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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/2904/2024

ACJC/952/2024 du 24.07.2024 sur JTBL/449/2024 ( SBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2904/2024 ACJC/952/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MERCREDI 24 JUILLET 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], recourant contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 25 avril 2024, représenté par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,

et

PENSIONSKASSE B______, c/o [agence immobilière] C______, ______ [GE], intimée, représentée par Me Pierre BANNA, avocat, rue Verdaine 15, case postale 3015, 1211 Genève 3.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTBL/449/2024 du 25 avril 2024, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire en protection des cas clairs, a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec lui le studio n° 1______ situé au 4ème étage de l'immeuble sis rue 2______ no. ______, à Genève (ch. 1 du dispositif), a autorisé PENSIONSKASSE B______ (ci-après : PENSIONSKASSE) à requérir l'évacuation par la force publique du précité dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et a rappelé que la procédure était gratuite (ch. 4).

En substance, les premiers juges ont retenu qu'à la suite du jugement JTBL/1107/2023 rendu le 20 décembre 2023 par le Tribunal, définitif et exécutoire, déclarant efficace le congé notifié le 7 octobre 2022 pour le 30 novembre 2022, A______ ne disposait plus d'aucun titre l'autorisant à rester dans le studio en cause, de sorte que son évacuation devait être prononcée. Eu égard au fait que le précité n'avait pas démontré avoir entrepris des démarches en vue de se reloger, ni produit de certificat médical attestant du mal-être allégué, et de la prolongation de fait de dix-huit mois dont il avait bénéficié depuis la notification du congé, il ne se justifiait pas de lui accorder de sursis humanitaire.

B.            a. Par acte déposé le 8 mai 2024 au greffe universel, transmis à la Cour de justice, A______ a formé recours contre le chiffre 2 du dispositif de ce jugement, sollicitant son annulation. Il a conclu à ce que la Cour lui octroie un délai humanitaire jusqu'au 31 octobre 2024.

Il a produit une nouvelle pièce.

b. Sa requête de suspension du caractère exécutoire des mesures d'exécution ordonnées par le Tribunal a été rejetée par arrêt présidentiel du 17 mai 2024 (ACJC/622/2024).

c. Par réponse du 22 mai 2024, PENSIONSKASSE a conclu au rejet du recours.

d. A______ n'ayant pas fait usage de son droit de réplique spontanée, les parties ont été avisées par plis du greffe de la Cour du 14 juin 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Les parties ont été liées par un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un studio n° 1______ situé au 4ème étage de l'immeuble sis rue 2______ no. ______ à Genève.

b. PENSIONSKASSE a résilié le bail de A______ par avis officiel du 7 octobre 2022 pour le 30 novembre 2022 pour violation du devoir de diligence (art. 257f CO).

c. A______ a contesté ce congé.

d. Par jugement JTBL/1107/2023 du 20 décembre 2023, le Tribunal a déclaré efficace le congé en cause.

Ce jugement est définitif et exécutoire.

e. Par requête expédiée le 6 février 2024, PENSIONSKASSE a introduit au Tribunal une action en évacuation, assortie de mesures d'exécution directes du jugement d'évacuation, en protection des cas clairs.

   f. A l'audience du Tribunal du 25 avril 2024, le conseil de PENSIONSKASSE a déclaré que les incivilités causées par A______ dans l'immeuble, qualifiées de graves, perduraient.

Le représentant de A______ a exposé que ce dernier "n'[allait] pas bien". Il avait obtenu une aide de l'Hospice général pour s'inscrire auprès de diverses fondations.

Le conseil de la bailleresse a proposé un délai de départ, que le représentant du locataire a refusé. Il a requis l'octroi d'un sursis humanitaire de six mois.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 Seule la voie du recours est ouverte contre les mesures d'exécution (art. 309 let. a CPC).

Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de la deuxième instance dans les trente jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311 al. 1 et 321 al. 1 CPC). Le délai est de dix jours pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 314 al. 1 et 321 al. 2 CPC), ce qui est le cas des procédures en protection des cas clairs (art. 248 let. b et 257 CPC).

