient en outre que l'arcade n'était pas munie de doubles vitrages et demandaient à la bailleresse de faire les démarches visant à une mise en conformité de ceux-ci.

c. Le 9 octobre 2018, les locataires ont informé la bailleresse que la température était insuffisante dans les locaux et que de la condensation se formait sur les vitrages. Des déperditions de chaleur étaient liées à l'absence de doubles vitrages.

d. Après avoir été relancée à plusieurs reprises, la bailleresse a répondu aux locataires le 6 février 2019 que les vitrages seraient changés en 2025, dans le délai légal.

e. Le 22 février 2019, les locataires ont maintenu que les locaux loués étaient affectés de défauts. L'absence de doubles vitrages et le manque d'isolation engendraient des températures insuffisantes, de la condensation sur les vitres ainsi que des moisissures. Les températures insuffisantes suscitaient des plaintes de la part de la clientèle.

f. Le 22 mai 2019, les locataires ont rappelé à la bailleresse les défauts allégués, la priant de prendre position sur leurs demandes. A défaut de réponse satisfaisante, le loyer serait consigné.

g. Les locataires ont consigné le loyer dès le mois d'août 2019 (compte n° 14L 2019 1______).

h. Par requête déposée le 20 août 2019 devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, les locataires ont assigné la bailleresse en validation de la consignation du loyer, en exécution de travaux et en réduction de loyer.

i. Suite à une audience de conciliation qui s'est tenue le 4 novembre 2019, les parties sont convenues d'une visite des locaux agendée au 19 décembre 2019.

Afin de relever la température et l'humidité des locaux, les locataires ont fait poser par l'entreprise H______ INGENIEURS deux capteurs, le premier près du bar et le deuxième dans la salle de restaurant. Les relevés ont été effectués entre le 9 décembre 2019 à midi et le 9 janvier 2020 à midi. Durant cette période, le restaurant a été ouvert durant tout le mois de décembre, jusqu'au soir du 31, mais a été fermé entre le 24 et le 26 décembre 2019. Une fois les clients partis, la porte du restaurant était ouverte pour aérer.

L'appareil n° 1 a relevé des températures comprises entre 12.9 degrés au minimum et 21.9 degrés au maximum et une humidité de 40.5% au minimum et 80.6% au maximum. L'appareil n° 2 a relevé des températures comprises entre 15.2 degrés au minimum et 23.3 degrés au maximum et une humidité de 35.5% au minimum et 74.5% au maximum.

j. Lors de l'audience de conciliation du 31 janvier 2020, la bailleresse s'est engagée à effectuer les travaux de remplacement des vitrages durant l'été 2020. Les locataires se sont quant à eux engagés à rechercher une solution pour que l'air chaud provenant des radiateurs sous les banquettes puisse circuler le long des fenêtres et à ne plus consigner les loyers dès mars 2020, les sommes consignées jusque-là restant bloquées.

k. Un relevé de températures a été effectué dans les locaux litigieux le 6 février 2020 par l'entreprise I______ SA mandatée par la bailleresse. La température minimale relevée dans le restaurant était de 19 degrés et la température maximale de 21 degrés. Il était précisé dans le rapport que la température ambiante pouvait varier fortement dans le restaurant en raison des vitrages.

l. Le 4 juillet 2020, les locataires ont indiqué à la régie qu'ils souhaitaient être consultés au sujet des dates des travaux qui devaient avoir lieu dans leur arcade.

Les 28 et 31 août 2020, la bailleresse les a informés que les travaux de changement des vitrages étaient planifiés entre le 19 octobre et le 6 décembre 2020 et leur a demandé de se déterminer sur la date qui leur conviendrait pour leur début, à savoir la semaine du 26 octobre, du 2 novembre ou du 9 novembre 2020. Les travaux devaient durer six semaines et l'usage des locaux ne serait pas possible pendant ce temps.

Les locataires ont répondu le 7 septembre 2020 que la crise sanitaire avait eu un impact considérable sur leur activité et qu'il leur était dès lors inenvisageable d'assumer une nouvelle fermeture des locaux dans les prochains mois à si brève échéance. Les dates proposées correspondaient en outre à l'une des périodes de l'année durant laquelle l'activité était la plus fructueuse. Les travaux devaient intervenir durant l'été, afin que l'impact sur la bonne marche de la société ne se fasse pas trop ressentir, à savoir du 12 juillet au 15 août. Ils demandaient des explications sur la durée prévue de six semaines, alors que la durée prévue initialement étant inférieure. Enfin, une exonération de loyer de 100% pour toute la période des travaux, en sus de leurs autres prétentions, était d'ores et déjà sollicitée.

