Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/921/2025 du 26.11.2025 ( LAA ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
| rÉpublique et | canton de genÈve | |
| POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
| A/429/2025 ATAS/921/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
| Arrêt du 26 novembre 2025 Chambre 4 | ||
En la cause
| A______ Représenté par Me Stéphane CECCONI, avocat
| recourant |
contre
|
SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS
|
intimée |
A. a. A______ (ci-après l’assuré ou le recourant), né le ______ 1976, est célibataire et domicilié à B______ en France.
b. Il a été employé de C______ SA (ci-après : l’employeur) en qualité de serrurier-constructeur à plein temps depuis le 18 janvier 2021 et était à ce titre assuré cotre la survenance d’accidents professionnels et non professionnels par la SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS (ci-après : la SUVA ou l’intimée).
B. a. Son employeur a annoncé un accident de l’assuré à la SUVA survenu le 19 juin 2021. L’assuré avait vu par la fenêtre de chez lui que son voisin crevait les pneus des voitures de ses invités. Il l’avait interpellé et son voisin l’avait menacé de mort avec un couteau et l’avait agressé, en le frappant au bras et au cou.
b. Selon un certificat médical établi par le docteur D______, de l’hôpital privé du Pays de Savoie, l’assuré avait subi une agression et une rupture partielle du biceps gauche. Il était en incapacité de travail du 20 juin au 3 juillet 2021.
c. Selon un constat médical établi par le docteur E______ le 21 juin 2021, l’assuré avait déclaré avoir été agressé avec un couteau et il avait subi un traumatisme du biceps et du coude gauches ainsi qu’aux abdominaux. L’assuré avait indiqué que son voisin était venu le samedi 19 juin 2021 dans sa propriété et qu’il avait crevé les pneus de quatre voitures appartenant à ses invités. Il l’avait ensuite menacé de son couteau et l’assuré avait esquivé. Son voisin l’avait frappé fortement sur le bras gauche et lui avait ainsi provoqué une déchirure dans le cou et dans les côtes. Il lui avait également donné un coup de pied. La gendarmerie s’était déplacée pour calmer son voisin et lui retirer son couteau. L’assuré ne connaissait pas les raisons exactes des actes de son voisin. Il n’avait jamais eu d’altercation ni de problème avec lui. Ils ne se parlaient pas. L’assuré avait rendu des coups uniquement pour se défendre. Il avait déposé plainte pénale le 20 juin 2021.
d. Le 20 juillet 2021, l’employeur de l’assuré a informé la SUVA que celui-ci avait repris son activité à 100% dès le 12 juillet 2021.
e. Le 26 juillet 2021, la SUVA a enregistré au dossier de l’assuré, un procès-verbal d’audition de ce dernier par la gendarmerie nationale de F______ du 20 juin 2021. Celui-ci avait été entendu comme victime, à la suite de son dépôt de plainte pour violences, dont il avait été victime le soir précédent à son domicile. Il avait déclaré être propriétaire de sa maison depuis huit ans. Le soir précédent, il avait fêté l’anniversaire d’un ami à son domicile avec environ huit couples. Ils avaient fait un apéritif sur la terrasse. Plus tard dans la nuit, ils étaient dans les chambres et avaient entendu des coups de fusée. Il s’était dit qu’il devait y avoir une fête avec des feux d’artifice. Un de ses amis était sorti sur le balcon et avait vu un homme qui était accroupi au niveau des voitures. L’assuré avait alors cherché une lampe de poche. Il avait vu l’individu qui était son voisin. Il lui avait demandé ce qu’il faisait là et celui-ci avait demandé « tu es qui toi ? ». Il lui avait répondu qu’il était chez lui. Son voisin avait commencé à le menacer. Il lui avait dit « sale race, je vais te niquer ta mère, je vais te niquer ta race, tu verras demain ». L’assuré lui avait dit « quoi demain ? Attends je descends, on va discuter ». L’assuré était descendu avec sa lampe de poche à la main et avait éclairé son voisin. Celui-ci était venu vers lui et lui avait demandé d’éteindre sa lumière. À ce moment, son voisin l’avait frappé sur le bras gauche avec la main droite. L’assuré avait alors riposté. Son voisin se déhanchait comme un boxeur. L’assuré l’avait frappé, à mains nues, deux fois sur le moment. Cela avait été assez rapide. Son voisin voulait encore lui rentrer dedans et était tombé par terre à genoux. La femme de son voisin, qui se trouvait sur la terrasse devant chez elle, était arrivée à ce moment-là. Il s’était excusé auprès d’elle « je suis désolée mais je ne comprends pas pourquoi le monsieur est venu crever les pneus des voitures devant chez moi ».
Son voisin était à quatre pattes par terre. L’assuré avait alors vu qu’il avait un couteau à côté de lui. Son voisin avait pris le couteau et l’avait pointé en direction de sa jambe. L’assuré lui avait alors donné un troisième coup pour que son voisin lâche le couteau.
Chacun était rentré chez lui en attendant la police. Lorsque les pompiers étaient arrivés, son voisin était revenu vers lui et lui avait donné un coup de pied dans le ventre. L’assuré était parti à l’hôpital d’Annemasse, où une rupture partielle du biceps gauche avait été constatée. Au début de leur voisinage, tout allait bien avec son voisin. Il lui avait prêté sa bétonneuse et lui avait présenté son jardinier. À un moment donné, son voisin s’était mis à ne plus lui dire bonjour. L’assuré avait un peu insisté, mais en vain, puis il avait laissé tomber. Ils n’avaient jamais eu d’altercation verbale ou physique, mais son voisin le regardait toujours méchamment.
