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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/13372/2023

ACJC/1079/2024 du 09.09.2024 sur JTBL/332/2024 ( SBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13372/2023 ACJC/1079/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 9 SEPTEMBRE 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 21 mars 2024, représenté par l’ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,

 

et

SI B______ SA, intimée, représentée par C______ [régie immobilière].

 


EN FAIT

A.                Par jugement JTBL/322/2024 du 21 mars 2024, communiqué aux parties par pli du 26 mars 2024, le Tribunal des baux et loyers a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec lui l’appartement de 4,5 pièces situé au 2ème étage de l’immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève et la cave n° 2______ qui en dépend (ch. 1 du dispositif), a accordé à A______ un délai humanitaire jusqu’au 30 septembre 2025 (ch. 2), a autorisé SI B______ SA à requérir l’évacuation par la force publique de A______ dès le 1er octobre 2025 (ch. 3), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

a. Par acte expédié le 8 avril 2024 au greffe de la Cour de justice, A______ (ci-après également le locataire) forme appel contre ce jugement, dont il sollicite l’annulation. Cela fait, il conclut, principalement, à l’irrecevabilité de la requête du 15 juin 2023 et, subsidiairement, à la confirmation du jugement en ce qu’il lui octroie un délai humanitaire de 18 mois.

b. SI B______ SA conclut à la confirmation du jugement entrepris.

c. Par réplique du 6 mai 2024, A______ a persisté dans ses conclusions.

d. En l’absence de duplique de la part de SI B______ SA, les parties ont été avisées le 4 juin 2024 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Il résulte du dossier les faits pertinents suivants :

a. SI B______ SA, bailleresse, et A______, locataire, ont conclu un contrat de bail à loyer daté du 29 septembre 1999 portant sur la location d’un appartement de 4,5 pièces situé au 2ème étage de l’immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève, et de la cave n° 2______ qui en dépendait.

b. Le montant du loyer, charges comprises, a été fixé en dernier lieu à 1’848 fr. par mois.

c. Par avis comminatoire du 3 mars 2023, la bailleresse a mis en demeure le locataire de lui régler dans les 30 jours le montant de 8'807 fr. 50, à titre d’arriéré de loyer et de charges pour la période de février et mars 2023 (3'696 fr.) et de frais de chauffage (5’150 fr. 50), sous déduction d’un acompte de 40 fr., et l’a informé de son intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l’art. 257d CO.

d. Deux paiements de 1'848 fr. chacun ont été effectués par le locataire dans le délai comminatoire.

e. Considérant que la somme susmentionnée n’avait pas été intégralement réglée dans le délai imparti, la bailleresse a, par avis officiel du 26 avril 2023, résilié le bail pour le 31 mai 2023.

f. Par requête du 15 juin 2023 adressée au Tribunal, la bailleresse a requis l’évacuation du locataire, l’exécution directe de celle-ci, le paiement de la somme de 8'807 fr. 50 et la libération du certificat de dépôt. Elle a produit à l’appui de sa requête le décompte du locataire mentionnant le solde de chauffage à devoir de 5'151 fr. 50, ainsi que le détail des écritures comptables depuis le début du bail.

g. A l’audience du 21 mars 2024 devant le Tribunal, la bailleresse a persisté dans ses conclusions, à l’exception de celles en paiement et en libération du certificat de dépôt dès lors que le locataire était à jour dans ses paiements. Elle a rappelé qu’elle avait avec ce locataire un long historique et qu’elle n’était disposée à lui accorder qu’un long délai de départ de 18 mois.

Le locataire a conclu à l’irrecevabilité de la requête, estimant s’être acquitté de l’intégralité des montants dus dans le délai comminatoire. Il a soutenu que le montant du solde de chauffage, bien que payé ultérieurement, n’était attesté par aucune pièce. Il a déclaré participer à la vie de son quartier et s’est dit atteint psychologiquement par la procédure d’expulsion, comme l’attestait le certificat médical produit. Il faisait l’objet de poursuites, de sorte que son relogement s’avérerait difficile, raison pour laquelle il sollicitait un long délai humanitaire de 18 mois.

La cause a été gardée à juger à l’issue de cette audience.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4C.310/1996 du 16 avril 1997 = SJ 1997 p. 493 consid. 1).

