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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/17279/2019

ACJC/1310/2024 du 10.10.2024 ( SBL ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17279/2019 ACJC/1310/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU JEUDI 10 OCTOBRE 2024

 

Entre

A______ SÀRL, sise ______ [GE], recourante contre des ordonnances rendues par le Tribunal des baux et loyers les 3 mars 2023, 17 août 2023 et 25 septembre 2023, représentée par Me B______, avocat, ______ [GE],

et

C______ ANLAGESTIFTUNG, sise ______ (ZH), intimée, représentée par
Me Emmanuelle GUIGUET-BERTHOUZOZ, avocate, rue du Général-Dufour 11,
1204 Genève.

 


EN FAIT

A. a. Le 28 septembre 2020, [l'Étude d'avocats] D______ SÀRL (A______ SÀRL depuis décembre 2022) a saisi le Tribunal des baux et loyers d'une demande en paiement de 225'240 fr. avec suite d'intérêts moratoires dirigée contre C______ ANLAGESTIFTUNG.

Cette dernière a conclu au déboutement de D______ SÀRL des fins de ses conclusions et formé une demande reconventionnelle en paiement, D______ SÀRL concluant au déboutement de C______ ANLAGESTIFTUNG des fins de ses conclusions reconventionnelles.

A l'issue de l'audience du 25 mai 2021, le Tribunal a gardé la cause à juger sur les actes d'instruction requis par les parties.

Par ordonnance du 27 septembre 2021, il a ordonné la production de pièces puis un second échange d'écritures à réception des pièces.

Par ordonnances successives, des prolongations de délais pour répliquer et dupliquer ont été accordées aux parties.

b. Par ordonnance rendue le 15 février 2022, le Tribunal a annulé des délais qu'il avait arrêtés précédemment et fixé à D______ SÀRL un ultime délai non prolongeable pour répliquer au 25 mars 2022, dit qu'en cas d'absence d'écritures dans ce délai, la précitée serait considérée comme ayant renoncé à répliquer et fixé un délai à C______ ANLAGESTIFTUNG pour dupliquer.

Il a notamment retenu la réalité de l'incapacité de travail (jusqu'au 4 mars 2022) de l'avocat en charge de la procédure mais également la circonstance que la partie représentée par celui-ci était une étude d'avocats composée de trois avocats tous titulaires d'une signature individuelle, ce qui permettait de remplacer le conseil incapable de travailler. Ainsi, un délai ultime pour le dépôt d'une réplique au 25 mars 2022 serait accordé; en l'absence d'écriture dans ce délai, la partie serait considérée comme ayant renoncé à répliquer.

b.a D______ SÀRL a formé recours contre cette décision le 28 février 2022.

b.b Par arrêt ACJC/325/2022 du 8 mars 2022, la Cour, dans une composition présidentielle, a suspendu le caractère exécutoire de l'ordonnance du 15 février 2022 susmentionnée.

Se référant à cette décision, D______ SÀRL s'est adressé au Tribunal par courrier du 15 mars 2022, requérant de suspendre la cause jusqu'à droit jugé sur son recours du 28 février 2022.

b.c Par arrêt de la Cour ACJC/1276/2022 du 3 octobre 2022, le recours susmentionné a été déclaré irrecevable. Cet arrêt n'a pas été frappé de recours au Tribunal fédéral.

La Cour a retenu qu'il n'existait pas de préjudice difficilement réparable au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC, que la partie qui formait le recours ne consacrait d'ailleurs pas de développement spécifique à ce point, qu'en particulier la motivation donnée par le Tribunal au sujet de la prolongation du délai était convaincante, et a relevé en outre qu'en tout état les délais fixés dans l'ordonnance étaient déjà échus.

b.d Par ordonnance du 5 décembre 2022, le Tribunal a imparti aux parties un délai pour se déterminer sur la suite à donner à la procédure.

Par lettre du 16 décembre 2022, D______ SÀRL a requis un délai pour soumettre "une requête dûment motivée en suspension de la présente cause (art. 126 CPC) jusqu'à droit jugé par le Tribunal fédéral dans la cause 1C_573/2022 [procédure administrative d'autorisation de construire en lien avec la rénovation/transformation des locaux objets du bail] pendante entre les mêmes parties", ce à quoi le Tribunal a fait droit.