L’officier de police a indiqué à l’assuré que son voisin avait déclaré le soir précédent que l’assuré organisait des soirées bruyantes à caractère sexuel, ce qui l’avait gêné et énervé. L’assuré avait répondu que la maison de son voisin était toute nouvelle et que ses fenêtres étaient phoniques. Ils faisaient ce qu’ils voulaient chez eux. Il avait des rideaux et sa maison était barricadée pour qu’on ne voit pas ce qui se passait dans le jardin ou à l’intérieur. Si son voisin avait un souci, il pouvait en discuter. L’assuré a été informé qu’en fonction des circonstances, le fait d’organiser des soirées à caractère sexuel troublant le voisinage était constitutif d’une infraction. L’assuré a répondu que la prochaine fois, il tuerait son voisin et que cela serait plus simple. Il a été informé qu’il s’agissait-là de menaces de mort. L’assuré a répondu qu’il était désolé et qu’il avait dit cela sans le penser. Il était une victime et avait l’impression d’être mis en cause. Son voisin l’avait menacé de mort aussi, il lui avait dit qu’il voulait le fracasser et le tuer. Il souhaitait déposer plainte pénale contre lui. Il avait eu un peu peur.
f. Par décision du 3 août 2021, la SUVA a informé l’assuré qu’elle prenait en charge les suites de l’événement du 19 juin 2021 et qu’il avait droit à une indemnité journalière pendant son incapacité de travail. Elle lui transmettait en annexe une brochure d’information.
g. Le 8 septembre 2021, l’employeur de l’assuré a indiqué que dans la mesure où ce dernier avait eu un accident dans les 31 jours qui suivaient la fin d’une mission, la SUVA devait le payer directement.
h. Selon des rapports médicaux établis les 23 et 27 septembre 2021 par le docteur G______, spécialiste en chirurgie orthopédique, le diagnostic était une rupture du biceps distal droit avec une évolution défavorable. L’assuré avait été adressé aux Hôpitaux universitaires de Genève pour une éventuelle prise en charge chirurgicale. Il fallait s’attendre à ce qu’un dommage demeure avec de la douleur et une perte de force au membre supérieur gauche.
i. Le 8 septembre 2022, la SUVA a demandé au Tribunal de grande instance de F______ le procès-verbal de police relatif aux faits du 19 juin 2021.
j. Le 10 octobre 2022, la Cour d’appel de H______, Tribunal de grande instance de F______ a informé la SUVA ne pas pouvoir donner suite à sa demande de copie du dossier, car celui-ci ne lui était pas encore parvenu. Elle était invitée à renouveler sa demande dans deux mois.
k. Le 8 décembre 2022, l’assuré a été examiné par le docteur I______, spécialiste en chirurgie orthopédique, qui a fixé l’atteinte à l’intégrité à 7.5%.
l. Le 20 décembre 2022, la SUVA a informé l’assuré qu’en respectant ses limitations fonctionnelles, une capacité de travail était exigible de lui à 100%. En conséquence, elle ne lui verserait plus l’indemnité journalière dès le 1er février 2023, date à laquelle il était à nouveau apte au travail à 100% sur le marché général de l’emploi.
m. Le 15 février 2023, la SUVA a informé l’assuré que le 3 août 2021, elle avait accepté la prise en charge de son cas. Après réexamen de son dossier, elle l’informait que son droit aux pleines prestations n’était pas absolu. En effet, selon les renseignements en sa possession, il s’était blessé dans des circonstances qui la contraindrait, peut-être et dans le futur, à réduire ses prestations en espèces. Toutefois, une décision définitive ne pourrait être prise que lorsque le jugement pénal aurait été rendu. Il était prié de lui transmettre une copie de ce jugement, le moment venu. Dans l’intervalle et dès le 1er février 2023, elle ne lui verserait que le 50% des prestations en espèces.
n. Par décision du 17 février 2023, la SUVA a nié le droit de l’assuré à une rente d’invalidité et lui a reconnu le droit à une indemnité pour atteinte à l’intégrité de CHF 8’152.50. La SUVA précisait qu’en référence à son courrier du 15 février 2023, l’indemnité pour atteinte à l’intégrité de 2.5% n’avait été libérée qu’à 50% dans l’attente de la décision finale (attente de jugement pénal).
o. Le 13 mars 2023, l’assuré a formé opposition à la décision précitée, concluant à une rente d’invalidité et à une indemnité pour atteinte à l’intégrité plus importante. Il indiquait que sa profession était physique. Il soudait la plupart du temps des pièces lourdes et encombrantes. Il souhaitait que son droit à une rente d’invalidité soit réexaminé ainsi que le montant alloué à titre d’indemnité pour atteinte à l’intégrité.
p. Par décision du 2 mai 2023, la SUVA a rejeté l’opposition de l’assuré et confirmé sa décision du 17 février 2023. La décision entreprise devait être confirmée en tant qu’elle niait le droit de l’assuré à une rente d’invalidité et qu’elle lui octroyait une indemnité pour atteinte à l’intégrité de CHF 8’152.50.
L’indemnité relative à l’accident du 19 juin 2021 n’avait été libérée qu’à hauteur de 50%, dans l’attente de l’issue de l’instruction en lien avec un éventuel danger extraordinaire. En l’absence de danger extraordinaire, la part restante de l’indemnité serait libérée et, en cas de danger extraordinaire, l’assuré pourrait faire valoir ses droits dans le cadre d’une procédure séparée une fois qu’une décision sujette à opposition aurait été rendue. La décision entreprise en tant qu’elle reconnaissait le droit de l’assuré à une indemnité pour atteinte à l’intégrité n’était pas critiquable et devait être confirmée.
q. Le 27 mai 2024, la SUVA a reçu le rapport d’enquête préliminaire de la gendarmerie de F______ du 20 juin 2021.
Il ressort du procès-verbal de synthèse que le voisin de l’assuré ne supportait plus le tapage causé par les soirées organisées par ce dernier. Il s’était rendu chez lui et avait crevé les pneus de plusieurs véhicules stationnés devant sa maison. Il s’en était suivi une altercation physique. L’assuré avait été finalement entendu en qualité de mis en cause pour violences causées à son voisin.