Lorsque, dans le cadre de la procédure d’expulsion, le juge doit statuer sur la validité de la résiliation du bail, la valeur litigieuse est déterminée comme lorsque le locataire demande l’annulation du congé.

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (arrêts du Tribunal fédéral 4A_189/2011 du 4 juillet 2011 = ATF 137 III 389; 4A_367/2010 du 4 octobre 2010 consid. 1.1; 4A_127/2008 du 2 juin 2008 consid. 1.1; 4A_516/2007 du 6 mars 2008 consid. 1.1; ATF 136 III 196 consid. 1.1). Quant au dies a quo, il court dès la fin de la procédure judiciaire. Dès lors que la valeur litigieuse doit être déterminable lors du dépôt du recours, il convient de se référer à la date de la décision cantonale (arrêts du Tribunal fédéral 4A_187/2011 du 9 juin 2011 et 4A_189/2011 du 4 juillet 2011).

1.2 En l'espèce, il s’agit d’une procédure d’expulsion dans le cadre de laquelle la résiliation du bail est litigieuse, du fait que le locataire a contesté l’existence de la créance relative aux frais de chauffage.

La valeur litigieuse s’élève donc à 66'528 fr. (1’848 fr. x 12 mois x 3 ans). Elle est supérieure à 10'000 fr.

La voie de l’appel est ainsi ouverte.

1.3 Selon l’art. 311 CPC, l’appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l’instance d’appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision, laquelle doit être jointe au dossier.

Le délai d'appel est réduit à 10 jours si la décision a été rendue en procédure sommaire (art. 314 al. 1 CPC). Cette procédure s'applique notamment aux cas clairs (art. 248 lit. b et 257 CPC).

L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 et 314 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable, ce qui n’est pas contesté par l’intimée.

1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC; Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., 2010, n. 2314 et 2416; Rétornaz in : Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel, 2010, p. 349 ss, n. 121).

2. L’appelant fait grief aux premiers juges d’avoir constaté inexactement les faits et d’avoir violé les art. 257 CPC et 257d CO en rapport avec sa situation personnelle et le montant des charges de chauffage réclamé par l’intimée.

2.1 Selon l’art. 257d al. 1 CO, lorsque le locataire d’un bail d’habitation ou de locaux commerciaux est en retard dans le paiement de loyers ou frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai, de 30 jours au moins, et lui signifier qu’à défaut de paiement dans ce délai, il résiliera le bail.

En cas de non-paiement dans le délai, il peut, moyennant un délai de congé de 30 jours pour la fin d’un mois, résilier le bail en application de l’art. 257d al. 2 CO.

2.2 Il y a cas clair si l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé et si la situation juridique est claire (art. 257 al. 1 CPC).

L'état de fait doit pouvoir être établi sans peine, c'est-à-dire que les faits doivent être incontestés ou susceptibles d'être immédiatement prouvés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_585/2011 du 7 novembre 2011 consid. 3.3.1). Dans le doute, l'affaire doit être traitée dans une procédure complète. La situation juridique peut être considérée comme claire si, sur la base d’une doctrine et d’une jurisprudence éprouvées, la norme s’applique au cas concret et y déploie ses effets de manière évidente (Bohnet, Code de procédure civile commenté, Bâle, 2019, n. 13 ad art. 257 CPC; Hohl, op. cit., p. 304; Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse [CPC], in FF 2006, p. 6959).

Si la partie adverse, qui doit être entendue (art. 253 CPC), conteste les faits ou oppose une exception à la prétention du demandeur, la protection dans les cas clairs ne peut pas être accordée. Il suffit de démontrer la vraisemblance des objections; par contre, des allégations dénuées de fondement ne sauraient faire obstacle à un procès rapide (Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au Code de procédure civile suisse, p. 6841 ss, p. 6959; ACJC/60/2012 du 16.01.2012).

Selon l'art. 254 al. 1 CPC, la preuve est en principe rapportée par titres (ATF 138 III 636 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_241/2012 du 7 août 2012 consid. 4).

A teneur du Message du Conseil fédéral, la limitation des moyens de preuve est relativement stricte. L'inspection d'un objet apporté à l'audience est envisageable, mais les expertises et les interrogations des parties ne sauraient en principe entrer en ligne de compte (Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au Code de procédure civile suisse [CPC], op. cit., p. 6959).