Par acte du 18 janvier 2023, D______ SÀRL a conclu en ces termes : "Il est ici requis que le Tribunal suspende la présente cause en application de l’art. 126 CPC jusqu'à droit jugé par le Tribunal fédéral dans la cause 1C_573/2022 et ordonne après droit connu dans ladite cause le second échange d'écritures qui était prévu dans l'ordonnance du 15 février 2022." Dans le corps de son argumentation, il a rappelé notamment que la procédure se trouvait "au stade juste avant l'ordonnance du Tribunal du 15 février 2022 dont le caractère exécutoire a été suspendu par l'arrêt […] ACJC/325/2022 du 8 mars 2022"; il a fait référence à sa requête du 15 mars 2022 et souligné qu'elle devait être traitée comme une demande de restitution de délai au sens de l'art. 148 CPC.

C______ ANLAGESTIFTUNG a requis que soient écartées les requêtes de D______ SÀRL de sorte que la procédure reprenne.

c. Par ordonnance du 3 mars 2023, le Tribunal, statuant par sa présidente, a rejeté la requête de suspension [jusqu'à droit jugé dans la procédure administrative] formée le 18 janvier 2023 par D______ SÀRL, et imparti à la précitée un délai pour se déterminer exclusivement sur les allégués et les conclusions amplifiées de C______ ANLAGESTIFTUNG, à l'exclusion de tout autre allégué.

Dans les considérants de la décision, le Tribunal a notamment retenu que son ordonnance du 15 février 2022 était entrée en force et que, faute d'avoir déposé des écritures dans le délai imparti, D______ SÀRL était réputée avoir renoncé à répliquer, mais n'avait pas été invitée à se déterminer sur les amplifications contenues dans les écritures du 5 mai 2022 de sa partie adverse, ce qui commandait qu'il soit acheminé à le faire.

d. Le 17 août 2023, le Tribunal, statuant par sa présidente, a rendu quatre ordonnances, dont deux seulement portent un numéro.

d.a L'ordonnance OTBL/138/2023 a rejeté la requête de suspension formée par D______ SÀRL jusqu'à droit jugé sur le recours déposé par cette dernière contre l'ordonnance du Tribunal du 3 mars 2023.

d.b L'ordonnance OTBL/137/2023 a rejeté la requête en suspension de la procédure formée le 6 juin 2023 par D______ SÀRL jusqu'à droit jugé sur la requête en production de pièces.

d.c Une troisième ordonnance du 17 août 2023 a déclaré irrecevables des passages des écritures des parties, a déclaré recevables des pièces déposées par C______ ANLAGESTIFTUNG et la liste de témoins complémentaire versée par celle-ci.

d.d Une quatrième ordonnance du 17 août 2023 a ordonné la déposition d'un représentant de D______ SÀRL, ordonné l'audition de douze témoins et rejeté les autres offres de preuve formulées par les parties.

e. Par ordonnance du 25 septembre 2023, le Tribunal, statuant par sa présidente, a révoqué le chiffre 2 de l'ordonnance qu'il avait rendue le 17 août 2023, en tant qu'elle ordonnait l'audition de trois témoins et rejeté la requête d'audition de ceux-ci, dit que l'audition des autres témoins porterait sur des allégués des écritures des parties qu'elle a désignés, et a maintenu son ordonnance précitée pour le surplus.

f. Les parties ont été convoquées à une audience fixée le 7 novembre 2023.

B. a. Le 17 mars 2023, D______ SÀRL a saisi la Cour d'un recours contre l'ordonnance du Tribunal du 3 mars 2023. Elle a conclu à l'annulation de celle-ci, cela fait au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision, subsidiairement à ce que de nouveaux délais soient fixés.

Elle a requis, à titre préalable, la suspension de l'effet exécutoire attaché à la décision attaquée, ce qui a été rejeté par arrêt ACJC/428/2023 de la Cour, rendu dans une composition présidentielle, du 24 mars 2023.

D______ SÀRL a renoncé à recourir contre le premier pan du dispositif de l'ordonnance attaquée, vu l'arrêt 1C_573/2022 rendu par le Tribunal fédéral le 13 mars 2023 dans la procédure administrative.

C______ ANLAGESTIFTUNG a conclu à l'irrecevabilité du recours.

Les parties se sont ensuite encore déterminées.