La bailleresse a répondu le 17 septembre 2020 que les nouveaux verres avaient été commandés et réalisés et qu'il n'était pas possible de les stocker pendant près d'une année. L'exécution des travaux présentait une certaine complexité, raison pour laquelle une durée de six semaines avait été prévue.

m. Le 5 octobre 2020, la bailleresse a mis les locataires en demeure d'accepter l'exécution des travaux qui débuteraient le 2 novembre 2020 et se poursuivraient jusqu'au 4 décembre, voire jusqu'au 11 décembre 2020. Le restaurant devrait être fermé dès le 16 novembre 2020 et jusqu'à la fin des travaux.

n. Le 13 octobre 2020, les locataires ont mis en demeure la bailleresse de surseoir aux travaux jusqu'à ce qu'une date soit trouvée d'entente entre les parties. Ils demandaient en outre notamment la confirmation que la bailleresse reposerait ou remplacerait par des installations équivalentes les étagères situées au-dessus du bar côté vitrine.

o. Le 3 novembre 2020, au vu de la fermeture des restaurants jusqu'au 29 novembre 2020 en raison de la crise sanitaire, les locataires ont informé la bailleresse qu'ils consentaient à ce que les travaux débutent au plus tard le 9 novembre 2020.

La bailleresse a demandé aux locataires le 3 décembre 2020 à quelle date les travaux pourraient être entrepris, précisant qu'à défaut, elle arrêterait une date.

Les locataires ont répondu le 15 décembre 2020, regrettant l'absence de réponse à leur pli du 3 novembre 2020, et ont relevé qu'un délai raisonnable pour initier les travaux tout en prenant en compte leurs intérêts impliquait d'effectuer ceux-ci durant l'été.

Le 22 décembre 2020, les locataires ont maintenu leur position, mais ont consenti, au vu de la nouvelle fermeture des restaurants ordonnée, à ce que les travaux soient menés dans le courant du mois de janvier 2021.

Le 12 janvier 2021, les locataires ont réitéré leur demande visant à ce que les travaux soient effectués durant le mois de janvier 2021 et ont rappelé ne pas avoir eu de réponse à leurs questions relatives au déroulement du chantier.

La bailleresse a répondu le 19 janvier 2021 que l'organisation du chantier supposait l'observation d'un délai d'au moins trois mois et que le processus avait été mis en route.

p. Lors de l'audience de conciliation du 21 janvier 2021, la bailleresse s'est engagée à effectuer les travaux d'isolation des vitrages durant l'été 2021 aux alentours de la période du 12 juillet au 15 août 2021.

q. D'entente entre les parties, les travaux, tendant notamment au changement des vitrages de l'ensemble des arcades de l'immeuble, ont débutés en mars et se sont terminés le 23 avril 2021.

Une exonération totale de loyers pour les mois de mars et avril 2021 a été proposée par la bailleresse et acceptée par les locataires.

r. Par courriels des 26, 27 et 28 avril 2021, les locataires ont informé la bailleresse que les travaux effectués étaient affectés de plusieurs défauts. Il manquait notamment une étagère à trois niveaux qui avait été laissée au mur et qui était introuvable, les stores n'étaient pas installés et ils souhaitaient que l'ancien guichet de bar soit réinstallé.

s. La bailleresse a répondu le 29 avril 2021 que son architecte tentait d'élucider les faits au sujet de l'étagère. Les offres concernant la pose des stores étaient en cours d'examen. Il avait été décidé de changer le guichet du bar afin d'améliorer l'état de celui-ci mais l'ancien leur serait restitué, étant précisé qu'il incomberait aux locataires de le faire poser à leurs frais s'ils le souhaitaient.

t. Le 15 juin 2021, les locataires ont sollicité de la bailleresse l'installation d'un store côté cuisine, ce dont ils bénéficiaient avant les travaux. Ils refusaient la pose des stores prévue le 22 juin 2021 si le store de la cuisine n'était pas validé.

La bailleresse leur a répondu le jour même qu'elle acceptait uniquement de prendre en charge les stores se trouvant sur la terrasse. Il y avait par ailleurs peu de chance que le Service des monuments et des sites accepte un équipement partiel des stores en façade. Elle proposait de poser un store côté intérieur dans la cuisine.

u. Le 1er juillet 2021, les locataires ont imparti à la bailleresse un délai au 19 juillet 2021 pour remplacer l'étagère à trois niveaux qui avait disparu, poser des toiles extérieures correspondant aux installations existant avant les travaux et couvrant toute la terrasse et non seulement la moitié et poser un store du côté de la cuisine.

D. a. Non conciliée le 3 septembre 2021, l'affaire a été portée devant le Tribunal le 4 octobre 2021.

Les locataires ont pris les mêmes conclusions que celles figurant dans leur appel.

Ils ont allégué que leur restaurant était affecté d'un problème d'isolation causant une humidité excessive, de la condensation sur les vitres, des moisissures sur les murs et des températures insuffisantes. Ces défauts avaient rendu le restaurant impropre à l'accueil de la clientèle, donnant au demeurant une très mauvaise image de celui-ci.

