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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/686/2025

ATAS/850/2025 du 10.11.2025 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/686/2025 ATAS/850/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 10 novembre 2025

Chambre 1

 

En la cause

A______

représenté par Me Gazmend ELMAZI, avocat

 

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D’ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS

 

 

intimée

EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______1988, a effectué sa scolarité obligatoire et post-obligatoire au Kosovo, sans jamais acquérir de formation certifiante. Sans permis de séjour depuis son arrivée en Suisse en 2014, l’assuré a toujours travaillé comme peintre en bâtiment, en dernier lieu pour l’entreprise B______ Sàrl (ci-après : l’employeur), en vertu d’un contrat de travail du 8 février 2021 prévoyant son engagement en qualité d’aide-peintre à plein temps avec entrée en service immédiate.

b. En cette qualité, il était assuré contre les accidents professionnels et non professionnels auprès de la CAISSE NATIONALE SUISSE D’ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS (ci-après : la SUVA ou l’intimée).

B. a. Le 8 février 2021, l’assuré a été victime d’un accident de chantier. Selon la déclaration de sinistre du 11 février 2021, adressée à la SUVA, alors qu’il était en train d’utiliser une taloche sur un mur en se tenant sur une échelle, il avait chuté de celle-ci et s’était fracturé le bras gauche en retombant sur le sol.

b. Dans un rapport du 8 février 2021, le docteur C______, spécialiste FMH en radiologie, a constaté une fracture plurifragmentaire du processus coronoïde de type II avec présence de microfragments associés. À cela s’ajoutait un épanchement intra-articulaire avec infiltration des parties molles.

c. Le 28 février 2021, la docteure D______, cheffe de clinique auprès du département de chirurgie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), a établi un compte-rendu opératoire relatif à l’intervention que l’assuré avait subie le 22 février 2021. Vu le diagnostic de fracture du coronoïde gauche de type III selon la classification de Regan et Morrey, l’intervention avait consisté en une réduction ouverte de la fracture et en une ostéosynthèse avec mise en place d’une ancre Fastak™ Arthrex.

d. Par avis du 26 mai 2021, le docteur E______, spécialiste en chirurgie orthopédique et médecin d’arrondissement de la SUVA, a estimé que les troubles du bras gauche et l’intervention du 22 février 2021 étaient en relation de causalité pour le moins probable avec l’accident du 8 février 2021. Cet événement n’avait pas décompensé un état antérieur au bras gauche.

e. Alors qu’il était toujours en arrêt de travail à 100%, l’assuré a reçu un courrier de la SUVA l’invitant à se présenter le 7 juillet 2021 à la consultation du docteur F______, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation.

f. Le 24 juin 2021, l’assuré, agissant par l’entremise de son conseil, a informé la SUVA par téléphone que son employeur lui avait adressé un SMS l’invitant à « se débrouiller » seul dès à présent, vu la fermeture prochaine de l’entreprise. Dans ce contexte, l’assuré a fait savoir qu’il craignait de ne pas percevoir l’indemnité journalière future. Il n’avait d’ailleurs reçu que CHF 7’000.- sur l’ensemble des montants versés à ce jour.

g. Dans un rapport du 7 juillet 2021 à la SUVA, le Dr F______ a mentionné que le traitement actuel était antalgique. Les suites de la fracture plurifragmentaire du processus coronoïde de type II, traitée par ostéosynthèse le 22 février 2021, n’étaient pas encore stabilisées et les soins en cours devaient être poursuivis. Il fallait s’attendre à des séquelles. L’incapacité totale de travail se maintiendrait au moins jusqu’au 30 septembre 2021. D’ici là, des limitations fonctionnelles concerneraient le port de charges et l’utilisation du bras gauche dans les activités manuelles. Tant la capacité de travail que les limitations fonctionnelles seraient à réévaluer au-delà du 30 septembre 2021.

h. Dans un rapport de consultation du 19 août 2021, la Dre D______ a indiqué que l’évolution de l’état du bras gauche était marquée par une amélioration de la force et de la mobilité, même si l’on notait la persistance d’une hypoesthésie au niveau du nerf ulnaire, sans signe de Tinel, mais accompagnée d’une sensation d’engourdissement surtout lors de mouvements forcés. Malgré une extension déficitaire (40°) et une flexion possible à 110°, il pouvait se gratter la tête, manger et placer la main derrière la tête. Une amélioration de quelques degrés d’amplitude serait encore possible, mais se ferait plus lentement, l’évolution étant figée au bout d’une année. Comme la famille de l’assuré attribuait ce handicap à une lésion du nerf ulnaire qui serait survenue au cours de l’intervention du 22 février 2021, la Dre D______ avait expliqué que ce n’était pas le cas. Compte tenu de la voie d’abord chirurgicale choisie, le nerf ulnaire avait été préalablement localisé pour le protéger. Cependant, avec cette voie d’abord et la cicatrice des tissus profonds en résultant, le nerf pouvait être « coincé » et, de ce fait, devenir symptomatique. Dans ce contexte, une électroneuromyographie (ENMG) pourrait être effectuée afin d’évaluer la possibilité d’un autre traitement. Enfin, même si l’assuré suspectait un déplacement du matériel d’ostéosynthèse, en réalité il n’en était rien. La fracture était consolidée et le matériel, qui était enfoncé dans l’os, ne pouvait pas en sortir.

i. Par avis du 25 septembre 2021, le Dr E______ a indiqué qu’il n’était pas sûr que l’assuré puisse reprendre un jour son activité d’aide-peintre. Invité à dire si l’incapacité de travail était justifiée au vu des éléments ressortant du dossier, il a répondu : « stricto sensu oui éléments contextuels ».

j. Dans un rapport du 20 janvier 2022 de la Clinique romande de réadaptation
(ci-après : CRR), les docteurs G______ et H______, respectivement spécialiste FMH en médecine interne générale et spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation, ont rapporté que l’assuré avait séjourné à la CRR du 10 novembre au 8 décembre 2021. Ils retenaient, à titre de diagnostic principal, des douleurs persistantes et une limitation en extension du coude gauche et, à titre de diagnostic secondaire, une consolidation légèrement distale de la fracture du processus coronoïde gauche (révélée par arthrographie du coude gauche effectuée le 30 novembre 2021).

Le positionnement légèrement distal du processus coronoïde ne permettait pas d’expliquer l’importance du retentissement clinique.

Sur le plan neurologique, une ENMG effectuée le 29 novembre 2021 retrouvait des neurographies dans la norme et symétriques. On voyait cependant un léger élargissement hypoéchogène à la hauteur du site opératoire, pouvant traduire une légère irritation. Au vu de la bonne évolution clinique, aucune mesure spécifique n’était à proposer.

Aux ateliers professionnels, l’assuré avait été vu dans des activités légères à moyennement lourdes. Dans ce contexte, il avait présenté des autolimitations qui reflétaient seulement le niveau d’effort auquel il avait bien voulu consentir.

Hormis les autolimitations en lien avec les douleurs et une sous-estimation du niveau d’activité qu’il pouvait réaliser (score d’autoévaluation très bas exprimant la conviction de pouvoir exercer uniquement des activités exigeant un niveau d’effort inférieur à sédentaire ou essentiellement assis), aucune incohérence n’avait été relevée.

Sur la base de ces éléments, les médecins de la CRR ont estimé que la situation n’était pas encore complètement stabilisée, mais que les limitations fonctionnelles suivantes pouvaient être d’ores et déjà retenues : pas de port répété de charges supérieures à 10-15 kg ; pas d’activité nécessitant le maintien du coude gauche en extension en porte-à-faux.

Vu les douleurs au coude gauche, le pronostic de réinsertion dans l’activité habituelle était défavorable. En revanche, il était possible d’émettre un pronostic favorable en lien avec une réinsertion dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles précitées.

Sur le plan psychiatrique, l’évaluation avait permis de relever un catastrophisme et une symptomatologie anxio-dépressive légère réactionnelle.

k. Le 5 avril 2022, l’assuré a subi une nouvelle intervention au département de chirurgie des HUG dans le contexte de douleurs neurogènes ulnaires au coude gauche. Selon le rapport du 22 avril 2022 y relatif (« lettre de sortie des soins aigus »), établi par le docteur I______, chef de clinique, et le professeur J______, responsable d’unité, cette intervention avait consisté en une neurolyse avec transposition antérieure du nerf ulnaire.

l. Dans un rapport de consultation du 27 juin 2022, le Dr I______ a indiqué que l’assuré se plaignait, depuis une semaine, d’une irradiation cervicale s’étendant jusqu’à l’oreille et, au niveau du coude gauche, d’une sensation de brûlure péri-olécranienne. Pour la suite du suivi, le Dr I______ prévoyait une consultation en neurologie et au centre de la douleur.

m. Le 5 août 2022, l’assuré a subi un examen électrophysiologique au service de neurologie des HUG. Dans leur rapport du même jour, les docteures K______ et L______, respectivement médecin adjointe agrégée et cheffe de clinique, ont indiqué que le dernier examen ENMG du 5 octobre 2021 avait montré une lésion axonale sensitive du nerf ulnaire et du nerf antébrachial médial gauches. L’examen ENMG comparatif du jour montrait une amélioration de la conduction sensitive du nerf ulnaire gauche et de très discrets signes de démyélinisation des fibres motrices du coude, sans qu’il y ait d’argument électrophysiologique pour une atteinte du plexus brachial gauche. Il persistait une atteinte partielle axonale du nerf antébrachial cutané médial sans évolution défavorable.

n. Le 18 août 2022, l’assuré s’est rendu auprès du docteur M______, spécialiste FMH en radiologie, en raison de douleurs cervico-thoraciques et brachiales gauches neurogènes tronculaires. Dans son rapport du même jour, le Dr M______ a conclu à la présence de discopathies cervicales et d’un lipome musculaire dorsal. Une infiltration périphérique des nerfs par PRP pourrait être proposée.

o. Dans un rapport de consultation du 6 septembre 2022, le Dr I______ a indiqué avoir expliqué à l’assuré qu’il n’y avait pas d’indication à procéder à une nouvelle intervention au coude concernant le nerf ulnaire, l’évolution étant favorable au vu de l’ENMG du 5 août 2022. Quant aux douleurs neurogènes résiduelles, elles étaient à traiter de façon multidisciplinaire par « TENS » (neurostimulation électrique transcutanée), amitryptiline et soutien psychologique.

p. Le 10 octobre 2022, l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI) a informé la SUVA que l’assuré n’avait déposé aucune demande de prestations à ce jour.

q. Le 14 mars 2023, l’assuré a subi une échographie et une IRM de l’épaule gauche en raison d’une douleur à la mobilisation de celle-ci. Dans un rapport du même jour, le docteur N______, spécialiste FMH en radiologie, a relevé la présence d’une tendinopathie fissuraire de grade I du tendon sus-épineux gauche, sans lésion osseuse ou transfixiante de la coiffe.

r. À la demande de la SUVA, l’assuré s’est rendu le 24 mai 2023 auprès du Dr E______ pour se soumettre à un examen médical. Dans son rapport du 30 mai 2023, ce médecin a indiqué que l’assuré lui avait signalé avoir subi une nouvelle intervention (par arthroscopie) au coude gauche le 12 décembre 2022, pratiquée par le docteur O______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique. Les rapports relatifs à cette intervention ne figuraient pas au dossier de la SUVA.

Le Dr E______ a retenu les diagnostics de fracture du processus coronoïde gauche type Regan et Morrey III avec neuropathie ulnaire, traitées par chirurgie de repositionnement du processus coronoïde d’une part, et libération-transposition du nerf ulnaire d’autre part.

À 27 mois de l’accident, l’assuré semblait encore présenter des douleurs à l’épaule gauche, qui avait présenté une tendinopathie fissuraire de grade I du tendon sus-épineux gauche. L’assuré était âgé de 34 ans et travaillait comme plâtrier-peintre. On savait qu’à partir de l’âge de 20 ans, particulièrement « dans ces métiers », il existait une certaine tension sur le sus-épineux. Dans ces conditions, un lien de causalité naturelle entre cette atteinte tendineuse et l’événement du 8 février 2021 n’était pas donné au degré de la vraisemblance prépondérante. Cette absence de causalité concernait également les « éventuelles douleurs de la colonne cervicale », qui n’avaient jamais fait l’objet d’investigations et n’étaient pas non plus attribuables à l’accident.

Concernant l’évolution au niveau du nerf ulnaire, le Dr E______ estimait qu’il ne pouvait pas se prononcer sur la stabilisation du cas d’un point de vue neurologique tant qu’un nouvel examen ENMG n’aurait pas été effectué aux HUG.