La gendarmerie a procédé à l’exploitation d’images de vidéoprotection d’un véhicule J______ qui se trouvait sur les lieux. Il en ressortait que les faits s’étaient passés de nuit. On pouvait voir le voisin de l’assuré avant de le perdre de vue, puis le revoir reculer de la droite vers la gauche de manière craintive. La posture de ses bras semblait montrer qu’il souhaitait se protéger. Ensuite, on voyait arriver l’assuré qui semblait agressif par sa posture corporelle. Le voisin de l’assuré avait repoussé le bras de ce dernier avant de lui donner un coup de poing et l’assuré avait répliqué immédiatement après. Plus tard, l’assuré avait donné un coup à son voisin qui était au sol
Outre le procès-verbal de l’audition de l’assuré, déjà en sa possession, l’intimée a encore obtenu les déclarations de K______, entendu en tant que témoin. Celui-ci a déclaré qu’il était sorti sur le balcon de la chambre et avait vu une personne qui se penchait vers une voiture. Il avait compris qu’elle était en train de crever des pneus et en avait informé l’assuré. Comme ce dernier était agent de sécurité, il s’était précipité avec lui sur le balcon avec une lampe torche puissante. Il avait reconnu son voisin et lui avait demandé ce qu’il faisait. D’en haut, on ne voyait pas très bien ce que le voisin tenait dans les mains, mais cela devait être un tournevis ou un couteau pour crever des pneus. Le voisin s’était énervé lui avait dit à l’assuré : « Je vais te crever ta race, t’as qu’à descendre »…« Mais il ne faut pas dire ça à A______ ». Il était sorti de chez lui. À ce moment-là, son voisin avait commencé à redescendre la rue en hurlant et « en le traitant de tous les noms ». D’un coup, le témoin avait vu le voisin essayer de frapper l’assuré au niveau de la cage thoracique. L’assuré avait esquivé le coup en se reculant et avait asséné une grosse droite au visage de son voisin, qui était tombé à la renverse. Le voisin qui était au sol s’était rapproché de l’assuré à quatre pattes et l’assuré lui avait asséné un nouveau coup, car son voisin avait ramassé un couteau et essayé de le « replanter » par le bas.
Le voisin de l’assuré avait déclaré aux gendarmes qu’il les avait appelés à 22h44 pour qu’ils viennent constater une « partouze » chez ses voisins. Cela faisait quatre fois depuis le début de l’année 2021 qu’il appelait la police et que personne n’était venue. Il y avait des hurlements de femmes et des hommes se faisaient une gâterie à la fenêtre. Comme les gendarmes mettaient un peu de temps à arriver, il avait décidé de sortir et de discuter avec le locataire qui habitait au-dessous de chez son voisin. Ils avaient commencé à parler dehors de ce qui se passait et d’un coup quatre personnes étaient arrivées en courant et lui avait éclairé le visage avec une lampe, ce qui l’avait ébloui. Ils étaient descendus à quatre tous nus et lui avait dit qu’il avait crevé leurs pneus. Il leur avait répondu qu’il était juste venu pour discuter. Ils avaient refusé et il s’était pris une droite sur le côté droit du visage. Il avait été frappé avec un manche. Suite à deux coups, il avait perdu connaissance et sa femme était venue l’aider à rentrer à la maison. Il avait alors vu qu’il était totalement défiguré et avait alors pris un couteau de cuisine. C’était à ce moment que les gendarmes étaient arrivés. Il n’était plus lui-même à ce moment-là, car il était dans un bain de sang. Il avait deux enfants de quatre ans et six ans et il trouvait horrible qu’il y ait des soirées échangistes à côté de chez lui.
C. a. Le 20 septembre 2024, la SUVA a réduit les prestations de l’assuré en espèces de 50%, au motif qu’il s’était exposé à un danger particulièrement grave sans prendre de mesures destinées à ramener celui-ci à des proportions raisonnables ou sans prendre de telles mesures, précisant que selon la jurisprudence, la participation à une bagarre était considérée comme une entreprise téméraire. Les prestations pour soins (frais de traitement) n’étaient pas touchées par cette sanction. L’indemnité journalière en cas d’incapacité de travail était réduite de 50% avec effet au 22 juin 2021.
b. Le 20 septembre 2024, la SUVA a informé l’employeur de l’assuré que celui-ci avait droit à ses prestations. Toutefois, au vu de l’état de fait, elle avait dû réduire l’indemnité journalière de CHF 132.15 de 50%. Le droit prenant effet le 22 juin 2021, elle versait directement l’indemnité journalière à l’assuré.
c. Le 10 octobre 2024, l’assuré a formé opposition à la décision du 20 septembre 2024, indiquant avoir fait recours contre la décision de justice rendue en juillet 2024, qui partageait les torts entre son voisin et lui-même et qu’il n’avait pas pris part à une bagarre, mais qu’il s’était seulement défendu. Depuis l’événement, il n’avait pas de situation financière stable. Il ne pouvait plus travailler comme avant en tant qu’intérimaire, car il n’avait plus les mêmes capacités physiques. Il aurait été préférable de donner des prestations moindres au départ, plutôt que de demander la restitution d’une partie de celles-ci.
d. Le 14 octobre 2024, l’employeur de l’assuré a informé la SUVA qu’il venait de recevoir un correctif le concernant, mais celui-ci ne travaillait plus pour lui. Il demandait à la SUVA d’annuler cette facture et de s’adresser à l’assuré pour récupérer l’argent.
e. Le 27 décembre 2024, l’assuré a demandé à la SUVA un bordereau des indemnités journalières.
f. Le jour même, le document demandé lui a été adressé par courriel.
g. Par décision sur opposition du 10 janvier 2025, la SUVA a rejeté l’opposition formée par l’assuré à sa décision du 20 septembre 2024 et retiré l’effet suspensif à un éventuel recours contre sa décision. À la lecture du dossier, il apparaissait que les versions des faits données par les intervenants ne concordaient pas parfaitement. Cela n’était toutefois pas décisif dans la mesure où les seules déclarations de l’assuré suffisaient à déterminer son droit aux prestations. Au vu de l’échange verbal qu’il avait eu avec son voisin, il était clair que l’assuré s’était volontairement mis en danger en descendant se confronter à son voisin, qui avait clairement annoncé vouloir s’en prendre physiquement à lui. La volonté de l’assuré de discuter ne changeait rien aux menaces qui venaient d’être proférées à son encontre. Selon la jurisprudence peu importait de savoir qui avait effectivement porté le premier coup. En pareilles circonstances, il y avait lieu d’admettre que le comportement de l’assuré constituait un danger extraordinaire.
h. Le 3 février 2025, la SUVA a adressé à l’assuré un rappel de paiement de récupération d’indemnité journalière du 12 octobre 2024, facture échue le 1er novembre 2024 pour la période du 12 juillet au 31 janvier 2023. Il était invité à la payer dans les jours suivants. Le montant dû s’élevait à CHF 27'236.30.
i. Le 3 février 2025, la SUVA a encore adressé à l’assuré un rappel de paiement de récupération d’indemnité journalière du 21 octobre 2024, facture échue le 1er décembre 2024. Il était invité à la payer dans les jours suivants. Le montant dû s’élevait à CHF 379.-. Il s’agissait d’un correctif relatif à l’indemnité journalière versée du 20 juin au 11 juillet 2021.