Ils ont produit des photographies desquelles il ressort que les vitrages de l'arcade sont couverts d'une buée opaque, que de l'eau s'écoule sous le cadre inférieur des vitrages, que les cadres sont couverts de moisissures, de même que certaines parties de murs et de boiseries, et que des cloques se sont formées à certains endroits d'une paroi sous l'effet de l'humidité.

b. La bailleresse a conclu au rejet de la demande et à la libération des loyers consignés en sa faveur.

Elle n'a pas contesté l'existence de défauts en lien avec une humidité excessive mais a allégué que la condensation sur les vitrages avait été exclusivement causée par la mise en place de banquettes devant les radiateurs se trouvant sous les vitrages et de coussins posés sur lesdites banquettes, ce qui avait empêché l'air ainsi que la chaleur des radiateurs de circuler et de se renouveler correctement. Les températures relevées étaient adéquates. L'existence de défauts suite aux travaux entrepris n'était pas prouvée. Aucun store au niveau du vitrage de la cuisine ne faisait partie intégrante des locaux loués et une solution avait été proposée, soit la pose d'un store à l'intérieur de la cuisine. Le modèle des toiles solaires avait été imposé par le Service des monuments et des sites et les deux stores avaient été installés à proximité immédiate l'un de l'autre, laissant seulement un espace minime entre eux. Il appartenait aux locataires d'enlever l'étagère litigieuse en vue des travaux. Le guichet de bar, qui ne faisait pas partie intégrante des locaux, avait été remplacé afin d'en améliorer l'état, mais l'ancien guichet pouvait être restitué aux locataires s'ils le souhaitaient.

Elle a produit sous pièce 47 un échange de correspondances avec l'Office des monuments et des sites duquel il ressort que les stores "bannes" devaient être remplacés par des stores répartis par vitrine, adaptés à la façade d'origine. Il fallait poser un store par vitrine.

c. Les deux parties ont requis en temps utile l'audition de plusieurs témoins.

c.a Lors de son interrogatoire par le Tribunal, B______ a déclaré avoir constaté très rapidement de la moisissure sur les joints des fenêtres. Il n'y avait pas eu d'état des lieux d'entrée et il n'avait pas discuté avec les anciens locataires des problèmes de chauffage avant le transfert du bail. Il avait appris après coup que les anciens locataires utilisaient des chauffages d'appoint. Les photographies produites avaient été prises en majeure partie à l'automne 2018. Des clients s'étaient plaints de la température et avaient gardé leur manteau; certains n'étaient pas revenus. Les coussins et les banquettes contre le vitrage étaient déjà présents au transfert du contrat de bail. Ils devaient tous les jours retirer les coussins pour permettre à l'air de circuler et éponger les vitres et les banquettes, l'eau ruisselant sur ces dernières. Ils devaient également régulièrement nettoyer les joints, des moisissures se formant surtout sur le pourtour des vitres. Les défauts dus à l'absence de doubles vitrages avaient duré jusqu'au 23 avril 2021. Après l'exécution des travaux, il n'y avait pas eu d'état des lieux. Un store était installé côté cuisine avant les travaux et n'avait pas été reposé après les travaux. B______ avait appelé le Service des monuments et des sites qui lui avait indiqué que, dans certains cas, une toile unique pouvait être posée et que, dans leur cas, cela pouvait être possible. Après l'exécution des travaux de doubles vitrages, ils n'avaient pas remis les coussins et les banquettes.

c.b Le témoin J______, employée des locataires et compagne de B______, a déclaré avoir constaté que les températures étaient trop basses en hiver, trop hautes en été, qu'il y avait de la condensation et que cela engendrait des moisissures sur la base et autour des cadres des vitrines. Les coussins qui se trouvaient sur les banquettes contre les vitrages étaient systématiquement trempés, de sorte que les locataires devaient les faire sécher pour éviter qu'ils moisissent. Ils devaient également éponger les flaques d'eau qui apparaissaient à la base des vitres. Les clients se plaignaient du froid et gardaient leur manteau, certains déclarant ne revenir qu'au printemps. Suite aux travaux réalisés, en particulier le changement des vitrages, la température était devenue confortable et il n'y avait plus eu de condensation, à tout le moins plus dans les mêmes proportions. Au transfert du bail, les banquettes étaient déjà présentes, avec des coussins. Lorsqu'ils avaient ouvert le restaurant, un store protégeait la cuisine du soleil, ce qui était important en été, car le soleil "tapait" de ce côté-là le matin. Le store avait été déposé pour réaliser les travaux, mais n'avait pas été reposé malgré leurs demandes dans ce sens. Avant travaux, la terrasse était couverte d'un store avec un seul tenant, qui la protégeait intégralement de la pluie et du soleil. Après travaux, deux stores avaient été posés, séparés par 15 à 20 cm, qui ne couvraient par ailleurs plus intégralement la terrasse. Cela avait pour conséquence que certaines tables n'étaient plus protégées du soleil ou de la pluie, en raison de la taille des stores, mais également de l'espace qui les séparait.