Par avis du 1er février 2024, elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

b. Le 28 août 2023, D______ SÀRL a formé appel, subsidiairement recours, contre l'ordonnance rendue par le Tribunal le 17 août 2023 (cf A.d.c ci-dessus). Elle a conclu à la nullité de celle-ci et au renvoi de la cause au Tribunal.

Elle a requis, à titre préalable, la suspension de l'effet exécutoire attaché à la décision attaquée, ce qui a été admis par la Cour, statuant dans une composition présidentielle, par arrêt ACJC/1152/2023 du 11 septembre 2023, pour les chiffres 1 à 5 du dispositif de cette décision et rejeté pour le surplus.

A la requête de la Cour, le Tribunal a, en application de l'art. 324 CPC, donné son avis.

C______ ANLAGESTIFTUNG a conclu à l'irrecevabilité de l'acte, subsidiairement à la confirmation de la décision attaquée.

D______ SÀRL s'est déterminée ultérieurement, concluant notamment à la jonction de quatre recours.

C______ ANLAGESTIFTUNG s'est opposée à cette requête.

D______ SÀRL a encore répliqué.

Par avis du 20 décembre 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

c. Le 28 août 2023, D______ SÀRL a saisi la Cour d'un appel, subsidiairement recours, dirigés contre l'ordonnance rendue par le Tribunal le 17 août 2023 (cf A.d.d). Elle a conclu à la nullité de celle-ci et au renvoi de la cause au Tribunal.

Elle a requis, à titre préalable, la suspension de l'effet exécutoire attaché à la décision attaquée, ce qui a été rejeté par la Cour, statuant dans une composition présidentielle, par arrêt ACJC/1155/2023 du 11 septembre 2023.

A la requête de la Cour, le Tribunal a, en application de l'art. 324 CPC, donné son avis.

C______ ANLAGESTIFTUNG a conclu à l'irrecevabilité de l'acte, subsidiairement à la confirmation de la décision attaquée.

D______ SÀRL s'est déterminée ultérieurement, concluant notamment à la jonction de quatre recours.

C______ ANLAGESTIFTUNG s'est opposée à cette requête.

D______ SÀRL a encore répliqué.

Par avis du 20 décembre 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

d. Le 28 août 2023, D______ SÀRL a formé recours contre l'ordonnance OTBL/138/2023 rendue par le Tribunal le 17 août 2023 (cf A.d.a ci-dessus). Elle a conclu à la nullité de celle-ci et au renvoi de la cause au Tribunal.

Elle a requis, à titre préalable, la suspension de l'effet exécutoire attaché à la décision attaquée, ce qui a été rejeté par la Cour, statuant dans une composition présidentielle, par arrêt ACJC/1153/2023 du 11 septembre 2023.

A la requête de la Cour, le Tribunal a, en application de l'art. 324 CPC, donné son avis.

C______ ANLAGESTIFTUNG a conclu à l'irrecevabilité de l'acte, subsidiairement à la confirmation de la décision attaquée.

D______ SÀRL s'est déterminée ultérieurement, concluant notamment à la jonction de quatre recours.

C______ ANLAGESTIFTUNG s'est opposée à cette requête.

A______ SÀRL [sic] a encore répliqué.

Par avis du 20 décembre 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

e. Le 28 août 2023, D______ SÀRL a formé recours contre l'ordonnance OTBL/137/2023 du 17 août 2023. Elle a conclu à la nullité de celle-ci et au renvoi de la cause au Tribunal.

Elle a requis, à titre préalable, la suspension de l'effet exécutoire attaché à la décision attaquée, ce qui a été rejeté par la Cour, statuant dans une composition présidentielle, par arrêt ACJC/1154/2023 du 11 septembre 2023.

A la requête de la Cour, le Tribunal a, en application de l'art. 324 CPC, donné son avis.

C______ ANLAGESTIFTUNG a conclu à l'irrecevabilité de l'acte, subsidiairement à la confirmation de la décision attaquée.

D______ SÀRL s'est déterminée ultérieurement, concluant notamment à la jonction de quatre recours.

C______ ANLAGESTIFTUNG s'est opposée à cette requête.

D______ SÀRL a encore répliqué.

Par avis du 20 décembre 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

f. Le 5 octobre 2023, D______ SÀRL a saisi la Cour d'un recours "en constat de la nullité absolue de l'ordonnance […] du 3 mars 2023".

C______ ANLAGESTIFTUNG a conclu à la forme à l'irrecevabilité du recours, au fond à son rejet.