D. a. L’assuré a formé recours contre la décision précitée le 7 février 2025 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice. Il a fait valoir qu’il n’y avait pas eu de prise de risque de sa part au moment où il était descendu discuter avec son voisin, car celui-ci habitait en face de chez lui depuis plusieurs mois et que leurs relations avaient toujours été cordiales et amicales. Il lui avait déjà prêté des outils de jardinage et ils avaient partagé les bonnes adresses des entreprises intervenant dans leur commune pour l’entretien des espaces extérieurs. Ils n’avaient jamais eu d’altercation jusque-là. Son voisin l’avait insulté tout d’un coup. La première réaction de chacun était de lui demander ce qui n’allait pas et non de s’enfermer à double tour, car il y avait une notion de confiance établir et il ne pensait pas être en danger. Il ne s’agissait pas d’un voyou qu’il ne connaissait pas. Ce n’était qu’une fois en face de son voisin qu’il avait compris qu’il était en danger, mais il ne pouvait rien faire. Il avait eu peur pour sa vie et n’avait rien pu faire d’autre que de se défendre. Il n’avait pas participé à une bagarre mais avait été victime d’une agression. Il ne pouvait pas fuir. Comme cela ressortait du rapport de police, son voisin avait dû être sommé de lâcher son arme à plusieurs reprises par les autorités mais il avait continué d’avoir un comportement agressif malgré tout. Pour sa part, l’assuré était resté calme en attendant l’arrivée de la police. Ce n’était pas l’attitude d’une personne participant à une rixe mais celle d’une victime.
b. Dans sa réponse du 18 février 2025, l’intimée a fait valoir qu’il ressortait des propres déclarations du recourant que si ses relations avaient été bonnes avec son agresseur au début, ce n’était plus le cas avant l’altercation. Le recourant avait indiqué lors de son audition auprès de la gendarmerie nationale 20 juin 2021 qu’à un moment donné son voisin avait cessé de lui dire bonjour et qu’il le regardait méchamment. Force était de constater qu’un climat d’hostilité régnait entre eux à l’époque des faits.
Dans son recours, le recourant confirmait s’être fait insulter avant de descendre se confronter à agresseur. Les propos qu’il qualifiait aujourd’hui d’insultes, il les avait qualifiés, à juste titre, de menaces lors de son audition auprès de la gendarmerie (« sale race, je vais niquer ta mère, je vais niquer ta race. Tu verras demain »). Ainsi, le recourant s’était volontairement mis en danger en descendant se confronter à son voisin qui avait clairement annoncé ses intentions. L’agression dont il avait été victime n’était pas une surprise. Il aurait pu éviter l’agression s’il n’était pas descendu ou s’il avait appelé la police. L’intimée concluait au rejet du recours.
c. Les parties ont été entendues par la chambre de céans le 20 août 2025. Le recourant était dorénavant assisté d’un conseil.
Le recourant a notamment déclaré qu’au moment des faits, il travaillait comme plaquiste et qu’il avait travaillé dans la sécurité cinq à six ans auparavant. Le soir des faits, il avait vu un homme accroupi à coté de sa voiture dans sa propriété. Il lui avait demandé qui il était et ce qu’il faisait chez lui et l’homme avait commencé à le traiter de tous les noms. À ce moment-là, il avait reconnu son voisin et constaté qu’il était énervé. Il n’avait pas compris sa réaction, car ils n’avaient jamais eu d’histoires. Son voisin l’avait injurié de tous les noms, avec des propos racistes, mais il ne s’était pas senti menacé. Il était descendu pour comprendre ce qui se passait.
Il n’avait pas pensé que son voisin pourrait le frapper s’il descendait. Il avait donné deux coups qui avaient touché son voisin et faisait valoir que ses déclarations étaient conformes à la vidéo, contrairement à celles de son voisin. Il avait fait recours contre le jugement correctionnel du 27 juin 2024 et il n’y avait pas encore d’audience fixée.
Le représentant de l’intimée a versé à la procédure le jugement correctionnel de la Chambre Correctionnelle du Tribunal judiciaire de F______ du 27 juin 2024 et indiqué que l’intimée n’avait pas beaucoup d’élément au moment où elle avait décidé de prester. Elle attendait en général le rapport de police avant de prendre la décision de diminuer les prestations.
Selon le jugement précité, il résultait des éléments du dossier et du visionnage de la vidéo prise par un véhicule stationné devant les habitations, que le recourant s’était avancé avec un objet en main qu’il avait fait passer de sa main gauche à la droite, qu’il avait porté des coups de poing à son voisin, que ces coups ne pouvaient en aucun cas être justifiés par un état de légitime défense, qu’ils n’étaient ni proportionnés ni nécessaires et que le recourant était revenu à la charge. Il a été déclaré coupable de violence suivie d’incapacité supérieure à huit jours à une peine d’emprisonnement délictuel de dix mois, avec sursis. Son voisin a été reconnu coupable de la même infraction et également et à la même peine d’emprisonnement.
d. Le 10 septembre 2025, le recourant a indiqué qu’il souffrait encore des séquelles de l’accident du 19 juin 2021 et qu’il ne pouvait plus exercer sa profession comme par le passé. Sa version des faits était corroborée par la vidéo qu’il transmettait à la chambre de céans. C’était son voisin qui avait porté le premier coup en s’avançant dans sa direction. L’ensemble de la scène s’était déroulé très rapidement sans que le recourant n’ait eu le temps d’analyser la situation et d’en déduire l’existence d’un danger réel. Le fait qu’il était descendu pour voir son voisin alors que celui-ci semblait être en train de crever les pneus des véhicules qui étaient stationnés constituait un comportement normal. Il était en effet difficilement concevable, et à plus forte raison exigible, qu’il demeure cloîtré chez lui alors que son voisin causait des dommages aux voitures stationnées sur son terrain, voisin qu’il connaissait depuis cinq ans et avec lequel il n’avait pas eu de conflit. Dans ces circonstances, la décision de réduire les prestations en espèces de 50% devait être annulée et il devait être constaté que le recourant avait droit à des prestations non réduites.
