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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/13762/2023

ACJC/831/2024 du 25.06.2024 sur JCBL/36/2023 ( OBL ) , CONFIRME

Normes : CPC.148
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13762/2023 ACJC/831/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MARDI 25 JUIN 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante de deux décisions rendues par la Commission de conciliation en matière de baux et loyers respectivement les 13 septembre 2023 et 9 novembre 2023, représentée par son curateur, Me B______, avocat,

et

C______ SA, sise ______ (NW), intimée, représentée par Me Pierre BANNA, avocat, Banna & Quinodoz, rue Verdaine 15, case postale 3015, 1211 Genève 3.

 


EN FAIT

A. a.a Par décision DCBL/666/2023 du 13 septembre 2023, notifiée aux parties le même jour, la Commission de conciliation en matière de baux et loyers (ci-après la Commission) a rayé du rôle la cause C/13762/2023 opposant A______ à C______ SA, vu le défaut de la demanderesse lors de l'audience du même jour.

a.b Le 13 octobre 2023, A______, représentée par son curateur, a formé recours contre cette décision, concluant à ce que la Cour l'annule, constate qu'elle était valablement représentée par son curateur lors de l'audience du 13 septembre 2023 et renvoie la cause à la Commission en vue de la délivrance de l'autorisation de procéder, subsidiairement de la fixation d'une nouvelle audience de conciliation à laquelle elle ne sera pas tenue de comparaître personnellement.

Elle a produit des pièces nouvelles.

a.c C______ SA a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

Elle a produit des pièces nouvelles.

a.d Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

A______ a produit des pièces nouvelles.

a.e Les parties ont été informées le 16 février 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

B. a.a Parallèlement, par décision JCBL/36/2023 du 9 novembre 2023, reçue par les parties le 14 novembre 2023, la Commission a rejeté la demande de restitution formée par A______ le 13 octobre 2023 (ch. 1 du dispositif) et dit que la procédure était gratuite (ch. 2).

a.b Le 14 décembre 2023, A______, représentée par son curateur, a formé appel contre cette décision, concluant principalement à ce que la Cour l'annule, annule la décision de radiation du rôle rendue par la Commission le 13 septembre 2023 et ordonne la convocation d'une nouvelle audience de conciliation à laquelle elle sera dispensée de comparaître.

Elle a produit des pièces nouvelles.

a.c C______ SA a conclu à la confirmation de la décision querellée.

Elle a produit des pièces nouvelles.

a.d Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

a.e Elles ont été informées le 3 mai 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. A______, née le ______ 1937, est locataire depuis le 18 août 1975 d'un appartement de trois pièces sis no. ______, rue 1______, [code postal] Genève appartenant à C______ SA, bailleresse.

Le loyer a été fixé en dernier lieu à 744 fr. par mois.

b. En décembre 2021, la police a dû procéder à l'ouverture de l'appartement de A______, en l'absence de celle-ci, injoignable, suite à une suspicion d'incendie. A teneur du rapport de police établi à cette occasion, et transmis au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (TPAE), l'appartement était particulièrement sale, délabré et encombré, d'une manière qui s'apparentait à un syndrome de Diogène. Cela laissait présager un trouble comportemental pouvant influer négativement sur la santé de la locataire, notamment au vu de son âge avancé.

c. Par décision du 7 février 2022, le TPAE a nommée Me D______ aux fonctions de curatrice d'office de A______.

Selon les explications fournies par ladite curatrice au TPAE, celle-ci n'a jamais pu entrer en contact avec la précitée, qui n'avait plus été vue dans son immeuble depuis décembre 2021. La régie en charge de la gestion de son appartement avait tenté de la joindre à plusieurs reprises, en vain.

d. Par ordonnance de mesures provisionnelles du 12 septembre 2022, le TPAE a nommé Me B______, avocat, aux fonctions de curateur de représentation et de gestion de A______. Il était notamment chargé de représenter l'intéressée dans ses rapports avec les tiers, en particulier s'agissant de toute problématique en lien avec son logement, de gérer ses revenus et biens, d'administrer ses affaires courantes et de veiller à son bien-être social. Le curateur était autorisé à plaider et transiger dans le cadre de son mandat et à procéder à toutes les démarches nécessaires en lien avec le bail, notamment pénétrer dans l'appartement de sa protégée et en changer les serrures.