En l'espèce, le recours, formé dans le délai et la forme prescrits par la loi, est recevable.

1.2 Le recours n'est recevable que pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art 320 CPC).

1.3 Les conclusions, les allégations de fait et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 CPC).

Il s'ensuit que la pièce nouvelle produite par le recourant est irrecevable, ainsi que les allégués de fait s'y rapportant.

2. Le recourant reproche au Tribunal de ne pas lui avoir accordé de sursis humanitaire.

2.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un locataire est réglée par le droit fédéral (cf. art. 335 et ss CPC).

En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable. En tout état de cause, l'ajournement ne peut être que relativement bref et ne doit pas équivaloir en fait à une prolongation de bail (ATF 117 Ia 336 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_207/2014 du 19 mai 2019 consid 3.1).

L'art. 30 al. 4 LaCC concrétise le principe de la proportionnalité en cas d'évacuation d'un logement, en prévoyant que le tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier. Cette disposition s'applique, selon ses propres termes, aux logements, c'est-à-dire aux habitations (arrêt du Tribunal fédéral 4A_207/2014 du 19 mai 2014 précité consid. 3.1).

S'agissant des motifs de sursis, différents de cas en cas, ils doivent être dictés par des "raisons élémentaires d'humanité"; sont notamment des motifs de ce genre la maladie grave ou le décès de l'expulsé ou d'un membre de sa famille, le grand âge ou la situation modeste de l'expulsé; en revanche, la pénurie de logements ou le fait que l'expulsé entretient de bons rapports avec ses voisins ne sont pas des motifs d'octroi d'un sursis (ACJC/422/2014 du 7 avril 2014 consid. 4.2; ACJC/187/2014 du 10 février 2014 consid. 5.2.1; arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 1990, in Droit du bail 3/1990 p. 30 et réf. cit.).

Le juge ne peut pas différer longuement l'exécution forcée et, ainsi, au détriment de la partie obtenant gain de cause, éluder le droit qui a déterminé l'issue du procès. Le délai d'exécution ne doit notamment pas remplacer la prolongation d'un contrat de bail à loyer lorsque cette prolongation ne peut pas être légalement accordée à la partie condamnée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_389/2017 du 26 septembre 2017 consid. 8; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

2.2 En l'espèce, le Tribunal a refusé de surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation, motifs pris de ce que le recourant n'avait pas démontré avoir entrepris des recherches de logement, de ce qu'il n'avait pas produit de certificat médical attestant de problèmes de santé et de ce qu'il avait de fait bénéficié d'une prolongation de dix-huit mois depuis la notification du congé.

Le recourant échoue à établir que cette décision serait contraire à la loi. Le contrat de bail a en effet été résilié pour fin novembre 2022 pour violation du devoir de diligence, soit il y a près de dix-neuf mois, et la requête en évacuation a été déposée début février 2024, soit il y a cinq mois. Le recourant a donc déjà bénéficié, dans les faits, d'un sursis d'une durée qui s'apparente à une prolongation de bail à laquelle il ne pouvait pas prétendre légalement (cf. art. 272a al. 1 let. b CO). Par ailleurs, le recourant n'a pas contesté continuer à enfreindre son devoir de diligence, en provoquant des nuisances incommodant les autres occupants de l'immeuble. De plus, le recourant n'a pas démontré, titres à l'appui, avoir entrepris des démarches en vue de trouver une solution de relogement. Ses allégations devant la Cour selon lesquelles il entendait s'inscrire "ces prochains jours" sont non seulement irrecevables mais également tardives, dès lors que le recourant devait rechercher, dès la résiliation de son contrat, une solution de relogement.

2.3 Infondé, le recours sera dès lors rejeté.

3.  A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *

 

 

 



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 8 mai 2024 par A______ contre le jugement JTBL/449/2024 rendu le 25 avril 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/2904/2024‑6-SD.

Au fond :

Rejette ce recours.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER, Monsieur Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 








 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.