Si la chambre de céans ne devait pas faire droit à ses conclusions principales, se poserait la question de la bonne foi de l’intimée. Le défaut de renseignement dans une situation où une obligation de renseigner était prévue par la loi ou lorsque les circonstances concrètes du cas particulier auraient commandé une information de l’assurance étaient assimilé à une déclaration erronée de sa part, qui pouvait, à certaines conditions, obliger l’autorité à consentir à l’administré un avantage auquel il n’aurait pas pu prétendre, en application du principe de la bonne foi. Le 25 juin 2021, l’intimée lui avait demandé de répondre un formulaire pour prendre une décision définitive. Dans ce formulaire, il avait notamment écrit que son voisin était venu le samedi 19 juin dans sa propriété, avait crevé les pneus de quatre voitures appartenant à ses invités, l’avait ensuite menacé de son couteau qu’il avait esquivé et l’avait fortement frappé sur le bras gauche en lui provoquant une déchirure. Le 26 juillet 2021, l’intimée avait reçu le procès-verbal d’audition établi suite à sa plainte.
Le 3 août 2021, sur la base des éléments recueillis, elle avait décidé de prendre en charge les frais de traitement et de payer l’indemnité journalière à 100%, sans réserve quant à une éventuelle réduction.
Elle avait décidé de continuer à allouer ses prestations les 1er octobre et 22 novembre 2021. L’intimée alléguait dans sa décision sur opposition avoir été mise en possession du dossier pénal qu’en mai 2024, ce qui avait fondé sa décision de réduire les prestations en espèces de moitié. Elle omettait de dire qu’elle avait déjà pris connaissance des faits auparavant. En effet, depuis le 26 juillet 2021, elle connaissait les circonstances de l’accident et avait néanmoins décidé de prester sans réserve jusqu’au 1er février 2023. Les conditions jurisprudentielles liées au principe de la bonne foi étaient remplies. Elle aurait dû dès le 26 juillet 2021 l’avertir qu’elle considérait que ses agissements du 19 juin 2021 pouvaient entraîner une réduction de la moitié des prestations en espèces sans laissez-passer 20 mois pour demander la restitution des prestations déjà versées. Ainsi, le recourant devait au moins bénéficier de la protection de la bonne foi et les prestations en espèces déjà allouées ne devaient pas être restituées.
e. Le 1er octobre 2025, l’intimée a fait valoir que l’argumentation du recourant liée à la protection de la bonne foi devait être écartée, car le seul objet du litige était de savoir si son comportement du 19 juin 2021 était constitutif d’un danger extraordinaire au sens de l’art. 39 de la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20), respectivement l’art. 49 al. 2 de l’ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202).
L’enregistrement vidéo de l’altercation produit par le recourant confirmait de manière éloquente son attitude non seulement menaçante mais également agressive. Les images montraient que là où il aurait pu choisir de minimiser les risques en quittant la zone de danger, il avait délibérément choisi l’altercation physique en allant chercher le contact avec son voisin, en s’avançant vers lui d’un pas décidé et belliqueux. L’enregistrement corroborait ainsi la description des captures d’écran effectuées par la police française qui figuraient déjà au dossier.
En tout état de cause, la réduction des prestations en espèces pour danger extraordinaire s’imposait déjà en raison du comportement du recourant ayant précédé l’altercation physique, car il avait choisi en toute conscience de descendre pour se confronter à son voisin qui l’avait sérieusement et clairement menacé. Il savait très exactement à quoi il s’exposait en choisissant d’aller se confronter à lui. Par ailleurs il convenait d’observer que quand bien même les parties avaient fait appel du jugement correctionnel du 27 juin 2024, le recourant avait été reconnu coupable pénalement en première instance, se voyant condamné à une peine d’emprisonnement avec sursis en raison des faits. Le Tribunal judiciaire de F______ avait indiqué qu’il résultait des éléments du dossier du visionnage des images de la vidéo que le recourant s’était avancé avec un objet en main qu’il avait fait passer de sa main gauche vers sa main droite, qu’il avait porté trois coups à son voisin et que ces coups ne pouvaient en aucun cas être justifiés par un état de légitime défense. Ils n’étaient ni proportionnés ni nécessaires. Le recourant était d’ailleurs revenu à la charge.
L’intimée persistait en conséquence dans ses conclusions.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la LAA.
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).
2. L’objet du litige dans la procédure administrative subséquente est le rapport juridique qui – dans le cadre de l’objet de la contestation déterminé par la décision – constitue, d’après les conclusions du recours, l’objet de la décision effectivement attaqué. D’après cette définition, l’objet de la contestation et l’objet du litige sont identiques lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble. En revanche, lorsque le recours ne porte que sur une partie des rapports juridiques déterminés par la décision, les rapports juridiques non contestés sont certes compris dans l’objet de la contestation, mais non pas dans l’objet du litige (ATF 125 V 413 consid. 1b et 2 et les références).
Les questions qui - bien qu'elles soient visées par la décision administrative et fassent ainsi partie de l’objet de la contestation - ne sont plus litigieuses, d'après les conclusions du recours, et qui ne sont donc pas comprises dans l’objet du litige, ne sont examinées par le juge que s'il existe un rapport de connexité étroit entre les points non contestés et l’objet du litige (ATF 125 V 413 consid. 1b et les références).
Le litige porte sur la question de savoir si les indemnités journalières qui ont été versées au recourant peuvent être réduites de moitié, au motif qu’il se serait exposé à un danger particulièrement grave sans prendre de mesures destinées à ramener celui-ci à des proportions raisonnables ou sans pouvoir prendre de telles mesures. Bien que la décision ne le précise pas expressément, il convient d’admettre qu’elle contient implicitement une décision de restitution des prestations indûment versées au recourant – question qui répond à des dispositions légales spécifiques que l’intimée n’a toutefois pas examinées –, dans la mesure où elle a adressé des factures de remboursement les 12 et 21 octobre 2024, suite à la décision précitée.