e. Le curateur a fait procéder à l'ouverture de l'appartement de A______ le 1er février 2023 en compagnie d'un représentant de la bailleresse. La locataire ne s'y trouvait pas, mais l'appartement était en meilleur état que lors de l'intervention de la police en décembre 2021. Les serrures ont été changées.

d. Suite à cette intervention, le curateur a pu avoir quelques contacts avec sa protégée, qui s'est rendue à son étude pour récupérer les nouvelles clés de son appartement. Selon le curateur, celle-ci lui a expliqué qu'elle ne souhaitait pas de curatelle et qu'elle pouvait se débrouiller seule. Elle habitait souvent chez sa fille ou chez sa sœur en France. Elle préférait ignorer les courriers qu'elle recevait par peur d'apprendre une mauvaise nouvelle en lien avec son bail. Elle vivait toujours dans son appartement et ne le sous-louait pas.

e. Par avis du 31 mai 2023, adressé au curateur de A______, C______ SA a résilié le bail de celle-ci avec effet au 31 janvier 2024, en application de l'art. 266l al. 2 CO.

Le congé était motivé par le fait que de nombreux éléments permettaient de retenir que la locataire n'occupait pas l'appartement et que celui-ci était sous-loué de manière non autorisée. Le véhicule de la fille de A______ avait stationné sur une place de parking privée de l'immeuble, ce qui avait provoqué des plaintes des locataires.

f. Le 29 juin 2023, le curateur de A______ a contesté ce congé par devant la Commission, faisant valoir que celui-ci contrevenait aux règles de la bonne foi.

g. Le 21 juillet 2023, ledit curateur a reçu une convocation à une audience de conciliation fixée le 13 septembre 2023. Ladite convocation indiquait que les parties devaient comparaître personnellement, sauf exception prévue par la loi (art. 204 CPC).

Le curateur allègue avoir informé A______, par écrit et par téléphone, de ce qu'elle devait se présenter à cette audience.

h. Par ordonnance de mesures provisionnelles du 24 juillet 2023, notifiée le 20 septembre 2023 à Me B______, le TPAE a, sur demande de ce dernier, étendu la curatelle en ce sens que A______ était privée de l'accès à ses relations bancaires.

Le TPAE relevait que, depuis le début de l'instruction, l'intéressée était injoignable. L'on ignorait à ce stade si cela résultait de son plein gré ou de la volonté de sa fille, qui semblait exercer sur sa mère une influence négative. Il était difficile de déterminer si elle souffrait d'une quelconque affection ou si elle se trouvait dans un état de faiblesse. Il convenait de retenir qu'elle était "absente" puisque personne n'arrivait à la localiser, alors que l'adresse de son domicile était connue. Cette absence durable l'empêchait de préserver ses intérêts, comme l'attestait la procédure en lien avec la résiliation de son bail, les nombreux actes de poursuites dont elle faisait l'objet, et le grand nombre de contraventions qu'elle avait reçues. Elle avait dès lors besoin d'une protection.

i. A______ ne s'est pas présentée lors de l'audience de conciliation de la Commission du 13 septembre 2023. Son curateur s'y est rendu; il allègue avoir fourni à la Commission des explications concernant la difficulté de contacter la locataire. Le procès-verbal de l'audience en question ne figure pas au dossier.

La cause a été rayée du rôle par décision de la Commission du même jour.

j. Suite au blocage de ses comptes bancaires, A______ a contacté son curateur. Lesdits comptes ont été débloqués.

Le curateur expose avoir eu deux contacts avec sa protégée, le 22 septembre et le 6 décembre 2023. Selon ses dires, elle entendait très mal et disait n'avoir reçu aucun des courriers qui lui avaient été adressés. Elle marchait avec une canne et avait l'air désemparée et angoissée; elle avait des soucis de santé, dont elle n'a pas précisé la nature. Le curateur estime qu'elle n'avait vraisemblablement pas toute sa capacité de discernement. Il était possible qu'elle souffre de troubles cognitifs l'empêchant de comprendre ce qui se passait et de prendre des décisions appropriées.

k. Le 13 octobre 2023, le curateur de A______ a formé au nom de celle-ci une requête en restitution de son défaut lors de l'audience de la Commission du 13 septembre 2023. Il a en outre sollicité une dispense de comparution personnelle en sa faveur au sens de l'art. 204 al. 3 CPC.

