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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/25031/2023

ACJC/804/2024 du 20.06.2024 sur JTBL/33/2024 ( SBL ) , RENVOYE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25031/2023 ACJC/804/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU JEUDI 20 JUIN 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 11 janvier 2024, représentée par Me Serge PATEK, avocat, boulevard Helvétique 6, case postale, 1211 Genève 12,

et

Monsieur B______, intimé, représenté par Me Alessandro DE LUCIA, avocat, boulevard des Philosophes 13, 1205 Genève.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/33/2024 du 11 janvier 2024, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens, ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec elle, l'appartement de 3 pièces au 3ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève, ainsi que le grenier (ch. 1 du dispositif), autorisé B______ à requérir l'évacuation par la force publique de A______ dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3), et dit que la procédure était gratuite.

B. a. Par acte déposé le 22 février 2024 à la Cour de justice, A______ (ci‑après : la locataire ou l'appelante) a formé appel contre ce jugement, qu'elle avait reçu le 12 février 2024, concluant à son annulation, et, cela fait, à ce que soit déclarée irrecevable la requête en évacuation introduite par B______ le 17 novembre 2023.

Elle a allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles.

b. Dans sa réponse du 7 mars 2024, B______ (ci-après : le bailleur ou l'intimé) a conclu au déboutement de l'appelante de toutes ses conclusions et à la confirmation du jugement entrepris.

Il a produit une pièce nouvelle.

c. Par arrêt présidentiel du 4 mars 2024, la Cour a constaté la suspension de la force jugée et du caractère exécutoire du jugement entrepris.

d. L'appelante a répliqué le 22 mars 2024 et produit des pièces nouvelles, et l'intimé a dupliqué le 28 mars 2024, chaque partie persistant dans ses conclusions respectives.

e. Les parties ont été avisées par pli du greffe du 29 avril 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a.      Les parties ont conclu le 5 septembre 2022 un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 3 pièces au 3ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève, ainsi que d'un grenier.

Le montant du loyer et des charges a été fixé en dernier lieu à 3'400 fr. par mois, plus 150 fr. par mois de provision pour charges de chauffage et eau.

b.      Par avis comminatoire du 16 août 2023, le bailleur a mis en demeure la locataire de lui régler dans les 30 jours le montant de 5'350 fr., à titre d'arriéré de loyer et de charges pour la période du 1er juillet 2023 au 31 août 2023, et l'a informée de son intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

c.       Considérant que la somme susmentionnée n'avait pas été intégralement réglée dans le délai imparti, le bailleur a, par avis officiel du 27 septembre 2023, résilié le bail pour le 31 octobre 2023.

d.      Par requête en protection du cas clair déposée le 17 novembre 2023, le bailleur a introduit action en évacuation, avec mesures d'exécution directe, devant le Tribunal.

La requête et la citation ont été adressées par le Tribunal à A______, qui, bien qu'avisée le 11 décembre 2023 par la Poste pour retrait, ne les a pas réclamées.

e.       Lors de l'audience du 11 janvier 2024, le bailleur a persisté dans ses conclusions. Il a déclaré que le retard de loyers s'élevait désormais à 14'200 fr.

La locataire n'était ni présente, ni excusée, ni représentée.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3 = JdT 2019 II 235; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, Lausanne 2019, pp. 69-70).

En l'espèce, au vu de montant du loyer et des charges, la valeur litigieuse de 10'000 fr. est atteinte, de sorte que la voie de l'appel est ouverte contre le prononcé de l'évacuation.

1.2 Interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi, l'appel est recevable (art. 311 al. 1 CPC).

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC; Hohl, Procédure civile, tome II, 2010, n. 2314 et 2416; Rétornaz, in : Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel, 2010, p. 349 ss, n. 121).

2. Le Tribunal a notamment retenu que, bien qu'avisée le 11 décembre 2023 par la Poste pour retrait de la requête en évacuation et de la citation, la locataire n'avait pas jugé utile de les réclamer. Il a considéré que la citation pour l'audience du 11 janvier 2024 avait été valablement notifiée le 11 décembre 2023. La procédure pouvait suivre son cours nonobstant le défaut de la locataire à l'audience, en application de l'art. 147 al. 2 CPC.