3.
3.1 L’art. 39 LAA dispose que le Conseil fédéral peut désigner les dangers extraordinaires et les entreprises téméraires qui motivent dans l'assurance des accidents non professionnels le refus de toutes les prestations ou la réduction des prestations en espèces. La réglementation des cas de refus ou de réduction peut déroger à l'art. 21 al. 1 à 3 LPGA.
Fondé sur cette norme de délégation de compétence, l'art. 49 al. 2 OLAA dispose que les prestations en espèces sont réduites au moins de moitié en cas d'accident non professionnel survenu notamment en cas de participation à une rixe ou à une bagarre, à moins que l'assuré ait été blessé par les protagonistes alors qu'il ne prenait aucune part à la rixe ou à la bagarre ou qu'il venait en aide à une personne sans défense (let. a).
La notion de participation à une rixe ou à une bagarre est plus large que celle de l'art. 133 du Code pénal. Selon la jurisprudence, pour admettre l'existence d'une telle participation, il suffit que l'assuré entre dans la zone de danger, notamment en participant à une dispute. Peu importe qu'il ait effectivement pris part activement aux faits ou qu'il ait ou non commis une faute : il faut au moins qu'il se soit rendu compte ou ait pu se rendre compte du danger. Ainsi, il y a participation à une rixe ou à une bagarre, au sens de l’art. 49 al. 2 let. a OLAA, non seulement quand l’intéressé prend part à de véritables actes de violence, mais déjà s’il s’est engagé dans l’altercation qui les a éventuellement précédés et qui, considérée dans son ensemble, recèle le risque qu’on pourrait en venir à des actes de violence (arrêt du Tribunal fédéral 8C_532/2021 du 9 décembre 2021 consid. 3 ; ATF 107 V 234 consid. 2a ; 99 V 9 consid. 1).
En revanche, il n'y a pas matière à réduction en cas de légitime défense ou plus généralement lorsque l'assuré se fait agresser physiquement, sans qu'il y ait eu au préalable une dispute, et qu'il frappe à son tour l'agresseur dans un mouvement réflexe de défense (arrêt du Tribunal fédéral 8C_702/2017 du 17 septembre 2018 consid. 3.1 et les arrêts cités, in SVR 2019 UV n. 16 p. 58).
Il doit exister un lien de causalité entre le comportement de la personne assurée et le dommage survenu. Si l'attitude de l'assuré - qui doit être qualifiée de participation à une rixe ou à une bagarre - n'apparaît pas comme une cause essentielle de l'accident ou si la provocation n'est pas de nature, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, à entraîner la réaction de violence, l'assureur-accidents n'est pas autorisé à réduire ses prestations d'assurance. Il convient de déterminer rétrospectivement, en partant du résultat qui s'est produit, si et dans quelle mesure l'attitude de l'assuré apparaît comme une cause essentielle de l'accident (ATF 134 V 315 consid. 4.5.1.2 p. 320). Il y a une interruption du rapport de causalité adéquate si une autre cause, qu'il s'agisse d'une force naturelle ou du comportement d'une autre personne, constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait pas s'y attendre ; l'imprévisibilité d'un acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate ; il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener et notamment le comportement en discussion (ATF 134 V 340 consid. 6.2 p. 349 ; 133 V 14 consid. 10.2 p. 23 s.). Par exemple, le Tribunal fédéral a jugé que lorsqu'un membre d'une famille (en l'espèce, la fille) entre dans la chambre d'un autre (en l'occurrence, le père) en insistant pour avoir une discussion orageuse, on ne pouvait s'attendre, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à ce que l'autre réagisse en tirant sur lui avec un revolver. Dans un tel cas, le lien de causalité adéquate entre le comportement reproché à la victime et le résultat survenu a été nié (arrêt 8C_363/2010 du 29 mars 2011 et, concernant la même affaire, au plan civil, arrêt 4A_66/2010 du 27 mai 2010).
Constitue une négligence grave la violation des règles élémentaires de prudence que toute personne raisonnable eût observées dans la même situation et les mêmes circonstances pour éviter les conséquences dommageables prévisibles dans le cours ordinaire des choses (ATF 134 V 189 consid. 4 ; 118 V 305 consid. 2a et les arrêts cités).
Le juge des assurances sociales n'est lié par les constatations et l'appréciation du juge pénal ni en ce qui concerne la désignation des prescriptions enfreintes, ni quant à l'évaluation de la faute commise.
Dans un arrêt du Tribunal fédéral 8C_702/2017 du 17 septembre 2018, un assuré s'était fait insulter par quatre jeunes hommes qui se trouvaient dans un véhicule et qui leur avait répondu « d’aller se faire foutre ». Le conducteur de la voiture était alors sorti, s'était dirigé vers lui et l'avait aussitôt frappé. L’assuré s’était défendu à l'aide d'un casque de moto qu'il tenait dans une main. Le Tribunal fédéral a considéré que dans ce contexte l’expression utilisée par l’assuré était certes vulgaire et qu’elle pouvait être comprise comme signifiant, familièrement dit, « dégage ». On pouvait en outre sérieusement douter que les occupants du véhicule, qui avaient provoqué gratuitement et sans doute assez gravement le recourant en proférant des insultes à son endroit, se soient sentis particulièrement humiliés par les mots de ce dernier. De plus, on ne pouvait guère attendre d'un jeune homme, alors âgé de 19 ans, qu'il se laisse insulter par d'autres jeunes gens tout en restant silencieux ou qu'il réagisse en des termes choisis. Les mots employés par le recourant s'inscrivaient dans le contexte particulier d'une agression verbale et relevaient d'une réaction spontanée à celle-ci. Si véritablement les intentions des agresseurs devaient être claires dès le début, on peut alors penser que ceux-ci ont saisi le prétexte de cette réaction pour frapper le recourant. Ce n'était du reste pas tant les mots en question qui étaient à l'origine des coups qui avaient été portés au recourant par les quatre occupants du véhicule que le fait que l'assuré avait tenté de se défendre au moyen de son casque contre le premier agresseur. C'était ce geste de défense qui avait visiblement provoqué un désir de vengeance des trois autres protagonistes restés jusque-là à l'intérieur du véhicule avant de venir frapper à leur tour l'assuré. L'injonction répétée « tue-le, tue-le ! » proférée par l'un d'entre eux et la menace « on va se revoir » constituaient des indices sérieux de cette volonté de vengeance. En définitive, il n'y avait pas eu de dispute préalable dans laquelle se serait engagé imprudemment le recourant. Son mouvement de défense au moyen de son casque était légitime. Malgré les termes employés, sa réponse aux insultes proférées ne suffisait pas à le placer dans la zone de danger exclue par l'assurance. Dans ces conditions, il n'y avait pas lieu à réduction des prestations en application de l'art. 49 al. 2 OLAA. Les faits de la présente cause n’étaient pas comparables à la situation jugée dans l'arrêt 8C_932/2012 du 22 mars 2013 où un assuré qui se trouvait dans sa voiture avec sa femme dans un parking avait été passé à tabac par deux jeunes gens auxquels ils avaient montré un doigt d'honneur, geste qui présentait indéniablement un caractère obscène et qui passait pour une provocation.