Il a fait valoir que le défaut de sa protégée était "dû aux circonstances entourant l'instauration d'une curatelle (…), ainsi qu'à son état de santé et son âge", ce qui était "compréhensible" et ne "lui était pas imputable". Il avait constaté que A______ souffrait de difficultés auditives importantes, ce qui était confirmé par un certificat médical daté du 12 octobre 2023 établi par son médecin traitant. Sa fille exerçait une forte influence sur elle en lien avec la pertinence d'une mesure de curatelle. En raison des problèmes auditifs de sa protégée, toute conversation dans une salle d'audience avec elle serait très laborieuse.

Il a produit à l'appui de sa requête un certificat médical du médecin traitant de A______ attestant de ce que celle-ci souffrait "d'un déficit auditif appareillé qui, malgré tout, nui[sait] à une bonne compréhension" et rendait les entretiens "laborieux".

l. Le 27 octobre 2023, C______ SA a conclu au rejet de la requête de restitution du défaut.

EN DROIT

1. 1.1.1 La décision de radiation du rôle prise en vertu de l'art. 242 CPC est une décision finale au sens de l'art. 308 al. 1 let. a CPC, qui est soumise à l'appel si la valeur litigieuse selon l'art. 308 al. 2 CPC est atteinte. Si tel n'est pas le cas, cette décision peut faire l'objet d'un recours, conformément à l'art. 319 let. a CPC (ATF 148 III 186 consid. 6).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1).

1.1.2 En l'espèce, compte tenu du loyer en 744 fr. par mois, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. de sorte que la voie de l'appel est ouverte contre la décision de radiation du rôle prise par la Commission le 13 septembre 2023.

L'acte déposé par le curateur de l'appelante contre la décision de radiation l'a été dans le respect du délai de recours de 30 jours (art. 311 al. 1 CPC). Le fait qu'il soit à tort intitulé recours ne fait pas obstacle à sa recevabilité et l'acte sera traité comme un appel.

1.2.1 Selon l'art. 149 CPC, lorsque le tribunal est saisi d'une demande de restitution il donne à la partie adverse l'occasion de s'exprimer et statue définitivement sur la restitution.

Le Tribunal fédéral a jugé que, contrairement au texte de l'art. 149 CPC, l'exclusion de toute voie de droit n'était pas opposable à la partie requérante, dans le contexte particulier où le refus de restitution entraîne la perte définitive du droit en cause. Dans ce cas, ledit refus constitue une décision finale, contre laquelle la voie de l'appel ou de recours est ouverte, devant la seconde instance cantonale (ATF 139 III 478 consid. 6.3 et 7.3 non publié; arrêts du Tribunal fédéral 4A_456/2013 du 23 janvier 2014 consid. 4.2; 4A_343/2013 du 13 janvier 2014 consid. 5).

1.2.2 En l'espèce, le droit de la locataire de contester le congé selon l'art. 273 CO, qui prévoit un délai de péremption de 30 jours, est perdu du fait de la décision de refus de la restitution du 9 novembre 2023. Cette décision est par conséquent une décision finale, sujette à appel.

L'appel formé par le curateur de l'appelante le 14 décembre 2023 est dès lors recevable.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit ou constatation inexacte des faits (art. 310 CPC).

1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

2. Les deux parties ont produit de nouvelles pièces et font valoir de nouveaux faits.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuves nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

2.2 En l'espèce, les pièces 4 à 8, 15, 16 et 21 produites par l'appelante avec ses appels sont antérieures au 13 septembre 2023 et auraient pu être produites devant le Tribunal, de sorte qu'elles sont irrecevables.

Les pièces 2 à 15 produites par l'intimée devant la Cour sont également irrecevables, pour la même raison.

Les autres pièces nouvelles déposées par les parties sont recevables au regard des conditions posées par l'art. 317 CPC.