Concernant l’examen qu’il avait lui-même effectué, le Dr E______ a constaté que l’assuré était centré sur les douleurs. Aussi rejoignait-il les constatations de ses confrères de la CRR, à savoir qu’il existait une étude de force au Jamar qui était particulièrement discrépante chez l’assuré, compte tenu de sa stature. Cela montrait qu’il avait des autolimitations, peut-être en lien avec ses douleurs, et qu’il sous-estimait le niveau d’activité et de performance qu’il pouvait réaliser en le situant en-dessous du niveau d’une personne travaillant en position sédentaire ou essentiellement assise. Enfin, le Dr E______ a considéré qu’une fois les « éléments de stabilisation » reçus, les limitations fonctionnelles concerneraient le port répété de charges supérieures à 10 kg et les activités nécessitant le maintien du coude gauche en extension en porte-à-faux.

s. Par courrier du 31 mai 2023 à l’assuré, la SUVA s’est référée à l’examen du 24 mai 2023 du Dr E______. Selon ce médecin et les pièces médicales, un lien de causalité était certes donné, au degré de la vraisemblance prépondérante, entre les troubles du nerf ulnaire et l’accident, mais pas entre cet événement et les troubles de l’épaule gauche et de la colonne cervicale. La SUVA ne verserait donc pas de prestations pour ces deux types d’atteintes, mais continuerait à le faire pour les troubles du nerf ulnaire.

t. Dans un rapport du 19 juin 2023 à la SUVA, relatif à un examen ENMG réalisé le même jour, la Dre K______ a indiqué qu’il en ressortait une nette amélioration des données électrophysiologiques par rapport à l’examen du 5 août 2022 ; la vitesse de conduction du nerf ulnaire gauche au coude était normalisée et l’amplitude du nerf cutané antébrachial gauche nettement améliorée.

u. Le 20 septembre 2023, la SUVA a reçu notamment :

-          un rapport du 19 septembre 2023 de la docteure P______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. L’assuré était venu à sa consultation à partir du 17 mars 2023, après plusieurs opérations au coude gauche dans les suites de son accident du 8 février 2021. Il présentait un état dépressif moyen à sévère (F32.1), en amélioration depuis le début du suivi, se manifestant pas un trouble de l’humeur, un trouble du sommeil (moyennement présent), une mémoire à court terme moyenne, des flash-backs de son accident, un appétit perturbé et la présence d’idées suicidaires passives fluctuantes. Le pronostic était favorable ;

-          un rapport du 16 mars 2023 du Dr M______, relatant une intervention du même jour, destinée à combattre les douleurs neurogènes au coude gauche. Après asepsie et anesthésie locale, il avait procédé à l’injection d’un mélange corticoïde et anesthésique au niveau pré-épitrochléen périphérique du nerf ulnaire ;

-          un protocole opératoire du 12 décembre 2022 du Dr O______, relatant une arthroscopie du coude gauche de l’assuré, avec synovectomie antérieure et de la fossette postérieure de l’articulation huméro-ulnaire, complétée par une arthrolyse ;

-          un rapport de consultation du 8 août 2023 du Dr O______, évoquant une évolution favorable avec nette amélioration du déficit d’extension du coude gauche (passé de 22 à 2 degrés après l’intervention du 12 décembre 2022). Ce déficit n’avait pas pu être totalement éliminé en dépit d’une physiothérapie intensive. Actuellement, la prise d’antalgiques était sporadique. Le Dr O______ avait proposé à l’assuré de reprendre son activité habituelle à 50% courant avril 2023, mais celui-ci avait déclaré ne plus pouvoir exercer l’activité de peintre. Le dernier arrêt de travail qu’il avait remis à l’assuré était valable jusqu’au 1er juin 2023. Au-delà de cette date, la délivrance de certificats d’arrêt de travail avait été gérée par le médecin traitant. L’assuré lui avait fait part de diverses autres plaintes, au rachis cervical et à l’épaule gauche, pour lesquelles le substrat anatomique n’était pas pertinent. La cicatrice ulnaire au coude gauche restait très algique au toucher, malgré différentes tentatives de désensibilisation restées infructueuses. Le Dr O______ n’avait plus de proposition thérapeutique supplémentaire pour l’assuré.

v. Dans un rapport du 9 octobre 2023, la docteure Q______, médecin-conseil de la SUVA et spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a indiqué qu’au vu du rapport du 19 septembre 2023 de la Dre P______, le lien de causalité entre les troubles psychiques et l’événement du 8 février 2021 était « probable selon le principe de la vraisemblance prépondérante ». Vu l’amélioration et le pronostic favorables rapportés par la Dre P______, la Dre Q______ proposait de refaire le point en juin-juillet 2024.

w. Le 3 janvier 2024, l’assuré s’est rendu auprès du Dr E______ pour y subir un nouvel examen. Dans son rapport du 6 janvier 2024, ce médecin a estimé que la situation était stabilisée. Il n’y avait plus de possibilité de prise en charge thérapeutique permettant de conduire à une amélioration. En effet, il n’y avait pas de névrome individualisable au niveau de la branche du nerf cutané antébrachial médial et la rééducation était maintenant sans effet. Après avoir constaté que l’assuré mettait en œuvre une force du bras gauche encore inférieure à celle observée à la CRR, ce qu’il attribuait à une autolimitation, le Dr E______ a estimé que les limitations fonctionnelles concernaient le port répété de charges supérieures à 7 kg et les activités nécessitant le maintien du coude gauche en extension ou en porte-à-faux. Avec le seul bras gauche, en particulier l’avant-bras, l’assuré pouvait exercer des tâches essentiellement légères. Il n’existait pas de limitations fonctionnelles pour l’utilisation du membre supérieur droit.

x. Dans un second rapport du 6 janvier 2024, le Dr E______ a évalué à 5% l’atteinte à l’intégrité résultant du déficit du nerf antébrachial cutané médial.

y. Sur question de la SUVA, le Dr E______ a précisé par courriel du 8 janvier 2024 que l’assuré pouvait exercer à plein temps et sans perte de rendement une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles.

z. Par courrier du 17 janvier 2024, la SUVA a informé l’assuré qu’au vu des conclusions prises par le Dr E______ à l’issue de l’examen médical du 3 janvier 2024, le paiement des soins médicaux et de l’indemnité journalière prendraient fin avec effet au 1er mars 2024.

aa. Dans une note du 24 janvier 2024, la SUVA a fixé le degré d’invalidité de l’assuré à 3%.

C. a. Par décision du 26 janvier 2024, la SUVA a octroyé une indemnité pour atteinte à l’intégrité (ci-après : IPAI) de CHF 7'410.- à l’assuré (correspondant à 5% de CHF 148'200.-), mais lui a refusé l’octroi d’une rente d’invalidité, le taux d’invalidité de 3% n’atteignant pas le minimum de 10% requis. Il ressortait des investigations, notamment sur le plan médical, que malgré les suites de son accident, l’assuré était à même d’exercer une activité dans différents secteurs de l’industrie, à condition de ne pas porter de manière répétée des charges supérieures à 7 kg avec son bras gauche et d’éviter les activités nécessitant le maintien du coude gauche en extension ou en porte-à-faux. Une telle activité, qui était exigible à plein temps, lui permettrait de réaliser, selon l’enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après : ESS), un revenu annuel de CHF 67'262.-, soit CHF 60'536.- après prise en compte d’un abattement de 10% compte tenu des limitations fonctionnelles et du statut d’étranger de l’intéressé (permis L). En comparant ce montant au revenu qu’il aurait réalisé sans l’accident du 8 février 2021 (CHF 62'257.-), le taux d’invalidité était de 2.76% (arrondi à 3%).

b. Le 26 janvier 2024, la SUVA a effectué un versement de CHF 7'410.- sur le compte du conseil de l’assuré, au titre de l’IPAI.

c. Par pli du 16 février 2024, l’assuré, représenté par son conseil, s’est référé au courrier de la SUVA du 17 janvier 2024 en faisant savoir qu’il contestait la stabilisation du cas et demandait la reprise du paiement des soins médicaux et de l’indemnité journalière. Il a précisé pour le surplus que la motivation de son opposition serait développée dans le cadre de son opposition à la décision du 26 janvier 2024.

d. Le 21 février 2024, la SUVA a accepté de prolonger le délai d’opposition au 22 mars 2024.

e. Le 28 février 2024, l’assuré a formé opposition à la décision du 26 janvier 2024, conclu à son annulation, à l’octroi d’une rente d’invalidité entière et à une IPAI de CHF 148'000.-. Il a précisé que la motivation de son opposition suivrait d’ici au 22 mars 2024.

f. En réponse à une demande de l’assuré, la SUVA a accepté, le 22 mars 2024, de prolonger au 6 mai 2024 le délai qu’elle lui avait imparti pour motiver son opposition.

g. Le 6 mai 2024, l’assuré a complété son opposition en relevant que, dans son rapport du 9 octobre 2023, la Dre Q______ proposait de refaire le point en juin-juillet 2024, ce dont l’intimé s’était abstenu en rendant la décision du 26 janvier 2024 sur la base de la seule appréciation somatique du cas. L’assuré a ajouté « qu’en raison de son trouble dépressif moyen, [il était] incapable de travailler » et qu’en conséquence, il avait droit à une rente entière d’invalidité. Quant à l’IPAI, il convenait d’en revoir le taux à la hausse (30%), vu que l’accident avait causé non seulement une atteinte physique (au bras et à l’épaule gauche), mais aussi des troubles psychiques.

h. Dans une brève appréciation du 22 juillet 2024, le Dr E______ a précisé à la demande de la SUVA que si l’activité de peintre n’était plus exigible, tel n’était pas le cas pour une activité n’impliquant ni le port répété de charges supérieures à 7 kg, ni le maintien du coude gauche en extension ou en porte-à-faux. Dans une telle activité adaptée, la capacité de travail exigible était de 100% sans diminution de rendement.

i. Dans un rapport du 8 novembre 2024 à la SUVA, la Dre P______ a indiqué que l’état dépressif et ses symptômes étaient en amélioration depuis septembre 2023. Les derniers entretiens, au nombre de trois en 2024, avaient eu lieu les 9 et 30 janvier ainsi que le 12 février. L’assuré avait mis fin à tous ses suivis – et à son traitement médicamenteux – le 1er mars 2024, vu son absence de revenus. Lors des derniers entretiens, le cours de sa pensée était dans la norme, sans éléments de la lignée psychotique. Sa thymie était stable et moins sujette à des fluctuations. Même si par moment, il rapportait une fatigue journalière, son sommeil était satisfaisant, sa concentration améliorée et sa mémoire conservée – à tout le moins pour les faits anciens, un peu moins pour la mémoire à court terme, dans la mesure où il rapportait encore des oublis. Au cours d’une journée type, il se levait en début d’après-midi, entre 13 et 14h, puis passait à table. Après quoi, il se reposait et faisait des promenades par beau temps. Il lui arrivait de rendre visite à sa sœur en semaine ou le week-end. Il dînait entre 19 et 20h et se couchait à 22h30.

j. Le 15 janvier 2025, l’assuré s’est rendu auprès du docteur R______, médecin-conseil de la SUVA et spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. Dans son rapport du 22 janvier 2025, ce médecin a retenu le diagnostic de trouble de l’adaptation avec prédominance de la perturbation d’autres émotions (F43.23). À l’appui de ce diagnostic, sans effet sur la capacité de travail, le Dr R______ a indiqué qu’à quatre ans de la survenance de l’accident, le facteur de stress initial lié à cet événement persistait à ce jour. Une humeur dépressive ne pouvait pas être franchement identifiée. Une dysphorie était plus présente dans le contenu des propos de l’intéressé que dans son apparence qui était fermée, contrôlée et apathique. L’appétit était préservé et il n’y avait ni ralentissement psychomoteur, ni honte, ni culpabilité. On se retrouvait plutôt face à une personne en régression et en repli, ayant un sentiment d’incapacité à faire face à son existence, ne faisant plus de projet et ne supportant plus sa situation au quotidien, caractérisée par « passablement de ruminations inquiètes concernant son avenir ». Celles-ci étaient accompagnées d’une colère et d’un sentiment de ne pas être compris et entendu, notamment par la SUVA. C’était en raison de cette colère importante que le Dr R______ avait retenu un trouble de l’adaptation avec prédominance de la perturbation d’autres émotions (F43.22). La symptomatologie de ce trouble restait actuellement légère, ce qui correspondait grosso modo à la première évaluation effectuée à la CRR. Depuis lors, l’assuré n’avait pas connu d’aggravation de son état psychologique malgré l’absence de suivi psychiatrique et de médication depuis environ dix mois. Selon le Dr R______, ce n’était pas vraiment un traitement spécialisé qui pouvait améliorer son état, mais le fait de le remobiliser autour d’un projet existentiel/professionnel. Il était par conséquent très important de déterminer ce que l’assuré pouvait faire, compte tenu de ses limitations au membre supérieur gauche. Pour autant, l’atteinte à la santé psychique n’avait que peu d’importance car elle n’était pas à l’origine d’une incapacité de travail, y compris dans l’activité antérieure d’aide-peintre, qui était adaptée d’un point de vue psychique.

