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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/6758/2024

ACJC/1114/2024 du 16.09.2024 sur DCBL/394/2024 ( SBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6758/2024 ACJC/1114/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 16 SEPTEMBRE 2024

 

Entre

A______ SARL, sise ______ [GE], recourante contre un "avis de retrait" DCBL/394/2024 du 28 mars 2024 de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers,

et

B______ ANLAGESTIFTUNG, sise ______ [ZH], intimée, représentée par
Me Christian TAMISIER, avocat, rue Saint-Léger 8, 1205 Genève.

 


EN FAIT

A. a Par contrat du 27 juillet 2021, B______ ANLAGESTIFTUNG, bailleresse, a remis à bail à A______ SARL, locataire, une arcade de 283 m² au 2ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève (centre commercial "C______"), destinée à l'exploitation d'un restaurant/bar ______, moyennant un loyer mensuel de 23'697 fr., charges comprises.

Un avenant valable dès le 1er décembre 2022 a prévu la location à A______ SARL de cinq dépôts aux 4ème et 5ème sous-sols de l'immeuble, moyennant un loyer mensuel total de 2'014 fr.

b. Par avis de résiliation sur formule officielle, daté du 13 février 2024 et adressé à la locataire par pli recommandé du 14 février 2024, B______ ANLAGESTIFTUNG a résilié le bail relatif à l'arcade et aux dépôts avec effet au 31 mars 2024, en se référant à l'art. 257d al. 1 CO et à une mise en demeure du 10 janvier 2024. L'avis indiquait que l'arriéré de loyer s'élevait à 257'794 fr. 15 au 13 février 2024, soit 10 mois de location du 1er décembre 2022 au 31 janvier 2024.

c. Le 15 mars 2024, A______ SARL, agissant par l'intermédiaire de Me D______, avocat au bénéfice d'une procuration signée par E______, à l'époque associé gérant président avec signature individuelle de la société, a déposé à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers (ci-après: la Commission de conciliation) une "Action en contestation et annulation de la résiliation du bail", concluant à l'annulation du congé du 13 février 2024. La cause a été enregistré sous le n° C/6758/2024.

d. Par un courrier déposé à la Commission de conciliation le 27 mars 2024, signé par F______, à l'époque associé gérant avec signature individuelle de A______ SARL, celle-ci a retiré "la contestation de résiliation de bail pendante sous le numéro de procédure C/6758/2024", en précisant que le mandat de Me D______ prenait ainsi fin.

e. Par pli simple adressé à A______ SARL le 28 mars 2024, reçu par la société le 2 avril 2024, la Commission de conciliation a retourné à celle-ci les pièces qu'elle avait déposées avec sa requête. Le pli comprenait un "avis de retrait" DCBL/394/2024, signé par une greffière, précisant que la requête avait été retirée.

f. Par courrier déposé le 28 mars 2024, Me G______, avocat, a informé la Commission de conciliation de ce qu'il succédait à Me D______ dans la défense des intérêts de A______ SARL et l'a invitée à lui adresser toute éventuelle correspondance future suite au retrait de la procédure. Il a annexé une procuration de la société, signée par F______ le même jour.

g. Le 3 avril 2024 la bailleresse a demandé à la Commission de conciliation si une procédure en opposition à la résiliation était pendante.

Le 11 avril 2024 la Commission de conciliation a répondu à B______ ANLAGESTIFTUNG que le congé avait été contesté et que la procédure avait été retirée par F______ sans avoir consulté Me D______.

h. Le 3 avril 2024, Me D______ a écrit à la Commission de conciliation que F______ avait agi sans droit et abusé de son pouvoir de signature. Il a invité la Commission à annuler l'avis de retrait du 28 mars 2024 et à suspendre la cause jusqu'à connaissance des votes de la séance extraordinaire du Conseil des gérants qui devait se tenir le 4 avril 2024.

Le 9 avril 2024, Me D______ a fait parvenir à la Commission de conciliation "une copie de l'extrait du procès-verbal original du Conseil des gérants de A______ Sàrl du 4 avril 2024 concernant la décision du maintien ou de la révocation du/des mandat/s attribué/s à Me D______ ainsi que la décision de convoquer une assemblée extraordinaire avec comme proposition notamment la révocation de la fonction de gérant de Monsieur F______".