3. La Commission a radié la présente cause de son rôle le 13 septembre 2023, vu le défaut de l'appelante.

Son curateur fait valoir que "le processus de mise sous curatelle de" l'appelante, "les deux ordonnances rendues par le TPAE ainsi que les difficultés de mise en œuvre de ladite curatelle, à savoir les difficultés rencontrées à [la] contacter, doivent nécessairement être considérées comme de justes motifs" l'exemptant de comparaître personnellement à l'audience de conciliation. L'appelante était de plus valablement représentée lors de ladite audience au vu des pouvoirs conférés au curateur par les deux ordonnances du TPAE. Elle n'avait vraisemblablement pas la capacité de discernement nécessaire pour se prononcer sur le présent litige, puisqu'elle avait choisi d'ignorer les courriers qu'elle recevait de peur d'y apprendre une mauvaise nouvelle. Elle était en outre sous l'influence de sa fille et avait de grandes difficultés d'ouïe. Les explications données par le curateur lors de l'audience du 13 septembre 2023 auraient dû être comprises comme une demande de dispense de comparution personnelle de l'appelante en application de la maxime inquisitoire sociale. La présence de celle-ci n'était pas nécessaire.

3.1.1 En dérogation à la règle générale de l'art. 68 CPC, l'art. 204 al. 1 CPC impose aux parties de comparaître en personne à l'audience de conciliation. La conciliation suppose une discussion entre les parties, un échange sur leur position respective, encadré par les conseils de l’autorité. Leur présence est ainsi essentielle pour la réussite du processus de conciliation (Message du Conseil fédéral relatif au code procédure civile suisse [CPC], FF 2006 6841, 6939 s. ch. 5.13; cf. aussi ATF 140 III 70 consid. 4.3, RSPC 2014 338).

Les personnes physiques qui n'ont pas l'exercice des droits civils, respectivement la capacité d'ester en justice au sens de l'art. 67 CPC, les mineurs notamment, doivent comparaître à l'audience de conciliation par l'intermédiaire de leur représentant légal (art. 67 al. 2 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_385/2019 du 8 mai 2020, consid. 4.1.2; Bohnet, in Commentaire romand CPC, 2ème éd., 2019, n. 3 ad art. 204 CPC).

La représentation n'est autorisée que dans des cas exceptionnels (art. 204 al. 3 let. a à c CPC), usuellement admis en droit de procédure (arrêt du Tribunal fédéral 5A_385/2019 du 8 mai 2020, consid. 4.1.2). Sont ainsi dispensées de comparaître personnellement et peuvent se faire représenter, notamment, les personnes empêchées de comparaître pour cause de maladie, d’âge ou en raison d’autres justes motifs (art. 204 al. 3 let. b CPC). Les justes motifs doivent être rendus à tout le moins vraisemblables (Bohnet, op. cit., n. 5 ad art. 204 CPC).

La partie adverse doit être informée à l'avance de la représentation (art. 204 al. 4 CPC).

La requête de dispense doit être formulée au plus tard lors de l'audience de conciliation (arrêt du Tribunal fédéral 5A_704/2015 consid. 6.3; 4A_135/2018 consid. 2.4).

3.1.2 L'art. 206 al. 1 CPC dispose qu'en cas de défaut du demandeur, la requête est considérée comme retirée; la procédure devient sans objet et l'affaire est rayée du rôle (ATF 141 III 159 consid. 2.4). Cette disposition vaut pour toutes les procédures de conciliation, y compris dans les affaires de bail à loyer. L'art. 206 al. 1 CPC s'applique donc en particulier au locataire qui ne respecte pas les prescriptions légales de comparution, au risque de provoquer une déchéance de ses droits, notamment lorsqu'il agit pour contester la résiliation du bail ou une augmentation de loyer. La partie qui envoie un représentant sans réaliser les prévisions de l'art. 204 al. 3 CPC fait défaut (arrêt du Tribunal fédéral 4C_1/2013 du 25 juin 2013 consid. 4.3).