Interrogé sur la présence d’une atteinte à l’intégrité, le Dr R______ a indiqué qu’il était prématuré de se prononcer à ce sujet car le cas n’était pas encore stabilisé.

k. Par décision du 27 janvier 2025, la SUVA a rejeté l’opposition.

Dans le présent cas, il y avait tout d’abord lieu de constater qu’aucun traitement n’était à envisager sur le plan somatique et qu’aucune mesure de réadaptation n’avait été mise en œuvre par l’assurance-invalidité auprès de laquelle l’assuré ne s’était pas annoncé. Partant, la fin du droit à l’indemnité journalière et à la prise en charge du traitement médical au 29 février 2024 devait être confirmée et l’examen de la causalité naturelle et adéquate des troubles psychiques avec l’accident pouvait – et devait – être effectuée. Il existait certes un lien de causalité naturelle entre le trouble de l’adaptation avec prédominance de la perturbation d’autres émotions et l’accident du 8 février 2021. Cependant, en l’absence de causalité adéquate, la SUVA devait refuser de prester pour les troubles psychiques et, par conséquent, examiner le droit de l’assuré à de plus amples prestations (que celles reconnues dans la décision du 26 janvier 2024) sur la seule base de ses troubles somatiques. Ceux-ci se présentaient sous forme de troubles à la colonne cervicale, à l’épaule gauche et au coude gauche.

Concernant les troubles à la colonne cervicale, la SUVA avait nié leur lien de causalité avec l’accident par courrier du 31 mai 2023. Dans la mesure où l’assuré ne contestait pas l’absence de lien de causalité entre ses troubles la colonne cervicale et l’accident du 8 février 2021, il y avait lieu de constater que plus d’un an après son prononcé, la décision informelle du 31 mai 2023 était entrée en force quant à cet objet. S’agissant des troubles à l’épaule gauche, dont l’assuré attribuait la cause à l’accident, il y avait lieu de constater qu’en l’absence de rapport médical contestant les appréciations des Drs E______ et O______ – ce dernier évoquant une absence de substrat anatomique pour les plaintes au rachis cervical et à l’épaule gauche – l’absence de causalité entre les troubles à l’épaule gauche et l’accident devait être confirmée.

En ce qui concernait l’atteinte au coude gauche, elle avait conduit, une fois l’état de santé stabilisé, à un déficit de flexion de 20 degrés et de force du membre supérieur gauche en comparaison avec le droit, synonyme de limitations fonctionnelles (pas de port répété de charges supérieures à 7 kg ni d’activités nécessitant le maintien du coude gauche en extension ou en porte-à-faux), empêchant la reprise de l’activité habituelle d’aide-peintre, mais pas l’exercice d’une activité adaptée aux limitations fonctionnelles en question. Même s’il se justifiait de porter de 10 à 15% la déduction initialement effectuée sur le revenu statistique d’invalide, compte tenu des limitations fonctionnelles et du permis B
– qui aurait succédé à son permis L avec le temps –, la différence entre le revenu avec invalidité ainsi corrigé (CHF 58'230.53) et le revenu sans invalidité (CHF 62'257.-) aboutissait à un degré d’invalidité de 6.47% ([62'257.– 58’230.53] x 100 / 62'257.- = 6.47), de sorte que l’absence du droit de l’assuré à une rente devait être confirmé.

Enfin, en tant que l’assuré concluait à une IPAI de CHF 44'460.-, fondée sur un taux de 30% – en raison de la non prise en compte, par la SUVA, des troubles psychiatriques et à l’épaule gauche –, sa position ne pouvait pas être suivie. Les premiers ne présentaient pas de lien de causalité adéquate avec l’accident. Quant aux seconds, leur causalité naturelle avec cet événement faisait défaut. Partant, une IPAI complémentaire n’était pas due.

D. a. Le 27 février 2025, l’assuré a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’un recours contre cette décision, concluant principalement à son annulation ainsi qu’à la reprise du paiement de l’indemnité journalière et, subsidiairement, à l’octroi d’une rente d’invalidité de 28% et au versement de la somme de CHF 29'600.- à titre d’IPAI.

À l’appui de sa position, il a fait valoir que dans son expertise le Dr R______ avait conclu que le cas n’était pas encore stabilisé. En tant que cette appréciation sous-tendait l’existence d’une relation de causalité naturelle entre les troubles psychiques constatés par ce médecin et l’accident, le recourant ne pouvait que s’y rallier. C’était en revanche à tort que l’intimée avait refusé d’admettre un lien de causalité adéquate entre ces troubles et l’événement du 8 février 2021. Vu la causalité naturelle et adéquate entre l’atteinte à la santé psychique, non stabilisée, et l’accident, il incombait à l’intimée de reprendre le versement des indemnités journalières. Subsidiairement, si l’on estimait, à l’instar de l’intimée, que l’état de santé était stabilisé, le calcul du degré d’invalidité effectué dans la décision litigieuse ne pouvait pas être suivi. En se fondant sur le tableau T12_b de l’ESS, le revenu du recourant – qui ne disposait d’aucun titre de séjour – se montait à CHF 4'653.- par mois (soit CHF 55'836.- par année). En déduisant de celui-ci un abattement de 20%, le revenu avec invalidité aurait dû être fixé à CHF 44'668.-. En comparant celui-ci avec le revenu sans invalidité (CHF 62'257.-), le taux d’invalidité était de 28%, ouvrant ainsi droit à une rente de quotité équivalente. S’agissant enfin de l’IPAI, la fixation de son taux à 5% procédait d’une omission de prendre en compte l’atteinte psychique. En tenant compte de celle-ci, plus particulièrement de l’atteinte aux fonctions psychiques partielles comme la mémoire et la capacité de concentration, il se justifiait de porter l’IPAI à 20%, ce qui correspondait à CHF 29'600.-.

b. Le 10 mars 2025, l’intimée a conclu au rejet du recours. Concernant la question du degré d’invalidité, plus précisément du revenu avec invalidité déterminant, il y avait lieu d’estimer que, sans la survenance de l’accident, le recourant aurait vraisemblablement été titulaire d’un permis B au 1er mars 2024, soit trois ans après la prise de son emploi. Un abattement supérieur à 15% ne se justifiait donc pas.

c. Le 12 mai 2025, le recourant a répliqué en précisant qu’il n’avait jamais été titulaire d’un permis L, soit d’une autorisation de courte durée. Depuis qu’il était installé en Suisse, il avait toujours vécu en situation irrégulière et ne disposait ainsi d’aucun droit à l’obtention d’un quelconque titre de séjour en Suisse. C’était donc à tort que l’intimée avait retenu que le recourant aurait vraisemblablement été au bénéfice d’un permis B trois ans après la prise de son emploi si l’accident du 8 février 2021 n’avait pas eu lieu.

d. Le 26 mai 2025, l’intimée a dupliqué en précisant qu’elle ne prétendait pas que le recourant était titulaire d’un permis L, mais qu’au vu de sa situation (assuré au bénéfice d’un emploi, mais victime d’un accident lors de son premier jour d’emploi), il aurait pu prétendre à l’octroi d’un permis B au jour de l’examen de son droit une rente d’invalidité sans la survenance de l’accident.

e. Le 27 mars 2025, une copie de cette écriture a été transmise, pour information, au recourant.

f. Les autres faits seront examinés, si nécessaire, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ – E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA – RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-accidents, à moins que la loi n’y déroge expressément.

1.3 La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10).

1.4 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le point de savoir si l’intimée était fondée à considérer que l’état de santé du recourant était stabilisé au 29 février 2024 et, dans l’affirmative, sur le montant de l’IPAI et l’existence d’un degré d’invalidité suffisant pour ouvrir droit à une rente.

3.              

3.1 Aux termes de l’art. 6 al. 1 LAA, l’assureur-accidents verse des prestations à l’assuré en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA).

L’assuré a droit au traitement médical approprié des lésions résultant de l’accident (art. 10 al. 1 LAA). S’il est totalement ou partiellement incapable de travailler (art. 6 LPGA) à la suite d’un accident, il a droit à une indemnité journalière (art. 16 al. 1 LAA). Le droit à l’indemnité journalière naît le troisième jour qui suit celui de l’accident. Il s’éteint dès que l’assuré a recouvré sa pleine capacité de travail, dès qu’une rente est versée ou dès que l’assuré décède (art. 16 al. 2 LAA).

3.2 Selon l’art. 6 al. 2 LAA, l’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles énumérées aux lettres a à h (dont les déchirures du ménisque et les déchirures de tendons), pour autant que celles-ci ne soient pas dues de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie.

Dans un ATF 146 V 51, le Tribunal fédéral a examiné les répercussions de la modification législative relative aux lésions corporelles assimilées à un accident. Il s’est notamment penché sur la question de savoir quelle disposition était désormais applicable lorsque l’assureur-accidents a admis l’existence d’un accident au sens de l’art. 4 LPGA et que l’assuré souffre d’une lésion corporelle au sens de l’art. 6 al. 2 LAA. Le Tribunal fédéral a admis que, dans cette hypothèse, l’assureur-accidents doit prendre en charge les suites de la lésion en cause sur la base de l’art. 6 al. 1 LAA ; en revanche, en l’absence d’un accident au sens juridique, le cas doit être examiné sous l’angle de l’art. 6 al. 2 LAA (ATF 146 V 51 consid. 9.1 ; résumé dans la RSAS 1/2020 p. 33ss. ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_520/2020 du 3 mai 2021 consid. 5.1). Cela implique que si une lésion au sens de l’art. 6 al. 2 LAA est due à un accident assuré, l’assureur doit la prendre en charge jusqu’à ce que cet accident n’en constitue plus la cause naturelle et adéquate et que l’atteinte à la santé qui subsiste est due uniquement à des causes étrangères à l’accident considéré (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et 9.1).

3.3 Si l’assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10 % au moins par suite d’un accident, il a droit à une rente d’invalidité, pour autant que l’accident soit survenu avant l’âge ordinaire de la retraite (art. 18 al. 1 LAA, dans sa teneur en vigueur à compter du 1er janvier 2017). Pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA ; méthode ordinaire de la comparaison des revenus).

Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1) ; seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain ; de plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

3.4 Selon l’art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente.

Dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une « sensible amélioration de l’état de santé de l’assuré » (sur cette notion : cf. ci‑après : consid. 4.2.2) et qu’aucune mesure de réadaptation de l’assurance-invalidité n’entre en considération, il appartient à l’assureur-accidents de clore le cas en mettant fin aux frais de traitement ainsi qu’aux indemnités journalières et en examinant le droit à une rente d’invalidité et à une indemnité pour atteinte à l’intégrité (ATF 144 V 354 consid. 4.1 ; 143 V 148 consid. 3.1.1 ; 134 V 109 consid. 4.1 et les références).

L’art. 19 al. 1 LAA délimite temporellement le droit au traitement médical et le droit à la rente d’invalidité, le moment déterminant étant celui auquel l’état de santé peut être considéré comme relativement stabilisé (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 391/00 du 9 mai 2001 consid. 2a).

4.              

4.1 La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

L’exigence afférente au rapport de causalité naturelle est remplie lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans l’événement dommageable de caractère accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière. Il n’est pas nécessaire, en revanche, que l’accident soit la cause unique ou immédiate de l’atteinte à la santé ; il suffit qu’associé éventuellement à d’autres facteurs, il ait provoqué l’atteinte à la santé, c’est-à-dire qu’il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l’événement assuré et l’atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l’administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d’ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l’appréciation des preuves dans l’assurance sociale. Ainsi, lorsque l’existence d’un rapport de cause à effet entre l’accident et le dommage paraît possible, mais qu’elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l’accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; 119 V 335 consid. 1 ; 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le seul fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu’après la survenance d’un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident. Il convient en principe d’en rechercher l’étiologie et de vérifier, sur cette base, l’existence du rapport de causalité avec l’événement assuré (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc » ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; RAMA 1999 n° U 341 p. 408 consid. 3b).