c.c Le témoin K______, stagiaire des locataires entre septembre 2019 et février 2020, a expliqué qu'il faisait froid et humide dans les locaux une fois les clients présents, lesquels gardaient pour certains leur veste. Quelques clients avaient indiqué qu'ils ne reviendraient plus au restaurant en hiver. L'humidité se concrétisait par de la buée sur les vitres qui y restait ensuite toute la journée. A la fin de chaque service, il fallait relever les coussins et tirer les banquettes pour éviter qu'ils ne moisissent. Il faisait également chaud dans le restaurant en été. Une fois les vitrages changés elle avait constaté un changement, à savoir qu'il faisait moins froid et qu'il n'y avait plus de buée sur les vitres.

c.d Le témoin L______, architecte mandaté par la bailleresse, a expliqué que toutes les vitrines avaient été expertisées en mars 2019 et que, à réception de l'expertise, il avait été décidé de procéder à leur changement. Lorsqu'il s'était rendu sur place avant les travaux, il avait relevé que l'état des vitrines était standard vu l'âge de celles-ci. Il avait également constaté un problème récurrent qui existait partout dans les restaurants, soit des bancs avec des coussins installés sur les radiateurs situés en face des vitrines. Or, le principe de mettre des radiateurs à proximité des vitrines était de permettre à la chaleur de monter et d'éviter la condensation. En plaçant les bancs au-dessus des radiateurs, cela ne permettait pas à la chaleur de monter. Les trois trous se trouvant sur les banquettes n'étaient pas suffisants pour permettre à l'air de circuler. Il fallait donc enlever les banquettes pour permettre à l'air de circuler. Les travaux avaient été planifiés pour les locaux litigieux et les deux autres arcades. Il avait été prévu de commencer dans l'arcade vide. Des plannings avaient été établis sans concertation avec les locataires. Les travaux n'avaient pas pu être exécutés aux dates proposées en raison des refus des locataires et, ensuite, de l'indisponibilité de l'entreprise. Le témoin s'était rendu sur place et avait constaté qu'une étagère était manquante. Cette étagère avait dû être emmenée par erreur à la déchetterie avec d'autres meubles. Au départ, il y avait un store devant la cuisine et un grand store qui faisait le devant de l'arcade. Le Service des monuments et des sites avait imposé la pose d'un store par vitrine, la pose d'un seul store n'étant pas possible. Ils avaient demandé par écrit quel store était possible, sans demander de dérogation, et n'avaient pas insisté à réception de la réponse négative. Les locataires avaient demandé que le store de la cuisine soit reposé. La bailleresse n'ayant pas donné son accord à ce sujet, cela n'avait pas été fait.

d. Par ordonnance du 16 février 2023, le Tribunal a estimé être en mesure de trancher le litige sans acte d'instruction complémentaire, relevant que "les employés du restaurant avaient eu l'opportunité de s'exprimer" sur la question des problèmes d'humidité et de température du restaurant, de sorte qu'il n'était pas nécessaire de "déplacer encore des clients". Il a imparti aux parties un délai pour le dépôt de leurs plaidoiries finales écrites.

e. Par plaidoiries finales du 16 mars 2023, la bailleresse a persisté dans ses conclusions.

Le 22 mars 2023, les locataires ont fait de même, précisant leurs conclusions en paiement en ce sens que la conclusion en lien avec la réduction de loyer pour l'humidité excessive représentait un montant de 25'500 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er septembre 2019 (date moyenne) et la conclusion en lien avec la réduction de loyer pour la température un montant de 11'400 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2020 (date moyenne). Ils ont maintenu leur offre de preuve s'agissant de l'audition des témoins E______, F______ et G______, clients du restaurant.

Les parties ont répliqué le 11 avril 2023 et la cause a été gardée à juger par le Tribunal.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable pour avoir été introduit auprès de l'instance d'appel, dans le délai et suivant la forme prescrite par la loi (art. 311 al. 1 CPC), à l'encontre d'une décision finale de première instance, qui statue sur des prétentions pécuniaires pour une valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr. (art. 308 CPC).

1.2 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2. Le Tribunal a retenu que la cause était en état d'être jugée sans mesure d'instruction supplémentaire, de sorte qu'il n'était pas nécessaire de procéder aux auditions de témoins sollicitées par les parties. Il a considéré que les appelants n'avaient pas établi que les problématiques d'humidité, de moisissures et de température insuffisante étaient imputables à l'absence de doubles vitrages, ce qui suffisait à entraîner le rejet de leurs conclusions. Ils avaient démontré que les températures dans le restaurant étaient insuffisantes, mais l'ampleur de ce problème n'avait pas été précisément déterminée. En particulier, le fait d'ouvrir la porte du restaurant pour aérer en décembre et janvier avait eu pour conséquence de faire baisser la température.