Dans un arrêt 8C_575/2017 du 26 avril 2018, le Tribunal fédéral a jugé qu’il était, dans le cas d’espèce, incontestable qu'une dispute avait précédé les coups portés au recourant, comme cela ressortait des propos qu'il avait admis avoir tenus. Même si le recourant entendait exprimer un ras-le-bol et tourner en dérision la situation en suggérant à C. d'aller dehors « pour s'expliquer », il n'en reste pas moins que de telles paroles contribuaient davantage à envenimer la situation qu'à l'apaiser. Même si les intéressés se connaissaient bien et n'étaient pas d'un naturel violent, le recourant ne pouvait ignorer que la dispute risquait de dégénérer compte tenu des références explicites à la possibilité d'en venir aux mains. Si l'objet de la dispute n'était pas clair - quoi qu'en dise le recourant -, la séquence vidéo permettait toutefois de retenir que le mouvement de bras exécuté pour atteindre la nuque de C. était trop brusque pour être perçu comme un geste d'amitié ou l'expression d'une volonté d'apaisement. Ce dernier s'était d'ailleurs immédiatement levé et a repoussé de ses mains le recourant. Enfin, l'ensemble de ces éléments (l'échange verbal houleux, le geste du recourant et la réaction provoquée) faisait partie intégrante de l'altercation. Au vu des circonstances, le « coup de sang » invoqué par le recourant à propos de son agresseur ne saurait constituer une circonstance tout à fait exceptionnelle ou si extraordinaire que l'on ne pouvait pas s'y attendre. Cela étant, il n'y a eu aucune interruption du lien de causalité adéquate entre le comportement du recourant et le résultat qui est survenu (sur cette notion cf. ATF 134 V 340 consid. 6.2 p. 349 ; 133 V 14 consid. 10.2 p. 23 ; 130 III 182 consid. 5.4 p. 188 ; voir également, pour un cas où une interruption de la causalité adéquate a été admise, les arrêts du Tribunal fédéral 8C_363/2010 du 29 mars 2011 et 4A_66/2010 du 27 mai 2010).
3.2 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
4. En l’espèce, la chambre de céans considère que vu les propos tenus par le voisin du recourant, alors que ce dernier était encore sur son balcon, à savoir : « sale race, je vais niquer ta mère, je vais niquer ta race. Tu verras demain », le recourant ne pouvait ignorer que la dispute risquait de dégénérer, compte tenu des références explicites à la possibilité d'en venir aux mains. Si ses relations avaient été bonnes avec son agresseur au début de leur voisinage, ce n’était plus le cas avant l’altercation. Le recourant a en effet indiqué, lors de son audition auprès de la gendarmerie nationale le 20 juin 2021, qu’à un moment donné son voisin avait cessé de lui dire bonjour et qu’il le regardait méchamment. Il est difficilement contestable qu’un climat d’hostilité régnait entre eux à l’époque des faits.
Il ressort en outre des images vidéo produites par le recourant que celui-ci ne s’est pas comporté comme une victime, au moment de l’altercation avec son voisin, dès lors qu’on le voit se diriger de manière déterminée vers celui-ci qui est entrain de reculer. Même si ces images ne montrent pas le début de l’altercation et qu’il est possible que celle-ci ait été initiée par son voisin, elles mettent en évidence que le recourant a cherché le contact avec celui-ci et qu’il n’a pas quitté la zone de danger, alors qu’il pouvait encore le faire à ce moment-là. Contrairement à ses déclarations à la police, il n’avait manifestement pas peur et était prêt à en découdre.
Cela est corroboré par l’audition de K______, qui a déclaré à la gendarmerie que lorsque le voisin avait dit à l’assuré : « Je vais te crever ta race, t’as qu’à descendre… mais il ne faut pas dire ça à A______ », laissant ainsi entendre que celui-ci ne craignait pas le contact et qu’il était très réactif.
Enfin, il n’y a manifestement pas eu d’interruption du lien de causalité adéquate entre le comportement du recourant et le résultat qui est survenu.
5. Il convient encore d’examiner si les conditions d’une restitution sont réalisées.
5.1 Selon l'art. 25 al. 1 phr. 1 LPGA, en relation avec l'art. 2 al. 1 let. a de l'ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA ; RS 830.11), les prestations indûment touchées doivent être restituées par le bénéficiaire ou par ses héritiers.
L'obligation de restituer suppose que soient remplies les conditions d'une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) ou d'une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) de la décision - formelle ou non - par laquelle les prestations en cause ont été allouées (ATF 142 V 259 consid. 3.2 et les références ; 138 V 426 consid. 5.2.1 et les références ; 130 V 318 consid. 5.2 et les références).