4.2 Le droit à des prestations suppose en outre l’existence d’un lien de causalité adéquate. La causalité est adéquate si, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s’est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 148 V 138 consid. 5.1.1).

4.2.1 En présence d’une atteinte à la santé physique, le problème de la causalité adéquate ne se pose guère, car l’assureur répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l’expérience médicale (ATF 127 V 102 consid. 5b/bb et les références). En revanche, il en va autrement lorsque des symptômes, bien qu’apparaissant en relation de causalité naturelle avec un événement accidentel, ne sont pas objectivables du point de vue organique. Dans ce cas, il y a lieu d’examiner le caractère adéquat du lien de causalité en se fondant sur le déroulement de l’événement accidentel, compte tenu, selon les circonstances, de certains critères en relation avec cet événement (ATF 117 V 359 consid. 6 ; 117 V 369 consid. 4b ; 115 V 133 consid. 6 ; 115 V 403 consid. 5). En présence de troubles psychiques apparus après un accident, on examine les critères de la causalité adéquate en excluant les aspects psychiques (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa ; 115 V 403 consid. 5c/aa), tandis qu’en présence d’un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale (ATF 117 V 359 consid. 6a), d’un traumatisme analogue à la colonne cervicale (SVR 1995 UV n° 23 consid. 2) ou d’un traumatisme cranio‑cérébral (ATF 117 V 369 consid. 4b), on peut renoncer à distinguer les éléments physiques des éléments psychiques (sur l’ensemble de la question : ATF 127 V 102 consid. 5b/bb et SVR 2007 UV n° 8 p. 27 consid. 2).

4.2.2 En application de la pratique sur les conséquences psychiques des accidents (ATF 115 V 133), l’examen des critères de causalité adéquate doit se faire au moment où l’on ne peut plus attendre de la continuation du traitement médical en rapport avec l’atteinte physique une sensible amélioration de l’état de santé de l’assuré, ce qui correspond à la clôture du cas selon l’art. 19 al. 1 LAA (arrêt du Tribunal fédéral 8C_683/2017 du 24 juillet 2018 consid. 5). En revanche, selon la pratique dite du « coup du lapin », l’examen de la causalité adéquate doit se faire au moment où aucune amélioration significative de l’état de santé de l’assuré ne peut être attendue de la poursuite du traitement médical relatif aux troubles typiques du coup du lapin – dont les composantes psychologique et physique ne sont pas facilement différenciées (ATF 134 V 109 consid. 4.3 et 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_303/2017 du 5 septembre 2017 consid. 6.1) ou, autrement dit, du traitement médical en général (« ärztlichen Behandlung insgesamt » ; Alexandra RUMO-JUNGO, Pierre-André HOLZER, Bundesgesetz über die Unfallversicherung, 4e éd. 2012, ad art. 6, p. 60). L’amélioration de l’état de santé se détermine notamment en fonction de l’augmentation ou de la récupération probable de la capacité de travail réduite par l’accident, étant précisé que l’amélioration attendue par la continuation du traitement médical doit être « sensible ». Le terme « sensible » indique donc que l’amélioration espérée par un autre traitement (approprié au sens de l’art. 10 al. 1 LAA) doit être importante (ATF 143 V 148 consid. 3.1.1). Des améliorations insignifiantes ne suffisent pas, pas plus que la simple possibilité d’une amélioration (arrêt du Tribunal fédéral 8C_528/2022 du 17 novembre 2022 consid. 7.1 et l’arrêt cité). Le simple fait qu’un traitement médical continue à être nécessaire ne suffit pas non plus en soi (arrêt du Tribunal fédéral 8C_ 956/2009 du 9 mars 2010 consid. 4.1.2). Ni la possibilité très éloignée d’un résultat positif lié à la continuation d’un traitement médical, ni de petits progrès attendus du fait d’autres mesures – balnéothérapie ou physiothérapie par exemple (arrêts du Tribunal fédéral 8C_39/2018 du 11 juillet 2018 consid. 5.1 et 8C_142/2017 du 7 septembre 2017 consid. 4) –, ne confèrent un droit à de plus amples prestations de la part de l’assureur-accidents. Dans ce contexte, l’état de santé de la personne assurée doit être évalué de manière prospective et non rétrospective (arrêt du Tribunal fédéral 8C_142/2017 consid. 4 et les arrêts cités), c’est-à-dire à la lumière des circonstances qui prévalaient au moment de la clôture du cas (arrêt du Tribunal fédéral 8C_83/2017 du 11 décembre 2017 consid. 4.3). Pour ce faire, on se fonde en premier lieu sur les renseignements médicaux relatifs aux possibilités thérapeutiques et à l’évolution de la maladie, qui sont généralement compris dans la notion de pronostic (arrêt du Tribunal fédéral 8C_682/2021 du 13 avril 2022 consid. 5.1 et les arrêts cités).

5.              

5.1 Dans le cas de troubles psychiques additionnels à une atteinte à la santé physique, le caractère adéquat du lien de causalité suppose que l’accident ait eu une importance déterminante dans leur déclenchement. La jurisprudence a tout d’abord classé les accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement : les accidents insignifiants ou de peu de gravité (par ex. une chute banale) ; les accidents de gravité moyenne et les accidents graves. Pour procéder à cette classification, il convient non pas de s’attacher à la manière dont l’assuré a ressenti et assumé le choc traumatique, mais bien plutôt de se fonder, d’un point de vue objectif, sur l’événement accidentel lui-même (ATF 140 V 356 consid. 5.3, 115 V 133 consid. 6, 115 V 403 consid. 5). Sont déterminantes les forces générées par l’accident et non pas les conséquences qui en résultent ou d’autres circonstances concomitantes qui n’ont pas directement trait au déroulement de l’accident, comme les lésions subies par l’assuré ou le fait que l’événement accidentel a eu lieu dans l’obscurité (ATF 148 V 301 consid. 4.3.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_595/2015 du 23 août 2016 consid. 3 et les références). La gravité des lésions subies – qui constitue l’un des critères objectifs pour juger du caractère adéquat du lien de causalité – ne doit être prise en considération à ce stade de l’examen que dans la mesure où elle donne une indication sur les forces en jeu lors de l’accident (arrêts du Tribunal fédéral 8C_398/2012 du 6 novembre 2012 consid. 5.2 in SVR 2013 UV n° 3 p. 8 et 8C_435/2011 du 13 février 2012 consid. 4.2 in SVR 2012 UV n° 23 p. 84 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_622/2015 du 25 août 2016 consid. 3.3).

Selon la jurisprudence (ATF 115 V 403 consid. 5), lorsque l’accident est insignifiant (l’assuré s’est par exemple cogné la tête ou s’est fait marcher sur le pied) ou de peu de gravité (il a été victime d’une chute banale), l’existence d’un lien de causalité adéquate entre cet événement et d’éventuels troubles psychiques peut, en règle générale, être d’emblée niée. Selon l’expérience de la vie et compte tenu des connaissances actuelles en matière de médecine des accidents, on peut en effet partir de l’idée, sans procéder à un examen approfondi sur le plan psychique, qu’un accident insignifiant ou de peu de gravité n’est pas de nature à provoquer une incapacité de travail (ou de gain) d’origine psychique. L’événement accidentel n’est ici manifestement pas propre à entraîner une atteinte à la santé mentale sous la forme, par exemple, d’une dépression réactionnelle. On sait par expérience que de tels accidents, en raison de leur importance minime, ne peuvent porter atteinte à la santé psychique de la victime. Dans l’hypothèse où, malgré tout, des troubles notables apparaîtraient, on devrait les attribuer avec certitude à des facteurs étrangers à l’accident, tels qu’une prédisposition constitutionnelle. Dans ce cas, l’événement accidentel ne constituerait en réalité que l’occasion pour l’affection mentale de se manifester.

Lorsque l’assuré est victime d’un accident grave, il y a lieu, en règle générale, de considérer comme établie l’existence d’une relation de causalité entre cet événement et l’incapacité de travail (ou de gain) d’origine psychique. D’après le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, un accident grave est propre, en effet, à entraîner une telle incapacité. Dans ces cas, la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique se révélera la plupart du temps superflue.

5.2 Sont réputés accidents de gravité moyenne les accidents qui ne peuvent être classés dans l’une ou l’autre des catégories décrites ci-dessus. Pour juger du caractère adéquat du lien de causalité entre de tels accidents et l’incapacité de travail (ou de gain) d’origine psychique, il ne faut pas se référer uniquement à l’accident lui-même. Il sied bien plutôt de prendre en considération, du point de vue objectif, l’ensemble des circonstances qui sont en connexité étroite avec l’accident ou qui apparaissent comme des effets directs ou indirects de l’événement assuré. Ces circonstances constituent des critères déterminants dans la mesure où, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, elles sont de nature, en liaison avec l’accident, à entraîner ou aggraver une incapacité de travail (ou de gain) d’origine psychique.

Pour admettre l’existence du lien de causalité en présence d’un accident de gravité moyenne, il faut donc prendre en considération un certain nombre de critères, dont les plus importants sont les suivants (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa ; 115 V 403 consid. 5c/aa) :

-          les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’accident ;

-          la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu’elles sont propres, selon l’expérience, à entraîner des troubles psychiques ;

-          la durée anormalement longue du traitement médical ;

-          les douleurs physiques persistantes ;

-          les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident ;

-          les difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes ;

-          le degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques.

Tous ces critères ne doivent pas être réunis pour que la causalité adéquate soit admise. De manière générale, lorsqu’il s’agit d’un accident de gravité moyenne (stricto sensu), il faut un cumul de trois critères sur les sept, ou au moins que l’un des critères retenus se soit manifesté de manière particulièrement marquante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_816/2021 du 2 mai 2022 consid. 3.3 et la référence). Un seul d’entre eux peut être suffisant, notamment si l’on se trouve à la limite de la catégorie des accidents graves (ATF 129 V 402 consid. 4.4.1 et les références ; 115 V 133 consid. 6c/bb ; 115 V 403 consid. 5c/bb). Dans le cas des accidents de gravité moyenne à la limite des accidents de peu de gravité, pour que le caractère adéquat de l’atteinte psychique puisse être retenu, il faut un cumul de quatre critères au moins parmi les sept consacrés par la jurisprudence ou que l’un des critères se manifeste avec une intensité particulière (arrêt du Tribunal fédéral 8C_277/2019 du 22 janvier 2020 consid. 5 et la référence).

5.3 D’après la casuistique, les chutes d’une hauteur comprise entre deux (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 410/00 du 14 février 2002 consid. 2c) et environ quatre mètres (arrêt du Tribunal fédéral 8C_316/2009 du 8 juin 2009) font partie des accidents de gravité moyenne stricto sensu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_496/2014 du 21 novembre 2014 consid. 4.2.3). En revanche, les chutes qui se sont produites d’une hauteur entre cinq et huit mètres et qui ont entraîné des lésions osseuses relativement sévères ont été considérées comme faisant partie de la limite supérieure de la catégorie des accidents de gravité moyenne (voir arrêt du Tribunal fédéral 8C_657/2013 du 3 juillet 2014 consid. 4.1 et les référence).

Ont ainsi été considérés comme étant à la limite supérieure des accidents de gravité moyenne : une chute de quelque huit mètres dans un conduit de cheminée avec une fracture ouverte du pied limite grave ; une chute de cinq mètres entraînant de nombreuses fractures et une commotion cérébrale (pour un rappel de la casuistique en matière de chutes : RAMA 1998 n° U 307 p. 448, consid. 3a).

En revanche, une chute d’un échafaudage de deux mètres a été considérée comme étant à la limite inférieure des accidents de gravité moyenne (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 97/04 du 30 décembre 2004), tout comme une chute dans des escaliers (arrêts du Tribunal fédéral des assurances U 246/00 du 28 novembre 2001, U 484/00 du 17 décembre 2001 ou encore U 340705 du 16 décembre 2005 et les exemples cités), étant précisé que dans ces derniers cas, le Tribunal fédéral s’est plusieurs fois demandé si l’accident ne devait pas être classé dans les accidents bénins.

Enfin, la chambre de céans a considéré que la chute d’un escabeau de 1.5 mètre de haut pouvait être qualifiée d’accident de gravité moyenne se situant à la limite d’un accident de peu de gravité, voire d’accident de peu de gravité (ATAS/988/2024 du 5 décembre 2024 consid. 10.1).

6.              

6.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l’accident, l’incapacité de travail, l’invalidité, l’atteinte à l’intégrité physique ou mentale) supposent l’instruction de faits d’ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l’assuré à des prestations, l’administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b).

6.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre.