3.1.3 Une curatelle de représentation est instituée lorsque la personne qui a besoin d’aide ne peut accomplir certains actes et doit de ce fait être représentée (art. 394 al. 1 CC). Lorsqu'une curatelle de représentation et de gestion est instituée, l'autorité de protection peut limiter l'exercice des droits civils de la personne en conséquence (art. 394 al. 2 CC). Dans ce cas, elle doit le prévoir expressément dans le dispositif de sa décision (Meier, in Commentaire du droit de la famille, Protection de l'adulte, 2013, n. 12 ad art. 395 CC). Si la personne conserve l'exercice des droits civils, elle conserve une compétence concurrente d'agir (Meier, op. cit., n. 24 ad art. 394 CC).

La Cour de justice a déduit de ce qui précède que les majeurs faisant l'objet d'une curatelle de représentation et de gestion doivent comparaître personnellement à l'audience de conciliation de la Commission en matière de baux et loyer et ne peuvent être représentés par leur curateur (ACJC/1479/2021 du 15 novembre 2021, consid. 2.2).

3.1.4 Selon l'art. 16 CC, toute personne qui n’est pas privée de la faculté d’agir raisonnablement en raison de son jeune âge, de déficience mentale, de troubles psychiques, d’ivresse ou d’autres causes semblables est capable de discernement.

La capacité de discernement est présumée. C'est à la personne qui invoque l'incapacité de discernement qu'il revient de la prouver. En particulier, le grand âge n'entraîne pas comme tel la présomption d'incapacité (Werro/ Schmidlin, Commentaire romand, 2024, n. 63 ad art. 16 CC).

La capacité de discernement est une notion relative, qui s'apprécie concrètement par rapport à un acte déterminé (Werro/ Schmidlin, op. cit., n. 51 ad art. 16 CC).

Les moyens aptes à mettre en cause la présomption de capacité de discernement sont les témoignages et les expertises, ces dernières ayant une portée particulière en matière de déficience mentale et de troubles psychiques (Werro/ Schmidlin, op. cit., n. 71 ad art. 16 CC).

3.2 En l'espèce, il convient de retenir que, conformément à la jurisprudence de la Cour, la présence de l'appelante à l'audience de conciliation du 13 septembre 2023 était nécessaire puisque celle-ci a l'exercice des droits civils.

L'on ne saurait en effet retenir, au vu des éléments figurant au dossier, qu'il est établi que l'appelante n'avait pas la capacité de discernement pour être en mesure de comparaître à l'audience de la Commission du 13 septembre 2023.

En l'absence de témoignage ou d'expertise probants, les seuls allégués du curateur en ce sens ne sont pas suffisants. En particulier, le fait que l'appelante aurait indiqué au curateur qu'elle préférait ne pas ouvrir les courriers qu'elle recevait de peur d'y découvrir de mauvaises nouvelles en lien avec son bail, ne suffit pas à démontrer que celle-ci souffrait d'une incapacité de discernement s'opposant à sa participation à l'audience de conciliation litigieuse.

Le fait qu'elle ne souhaite pas collaborer avec son curateur ou le TPAE n'est pas non plus un indice suffisant en ce sens.

Le certificat médical établi par le médecin-traitant de l'appelante, qui relève uniquement que l'appelante a des problèmes d'audition, ne mentionne d'ailleurs aucune altération de ses facultés de discernement. Dans sa décision du 24 juillet 2023, le TPAE n'a pas non plus retenu que l'appelante était incapable de discernement, se limitant à relever qu'il était difficile de déterminer si elle souffrait d'une quelconque affection ou si elle était dans un état de faiblesse.

Il ressort en outre du dossier que l'appelante est en mesure de se déplacer, de se rendre en France chez sa sœur et de prendre des initiatives comme celle de venir récupérer les clés de son appartement à l'étude de son curateur ou réclamer le rétablissement de l'accès à ses comptes bancaires.

Il résulte de ce qui précède que c'est à juste titre que la Commission a retenu que la présence de l'appelante à l'audience du 13 septembre 2023 était nécessaire.

La Commission n'a pas été saisie en temps utile d'une demande tendant à dispenser l'appelante de comparaître à cette audience. Contrairement à ce que soutient le curateur de celle-ci, le fait qu'il ait exposé à la Commission, lors de l'audience du 13 septembre 2023, que sa protégée était sous curatelle de représentation et de gestion et qu'il n'avait pas réussi à la joindre ne pouvait être interprété comme une demande de dispense de comparaître.

L'appelante a dès lors bien fait défaut lors de ladite audience, ce que la Commission a constaté à juste titre.