Les appelants font valoir que l'existence des défauts d'humidité excessive et de température trop basse était établie mais que seule restait litigieuse leur origine. Il incombait dans ce cadre à l'intimée de démontrer qu'ils étaient eux-mêmes responsables des défauts, ce qu'elle n'avait pas fait. Les déclarations de l'architecte de l'intimée à ce sujet n'étaient pas déterminantes, puisqu'il était un mandataire de celle-ci. Le Tribunal avait violé la répartition du fardeau de la preuve. Il avait en outre violé leur droit d'être entendu en considérant, sans entendre les témoins cités par leurs soins, que l'ampleur des défauts n'avait pas été établie.

L'intimée soutient pour sa part que le témoignage de son architecte suffit à établir que les défauts sont dus au fait que les appelants avaient placé des banquettes contre les fenêtres, au-dessus des radiateurs, ce qui, malgré les trous, empêchait l'air de circuler. Le problème avait été résolu après les travaux, suite à la dépose des banquettes, ce qui attestait du fait que celles-ci étaient la source des défauts.

2.1.
2.1.1
Le bailleur est tenu de délivrer la chose louée à la date convenue, dans un état approprié à l'usage pour lequel elle est louée et l'entretenir dans cet état (art. 256 al. 1 CO).

Conformément aux art. 259a et 259d CO, lorsqu'apparaissent des défauts qui ne sont pas imputables au locataire et auxquels il ne doit pas remédier à ses frais, ou lorsque le locataire est empêché d'user de la chose conformément au contrat, il peut exiger du bailleur, notamment, la remise en état de la chose et une réduction proportionnelle du loyer, pour autant que le bailleur ait eu connaissance du défaut.

L'art. 259g CO prévoit en outre que le locataire d'un immeuble qui exige la réparation d'un défaut peut consigner son loyer, moyennant qu'il fixe préalablement un délai raisonnable au bailleur pour remédier au défaut, et qu'il l'avise de son intention de procéder à la consignation de ses loyers à échoir si sa mise en demeure ne devait pas être suivie d'effet.

Le locataire qui entend se prévaloir des art. 258 ss CO doit prouver l'existence du défaut (Lachat, Le bail à loyer, 2019, p. 303).

Faute de définition légale, la notion de défaut doit être rapprochée de l'état approprié à l'usage pour lequel la chose a été louée (art. 256 al. 1 CO); elle suppose la comparaison entre l'état réel de la chose et l'état convenu; il y a ainsi défaut lorsque la chose ne présente pas une qualité que le bailleur avait promise ou lorsqu'elle ne présente pas une qualité sur laquelle le locataire pouvait légitimement compter en se référant à l'état approprié à l'usage convenu (ATF 135 III 345 consid. 3.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_577/2016 du 25 avril 2017 consid. 3.1 et 4A_628/2010 du 23 février 2011 consid. 3.1). Le défaut peut être matériel ou immatériel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_2008/2015 du 12 février 2016 consid. 3.1). Il n'est pas nécessaire que le bailleur soit en faute ou que le défaut soit réparable (arrêt du Tribunal fédéral 4A_281/2009 du 31 juillet 2009 consid. 3.2).

Le défaut de la chose louée est une notion relative; son existence dépendra des circonstances du cas particulier; il convient de prendre en compte notamment la destination de l'objet loué, l'âge et le type de la construction, ainsi que le montant du loyer (ATF 135 III 345 consid. 3.3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_395/2017 du 11 octobre 2018 consid. 5.2 et 4A_281/2009 du 31 juillet 2009 consid. 3.2). Il s'agit par exemple de l'absence d'immissions ou de nuisances, lesquelles doivent être telles que le locataire ne peut pas faire un usage normal de la chose. La durée des nuisances est un critère important pour déterminer si celles-ci constituent un défaut (Montini/Bouverat, Commentaire pratique du droit du bail à loyer et à ferme, 2017, n. 41 ad art. 256 CO).

La présence d'humidité provoquant la propagation récurrente de moisissures sur les murs et plafonds de différentes pièces peut être constitutive d'un défaut, de même qu'une ventilation ou un chauffage défectueux (ATF 130 III 504 consid. 4.2; ACJC/1840/2019 du 16 décembre 2019; ACJC/1171/2008 du 6 octobre 2008; Lachat, op. cit., p. 266 ss).