L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

6.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

6.3.1 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d’un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu’aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l’assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l’objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l’égard de l’assuré. Ce n’est qu’en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l’impartialité d’une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l’importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l’impartialité de l’expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Lorsqu’un cas d’assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l’art. 44 LPGA, l’appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères : s’il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d’un médecin de l’assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ; 142 V 58 consid. 5.1 ; 139 V 225 consid. 5.2 ; 135 V 465 consid. 4.4). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu’ils n’avaient pas la même force probante qu’une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l’art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).

Dans une procédure portant sur l’octroi ou le refus de prestations d’assurances sociales, lorsqu’une décision administrative s’appuie exclusivement sur l’appréciation d’un médecin interne à l’assureur social et que l’avis d’un médecin traitant ou d’un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l’un ou sur l’autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l’art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4).

6.3.2 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. cc). S’il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l’éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l’existence d’éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

7.              

7.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6. 1 et la référence).

7.2 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. – RS 101 ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable
(ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 V 157 consid. 1d).

8.              

8.1 En l’espèce, il ressort en synthèse du dossier que le 8 février 2021, l’assuré se tenait sur une échelle et qu’il en est tombé d’une hauteur de 1.5 mètre, entraînant ainsi une fracture du processus coronoïde gauche, traitée par ostéosynthèse le 22 février 2021 (cf. rapport ENMG du 29 novembre 2021 ; pièce 111 intimé, p. 18). En raison de douleurs neurogènes persistantes au coude gauche, le recourant a également subi deux autres interventions ayant consisté, le 5 avril 2022 aux HUG, en une transposition antérieure du nerf ulnaire et, le 12 décembre 2022, au cabinet du Dr O______, en une arthroscopie du coude gauche avec synovectomie antérieure et de la fossette postérieure de l’articulation huméro-ulnaire, complétée par une arthrolyse. Malgré l’évolution favorable rapportée le 8 août 2023 par le Dr O______ (déficit d’extension du coude gauche réduit de 22 à 2 degrés après l’intervention du 12 décembre 2022), le Dr E______ a relevé lors de son examen du 3 janvier 2024 que ce déficit d’extension, qu’il a qualifié de « non réductible », était de 20 degrés et donc très proche des 22 degrés que le Dr O______ avait mesurés avant son intervention. Le Dr E______ a par ailleurs constaté que la rééducation était à présent sans effet, qu’il n’y avait plus de moyens thérapeutiques pouvant conduire à une amélioration et que la situation était ainsi stabilisée sur le plan orthopédique (cf. pièce 272 intimé, p. 12-13).

Sur le plan psychiatrique, les médecins interrogés s’accordent à reconnaître un lien de causalité naturelle entre les troubles psychiques et l’accident. Par ailleurs, même si à l’opposé de la Dre P______, qui ne s’est pas prononcée sur une incapacité de travail éventuelle, le Dr R______ ne retient pas d’état dépressif moyen à sévère en amélioration, mais une atteinte – non incapacitante – prenant la forme d’un trouble de l’adaptation avec prédominance de la perturbation d’autres émotions (F43.23), il n’en retient pas moins dans son rapport du 22 janvier 2025 que le cas n’était pas encore stabilisé.

8.2 Étant donné que le recourant conteste principalement la stabilisation de son état de santé – que l’intimée a admise sur la base des seuls aspects somatiques du cas – et qu’il réclame en conséquence la poursuite du versement des indemnités journalières au-delà de la date la clôture du cas au 29 février 2024, il convient de déterminer tout d’abord s’il y a lieu d’évaluer la stabilisation en incluant ou en excluant les aspects psychiques du cas.

En l’occurrence, il n’est pas allégué – pas plus qu’il ne ressort des pièces du dossier – que le recourant aurait subi un traumatisme de type « coup du lapin », un traumatisme analogue à la colonne cervicale ou encore un traumatisme craniocérébral lors de l’événement du 22 janvier 2019. Conformément aux principes exposés ci-dessus (consid. 4.2.1 et 4.2.2), il importe donc peu, en principe, que selon le Dr R______, la situation n’était pas encore stabilisée en janvier 2025 puisqu’en application de la jurisprudence applicable aux troubles psychiques apparus après un accident (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa), la persistance de troubles psychiques et de leur traitement ne constitue pas un motif de report de la clôture du cas, étant donné que les atteintes psychiques ne sont pas prises en compte pour l’appréciation de la causalité adéquate dans la pratique tirée de l’ATF 115 V 133 précité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_330/2023 du 10 novembre 2023 consid. 6.5 et l’arrêt cité).

Il s’ensuit que la décision litigieuse ne prête en principe pas le flanc à la critique en tant qu’elle fixe le droit à la rente et à l’IPAI dès la clôture du cas prononcée sur la base des seuls éléments somatiques du tableau clinique.

En désaccord avec ce point, le recourant fait valoir, d’une part, que le cas n’était pas stabilisé au moment de l’examen du 3 janvier 2024 du Dr E______, même d’un point de vue purement somatique, et, d’autre part, qu’il existerait, dans son cas, un lien de causalité adéquate entre ses troubles psychiques – non stabilisés à cette date – et l’événement du 8 février 2021, si bien que le droit aux prestations provisoires (indemnités journalières et prise en charge du traitement médical) aurait dû se poursuivre au-delà de la date de clôture du cas retenue par l’intimée (29 février 2024). En tout état, cette dernière n’aurait pas établi correctement son droit à la rente et à l’IPAI, non seulement en faisant abstraction de ses troubles psychiques, mais aussi en surévaluant son revenu avec invalidité réalisable dans une activité adaptée.

8.3 Compte tenu de la nature de ces griefs, il apparaît nécessaire d’examiner les critères de causalité adéquate (cf. ci-après : consid. 8.4). Cependant, étant donné qu’en application de la pratique sur les conséquences psychiques des accidents (ATF 115 V 133), qui est applicable au cas d’espèce, l’examen des critères de causalité adéquate doit se faire au moment où l’on ne peut plus attendre de la continuation du traitement médical en rapport avec l’atteinte physique une sensible amélioration de l’état de santé (cf. ci-dessus : consid. 4.2.2), il est nécessaire, dans un premier temps, de déterminer ce moment.

À cet égard, le rapport du 6 janvier 2024 du Dr E______ retient que la situation est stabilisée, compte tenu de l’absence d’autres moyens thérapeutiques pouvant conduire à une amélioration et d’une rééducation qui était jusqu’à présent sans effet. Ce faisant, le Dr E______ apprécie la stabilisation du cas à l’aune du seul coude gauche, soit à l’exclusion des douleurs à l’épaule gauche (tendinopathie fissuraire de grade I du tendon sus-épineux gauche) et des discopathies cervicales. À l’appui de sa position, il explique que, dans les métiers tels que celui de plâtrier-peintre, il existe une certaine tension sur le sus-épineux à partir de l’âge de 20 ans et qu’ainsi, un lien de causalité naturelle avec l’accident du 8 février 2021 n’est pas donné au degré de le vraisemblance prépondérante. Concernant les « éventuelles douleurs à la colonne cervicale », il explique que celles-ci ne sont pas non plus attribuables à cet événement. Dans le même sens, le Dr O______ retient dans son rapport du 8 août 2023 une absence de substrat anatomique pour les plaintes au rachis cervical et à l’épaule gauche.

Pour sa part, le recourant ne remet pas en cause l’absence de lien de causalité entre ses discopathies cervicales et l’accident. S'agissant de son épaule gauche, il fait valoir qu'aucun élément au dossier ne laisse supposer qu’il aurait eu des problèmes à l’épaule gauche sans cet événement (cf. complément d’opposition, p. 11). Étant donné que ce simple avis personnel, reposant sur un raisonnement post hoc ergo propter hoc, va à l’encontre des appréciations motivées des Drs O______ et E______, il n’est pas de nature à les remettre en cause.

Il résulte de ce qui précède que la tendinopathie fissuraire de grade I du tendon sus-épineux gauche n’est pas imputable à l’accident du 8 février 2021 et que sur le plan somatique, cet événement a uniquement causé, au degré de la vraisemblance prépondérante, une atteinte au coude gauche. On peut certes être tenté d’objecter qu’aux termes de l’art. 6 al. 2 let. f. LAA, l’assureur-accidents alloue aussi ses prestations pour les déchirures des tendons, pour autant qu’elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie. Cependant, en prouvant, dans le cas particulier, que l’accident n’a causé qu’une atteinte au coude gauche sur le plan somatique, l’intimée a également apporté la preuve que cet événement ne constituait pas une cause – même partielle – de la tendinopathie fissuraire du tendon sus-épineux. Par ce biais, il a été établi simultanément que la fissuration de ce tendon était due de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie (ATF 146 V 51 consid. 9.1 précité pour un cas et un raisonnement similaire). Cette conclusion s’impose à plus forte raison qu’il n’existe pas, en l’espèce, d’indice au dossier évoquant la survenance d’un autre événement après le 8 février 2021. Il s’ensuit que la présomption de l’art. 6 al. 2 LAA a été renversée et que l’intimée est libérée de son obligation de prester pour les troubles à l’épaule gauche.

Compte tenu de ces éléments, la position de l’intimée n’apparaît pas critiquable en tant qu’elle retient que d’un point de vue somatique, le cas était stabilisé à la date de l’examen du 3 janvier 2024 du Dr E______ ou à tout le moins le 29 février 2024, date de la clôture du cas.

Sachant toutefois qu’il est nécessaire de procéder à une clôture globale du cas (i.e. en incluant les troubles psychiques) s’il existe un lien de causalité naturelle et adéquate entre les troubles psychiques et l’accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_235/2020 du 15 février 2021 consid. 2.3 et les références), il est nécessaire d’examiner ci-après si les troubles psychiques du recourant, qui n’étaient toujours pas stabilisés en janvier 2025, présentent un lien de causalité adéquate avec l’événement du 8 février 2021.

8.4 À la lumière de la casuistique exposée ci-dessus (consid. 6.3), l’accident du 8 février 2021, lors duquel le recourant a chuté d’une hauteur de 1.50 mètre (pièce 111 intimé, p. 28), peut être qualifié au mieux d’accident de gravité moyenne se situant à la limité d’un accident de peu de gravité.

Au moins quatre des critères jurisprudentiels doivent dès lors être remplis pour que le lien de causalité adéquate soit admis, étant toutefois précisé qu’un seul suffit s’il revêt une intensité particulière. À noter encore que seules les atteintes physiques – à l’exclusion des troubles psychiques – doivent être prises en considération lors de l’appréciation des différents critères.

8.4.1 S’agissant des circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou du caractère particulièrement impressionnant de l’accident, l’examen se fait sur la base d’une appréciation objective des circonstances de l’espèce et non en fonction du ressenti subjectif de l’assuré, en particulier de son sentiment d’angoisse. Il faut en effet observer qu’à tout accident de gravité moyenne est associé un certain caractère impressionnant, lequel ne suffit pas pour admettre l’existence du critère en question. Il convient d’accorder à ce critère une portée moindre lorsque la personne ne se souvient pas de l’accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_361/2022 du 13 octobre 2022 consid. 5.3.1 et la référence). Ce critère peut être considéré comme rempli s’il existait objectivement une menace immédiate pour la vie de la personne (arrêt du Tribunal fédéral 8C_703/2022 du 1er septembre 2023 consid. 4.3 et les références).

Dans les arrêts 8C_657/2013 du 3 juillet 2014 (consid. 5.4) et U 603/2006 du 7 mars 2007 (consid. 5), le Tribunal fédéral a rappelé sa casuistique concernant le caractère particulièrement impressionnant ou dramatique en matière de chutes.

-          ce critère avait été nié notamment :

o   dans le cas d’un travailleur victime d’un accident dans les circonstances suivantes : une lourde pierre s’était détachée d’un mur haut de 2.7 mètres d’un immeuble en démolition et lui avait percuté le dos, puis la cheville gauche, alors qu’il s’apprêtait à franchir une fenêtre ; le choc l’avait projeté en avant et il s’était trouvé face contre terre, à cheval sur la base de l’encadrement de la fenêtre ;

o   dans le cas d’un travailleur qui était tombé d’un échafaudage d’une hauteur d’environ 3 à 4 mètres ou d’un travailleur qui avait chuté d’une échelle d’une hauteur d’environ 4.5 mètres dans une fouille.

-          ce critère avait été admis dans le cas d’un assuré qui, lors de travaux de démolition de boxes de garages, s’était trouvé pressé contre une benne de déchets par un pan de mur en plâtre s’écroulant sur lui tandis que le toit menaçait également de s’effondrer, et qui avait subi plusieurs fractures à la suite de cet événement nécessitant une hospitalisation de plusieurs jours (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 89/99 du 10 juillet 2000).