Il convient par conséquent d'examiner si c'est à bon droit que la Commission a rejeté la requête de restitution de défaut présentée par l'appelante.

4. La Commission a retenu dans sa décision du 9 novembre 2023 que la requête de restitution du défaut était tardive car déposée plus de dix jours après l'audience, étant précisé que le curateur de l'appelante n'avait pas expliqué les causes de ce retard. En tout état de cause, les motifs invoqués ne pouvaient pas être retenus, le certificat médical produit n'attestant pas d'un empêchement de comparaître, étant souligné que l'âge de l'appelante ne constituait pas un juste motif à lui seul.

Le curateur de l'appelante fait valoir que la requête de restitution n'a pas été déposée hors délai puisque la cause du défaut n'a pas disparu. L'appelante avait toujours les mêmes difficultés. Plus particulièrement, elle ne comprenait pas le sens de la curatelle instaurée en sa faveur, continuait d'être méfiante, âgée et difficile à joindre. Elle ne venait pas non plus aux audiences du TPAE et le curateur ne pouvait pas garantir qu'elle se présenterait à une audience de conciliation convoquée par hypothèse ultérieurement. La Commission avait fait preuve de formalisme excessif en rejetant la requête de restitution.

4.1 Selon l'art. 148 al. 1 CPC, le tribunal peut accorder un délai supplémentaire ou citer les parties à une nouvelle audience lorsque la partie défaillante en fait la requête et rend vraisemblable que le défaut ne lui est pas imputable ou n’est imputable qu’à une faute légère. La requête est présentée dans les dix jours qui suivent celui où la cause du défaut a disparu (al. 2). Si une décision a été communiquée, la restitution ne peut être requise que dans les six mois qui suivent l’entrée en force de la décision (al. 3).

L'empêchement non fautif cesse et le délai de restitution de dix jours commence à courir dès que l'avocat est en mesure soit d'exécuter lui-même l'acte de procédure omis, soit d'en confier le soin à un remplaçant apte à le faire, soit encore d'attirer l'attention de son client sur la nécessité d'observer un délai (ATF 119 II 86).

Une partie doit se laisser imputer la faute de son représentant. (ATF
119 II 86 consid. 2, JdT 1994 I 55, SJ 1993, 237; arrêt du Tribunal fédéral 5A_393/2013 du 17 octobre 2013 consid. 2.4).

4.2 En l'espèce, la demande de restitution de défaut pouvait parfaitement être formée par le curateur de l'appelante dans les dix jours suivant l'audience du 13 septembre 2023. Le fait que l'état de sa protégée ne se soit pas modifié depuis la date de ladite audience est dénué de pertinence.

Cela est d'autant plus vrai que le curateur admet s'être entretenu avec l'appelante le 22 septembre 2023, soit avant l'expiration du délai pour former une demande de restitution.

En outre, la persistance des troubles de l'appelante qu'il allègue ne l'a pas empêché de former une demande de restitution le 13 octobre 2023.

La Commission a dès lors constaté à juste titre que le délai prévu par l'art. 148 al. 2 CPC n'avait pas été respecté, ce qui entraînait le rejet de la demande de restitution.

Ce faisant, elle n'a pas fait preuve de formalisme excessif, contrairement à ce que soutient le curateur de l'appelante. Celui-ci prétend que le délai était impossible à appliquer dans le cas d'espèce mais n'explique pas concrètement pour quel motif.

Le délai pour former la requête de restitution du défaut n'ayant pas été respecté, la décision de la Commission du 9 novembre 2023 peut être confirmée, sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner s'il existait ou non un motif justifiant la restitution du défaut in casu.

Les deux décisions querellées seront par conséquent confirmées.

5. Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevables les appels interjetés les 13 octobre 2023 et 14 décembre 2023 par le curateur de A______ contre la décision DCBL/666/2023 rendue le 13 septembre 2023 et contre la décision JCBL/36/2023 rendue le 9 novembre 2023 par la Commission de conciliation en matière de baux et loyers dans la cause C/13762/2023.

Au fond :

Confirme les décisions précitées.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI président; Madame Pauline ERARD et Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Monsieur Damien TOURNAIRE, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.