Le locataire ne doit pas toujours s’attendre au maintien des propriétés existantes au moment de la visite des locaux ou de la remise de la chose. Certes, le bailleur, en présentant la chose dans l’état qui sera le sien au moment de la location, fixe un certain « standard » et, ce faisant, il s’oblige dans une large mesure. Toutefois, en ce qui concerne la durée, des variations de faible intensité sont possibles (cf. par exemple : remplacement d’un four défectueux par un autre fonctionnant parfaitement mais qui, esthétiquement, s’insère moins bien que le précédent dans l’ensemble de la cuisine). A cet égard, on ne saurait en principe admettre un accord tacite portant sur des paramètres qui ne se trouvent pas dans la sphère de puissance du bailleur (Montini/Bouverat, op. cit., n. 26 ad art. 256 CO).

Pendant le bail, le locataire qui reproche au bailleur une mauvaise exécution du contrat doit démontrer en quoi consiste le défaut (Montini/Bouverat, op. cit., n. 55 ad art. 256 CO). Ainsi, le locataire supporte le fardeau de la preuve (art. 8 CC) des faits dont on peut déduire l'existence d'un défaut, soit notamment l'état réel ou actuel de la chose (p. ex. la présence, dans le logement, d'une inondation, de parasites ou d'autres nuisances excessives) et les restrictions de l'usage convenu qu'il subit de ce fait (Bohnet/Jeannin, Le fardeau de la preuve en droit du bail, 19ème Séminaire sur droit du bail, 2016, p. 44 et 45).

Le bailleur répond des défauts de manière objective, donc même si ceux-ci résultent d’un cas fortuit, du comportement de ses auxiliaires, ou même de tiers. Selon la doctrine dominante, la source du défaut est sans pertinence pour le qualifier (Aubert, Commentaire pratique du droit du bail à loyer et à ferme, 2017, n. 29 ad art. 258 CO).

Lorsque l'origine du défaut est difficile à déterminer et litigieuse, on admet que, pour se libérer, le bailleur puisse amener la preuve que le défaut a été causé en raison de la responsabilité du locataire, selon les mêmes règles que l'art. 267 CO. S'il n'apporte pas la contre-preuve d'une responsabilité du locataire, son échec implique que la réduction de loyer est due, même si l'origine exacte du défaut ne peut être établie, et cela sans faute du bailleur (Aubert, op. cit., n. 53 ad art. 259d CO; ACJC/496/2018 du 23 avril 2018 consid. 3.1.3).

Tant que le locataire n’use pas de la chose d’une manière contraire au contrat, une éventuelle coresponsabilité ne vient pas exclure le droit à la garantie (Aubert, op. cit., n. 2 ad art. 259a CO).

2.1.2 Toute partie a droit à ce que le tribunal administre les moyens de preuve adéquats proposés régulièrement et en temps utile (art. 152 al. 1 CPC).

Le droit à la preuve est une composante du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst.; il se déduit également de l'art. 8 CC et trouve une consécration expresse à l'art. 152 CPC (ATF 143 III 297 consid. 9.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_793/2020 du 24 février 2021 consid. 4.1). Il implique que toute personne a droit, pour établir un fait pertinent contesté, de faire administrer les moyens de preuve adéquats, pour autant qu'ils aient été proposés régulièrement et en temps utile (ATF 144 II 427 consid. 3.1; 143 III 297 consid. 9.3.2). En revanche, le droit à la preuve n'est pas mis en cause lorsque le juge, par une appréciation anticipée, arrive à la conclusion que la mesure requise n'apporterait pas la preuve attendue, ou ne modifierait pas la conviction acquise sur la base des preuves déjà recueillies (ATF 146 III 73 consid. 5.2.2; 143 III 297 consid. 9.3.2; 140 I 285 consid. 6.3.1; 138 III 374 consid. 4.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_383/2021 du 15 septembre 2021 consid. 4.2).

2.2 En l'espèce, le Tribunal a retenu à juste titre que la chose louée était entachée de défauts en lien avec une humidité excessive et des températures trop basses en hiver. Il résulte en effet des pièces produites, notamment des photographies fournies par les appelants, et des déclarations et témoignages recueillis que les vitrages, avant leur remplacement, n'étaient pas étanches. De l'humidité et de l'air s'infiltraient dans les locaux loués, causant aux appelants différents désagréments. L'absence d'étanchéité des vitrages avait notamment pour conséquence de provoquer des variations de températures excessives ce qui est attesté par les témoins J______ et K______ et par les relevés de température produits par les appelants.

De plus, le rapport du chauffagiste I______ SA du 6 février 2020 produit par l'intimée confirme le fait que les variations de température ambiante dans le restaurant provenaient des vitrages.

Le Tribunal a par contre considéré à tort que l'intimée avait établi que ces défauts étaient dus au fait que les appelants avaient placé des banquettes et des coussins devant les radiateurs se trouvant sous les vitrages.