La chambre de céans considère qu’au vu de la non-réalisation du critère des circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou du caractère particulièrement impressionnant de l’accident dans des cas plus graves, il n’existe aucun motif d’en admettre la réalisation dans le cas d’espèce, soit pour une chute de 1.50 mètre avec réception sur le sol.

8.4.2 Quant au critère de gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu’elles sont propres, selon l’expérience, à entraîner des troubles psychiques, sa réalisation requiert d’abord l’existence de lésions physiques graves ou, s’agissant de la nature particulière des lésions physiques, d’atteintes à des organes auxquels l’homme attache normalement une importance subjective particulière (par exemple la perte d’un œil ou certains cas de mutilations à la main dominante ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_249/2018 du 12 mars 2019 consid. 5.2.2, publié in SVR 2019 UV n° 27 p. 99, par renvoi à l’arrêt 8C_566/2013 du 18 août 2014 consid. 6.2.2 et la référence). Dans la mesure où la réalisation de ce critère a été niée tant pour une fracture de l’avant-bras (arrêt du Tribunal fédéral 8C_81/2024 du 28 octobre 2024 consid. 6.1) que pour une fracture du coude (fracture de la tête radiale ; arrêt du Tribunal fédéral U 154/04 du 16 janvier 2006 consid. 4.7.1), sa réalisation doit être niée également pour la fracture plurifragmentaire du processus coronoïde ici en cause.

8.4.3 Pour apprécier le critère de la durée anormalement longue du traitement médical, il faut uniquement prendre en compte le traitement thérapeutique nécessaire (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 369/05 du 23 novembre 2006 consid. 8.3.1). N’en font pas partie les mesures d’instruction médicale et les simples contrôles chez le médecin (arrêt du Tribunal fédéral U 393/05 du 27 avril 2006 consid. 8.2.4). L’aspect temporel n’est pas seul décisif ; sont également à prendre en considération la nature et l’intensité du traitement, et si l’on peut en attendre une amélioration de l’état de santé de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral 8C_566/2013 du 18 août 2014 consid. 6.2.3 et les références). La prise de médicaments antalgiques et la prescription de traitements par manipulations même pendant une certaine durée ne suffisent pas à fonder ce critère (arrêt du Tribunal fédéral 8C_361/2007 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 380/04 du 15 mars 2005 consid. 5.2.4, in RAMA 2005 n° U 549 p. 239). La jurisprudence a notamment nié que ce critère fût rempli pour un traitement ayant duré environ seize mois, constitué pour une large part d’ergothérapie, ce qui ne constituait pas un traitement particulièrement pénible et invasif (arrêt du Tribunal fédéral 8C_98/2015 du 18 juin 2015 consid. 4.5). Dans deux autres arrêts, le Tribunal fédéral a également refusé de retenir une durée anormalement longue des soins médicaux pour un traitement ayant duré deux ans sans être particulièrement pénible ou invasif (arrêts du Tribunal fédéral 8C_277/2019 du 22 janvier 2020 consid. 5.1 et U 37/06 du 22 février 2007 consid. 7.3).

En l’occurrence, le recourant a subi des interventions à son bras gauche les 22 février 2021, le 5 avril et 12 décembre 2022, soit trois interventions en l’espace de près de 22 mois. Au regard de la casuistique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_277/2019 du 22 janvier 2020 consid. 5.1 et la référence à l’arrêt U 37/06 précité), niant le caractère particulièrement pénible ou invasif du traitement d’un membre supérieur droit ayant nécessité plusieurs interventions chirurgicales et duré deux ans, la non-réalisation de ce critère doit également être retenue dans le cas d’espèce.

8.4.4 En ce qui concerne le critère des difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes, il convient de préciser que ces deux aspects ne doivent pas être remplis de manière cumulative. Le critère des difficultés apparues au cours de la guérison et/ou la présence de complications importantes requiert l’existence de motifs particuliers ayant entravé la guérison. À cet égard, la prise de nombreux médicaments et la mise en œuvre de différentes thérapies ne suffisent pas pour répondre à ce critère. Il en va de même lorsqu’en dépit de thérapies régulières, il n’a été possible d’obtenir ni l’absence de symptômes ni une capacité de travail (complète) dans l’activité habituelle (arrêt du Tribunal fédéral 8C_252/2007 du 16 mai 2008 consid. 7.6 et les arrêts cités).

En l’espèce, avant la clôture du cas le 29 février 2024, le recourant a subi trois opérations au bras gauche. Cela ne suffit pas pour satisfaire à ce critère (arrêt du Tribunal fédéral 8C_424/2020 du 24 septembre 2020 consid. 5.3, niant la réalisation de celui-ci malgré cinq opérations). Par ailleurs, au regard de l’arrêt 8C_81/2024 précité – dans lequel la Haute Cour a également nié des difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes malgré un état d’irritation chronique au coude sans tendance à l’amélioration au cours des douze derniers mois (cf. consid. 9.3 de cet arrêt) –, on ne saurait considérer que la persistance d’une cicatrice ulnaire au coude gauche très algique au toucher (cf. rapport du 8 août 2023 du Dr O______ ; cf. aussi rapport du 6 janvier 2024 du Dr E______, p. 13) permettrait de conclure qu’il existe des complications importantes, ce d'autant plus que les résultats de l’examen ENMG du 19 juin 2023 ont révélé une nette amélioration des données électrophysiologiques par rapport à l’examen du 5 août 2022. En effet, des circonstances particulières, telles que d’autres maladies affectant considérablement le processus de guérison (par ex : processus de guérison prolongé en raison d’une sclérose en plaques ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_424/2020 du 24 septembre 2020 consid. 5.3 et les arrêts cités), ne sont pas données en l’espèce. On rappellera enfin qu’une guérison lente ne suffit pas à elle seule (arrêt du Tribunal fédéral 8C_493/2018 du 12 septembre 2018 consid. 5.3.3). Il s’ensuit que le critère des difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes n’est pas réalisé.

8.4.5 S’agissant du critère des erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident, le recourant s’en prévaut certes mais sans expliciter son point de vue. Cela étant, en l’absence d’éléments au dossier suggérant que les séquelles de l’accident auraient été aggravées par un traitement non conforme aux règles de l’art (cf. notamment le rapport du 19 août 2021 de la Dre D______, réfutant des reproches de cette nature), le fait que le critère en question n’a pas été retenu par l’intimée ne prête pas le flanc à la critique.

8.4.6 Pour que le critère des douleurs physiques persistantes soit rempli, il est nécessaire que celles-ci aient existé sans interruption notable durant tout le temps écoulé entre l’accident et la clôture du cas (art. 19 al. 1 LAA ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_13/2022 du 29 septembre 2022 consid. 4.4.1). L’intensité des douleurs est examinée au regard de leur crédibilité, ainsi que de l’empêchement qu’elles entraînent dans la vie quotidienne (ATF 134 V 109 consid. 10.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_565/2022 du 23 mai 2023 consid. 4.2.7).

En l’espèce, le recourant a déclaré, lors de l’examen final par le Dr E______, que les deux interventions réalisées après son séjour à la CRR n’avaient pas amélioré sa situation, qu’il ne pouvait plus être peintre et « avoir des douleurs identiques permanentes à la face antéro-latérale du bras ». Le Dr E______ a toutefois relevé qu’il n’y avait pas de névrome individualisable au niveau de la branche du nerf cutané antébrachial médial, que les traitements symptomatiques « de type antalgie de palier I [Dafalgan à raison de deux à trois fois par jour] [étaient] essentiellement centrés sur un problème psychologique, pour lequel il [voyait] d’ailleurs un psychiatre » et qu’il existait une très faible utilisation volontaire du membre supérieur gauche, correspondant à des autolimitations et à une sous-estimation de ce qu’il pouvait objectivement réaliser (cf. pièce 272 intimé, p. 12-13).

Dans ces circonstances, il est pour le moins douteux que le critère des douleurs physiques persistantes soit réalisé. Au regard de la non-réalisation de cinq critères sur sept (ci-dessus : consid. 8.4.1 à 8.4.5), la question peut en tout état souffrir de demeurer indécise.

8.4.7 En ce qui concerne le critère du degré et de la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques, il doit se rapporter aux seules lésions physiques et ne se mesure pas uniquement au regard de la profession antérieurement exercée par l’assuré. Ainsi, il n’est pas rempli lorsque l’assuré est apte, même après un certain laps de temps, à exercer à plein temps une activité adaptée aux séquelles accidentelles qu’il présente (arrêts du Tribunal fédéral 8C_93/2022 du 19 octobre 2022 consid. 5.3 et 8C_209/2020 du 18 janvier 2021 consid. 5.2.2). Ce critère est en principe admis pour une incapacité totale de travail de près de trois ans (arrêts du Tribunal fédéral 8C_600/2020 du 3 mai 2021 consid. 4.2.4 et 8C_547/2020 du 1er mars 2021 consid. 5.1), mais pas en présence d’une incapacité de travail totale d’un peu plus d’une année (arrêt du Tribunal fédéral 8C_209/2020 du 18 janvier 2021 consid. 5.2.2), d’un an et demi (arrêt du Tribunal fédéral 8C_627/2019 du 10 mars 2020 consid. 5.4.5), de 20 mois (arrêt du Tribunal fédéral 8C_93/2022 du 19 octobre 2022 consid. 5.3), de 21 mois (arrêt du Tribunal fédéral 8C_600/2020 précité consid. 4.2.4) ou de deux ans et quatre mois (arrêt du Tribunal fédéral 8C_547/2020 du 1er mars 2021 consid. 5.3 et 5.4).

En ce qui concerne la détermination de la durée de l’incapacité de travail, la jurisprudence n’est pas constante. Alors que dans l’arrêt 8C_547/2020 précité, cette durée a été calculée en tenant compte de l’évolution jusqu’à la stabilisation du cas, le Tribunal fédéral n’a pas attendu ce moment dans un arrêt du 26 juin 2009, concernant une personne victime d’un accident en 1999, au bénéfice d’indemnités journalières entières durant près de cinq ans, correspondant à une incapacité de travail totale jusqu’en 2004 : même si l’on partait du principe que l’assuré, qui avait participé à des courses cyclistes à partir de 2002, était apte à exercer une activité adaptée à partir de cette date, il n’en restait pas moins qu’il avait été en incapacité totale de travail pour des raisons somatiques pendant près de trois ans (« fast drei Jahren »). À elle seule, cette incapacité suffisait à remplir le critère du degré et de la durée de l’incapacité de travail pour raisons physiques (arrêt du Tribunal fédéral 8C_116/2009 du 26 juin 2009 consid. 4.6).

En l’espèce, les rapports des 6 janvier et 22 juillet 2024 – sur lesquels la décision litigieuse se fonde – retiennent que le cas était stabilisé lors de l’examen médical du 3 janvier 2024 et que, si l’ancienne activité habituelle d’aide-peintre n’était plus exigible, tel n’était pas le cas pour une activité n’impliquant ni le port répété de charge supérieures à 7 kg ni le maintien du coude gauche en extension ou en porte-à-faux, une telle activité adaptée étant exigible à plein temps et sans diminution de rendement.

On constate ainsi qu’entre l’événement du 8 février 2021 et la stabilisation du cas, ce sont presque trois ans (deux ans et onze mois) qui se sont écoulés, ce qui suffirait en soi à admettre la réalisation du critère du degré et de la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques. On relève néanmoins qu’à l’exception de la limite fixée pour le port de charges, abaissée de 10 à 7 kg par le Dr E______, les limitations fonctionnelles que ce médecin a retenues in fine correspondent à celles dont la CRR avait déjà fait mention le 20 janvier 2022, notamment au vu des activités que le recourant avait réalisées en novembre 2021 aux ateliers professionnels de cet établissement, un peu plus de neuf mois après l’accident. En tout état, la question de la réalisation du degré et de la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques peut souffrir de demeure indécise pour les motifs déjà mentionnés (cf. ci-dessus : consid. 8.4.6 in fine).

8.5 Compte tenu de l’examen des critères de causalité adéquate qui précède, cinq sur sept d’entre eux ne sont pas réalisés, ce qui ne suffit pas, en présence d’un accident de gravité moyenne à la limite des accidents de peu de gravité, pour établir un lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques – dont la causalité naturelle est admise par l’intimée – et l’accident du 8 février 2021. La responsabilité de l’intimée n’étant ainsi pas engagée pour les troubles psychiques du recourant, il n’est pas nécessaire de départager les avis des Drs P______ et R______, partiellement divergents.