L'appelante reproche au Tribunal une application erronée de l'art. 138 al. 3 CPC. Elle se plaint en conséquence d'une violation de son droit d'être entendue, n'ayant pas assisté à l'audience devant le Tribunal.

2.1.
2.1.1
Aux termes de l'art. 138 al. 3 let. a CPC, un acte du tribunal est réputé notifié, en cas d'envoi recommandé, lorsque celui-ci n'a pas été retiré à l'expiration d'un délai de sept jours à compter de l'échec de la remise, si le destinataire devait s'attendre à recevoir la notification. Ainsi, un acte judiciaire (comme la citation; art. 136 let. a CPC) ne peut être réputé notifié que si son destinataire devait s'attendre à le recevoir. Un rapport procédural, qui impose aux parties de se comporter conformément aux règles de la bonne foi, soit, notamment, de se préoccuper de ce que les actes judiciaires concernant la procédure puissent leur être notifiés, ne prend toutefois naissance qu'à partir de la litispendance (ATF 138 III 225 consid. 3.1; 130 III 396 consid. 1.2.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_466/2012 du 4 septembre 2012 consid. 4.1.1; 5D_130/2011 du 22 septembre 2011 consid. 2.1; cf. également arrêts de la Chambre d'appel des baux et loyers ACJC/273/2013 du 1er mars 2013 et ACJC/79/2013 du 21 janvier 2013 consid. 4.2 et 4.4).

2.1.2 La procédure sommaire s'applique aux cas clairs (art. 248 let. b et 257 CPC). Le tribunal doit donner à la partie citée l'occasion de se déterminer oralement ou par écrit (art. 253 CPC). S'il décide de citer les parties à une audience, il le fait en conformité des art. 133 ss CPC.

Le droit d'être entendu protégé par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit d'être cité régulièrement aux débats. Cette garantie a pour but d'assurer à chaque partie le droit de ne pas être condamnée sans avoir été mise en mesure de défendre ses intérêts (ATF 131 I 185 consid. 2.1; 117 Ib 347 consid. 2b/bb). L'atteinte causée par le défaut d'une citation valablement notifiée est d'une gravité telle qu'elle ne peut pas être réparée devant l'instance de recours; si cette atteinte est réalisée, la cause doit être renvoyée à l'autorité de première instance (ATF 138 III 225 consid. 3.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_466/2012 du 4 septembre 2012 consid. 4.1.2).

2.2 En l'espèce, faute de rapport procédural préexistant, la fiction de la notification de l'art. 138 al. 3 let. a CPC ne s'appliquait pas, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal. En effet, la procédure en protection du cas clair n'est pendante qu'à partir de la requête et le devoir des parties de se comporter selon la bonne foi ne naît qu'après la création du rapport de procédure en découlant. Le fait que l'appelante ait reçu un congé pour défaut de paiement et qu'elle ait accumulé du retard dans le versement des loyers n'y change rien. Il en résulte que l'appelante, qui n'a pas été régulièrement avisée de la tenue de l'audience du 11 janvier 2024, a été privée de la possibilité de défendre ses intérêts, notamment de contester l'état de fait ou d'opposer à l'action des objections ou exceptions pouvant conduire à l'irrecevabilité de la requête en protection du cas clair.

Le droit d'être entendue de l'appelante ayant été violé, le jugement attaqué sera annulé et la cause sera renvoyée au Tribunal pour qu'il donne à l'appelante l'occasion de se déterminer par écrit ou oralement conformément à l'art. 253 CPC, puis rende une nouvelle décision.

Il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner les autres griefs de l'appelante.

3. La procédure est gratuite (art. 22 al. 1 LaCC).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 22 février 2024 par A______ contre le jugement JTBL/33/2024 rendu le 11 janvier 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/25031/2023.

Au fond :

Annule ce jugement.

Renvoie la cause au Tribunal des baux et loyers pour instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 




 



Indication des voies de recours
:

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.