En effet, si le témoin L______ a bien indiqué que les banquettes et coussins empêchaient l'air de circuler, il n'a pas déclaré qu'il s'agissait là de la cause exclusive des défauts. Il a au contraire, après expertise, préconisé – et effectué – le changement des vitrages, travaux importants et onéreux qui auraient été inutiles s'il s'agissait simplement de déplacer les banquettes. Les pièces produites par l'intimée concernant lesdits travaux se réfèrent d'ailleurs à des travaux de "mise en conformité des vitrines", ce qui implique que les anciennes vitrines n'étaient pas conformes. A cela s'ajoute que le témoignage de cet architecte, mandaté et rémunéré par l'intimée, doit être considéré avec réserve. Ce seul élément ne suffit ainsi pas à établir que les appelants seraient exclusivement responsables des défauts allégués.

Aucune conclusion ne peut être tirée du fait que les défauts ont disparu après le changement des vitrages, suivi du déplacement des banquettes. On ignore en effet lequel de ces deux éléments a joué un rôle causal pour remédier aux problèmes d'humidité et de température.

Même à supposer que la situation des banquettes ait joué un rôle dans l'apparition des défauts, cela ne suffirait pas à exonérer l'intimée de toute responsabilité. Il ressort en effet des principes juridiques susmentionnés qu'une éventuelle coresponsabilité du locataire dans l'apparition des défauts ne suffit pas à exclure le droit à la garantie du bailleur.

En tout état de cause, il n'est pas établi que ce sont les appelants qui ont installé ces banquettes.

L'extrait du site internet de la société M______ [solutions anti humidité] produit par l'intimée n'a quant à lui pas de force probante particulière. Les indications toutes générales contenues dans ce document n'établissent au demeurant pas que les défauts constatés par les appelants seraient dus à leur faute exclusive.

Il résulte de ce qui précède que le Tribunal a mal appliqué les règles sur le fardeau de la preuve en déboutant les appelants de leur demande en réduction de loyer en raison du fait qu'ils n'avaient pas démontré que les problèmes d'humidité, de moisissures et de températures insuffisantes étaient imputables à l'absence de double-vitrage.

Il convient au contraire de retenir que les locaux loués ont été affectés de défauts jusqu'à la fin des travaux de remplacement des vitrages, en ce sens que l'humidité y pénétrait de manière inhabituelle et que la régulation de la température intérieure n'y était pas adéquate.

Il reste à déterminer si, et cas échéant dans quelle mesure, ces défauts justifient une réduction du loyer.

Contrairement à ce qu'a considéré le Tribunal, la cause n'est pas en état d'être jugée sur cette question. En refusant aux appelants la possibilité de faire entendre leurs témoins, pour ensuite constater qu'ils n'avaient pas établi la réalité de leurs allégations relatives à l'ampleur des défauts, le Tribunal a violé le droit à la preuve des appelants. Ceux-ci font valoir à juste titre que l'audition de leurs clients permettra vraisemblablement d'obtenir des renseignements utiles pour trancher la question de l'étendue et des conséquences des problèmes d'humidité et de variation de température.

Le jugement querellé sera dès lors annulé dans cette mesure et la cause renvoyée au Tribunal pour qu'il procède à l'interrogatoire des témoins E______, F______ et G______, conformément aux conclusions des appelants.

Lorsque le Tribunal aura achevé l'instruction de la cause, il lui incombera de statuer sur les prétentions des appelants en réduction de loyer.

3. En ce qui concerne les autres défauts allégués, le Tribunal a retenu que les appelants n'étaient pas en droit de prétendre au maintien des propriétés existantes de la chose louée tant que l'usage de celle-ci n'était pas réduit. Le problème du soleil dans la cuisine pouvait être réglé par la pose d'un store intérieur, proposée par l'intimée. Les appelants n'avaient pas allégué que l'usage de la terrasse serait entravé par le fait que le store unique existant avait été remplacé par deux stores séparés par une distance minime. Les appelants n'avaient pas établi que l'absence d'étagères de rangement postérieurement à l'exécution des travaux serait constitutive d'un défaut. L'intimée avait par ailleurs indiqué qu'elle tenait l'ancien guichet du bar à disposition des appelants, de sorte que ceux-ci avaient la possibilité de le récupérer.

Les appelants font valoir qu'il y avait, avant les travaux, un store en toile au niveau du vitrage de la cuisine et une étagère de rangement à trois niveaux à l'emplacement du bar côté vitrine, éléments qui avaient disparu après les travaux, ce qui péjorait leur situation. L'existence de deux stores au lieu d'un pour la terrasse entraînait des inconvénients importants. L'intimée devait être condamnée à reposer le guichet du bar existant en bois massif, qui avait été remplacé par un guichet en contre-plaqué. Ces défauts justifiaient une réduction de loyer de 15%, intérêts en sus, du 1er mai 2021 jusqu'à l'exécution des travaux.