Vu qu’en application de la jurisprudence applicable aux troubles psychiques apparus après un accident, ici déterminante (ci-dessus : consid. 8.2 et 8.3), une éventuelle non-stabilisation du cas d’un point de vue psychique ne constitue pas un motif de report de la clôture du cas en l’absence de lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques et l’accident, l’intimée était fondée à clore le cas le 29 février 2024, compte tenu de la stabilisation de celui-ci d’un point de vue somatique au moment de l’examen du 3 janvier 2024 du Dr E______.

On relèvera enfin que des mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité n’étaient pas en cours au 29 février 2024, le recourant n’ayant pas formé de demande de prestations auprès de l’OAI.

Compte tenu de ces éléments, l’intimée était fondée à mettre fin à la prise en charge des frais de traitement et au paiement des indemnités journalières avec effet au 29 février 2024.

9.             Dans la mesure où le versement d’une rente d’invalidité intervient au moment où prend fin le droit à une indemnité journalière, il reste à examiner si le recourant peut prétendre à une telle rente à compter du 1er mars 2024.

9.1 En l’espèce, il est constant que l’accident du 8 février 2021 a causé une fracture au bras gauche et que malgré le traitement prodigué, comprenant trois interventions chirurgicales réalisées les 22 février 2021, le 5 avril et 12 décembre 2022, un retour du membre supérieur gauche à l’état qui était le sien avant l’accident n’a pas eu lieu. À cet égard, le Dr E______ – dont les rapports des 6 janvier et 22 juillet 2024 sont à la base de la décision litigieuse – retient que le cas était stabilisé lors de l’examen médical du 3 janvier 2024 et que si l’ancienne activité habituelle d’aide-peintre n’était plus exigible, tel n’était pas le cas pour une activité n’impliquant ni le port répété de charges supérieures à 7 kg, ni le maintien du coude gauche en extension ou en porte-à-faux, une telle activité adaptée étant exigible à plein temps et sans diminution de rendement.

9.2 Pour la détermination du degré d’invalidité du recourant, il convient, en principe, de procéder à la comparaison des revenus en 2024, année de la stabilisation de l’état de santé et donc de l’ouverture éventuelle du droit à une rente d’invalidité. On précisera également que les variations enregistrées par les revenus à comparer doivent être prises en compte jusqu’à la date de la décision sur opposition (ATF 143 V 295 consid. 4.1.3), en l’occurrence le 27 janvier 2025.

9.2.1 Pour déterminer le revenu sans invalidité, il convient d’établir ce que l’assuré aurait, au degré de la vraisemblance prépondérante, réellement pu obtenir au moment déterminant s’il n’était pas devenu invalide. Le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrète possible. Partant de la présomption que l’assuré aurait continué d’exercer son activité sans la survenance de son invalidité, ce revenu se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par l’assuré avant l’atteinte à la santé, en prenant en compte également l’évolution des salaires jusqu’au moment de la naissance du droit à la rente ; des exceptions ne peuvent être admises que si elles sont établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 144 I 103 consid. 5.3 ; 139 V 28 consid. 3.3.2 et les références ; 135 V 297 consid. 5.1 et les références ; 134 V 322 consid. 4.1 et les références).

Toutefois, lorsque la perte de l’emploi est due à des motifs étrangers à l’invalidité, le salaire doit être établi sur la base de valeurs moyennes. Autrement dit, dans un tel cas, n’est pas déterminant pour la fixation du revenu hypothétique de la personne valide le salaire que la personne assurée réaliserait actuellement auprès de son ancien employeur, mais bien plutôt celui qu’elle réaliserait si elle n’était pas devenue invalide (arrêt du Tribunal fédéral 8C_50/2022 du 11 août 2022 consid. 5.1.1 et la référence, in SVR 2023 UV n° 8 p. 22). C’est par exemple le cas lorsque l’emploi occupé avant la survenance de l’atteinte à la santé n’existe plus au moment déterminant pour l’évaluation de l’invalidité (arrêts du Tribunal fédéral 9C_501/2013 du 28 novembre 2013 consid. 4.2 ; 9C_416/2011 du 26 janvier 2011 consid. 3.2 et la référence à l’arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 80/01 du 17 octobre 2003 consid. 5.2.2). C’est le cas également lorsqu’il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la personne assurée aurait perdu son emploi même sans atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_882/2010 du 25 janvier 2011 consid. 7.2.2) ou qu’elle a déjà perdu son emploi avant l’accident (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 3/03 du 4 septembre 2003 consid. 6.2). Il n’en va pas autrement lorsqu’au moment de la naissance du droit à la rente, la personne assurée contre les accidents ne pourrait plus exercer son activité habituelle pour des raisons de santé étrangères à l’accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_41/2015 du 24 avril 2015 consid. 2.3). Ainsi, si la perte de l’emploi est due à des motifs étrangers à l’invalidité, le revenu sans invalidité doit en principe être déterminé sur la base de valeurs moyennes (arrêts 9C_500/2020 du 1er mars 2021 consid. 4.1 ; 9C_212/2015 du 9 juin 2015 consid. 5.4 et références). Autrement dit, n’est pas déterminant pour la fixation du revenu hypothétique de la personne valide le salaire que la personne assurée réaliserait actuellement auprès de son ancien employeur, mais bien plutôt celui qu’elle réaliserait si elle n’était pas devenue invalide (arrêts du Tribunal fédéral 8C_746/2023 du 7 juin 2024 ; 8C_259/2021 du 23 septembre 2021 consid. 3 et les références). À cette fin, la jurisprudence admet que les données salariales pertinentes ne sont pas nécessairement celles de l’ESS, mais qu’elles peuvent provenir aussi d’une convention collective de travail (CCT) étendue, étant relevé que les revenus spécifiques à une branche économique y sont reproduits de manière plus précise que dans l’ESS (arrêt du Tribunal fédéral 8C_562/2023 du 29 mai 2024 consid. 4.1.2 et 4.1.3). L’utilisation des données salariales d’une CCT étendue nécessite cependant d’avoir à l’esprit que les minima salariaux qui y sont fixés peuvent être inférieurs dans une plus ou moins grande mesure aux salaires moyens de la branche concernée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_93/2008 du 19 janvier 2009 consid. 6.3.2). En l’absence de données salariales pertinentes dans une telle CCT, il est possible de se fonder sur les revenus statistiques de l’ESS (arrêts du Tribunal fédéral 9C_595/2010 du 14 octobre 2010 consid. 3.3 ; 9C_93/2008 du 19 janvier 2009 consid. 6.3.2). L’ESS, plus particulièrement la ligne « total » du tableau TA1 peut être également privilégiée en cas d’expériences professionnelles multiples. Ainsi, dans un arrêt du 23 septembre 2021, relatif à une personne sans formation professionnelle particulière, ayant travaillé en dernier lieu dans le secteur du nettoyage sous le régime du gain intermédiaire de l’assurance-chômage – en étant au bénéfice d’un contrat de durée de durée déterminée qui aurait de toute manière pris fin peu après l’accident dont elle avait été victime – mais comptant plusieurs expériences professionnelles dans divers métiers du bâtiment à son actif, le Tribunal fédéral a considéré qu’il n’était pas établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’assuré aurait continué à travailler en tant que nettoyeur. Aussi a-t-il retenu qu’il y avait lieu de déterminer le revenu sans invalidité en se fondant sur la ligne « total » du tableau TA1 des ESS et non sur la ligne 77, 79-82 (applicable au nettoyage) de ce tableau, ni sur le salaire que réalisait l’intimé dans son emploi intermédiaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_259/2021 du 23 septembre 2021 consid. 4.3).

9.2.1.1.    Sachant qu’en l’espèce, le registre du commerce révèle que l’entreprise B______ Sàrl, dénommée S______Sàrl à partir du 22 février 2022, a été dissoute par suite de faillite prononcée le 24 mars 2022 et radiée du registre du commerce le 3 juin 2022, il y a lieu de considérer qu’au moment déterminant pour l’évaluation de l’invalidité (1er mars 2024), le recourant n’aurait plus exercé d’activité pour le même employeur même sans l’accident du 8 février 2021. Il ressort en outre de son parcours professionnel qu’il « a toujours travaillé comme peintre en bâtiment, soit en entreprise temporaire ou comme employé » depuis son arrivée en Suisse en 2014 (cf. pièce 111 intimé, p. 9). En l’absence d’expérience professionnelle dans diverses branches économiques, le cas du recourant diffère donc de celui ayant fait l’objet de l’arrêt 8C_259/2021 précité. Aussi apparaît-t-il établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que sans l’accident du 8 février 2021, le recourant aurait continué à exercer le métier de peintre/aide-peintre en bâtiment.

Dans ces conditions, le choix de l’intimée de fixer le revenu sans invalidité du recourant au moyen de la CCT du second œuvre romand (ci-après : CCT-SOR), applicable notamment à la branche d’activité « plâtrerie et peinture » ne prête pas le flanc à la critique, ce d’autant moins que le salaire versé par l’employeur en 2021 (CHF 25.15 par heure ; cf. pièce 1 intimé) correspondait au montant prévu à l’annexe II de la CCT-SOR pour le canton de Genève, entre 2020 et 2023 (CHF 25.15 pour un « Travailleur Classe C » dès l’âge de 22 ans).

On précisera que, selon l’annexe II précitée, le passage automatique de la catégorie C en catégorie B (CHF 27.20 par heure, soit CHF 4'789.- par mois x 13) se fait au bout de trois ans d’expérience et que les minima salariaux de la CCT-SOR ont connu une réévaluation au 1er janvier 2024, passant à CHF 27.60 par heure (soit CHF 4'905.- par mois x 13) pour un travailleur de classe B. Selon
l’art. 18 CCT-SOR, la classe B correspond soit à un travailleur sans certificat fédéral de capacité occupé à des travaux professionnels, soit à un travailleur titulaire d’une attestation fédérale de formation professionnelle de la branche d’activité (AFP) (al. 1). Une formation professionnelle d’au moins deux ans acquise à l’étranger additionnée de deux ans d’expérience dans la branche considérée est équivalente au niveau d’une attestation fédérale de formation professionnelle (AFP) et donne droit à une rémunération selon la classe de salaire B (al. 4).

9.2.1.2.    En l’espèce, il ressort des documents déterminants pour la fixation de la rente (pièces 282-283 intimée) et de la décision litigieuse que, malgré la prise en compte de l’évolution du revenu avec invalidité jusqu’en 2024 selon l’indice suisse des salaires (ci-après : ISS), l’intimée n’a pas tenu compte, en parallèle, de la hausse des minima salariaux prévue par la CCT-SOR au 1er janvier 2024. En conséquence, le revenu sans invalidité déterminant n’est pas de CHF 62'257.- (soit CHF 4'789.- x 13) comme retenu par l’intimée, mais de CHF 63'765.- (soit CHF 4'905.- x 13).

9.2.2 En l’absence d’un revenu effectivement réalisé – soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible –, le revenu d’invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l’ESS (ATF 148 V 174 consid. 6.2 et les références ; 143 V 295 consid. 2.2 et les références).

La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation) et résulte d’une évaluation dans les limites du pouvoir d’appréciation. Une déduction globale maximum de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d’une activité lucrative (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références ; 135 V 297 consid. 5.2 ; 134 V 322 consid. 5.2 et les références). Une telle déduction ne doit pas être opérée automatiquement, mais seulement lorsqu’il existe des indices qu’en raison d’un ou de plusieurs facteurs, l’intéressé ne peut mettre en valeur sa capacité résiduelle de travail sur le marché du travail qu’avec un résultat économique inférieur à la moyenne (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références ; 146 V 16 consid. 4.1 et les références ; 126 V 75 consid. 5b/aa). Il n’y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération ; il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d’appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d’invalide, compte tenu de l’ensemble des circonstances du cas concret (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références ; 126 V 75 consid. 5b/bb et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_608/2021 du 26 avril 2022 consid. 3.3 et les références). D’éventuelles limitations liées à la santé, déjà comprises dans l’évaluation médicale de la capacité de travail, ne doivent pas être prises en compte une seconde fois dans l’appréciation de l’abattement, conduisant sinon à une double prise en compte du même facteur (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références ; 146 V 16 consid. 4.1 et ss. et les références). L’étendue de l’abattement justifié dans un cas concret relève du pouvoir d’appréciation (ATF 132 V 393 consid. 3.3).

