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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/19018/2022

ACJC/1166/2024 du 25.09.2024 sur JTBL/39/2024 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/19018/2022 ACJC/1166/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MERCREDI 25 SEPTEMBRE 2024

 

Entre

A______, domiciliée ______,

B______ SA, sise ______,

appelantes d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 17 janvier 2024, représentées par Me C______, avocate,

et

VILLE DE GENEVE, sise c/o Gérance Immobilière Municipale, rue de l'Hôtel de Ville 5, case postale 3983, 1211 Genève 3, intimée, représentée par
Me Boris LACHAT, avocat, Lachat Marconi Muller Avocats, rue des Deux-Ponts 14, case postale 219, 1211 Genève 8.

 


EN FAIT

A.           a. Le 22 décembre 2022, A______ et B______ SA ont, par devant le Tribunal des baux et loyers, formé, à l'encontre de la VILLE DE GENEVE, une action en validation de la consignation du loyer, exécution de travaux, diminution de loyer, restitution du trop-perçu et réparation du dommage d'une valeur litigieuse de l'ordre de 3'000'000 fr.

b. La VILLE DE GENEVE a conclu au déboutement de A______ et B______ SA des fins de leurs conclusions.

c. Le 21 novembre 2023, les parties ont été citées à comparaître à une audience de débats fixée le 16 janvier 2024 à 10h15, avec pour objet "audition/interrogatoire, voire déposition des parties". La convocation mentionnait que la comparution personnelle des parties était exigée au sens de l'art. 68 al. 4 CPC.

d. Le procès-verbal de l'audience du Tribunal du 16 janvier 2024 comporte la mention suivante: "L'audience est convoquée à 10h15. Aucune des parties ne se présente, ni personne pour elle à 10h30, le Tribunal ayant tenté de prendre [contact] téléphoniquement en vain avec Me C______ [conseil des demanderesses] à son Etude et sur son portable, en vain".

Sur quoi, le Tribunal a rayé la cause du rôle.

B.            Le 17 janvier 2024, le Tribunal a fait parvenir aux parties un acte intitulé "RAYE DU RÔLE JTBL/39/2024", non daté, portant la remarque "Vu le défaut des parties lors de l'audience du 16 janvier 2024 (art. 234 al. 2 CPC)" et mentionnant la voie du recours au sens des art. 319ss CPC dans un délai de trente jours.

C.           Le 19 février 2024, A______ et B______ SA ont formé un "recours" contre l'acte précité, concluant à l'annulation de celui-ci, cela fait au renvoi de la cause au Tribunal pour que la cause soit reconvoquée pour la poursuite des débats principaux, subsidiairement pour qu'il soit procédé selon l'art. 234 al. 1 CPC, avec suite de frais. Elles ont en outre formulé des conclusions préalables.

Outre des explications liées à leur propre absence, elles ont fait valoir que la VILLE DE GENEVE était présente "devant la salle d'audience" le 16 janvier 2024, de sorte que le Tribunal aurait constaté les faits de façon manifestement inexacte dans son procès-verbal, et en outre omis d'examiner si les parties avaient manifesté leur désintérêt pour la procédure.

La VILLE DE GENEVE a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à l'irrecevabilité de certains allégués, et au rejet du recours.

Elle a fait valoir qu'elle était arrivée, avec son avocat, dans les locaux du Tribunal le 16 janvier 2024 aux alentours de 10h05, qu'elle avait constaté l'absence de ses parties adverses, et dès lors pris la décision de quitter les lieux sans attendre l'ouverture de l'audience, tout en informant (depuis l'extérieur de la salle d'audience) le Tribunal de sa décision.

Elle a notamment produit une ordonnance "sur demande de reconsidération" OTBL/44/2024 du 11 mars 2024, par laquelle le Tribunal a rejeté la demande de reconsidération de la décision de rayer du rôle, formée le 17 janvier 2024 par A______ et B______ SA, ainsi qu'un jugement "sur demande de relief" JTBL/266/2024 du 11 mars 2024, par lequel le Tribunal a rejeté la requête de relief formée par les précitées le 17 janvier 2024. Dans ces deux décisions, le Tribunal a fait figurer le passage suivant: "La partie défenderesse a délibérément choisi de ne pas comparaître à l'audience, ce dont elle a informé le Tribunal oralement, avant le début de l'audience et sans entrer dans la salle d'audience".