La maxime des débats s'applique à la procédure des cas clairs (arrêt du Tribunal fédéral 4A_447/2011 du 20 septembre 2011). Dans la mesure où l'instance d'appel assure la continuation du procès de première instance, elle doit user du même type de procédure et des mêmes maximes que celles applicables devant la juridiction précédente (ATF 138 III 252 consid. 2.1; Jeandin, Code de procédure civile commenté, Bâle, 2019, n. 6 ad art. 316 CPC). L'instance d'appel instruit dès lors également selon les règles de la procédure sommaire (ATF 138 III 252 consid. 2.1).

2.3 Dans le domaine des baux et loyers, la procédure sommaire pour les cas clairs s’applique à certaines procédures d’expulsion, telles que la demande d’expulsion déposée contre un locataire qui a reçu le congé ordinaire et ne l’a pas contesté, ni n’a demandé la prolongation de bail dans le délai de l’art. 273 al. 1 et al. 2 let. a CO, la demande d’expulsion déposée contre un locataire dont le bail a valablement été résilié de manière anticipée pour retard dans le paiement du loyer (art. 257d al. 2 CO) ou la demande d’expulsion déposée contre un locataire qui a définitivement été débouté de sa demande d’annulation du congé ordinaire et/ou dont la prolongation de bail est arrivée à échéance (ACJC/240/2014 du 24 février 2014, consid. 4.4.1).

La Chambre des baux et loyers retient que le bailleur doit produire, à l'appui de sa requête en protection de cas clair, les titres permettant de prouver que la situation est claire, en particulier le contrat de bail, le dernier avis fixant le montant mensuel du loyer, des acomptes de charges et des frais accessoires, l'avis comminatoire et la résiliation du bail, accompagnés du suivi des envois ("track and trace"), ainsi qu'un relevé du compte du locataire. En effet, tant le Tribunal que la Cour doivent vérifier si les conditions de l'art. 257d CO sont réunies, soit à quelle date le locataire a reçu la sommation, l'exigibilité des montants objets de la mise en demeure, si le locataire a disposé du temps pour s'exécuter, si un ou des versements sont intervenus ou non durant le délai de grâce et à quelle date le congé a été reçu par locataire.

2.4 En l’espèce, les premiers juges ont retenu à raison que les conditions des art. 257d al. 1 CO et 257 al. 1 CPC étaient réunies et que l’appelant n’avait pas rendu vraisemblable que l’une ou l’autre d’entre elles faisait défaut.

A l’instar du Tribunal, la Cour retiendra que le montant du solde de chauffage figurant dans la mise en demeure du 3 mars 2023, ainsi que dans les écritures comptables produites par l’intimée dans la procédure, n’a jamais été remis en cause par l’appelant si ce n’est pour faire échec à l’évacuation.

D’ailleurs, ce dernier s’est finalement acquitté dudit montant sans réserve et n’a pas donné d’éléments permettant de douter de son exigibilité. Au contraire, il a admis dans son acte d’appel que le montant n’avait pas été réglé faute d’argent disponible rapidement.

S’agissant de la situation personnelle de l’appelant, elle n’est pas de nature à remettre en cause ce qui précède. Celle-ci aurait également été considérée dans le cadre de l'exécution forcée de la décision d’évacuation.

Toutefois, l’appelant ne conteste pas le sursis à l’exécution du jugement fixé d’entente entre les parties au 30 septembre 2025, mais le considère au contraire, à raison, comme « très généreux », dans la mesure où tout ajournement ne peut être selon la jurisprudence que relativement bref et ne doit pas équivaloir en fait à une nouvelle prolongation de bail (ATF 117 Ia 336 consid. 2b p. 339; arrêt du Tribunal fédéral 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

Par conséquent, contrairement à ce que soutient l’appelant, les premiers juges ont correctement constaté les faits et appliqué les art. 257 CPC et 257d CO.

Partant, l’appelant sera débouté de ses conclusions et le jugement entrepris confirmé.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 8 avril 2024 par A______ contre le jugement JTBL/332/2024 rendu le 21 mars 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/13372/2023.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER et Monsieur
Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2