À cet égard, la jurisprudence constante distingue la révision d'une décision entrée en force formelle, à laquelle l'administration est tenue de procéder lorsque sont découverts des faits nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente (ATF 129 V 200 consid. 1.1 ; 127 V 466 consid. 2c et les références), de la reconsidération d'une décision formellement passée en force de chose décidée sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée quant au fond, à laquelle l'administration peut procéder pour autant que la décision soit sans nul doute erronée et que sa rectification revête une importance notable. Ainsi, par le biais d'une reconsidération, on corrigera une application initiale erronée du droit (ATF 147 V 167 consid. 4.2 et la référence). L'obligation de restituer des prestations complémentaires indûment touchées et son étendue dans le temps n’est pas liée à une violation de l'obligation de renseigner (ATF 122 V 134 consid. 2e). Il s'agit simplement de rétablir l'ordre légal après la découverte du fait nouveau (arrêt du Tribunal fédéral 9C_398/2021 du 22 février 2022 consid. 5.1).
Selon l'art. 53 al. 1 LPGA, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si l'assuré ou l'assureur découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient pas être produits auparavant. Cela vaut aussi lorsque les prestations ont été accordées sans avoir fait l'objet d'une décision formelle mais que leur versement a acquis force de chose décidée (ATF 130 V 380 consid. 2.1 ; 129 V 110 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_793/2023 du 5 décembre 2024 consid. 4.4 et la référence).
La notion de faits ou moyens de preuve nouveaux s'apprécie de la même manière en cas de révision (procédurale) d'une décision administrative (art. 53 al. 1 LPGA), de révision d'un jugement cantonal (art. 61 let. i LPGA). La révision suppose ainsi la réalisation de cinq conditions : 1° le requérant invoque un ou des faits ; 2° ce ou ces faits sont « pertinents », dans le sens d'importants (« erhebliche »), c'est-à-dire qu'ils sont de nature à modifier l'état de fait qui est à la base du jugement et à conduire à un jugement différent en fonction d'une appréciation juridique correcte ; 3° ces faits existaient déjà lorsque le jugement a été rendu : il s'agit de pseudo-nova (« unechte Noven »), c'est-à-dire de faits antérieurs au jugement ou, plus précisément, de faits qui se sont produits jusqu'au moment où, dans la procédure principale, des allégations de faits étaient encore recevables ; 5° le requérant n'a pas pu, malgré toute sa diligence, invoquer ces faits dans la procédure précédente (arrêt du Tribunal fédéral 8C_793/2023 du 5 décembre 2024 consid. 4.5 et la référence).
Lorsque la décision de restitution des prestations indûment touchées se fonde sur l’existence d’un motif de révision procédurale de la décision entrée en force, il y a lieu d’examiner, dans un premier temps, si les conditions de fond de l’art. 53 al. 1 LPGA sont remplies, et si le délai relatif de 90 jours dès la découverte du motif de révision et le délai absolu de 10 ans dès la notification de la décision administrative ont été respectés (cf. ATF 143 V 105 consid. 2.1 et 2.5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_742/2021 du 4 mars 2022 consid. 5.4.3 non publié in ATF 148 V 327 ; 8C_665/2020 du 8 juin 2021 consid. 5.2).
En principe, le moment à partir duquel le motif de révision aurait pu être découvert se détermine selon le principe de la bonne foi. Le délai de 90 jours commence à courir dès le moment où la partie a une connaissance suffisamment sûre du fait nouveau ou du moyen de preuve déterminant pour pouvoir l'invoquer, même si elle n'est pas en mesure d'en apporter une preuve certaine ; une simple supposition voire des rumeurs ne suffisent pas et ne sont pas susceptibles de faire débuter le délai de révision (ATF 143 V 105 consid. 2.4 et les références). Si l'assureur social manque de prendre les mesures nécessaires, le délai commence à courir au moment où il aurait pu compléter l'état de fait en faisant preuve de l'engagement attendu et exigible de sa part (arrêt du Tribunal fédéral 8C_665/2020 du 8 juin 2021 consid. 5.2 et les références).
En vertu de l'art. 25 al. 2 phr. 1 LPGA (dans sa teneur en vigueur à compter du 1er janvier 2021), le droit de demander la restitution s'éteint trois ans après le moment où l'institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation.
5.2 En l’espèce, l’intimée a décidé le 3 août 2021 de payer l’indemnité journalière à 100%, sans réserve quant à une éventuelle réduction. Elle était déjà en possession du rapport d’audition du recourant depuis le 26 juillet 2021, mais ce rapport ne suffisait pas à établir que les conditions d’une réduction des prestations étaient remplies, dès lors que le recourant était entendu en tant que victime et plaignant. L’employeur avait en outre déclaré dans son annonce du cas que le 19 juin 2021, le voisin de l’assuré avait menacé ce dernier de mort avec un couteau et l’avait agressé, en le frappant au bras et au cou.
En revanche, la situation était différente dès le 27 mai 2024, date à laquelle l’intimée a reçu le rapport d’enquête préliminaire de la gendarmerie de F______ du 20 juin 2021, lequel contenait davantage d’informations qui donnaient un autre éclairage sur le rôle du recourant lors des faits. Il s’agissait là de faits nouveaux dont l’intimée n’avait pas connaissance auparavant et qui justifiaient une révision, au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA de sa décision d’octroi des indemnités journalières à 100% et une réduction des prestations en application de l’art. 50 OLAA. Si l’on admet que la décision de restitution du 20 septembre 2024 comprend implicitement une demande de restitution, ce qui doit être le cas, elle est tardive, car le délai de 90 jours dès la connaissance des faits nouveaux a commencé le 27 mai 2024 et se terminait le 25 août 2024. Les factures des 12 octobre et 21 octobre 2024 le sont également. Il ne s’agit pas là d’un délai soumis à restitution.
En conséquence, la décision de restitution doit être annulée.
6. Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision querellée annulée en tant qu’elle fonde la demande de l’intimée de restitution des indemnités journalières versées en trop au recourant, et confirmée en tant qu’elle réduit le droit aux indemnités journalières du recourant de 50% dès le 22 juin 2021.
Le recourant obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 1'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement.
3. Annule la décision sur opposition du 10 janvier 2025 en tant qu’elle fonde la demande de l’intimée de restitution des indemnités journalières versées en trop au recourant.
4. La confirme en tant qu’elle réduit le droit aux indemnités journalières du recourant de 50% dès le 22 juin 2021.
5. Alloue au recourant une indemnité de CHF 1'500.-, à la charge de l’intimée.
6. Dit que la procédure est gratuite.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
| La greffière
Adriana MALANGA |
| La présidente
Catherine TAPPONNIER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le