D______ SÀRL s'est déterminée ultérieurement, concluant notamment à la jonction de quatre recours.

C______ ANLAGESTIFTUNG s'est opposée à cette requête.

D______ SÀRL s'est encore déterminée.

Par avis du 1er février 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

g. Le 12 octobre 2023, D______ SÀRL a formé appel, subsidiairement recours, contre l'ordonnance rendue par le Tribunal le 25 septembre 2023 ainsi que contre la convocation du Tribunal à l'audience fixée le 7 novembre 2023. Elle a conclu à la nullité de ces deux décisions.

Elle a requis, à titre préalable, la suspension de l'effet exécutoire attaché à la décision attaquée, ce qui a été rejeté par la Cour, statuant dans une composition présidentielle, par arrêt ACJC/1413/2023 du 20 octobre 2023.

C______ ANLAGESTIFTUNG a conclu à la forme à l'irrecevabilité du recours, au fond à son rejet.

D______ SÀRL s'est déterminée ultérieurement, concluant notamment à la jonction de quatre recours.

C______ ANLAGESTIFTUNG s'est opposée à cette requête.

D______ SÀRL s'est encore déterminée.

Par avis du 1er février 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             A titre préalable, vu le changement de la raison sociale de la requérante, la qualité de partie de celle-ci sera modifiée en A______ SÀRL.

2.             La recourante remet en cause l'ordonnance rendue par le Tribunal le 15 février 2022 par deux recours, l'un, daté du 17 mars 2023, l'autre du 5 octobre 2023. Dans le premier, il est conclu à l'annulation de la décision, dans l'autre au constat de la nullité de celle-ci.

La recourante attaque en outre les ordonnances rendues ultérieurement, soit les 17 août et 25 septembre 2023; elle prend également des conclusions en nullité, respectivement en annulation de ces décisions.

Compte tenu de l'interdépendance de ces décisions, tous les recours seront examinés dans le même arrêt.

3.             Le recours dans lequel la recourante conclut à la nullité de l'ordonnance du 3 mars 2023 sera examiné en premier lieu, de même que les recours des 28 août et 12 octobre en tant qu'il y est conclu à la nullité des ordonnances des 17 août et 25 septembre 2023.

3.1 La nullité absolue d'une décision peut être invoquée en tout temps devant toute autorité et doit être constatée d'office. Elle ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement décelables; sa constatation ne doit pas mettre sérieusement en danger la sécurité du droit (ATF 146 I 172 consid. 7.6; 145 III 436 consid. 4 et les références). Sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il ne faut admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire (ATF 130 II 249 consid. 2.4; arrêts du Tribunal fédéral 5D_13/2021 du 26 août 2021 consid. 4.3.2; 4A_407/2017 du 20 novembre 2017 consid. 2.2.2.1).

3.2         L’art. 30 al. 1 Cst. garantit en particulier la composition régulière du tribunal selon les dispositions en vigueur. Le tribunal doit être régulièrement composé et statuer dans sa composition entière et sans le concours de personnes non autorisées (ATF 137 I 340 c. 2.2.1, JdT 2013 I 17; 129 V 196 c. 4.1; 127 I 128 consid. 4b, JdT 2002 I 385; 125 V 499 c. 2a).

3.3         Selon l'art. 4 al. 1 CPC, le droit cantonal détermine la compétence matérielle et fonctionnelle des tribunaux, sauf disposition contraire de la loi.

L'art. 88 LOJ prévoit que le Tribunal des baux et loyers (section du Tribunal civil, à l'instar du Tribunal de première instance et de la Commission en matière de baux et loyers) siège dans la composition d'un juge, qui le préside, d'un juge assesseur représentant les groupements de locataires et d'un juge assesseur représentant les bailleurs.

Selon l'art. 16 A du Règlement du Tribunal civil (du 22 août 2014; E.2.05.41), les décisions relevant de la conduite du procès sont prises par le juge, respectivement le président de la composition à qui la procédure est attribuée. Il en va de même des décisions sur l'administration des preuves (al.1). En matière de bail, les décisions sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles sont prises par un juge titulaire siégeant comme juge unique (al. 3).

3.4         L'art. 124 CPC dispose que le tribunal conduit le procès. Il prend les décisions d'instruction nécessaires à une préparation et à une conduite rapides de la procédure (al. 1), La conduite de la procédure peut être déléguée à l'un des membres du tribunal (al. 2).