B. a. Le 9 avril 2024, A______ SARL, agissant par l'intermédiaire de Me D______, a expédié à la Cour de justice un acte intitulé "recours", dirigé contre "la radiation du rôle respectivement l'avis de retrait" de la Commission de conciliation du 28 mars 2024, dont elle requiert l'annulation. Elle conclut, avec suite de frais judiciaires et dépens, principalement, à la reprise de la cause et de la procédure de conciliation et, subsidiairement, au renvoi de la cause à la Commission de conciliation pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

b. Par arrêt ACJC/500/2024 du 18 avril 2024, la Cour a rejeté la requête, formée par A______ SARL à titre préalable, de suspension du caractère exécutoire de l'avis de retrait contesté.

c. Dans sa réponse du 22 avril 2024, B______ ANLAGESTIFTUNG conclut à l'irrecevabilité et au rejet du recours.

d. A______ SARL s'est encore déterminée le 30 avril 2024.

e. Les parties ont allégué des faits nouveaux et déposé des pièces nouvelles.

f. Elles ont été informées le 4 juin 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

g. Le 8 juillet 2024, Me D______ a cessé d'occuper et révoqué l'élection de domicile en son étude.


 

EN DROIT

1. La locataire a choisi de contester le congé extraordinaire du 14 février 2024 – dont l'éventuelle nullité ou inefficacité pourrait encore, cas échéant, être soulevée au plus tard au cours de la procédure d'expulsion, sauf abus de droit (LACHAT, Le bail à loyer, Edition 2019, p. 985, ch. 6.3) – par une requête en conciliation formée le 15 mars 2024. Par acte du 27 mars 2024, elle a déclaré "retirer la contestation". Le 28 mars 2024, la Commission de conciliation lui a ainsi retourné ses pièces, avec un "avis de retrait".

La locataire soutient que cet avis de retrait devrait être "assimilé matériellement à la radiation de la procédure de conciliation au sens de l'art. 206 al.1 CPC". Il serait donc susceptible de recours selon l'art. 319 let. b ch. 2 CPC, le préjudice difficilement réparable consistant dans le risque qu'une nouvelle requête introduite après la radiation soit considérée comme tardive, vu le délai péremptoire de l'art. 273 al. 1 CO.

Selon la bailleresse, la Commission de conciliation, en prenant "formellement acte" du retrait, aurait rayé la cause du rôle. Il s'agirait de la radiation du rôle d'une procédure devenue sans objet pour d'autres raisons au sens de l'art. 242 CPC, soit d'une décision finale au sens de l'art. 308 al. 1 let. a CPC, laquelle pourrait être attaquée par la voie de l'appel, si la valeur litigieuse est atteinte, sinon du recours en vertu de l'art. 319 let. a CPC. En l'espèce, la valeur litigieuse étant largement supérieure à 10'000 fr., la décision aurait dû être attaquée par la voie de l'appel. Le recours de la locataire serait ainsi irrecevable.

1.1 La procédure de conciliation est introduite par le dépôt d'une requête de conciliation, à laquelle il faut joindre la procuration d'un éventuel représentant (art. 68 al. 3 CPC). La requête de conciliation est introductive d'instance et emporte litispendance. Contrairement à la demande adressée au tribunal (art. 65 CPC), la requête de conciliation peut être retirée sans préjudice même après sa notification au défendeur, lequel ne peut s'opposer au retrait. Le retrait de la requête de conciliation n'équivaut pas à un désistement d'action et n'emporte donc pas les effets d'une décision entrée en force (SANDOZ, La conciliation, in Procédure civile suisse, 2010, pp. 66-67).

Lorsque la tentative de conciliation aboutit devant l'autorité de conciliation, celle-ci consigne une transaction, un acquiescement ou un désistement d’action inconditionnel au procès-verbal, qui est ensuite soumis à la signature des parties. Chaque partie reçoit une copie du procès-verbal (art. 208 al. 1 CPC). La transaction, l’acquiescement ou le désistement d’action ont les effets d’une décision entrée en force (art. 208 al. 2 CPC).

Les mêmes règles sont prévues pour la transaction, l'acquiescement et le désistement d'action qui interviennent en procédure ordinaire devant le tribunal (art. 241 al. 1 et 2 CPC); elles sont également applicables dans les procédures simplifiée et sommaire (art. 219 CPC). L'art. 241 al. 3 CPC prévoit que le tribunal raye l'affaire du rôle.

Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser que la transaction judiciaire au sens des art. 208 et 241 CPC est passée par les parties en cours de procédure, soit directement devant l'autorité ou le juge, soit hors de sa présence, mais pour lui être remise. La transaction judiciaire elle-même, en tant qu'acte juridique des parties, met fin au procès (ATF 139 III 133 consid. 1.3). L'autorité ou le juge se bornent à en prendre acte; ils ne rendent pas de décision judiciaire, même si, formellement, ils rayent la cause du rôle (art. 241 al. 3 CPC) (arrêts du Tribunal fédéral 4A_150/2020 du 17 septembre 2020 consid. 2.2; 4A_254/2016 du 10 juillet 2017 consid. 4.1.1). Une décision de radiation de la cause du rôle, au sens de l'art. 241 al. 3 CPC, est dès lors un acte n'ayant qu'une portée déclaratoire. Elle n'est donc pas susceptible d'un recours ordinaire, hormis sur la question des frais de la procédure (ATF 139 III 133 consid. 1.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_432/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3.3.2).

Les principes qui viennent d'être rappelés sont applicables à l'acquiescement et au désistement d'action.

Il n'y a pas de décision judiciaire au sens du CPC lorsque la procédure se termine par une transaction, un acquiescement ou un désistement d'action. Faute d'être assimilés à une décision, une transaction judiciaire, un acquiescement ou un désistement ne peuvent être attaqués ni par un appel ni par un recours limité au droit (ATF 149 III 145 consid. 2.6.2 - JdT 2023 II 259 p. 267).

L'art. 328 al. 1 let. c CPC dispose qu'une partie peut demander la révision de la décision entrée en force au tribunal qui a statué en dernière instance lorsqu'elle fait valoir que le désistement d'action, l'acquiescement ou la transaction judiciaire n'est pas valable. Ces "substitutions de décisions" ont les effets d'une décision entrée en force (art. 241 al. 2 CPC). La seule voie de recours contre ces sortes de décisions est la révision. L'objet du recours en révision n'est pas la décision de rayer du rôle, décision déclaratoire (art. 241 al. 3 CPC) qui ne peut être l'objet d'un recours que par rapport à la question des frais qu'elle inclut éventuellement; l'objet du recours est l'acte de disposition à proprement parler. Dans le cas d'un désistement, c'est alors la déclaration unilatérale et inconditionnelle que la partie demanderesse fait au tribunal, selon laquelle elle retire totalement ou partiellement (désistement partiel) ses conclusions (ATF 149 III 145 consid. 2.6.3 - JdT 2023 II 259 pp. 267-268).

Selon la jurisprudence, les motifs qui peuvent être invoqués à l'appui d'une demande de révision pour invalidité d'une transaction judiciaire, d'un acquiescement ou d'un désistement d'action sont des vices de nature matérielle ou procédurale et en particulier les vices de la volonté au sens des art. 23 ss CO (ATF 149 III 145 consid. 2.6.4 - JdT 2023 II 259 p. 268), mais aussi le défaut de représentation régulière (TAPPY, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 37 ad art 242 CPC).

Cas échéant, l'autorité de conciliation est compétente pour se prononcer (BOHNET, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 12 ad art 208 CPC; cf. également PC CPC - BASTONS BULLETTI, art. 328, N 23).

1.2 En l'espèce, la locataire a retiré la requête de conciliation avant qu'une audience de conciliation ne soit fixée, de sorte que ce retrait n'a pas été consigné au procès-verbal par la Commission de conciliation. Celle-ci n'a pas rayé l'affaire du rôle, mais s'est bornée à adresser un avis de retrait à la requérante, à qui elle a retourné les pièces de la procédure. En toute hypothèse, une éventuelle décision de radiation du rôle n'aurait eu qu'un effet déclaratif et n'aurait pas été susceptible de recours.

La locataire conteste la validité du retrait de la requête intervenu le 27 mars 2024, en se prévalant d'un défaut de représentation régulière. Au vu des principes rappelés ci-dessus, seule la voie de la révision lui est ouverte.

En définitive, le recours de la locataire est irrecevable.

Il est donc superflu d'examiner la recevabilité des allégations et pièces nouvelles des parties.

2. Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


Déclare irrecevable le recours interjeté le 9 avril 2024 par A______ SARL contre l'avis de retrait
DCBL/394/2024 de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers du 28 mars 2024 (cause C/6758/2024).

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD, Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Zoé SEILER, Monsieur
Jean-Philippe FERRERO, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.