3.1 N'importe quelle imperfection ne peut pas être qualifiée de défaut rompant l’équilibre du contrat et donner lieu à l’application de l’art. 259d CO. A cet égard, un défaut de moyenne importance, justifiant une réduction du loyer, peut résulter de deux cas de figure : soit l’usage de la chose louée est restreint dans une mesure de l’ordre de 5% au moins, soit un défaut mineur se prolonge sur une longue période sans que le bailleur, informé, ne prenne les mesures nécessaires, de sorte qu’une atteinte à la jouissance de la chose louée doit être admise. Ainsi, la jurisprudence admet de descendre à 2% s’il s’agit d’une atteinte permanente (Aubert, op. cit., n. 8 ad art. 259d CO).

3.2 En l'occurrence, les appelants ont insisté, avant les travaux, sur la nécessité pour l'intimée de reposer ou remplacer, après les travaux, les étagères situées au-dessus du bar côté vitrine.

Il ressort de l'audition du témoin L______ que ces étagères ont été emmenées par erreur à la déchetterie au moment des travaux. Il incombe dès lors à l'intimée de les remplacer à ses frais et elle y sera condamnée. Un délai de 30 jours lui sera imparti pour ce faire, comme le requièrent les appelants.

Les appelants ne forment pour le surplus aucune critique étayée à l'encontre des considérants du Tribunal au sujet des autres défauts.

Ils n'expliquent pas en quoi la pose d'un store intérieur dans la cuisine, proposée par l'intimée, ne suffirait pas à résoudre le problème de soleil dans cette pièce.

La pose de deux stores sur la terrasse extérieure, au lieu d'un seul précédemment, résulte d'exigences du Service de monuments et des sites comme cela ressort de l'échange de correspondances produit par l'intimée sous pièce 47 et des déclarations du témoin L______. Le seul fait que le store a été modifié en raison d'exigences légales par rapport à la situation existant au moment de l'entrée des appelants dans les locaux ne constitue pas un défaut. En effet, le locataire ne peut pas toujours s'attendre au maintien des propriétés existantes au moment de la remise de la chose. En tout état de cause, le store posé initialement ne donnait pas non plus satisfaction aux appelants puisque ceux-ci avaient demandé son remplacement en mai 2018 au motif qu'il était usé, taché et troué.

Les appelants ne démontrent au demeurant pas que les stores posés par l'intimée entraveraient de manière sensible l'usage de la terrasse au point que cela devrait être considéré comme un défaut.

Le grief des appelants sur ce point est ainsi infondé.

Il en va de même en ce qui concerne le guichet du bar. Les appelants n'établissent pas que le nouveau guichet, qui a remplacé l'ancien, serait défectueux. A cela s'ajoute que, comme l'a relevé le Tribunal, ils peuvent, s'ils le souhaitent, le remplacer en prenant livraison de l'ancien meuble tenu à leur disposition par l'intimée.

Il ressort de ce qui précède que le seul grief fondé des appelants concernant les défauts autres que l'humidité et la température concerne une étagère de rangement à trois niveaux jetée par erreur au moment des travaux.

Ce défaut ne justifie cependant pas une réduction de loyer. Les appelants n'ont fourni aucune explication sur les conséquences de l'absence de l'étagère en question. Il n'est ainsi pas établi qu'il s'agirait d'un défaut suffisamment important pour rompre l'équilibre du contrat et justifier une réduction de loyer.

Les appelants seront dès lors déboutés de leurs conclusions sur ce point.

4. Il résulte de ce qui précède que le jugement querellé sera annulé. La cause sera retournée au Tribunal pour qu'il procède à l'audition des témoins E______, F______ et G______ cités par les appelants et statue ensuite sur les prétentions de ces derniers en réduction de loyer en lien avec les défauts d'humidité, moisissures et températures insuffisantes.

L'intimée sera par ailleurs condamnée à poser, dans les 30 jours dès l'entrée en force du présent arrêt, une étagère de rangement au niveau du bar côté vitrine, de même capacité que celle qui existait avant les travaux effectués par ses soins.

5. Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 13 novembre 2023 par A______ SARL, B______ et C______ contre le jugement JTBL/804/2023 rendu le 3 octobre 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/18916/2019.

Au fond :

Annule ce jugement.

Condamne D______ SA à poser à ses frais dans l'arcade remise à bail à A______ SARL, B______ et C______, dans les 30 jours dès l'entrée en force du présent arrêt, une étagère de rangement au niveau du bar côté vitrine, de même capacité que celle qui existait avant les travaux.

Renvoie la cause au Tribunal des baux et loyers pour instruction et nouvelle décision sur la question des prétentions de A______ SARL, B______ et C______ en réduction de loyer en lien avec les défauts d'humidité, moisissures et températures insuffisantes.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Pauline ERARD, Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Zoé SEILER, Monsieur
Damien TOURNAIRE, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.