Les décisions de suspension au sens de l'art. 126 CPC entrent dans la catégorie des ordonnances d'instruction (ATF 141 III 270 consid. 3.3).

3.5         En l'occurrence, le recours formé le 5 octobre 2023 invoquant la nullité de la décision rendue par le Tribunal le 3 mars 2023 est recevable, en tant que l'argument de la nullité peut être invoqué en tout temps.

Ladite décision, portant d'une part sur une question de suspension de la procédure, d'autre part sur la fixation de délais, entre typiquement dans la catégorie des ordonnances d'instruction susceptibles d'être déléguées par le Tribunal à l'un de ses membres. Il en va de même des ordonnances des 17 août et 25 septembre 2023 respectivement.

Cette délégation est intervenue conformément au règlement du Tribunal civil. A cet égard, la recourante, en s'appuyant sur le texte littéral de l'art. 16A dudit règlement, soutient que l'absence de mention expresse, à l'al. 1 de la "matière de bail" figurant à l'al. 3 révélerait que le premier alinéa de cette disposition ne s'appliquerait pas à la section des baux et loyers du Tribunal civil. Cet argument, quoi qu'il en soit de sa pertinence sous l'angle de la technique législative, ne convainc pas, la référence au "juge respectivement président de la composition" étant suffisante pour comprendre que l'art. 16A al. 1 vise les sections siégeant en composition collégiale (Tribunal des baux et loyers et Commission de conciliation en matière de baux et loyers (cf art. art. 1 LCCBL) autant que celle du Tribunal de première instance composé d'un juge unique (cf art. 85 LOJ).

Il s'ensuit que les décisions susvisées n'ont été rendues ni par un Tribunal fonctionnellement incompétent ni dans une composition irrégulière.

Le grief de la nullité est ainsi infondé.

Le recours du 3 octobre 2023 sera dès lors rejeté, tandis que le sort des recours des 28 août et 12 octobre 2023 dépendra de l'examen des autres griefs qui y sont soulevés, examinés ci-dessous.

4.             Le recours du 17 mars 2023 conclut à l'annulation de l'ordonnance du 3 mars 2023, et ceux des 28 août et 12 octobre 2023 tendent à l'annulation des ordonnances des 17 août et 25 septembre 2023.

4.1 Ces recours ont été formés selon la forme et dans le délai prévus par la loi (art. 321 al. 2 CPC).

Le recours est recevable contre les autres décisions et ordonnances d'instruction de première instance, dans les cas prévus par la loi (art. 319 let. b ch. 1 CPC) ou lorsqu'elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC).

Les « autres décisions » se rapportent aux décisions dont le prononcé marque définitivement le cours des débats et déploie, dans cette seule mesure, autorité et force de chose jugée. Il s'agit notamment des décisions par lesquelles le juge statue sur l'admission de faits et moyens de preuve nouveaux (art. 229 CPC), une suspension (art. 126 al. 2 CPC), une « simplification du procès », telle que la jonction de causes (art. 125 CPC) ou la fixation et la répartition des frais (art. 110 CPC; JEANDIN, Commentaire Romand, Code de procédure civile [CR-CPC], 2e éd., 2019, n. 15 ad art. 319 CPC; COLOMBINI, Code de procédure civile, 2018, § 4.4.18, ad art. 319 CPC, p. 1036).

Une ordonnance de preuves est une ordonnance d'instruction, au sens de l'art. 319 let. b CPC, par laquelle le juge détermine le déroulement formel et l'organisation matérielle de l'instance, en l'occurrence l'opportunité de l'administration de preuves (JEANDIN in CPC commenté, n. 11 et 14 aart. 319 CPC).

L'art. 154 CPC ne prévoyant pas de recours contre une ordonnance de preuves, de même qu'une décision par laquelle le juge statue sur l'admission de faits et moyens de preuve nouveau (art. 229 CPC), un tel recours n'est recevable que si la décision peut causer un préjudice difficilement réparable à son auteur (art. 319 let. b ch. 2 CPC).

La notion de « préjudice difficilement réparable » vise les inconvénients de nature juridique, mais aussi toute incidence dommageable, y compris financière ou temporelle, pourvu qu'elle soit difficilement réparable. Cette notion doit être admise de manière restrictive, sous peine d'ouvrir le recours contre toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu : il s'agit en effet de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès (JEANDIN, CR-CPC, n. 22 ad art. 319 et les références citée).