Par réplique, A______ et B______ SA ont renoncé à leurs conclusions préalables et persisté dans leurs autres conclusions. La VILLE DE GENEVE a dupliqué, persistant dans ses conclusions antérieures.

Par avis du 14 juin 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             L'appel est recevable contre les décisions de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC) dans les causes non patrimoniales ou, dans les causes patrimoniales, lorsque la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

La radiation de la procédure du rôle ensuite de sa perte d’objet, selon l’art. 242 CPC, est une décision finale au sens de l’art. 308 al. 1 lit. a CPC, qui est sujette à appel si la valeur litigieuse selon l’art. 308 al. 2 CPC est atteinte. Si la valeur litigieuse n’est pas atteinte, la décision finale est sujette à recours selon l’art. 319 lit. a CPC (arrêt du Tribunal fédéral 4A_169/2021 du 18 janvier 2022 consid. 6.5).

L'intitulé erroné d'un recours ne nuit pas à son auteur, pour autant que les conditions de recevabilité de la voie de droit correcte soient remplies (ATF
134 III 379 consid. 1.2; 135 III 329 consid. 1.1). Tel est le cas en ce qui concerne un recours par rapport à un appel, dès lors que les motifs recevables en appel sont plus larges que dans le cadre d'un recours (cf. art. 310 CPC par rapport à l'art. 320 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_235/2023 du 19 avril 2023 consid. 2, résumé in CPC Online, art. 132 CPC).

En l'occurrence, l'acte dont la Cour est saisie, formé dans le délai imparti, est recevable, puisqu'il s'agit d'un recours, alors que la voie de l'appel est ouverte, compte tenu de la valeur litigieuse de la cause, largement supérieure à 10'000 fr.

2. Les pièces postérieures à la décision attaquée, singulièrement les décisions définitives rendues par le Tribunal dans la présente cause le 11 mars 2024, sont recevables (art. 317 al. 1 let. b CPC).

3. Les appelantes s'en prennent à la décision du Tribunal de rayer la cause du rôle, prise à l'issue de l'audience du 16 janvier 2024, et communiquée le lendemain. Elles lui font griefs de constatation manifestement inexacte de faits au sujet de la non présence de l'intimée, et de violation de l'art. 234 al. 2 CPC.

3.1 En cas de défaut des deux parties, la procédure devient sans objet et est rayée du rôle (art. 234 al. 2 CPC).

La radiation du rôle n'emporte pas force de chose jugée (Message CPC FF 2006 6950).

Pour Heinzmann/Pasquier (Code de procédure civile 2021, n. 9), qui se réfèrent à une décision rendue par l'Obergericht zurichois le 19 mars 2018 (dans une procédure sommaire fondée sur l'art. 265a LP), la radiation de la procédure repose sur l'idée que les parties manifestent leur désintérêt pour la procédure.

3.2 En l'occurrence, le Tribunal a fait figurer à son procès-verbal la mention qu'aucune des parties n'a comparu à l'audience.

Les appelantes s'évertuent à soutenir que cette mention serait fausse, motif pris de ce que l'intimée admet être venue devant la salle d'audience pour informer les juges de sa décision de faire défaut.

Cela étant, elles perdent de vue qu'il revient au Tribunal d'appeler les parties une fois l'audience ouverte.

De la rédaction du procès-verbal d'audience se comprend qu'à l'ouverture de l'audience, retardée pour cause de tentative de prise de contact - admise - avec le conseil des appelantes, aucune des parties n'était présente.

Comme les appelantes ne font pas valoir que, après qu'une telle formalité a été accomplie, l'intimée aurait été présente, sa critique est vaine.

Pour le surplus, le choix procédural de l'intimée lui incombe. Contrairement à l'avis des appelantes, qui soutiennent que l'absence des deux parties ne manifesterait en l'occurrence pas leur désintérêt pour la procédure, on ne discerne pas que l'intimée aurait dû exposer le motif de sa décision. Le Tribunal n'était pas tenu de contraindre l'intimée à comparaître, de sorte qu'il était légitimé à en constater le défaut à l'ouverture de son audience.

Les appelantes ne remettant pas en cause leur propre défaut, l'application de l'art. 234 al. 2 CPC se justifiait.

Dès lors, les griefs ne sont pas fondés.

La décision attaquée sera donc confirmée.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé le 19 février 2024 par A______ et B______ SA contre le jugement rendu le 17 janvier 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/19018/2022.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ, Monsieur
Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.