Un préjudice difficilement réparable existe notamment quand un désavantage subi par la partie ne peut pas être entièrement réparé par un jugement au fond qui lui serait favorable ou quand sa situation est péjorée de manière significative par la décision litigieuse (FREIBURGHAUS/AFHELDT in ZPO Kommentar, 2e éds, n. 14 ad art. 319 CPC; Reich in Schweizerische Zivilprozessordnung (ZPO), n. 8 ad art. 319 CPC; ATF 134 III 188 consid. 2.1 et c. 2.2). La question de savoir s'il existe un préjudice difficilement réparable s'apprécie par rapport aux effets de la décision incidente sur la cause principale, respectivement la procédure principale (ATF 137 III 380 consid. 1.2.2).

4.2 Le droit d'être entendu (art. 53 CPC, 29 al. 2 Cst., 6 CEDH) comprend le droit, pour une partie à un procès, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre (ATF 146 III 97 consid. 3.4.1; 142 III 48 consid. 4.1.1). Il appartient en effet aux parties, et non au juge, de décider si une prise de position ou une pièce nouvellement versée au dossier contient des éléments déterminants qui appellent des observations de leur part. Toute prise de position ou pièce nouvelle versée au dossier doit dès lors être communiquée aux parties pour leur permettre de décider si elles veulent ou non faire usage de leur faculté de se déterminer (ATF 146 III 97 consid. 3.4.1;
139 I 189 consid. 3.2 et les références).

4.3 En l'espèce, le recours formé par la recourante contre l'ordonnance du Tribunal du 15 février 2022 a été doté d'un effet suspensif, accordé par la Cour le 8 mars 2022.

Il s'ensuit que le délai de réplique fixé dans cette ordonnance (avec échéance au 25 mars 2022) n'a pas couru à compter du 8 mars 2022.

Après que la Cour avait rendu son arrêt du 3 octobre 2022 déclarant irrecevable le recours précité, le Tribunal a acheminé les parties à se déterminer sur la suite de la procédure, ce à quoi celles-ci se sont attelées. La recourante a expressément relevé que le délai qui avait été fixé pour qu'elle puisse répliquer n'était pas parvenu à échéance, ce qui est correct compte tenu des principes relatifs à l'effet suspensif; la procédure se trouvait replacée au moment où ledit effet suspensif a été octroyé par la Cour, soit le 8 mars 2022.

Ainsi, le Tribunal n'était pas fondé à retenir que la recourante était réputée avoir renoncé à répliquer, sauf à violer le droit d'être entendue de celle-ci.

Compte tenu du stade de la procédure auquel cette violation a eu lieu, la recourante en subit un préjudice difficilement réparable, de sorte que son recours est recevable et fondé.

En ce qui concerne les recours visant les ordonnances rendues le 17 août 2023 et le 25 septembre 2023, il en va de même, étant donné que ces décisions ont toutes eu pour objet de régler différentes requêtes procédurales des parties ou des questions de procédure, en tant que celles-ci avaiten avancé au-delà de la date du 8 mars 2022.

Au vu de ce qui précède, le chiffre 2 de l'ordonnance du 3 mars 2023 sera annulé.

Il reviendra au Tribunal de reprendre l'instruction de la procédure au moment où celle-ci a été stoppée, soit le 8 mars 2022, afin que la recourante puisse bénéficier de son droit à la réplique.

Par voie de conséquence, et sans autre examen, il s'impose d'annuler les ordonnances rendues postérieurement au 8 mars 2022 (quoi qu'il en soit de leur bien fondé au moment où elles ont été émises), soit celles rendues le 17 août ainsi que le 25 septembre 2023.

5.             La procédure est gratuite (art. 22 al. 1 LaCC; ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

Préalablement :

Rectifie la qualité de la partie recourante en A______ SÀRL.

A la forme :

Déclare recevables les recours formés par A______ SÀRL contre le chiffre 2 du dispositif de l'ordonnance rendue le 3 mars 2023, les ordonnances rendues le 17 août 2023 et l'ordonnance rendue le 25 septembre 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/17279/2019.

Au fond :

Annule le chiffre 2 du dispositif de l'ordonnance rendue le 3 mars 2023.

Annule les ordonnances rendues le 17 août 2023 et le 25 septembre 2023.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions de recours.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER et Monsieur
Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.