9.2.2.1.    En l’occurrence, l’intimée a déterminé le revenu avec invalidité sur la base de l’ESS. Dans la mesure où le recourant n’a pas repris d’activité lucrative après la survenance de l’atteinte à la santé, ce choix, qui n’est pas contesté, n’apparaît pas contestable non plus (ATF 148 V 174 consid. 6.2). Il en va de même de la référence au tableau TA1, tirage « skill level » de l’ESS 2022, plus précisément à la ligne « total », pour un homme, et au niveau de compétences 1, ce qui correspond à CHF 5'305.- (soit CHF 63'660.- par an) pour 40 heures de travail, respectivement CHF 5'530.46 (ou CHF 66'365.55 par an) en tenant compte de la durée normale de travail dans les entreprises (41.7h) puis, après indexation à l’ISS, à CHF 67'493.76 en 2023 (+ 1.7%) et à CHF 68'506.16 en 2024 (+ 1.5% selon l’estimation basée sur les trois premiers trimestres de l’année 2024).

Alors que le calcul du taux d’invalidité effectué par l’intimée tenait compte, dans la décision (initiale) du 26 janvier 2024 d’un abattement de 10% sur le revenu avec invalidité, en vertu des limitations fonctionnelles retenues le 6 janvier 2024 par le Dr E______ et du « statut d’étranger » (pièce 282 intimée, p. 2), la décision litigieuse consent à une réduction de 15% sur la base des mêmes critères d’abattement en précisant qu’avec le temps, le permis L, initialement pris en compte, aurait fait place à un permis B moins bien rémunéré que le salaire médian d’un homme sans fonction de cadre (Suisses et étrangers confondus), la différence étant de 13.5% en défaveur des titulaires de permis B (cf. ESS 2022, tableau T12_b).

Concernant tout d’abord les limitations fonctionnelles découlant d’un handicap à un bras, le Tribunal fédéral a considéré à réitérées reprises que lorsque les activités exigibles sont limitées à des activités mono-manuelles ou que la main dominante ne peut être utilisée que pour des gestes d’appoint, un abattement de 20 à 25% du revenu d’invalide est en principe justifié (arrêts du Tribunal fédéral 8C_58/2018 du 7 août 2018 consid. 5.3 et les nombreux arrêts cités, in SVR 2019 UV n° 7 p. 27 ; 8C_606/2022 du 4 mai 2023 consid. 6.1 ; cf. néanmoins les arrêts du Tribunal fédéral 8C_587/2019 du 30 octobre 2019 consid. 7.3 ; 8C_383/2020 du 21 septembre 2020 consid. 4.2.2 et les arrêts cités, dans lesquels des abattements de 15% et 10% ont été considérés comme admissibles, le Tribunal fédéral n’ayant pas constaté d’abus ou d’excès du pouvoir d’appréciation ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_706/2022 du 5 décembre 2023 consid. 6.3.2.1). Concernant ensuite la question du type d’autorisation délivrée aux ressortissants étrangers, la chambre de céans constate qu’il ressort du tableau T12_b précité qu’en 2022, le revenu médian des hommes sans fonction de cadre (Suisses et étrangers confondus) s’élevait à CHF 6’305.-, alors qu’il s’élevait à CHF 5'239.- pour les titulaires d’un permis de courte durée (permis L), CHF 5'454.- pour les titulaires d’un permis de séjour (permis B), CHF 6'040.- pour les bénéficiaires d’un permis d’établissement (permis C) et CHF 5'929.- pour les travailleurs frontaliers (permis G). Enfin, pour les étrangers au bénéfice d’aucune des autorisations précitées, la catégorie « Autres » faisait état d’un revenu médian de CHF 4’653.-.

9.2.2.2.    Le recourant relève qu’il n’est au bénéfice d’aucun permis et que sa situation en Suisse, qui a toujours été irrégulière, justifie un abattement de 20% en concours avec les limitations fonctionnelles. Après vérification du registre informatisé de l’office cantonal de la population et des migrations du canton de Genève (OCPM), il apparaît effectivement que le recourant n’y a jamais figuré. Cela étant, la question de savoir si une situation irrégulière en Suisse et le désavantage salarial statistique qui en découle sont de nature à justifier un abattement a déjà été tranchée négativement par le Tribunal fédéral dans un arrêt 8C_734/2023 du 25 juillet 2024, refusant de prendre en compte l’absence d’autorisation de séjour en Suisse (cf. le consid. 5.3.2 de cet arrêt).

Concernant à présent les limitations fonctionnelles, il ressort des constatations de la CRR à l’issue du séjour du recourant en décembre 2021 – soit avant que celui-ci ait bénéficié des interventions des 5 avril et 12 décembre 2022 ayant conduit, selon l’examen ENMG du 19 juin 2023 à une normalisation du nerf ulnaire – que l’intéressé, qui est droitier, était parvenu à un « pourcentage d’utilisation fonctionnelle de la main lésée (G) » de 48%, cette proportion se composant de la moyenne des épreuves suivantes : mobilité de la main (87%), force de préhension (34%), prise mono-manuelle et déplacements d’objets (30%), fonction bimanuelle (42%). Sachant par ailleurs que ces pourcentages ont été obtenus malgré un phénomène d’autolimitation constaté tant par la CRR que le Dr E______, ce dernier relevant, d’une part, « qu’il existe une étude de force au Jamar qui, chez un homme de la stature de l’assuré, est particulièrement discrépant[e] » (pièce 205 intimé, p. 9) et, d’autre part, qu’il n’y a « pas d’amyotrophie nette entre la droite et la gauche avec un biceps à 36 cm pour 35 cm [et] un avant-bras à 31 cm pour 30 cm » (pièce 272 intimé, p. 12), il serait inapproprié de qualifier le recourant de mono-manuel. Il s’ensuit qu’un abattement supérieur à celui de 15% accordé n’est pas justifié. Le revenu avec invalidité s’établit ainsi à CHF 58'230.23 (soit 68'506.16 x 85/100).

9.2.3 Il résulte de ce qui précède qu’en procédant à la comparaison des revenus avec et sans invalidité tels qu’ils ont été déterminés ci-dessus, le taux d’invalidité s’élève non pas à 6.47%, mais à 9% ([63'765 - 58’230.23] x 100 / 63'765 = 8.67%, arrondi à 9% ; cf. ATF 130 V 121), ce qui demeure insuffisant pour ouvrir droit à une rente.

Au vu de ce qui précède, la décision querellée doit être confirmée, en tant qu'elle a refusé au recourant le droit à une rente d'invalidité.

10.         Il convient enfin d’examiner si le recourant peut prétendre à une IPAI.

10.1 Selon l’art. 24 al. 1 LAA, si, par suite de l’accident, l’assuré souffre d’une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique, il a droit à une indemnité équitable pour atteinte à l’intégrité (al. 1). L’atteinte à l’intégrité est réputée durable lorsqu’il est prévisible qu’elle subsistera avec au moins la même gravité pendant toute la vie ; elle est réputée importante lorsque l’intégrité physique, mentale ou psychique subit, indépendamment de la diminution de la capacité de gain, une altération évidente ou grave (art. 36 al. 1 de l’ordonnance sur l’assurance-accidents du 20 décembre 1982 – OLAA – RS 832.202).

D’après l’art. 25 al. 1 LAA, l’indemnité pour atteinte à l’intégrité est allouée sous forme de prestation en capital ; elle ne doit pas excéder le montant maximum du gain annuel assuré à l’époque de l’accident et elle est échelonnée selon la gravité de l’atteinte à l’intégrité.

Selon l’art. 36 al. 4 OLAA, il sera équitablement tenu compte des aggravations prévisibles de l’atteinte à l’intégrité. Une révision n’est possible qu’en cas exceptionnel, si l’aggravation est importante et n’était pas prévisible.

10.2 L’indemnité pour atteinte à l’intégrité a pour but de compenser le dommage subi par un assuré du fait d’une atteinte grave à son intégrité corporelle ou mentale due à un accident (Message du Conseil fédéral à l’appui d’un projet de loi sur l’assurance-accidents, FF 1976 III p. 29). Elle ne sert pas à réparer les conséquences économiques de l’atteinte, qui sont indemnisées au moyen d’une rente d’invalidité, mais joue le rôle d’une réparation morale. Elle vise à compenser le préjudice immatériel (douleurs, souffrances, diminution de la joie de vivre, limitation des jouissances offertes par l’existence etc.) qui perdure au-delà de la phase du traitement médical et dont il y a lieu d’admettre qu’il subsistera la vie durant (ATF 133 V 224 consid. 5.1 et les références). L’indemnité pour atteinte à l’intégrité se caractérise par le fait qu’elle est exclusivement fixée en fonction de facteurs médicaux objectifs, valables pour tous les assurés, et sans égard à des considérations d’ordre subjectif ou personnel (cf. Jean-Maurice FRÉSARD, Margit MOSER-SZELESS, L’assurance-accidents obligatoire in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht (SBVR), 3e éd. 2016, n. 311). En cela, elle se distingue de l’indemnité pour tort moral du droit civil, qui procède de l’estimation individuelle d’un dommage immatériel au regard des circonstances particulières du cas. Cela signifie que pour tous les assurés présentant un status médical identique, l’atteinte à l’intégrité est la même (ATF 115 V 147 consid. 1 ; 113 V 218 consid. 4b ; RAMA 2004 n° U 514 p. 415, U 134/03, consid. 5.2 ; RAMA 2000 n° U 362 p. 41).

Une atteinte à l’intégrité au sens de l’art. 24 al. 1 LAA consiste généralement en un déficit corporel – anatomique ou fonctionnel –, mental ou psychique (cf. Alfred MAURER, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, 1985, p. 414). La gravité de l’atteinte, dont dépend le montant de l’indemnité, se détermine uniquement d’après les constatations médicales (SVR 2009 UV n° 27 p. 97 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_459/2008 du 4 février 2009 consid. 2.3 ; cf. aussi Thomas FREI, Die Integritätsentschädigung nach Art. 24 und 25 des Bundesgesetzes über die Unfallversicherung, 1998, p. 41). L’évaluation incombe donc avant tout aux médecins, qui doivent, d’une part, constater objectivement quelles limitations subit l’assuré et, d’autre part, estimer l’atteinte à l’intégrité en résultant (FRÉSARD/ MOSER-SZELESS, op. cit. n. 317).

10.3 L’annexe 3 de l’OLAA comporte un barème – reconnu conforme à la loi et non exhaustif (ATF 124 V 29 consid. 1b ; 124 V 209 consid. 4a/bb ; 113 V 218 consid. 2a) – des lésions fréquentes et caractéristiques, évaluées en pour cent.

L’atteinte à des fonctions psychiques partielles, comme la mémoire et la capacité de concentration, justifie une IPAI de 20% selon ce barème.

Pour les atteintes à l’intégrité spéciales ou qui ne figurent pas dans la liste, le barème est appliqué par analogie, compte tenu de la gravité de l’atteinte. On procédera de même lorsque l’assuré présente simultanément plusieurs atteintes à l’intégrité physique, mentale ou psychique (annexe 3, ch. 1 al. 2). La perte totale de l’usage d’un organe est assimilée à la perte de celui-ci. En cas de perte partielle d’un organe ou de son usage, l’indemnité pour atteinte à l’intégrité est réduite en conséquence ; aucune indemnité ne sera versée dans les cas où un taux inférieur à 5% du montant maximum du gain assuré serait appliqué (annexe 3, ch. 2).

10.4 La Division médicale de la CNA a établi des tables d’indemnisation en vue d’une évaluation plus affinée de certaines atteintes (Indemnisation des atteintes à l’intégrité selon la LAA). Ces tables n’ont pas valeur de règles de droit et ne sauraient lier le juge. Dans la mesure, toutefois, où il s’agit de valeurs indicatives destinées à assurer autant que faire se peut l’égalité de traitement entre les assurés, elles sont compatibles avec l’annexe 3 à l’OLAA (ATF 124 V 209 consid. 4a/cc ; 116 V 156 consid. 3a ; RAMA 1998 n° U 296 p. 235, U 245/96, consid. 2a).

Il ressort de la table 1 de la SUVA, traitant de l’atteinte à l’intégrité résultant de troubles fonctionnels des membres supérieurs, qu’une IPAI de 35% est prévue en cas de paralysie inférieure du plexus brachial.

10.5 Dans son rapport du 6 janvier 2024, le Dr E______ a évalué à 5% l’IPAI résultant du déficit du nerf antébrachial cutané médial. À l’appui de cette solution, le Dr E______ explique que l’événement du 8 février 2021 n’a pas causé « d’atteinte plexuelle » mais que le nerf antébrachial cutané médial, qui a été atteint uniquement de façon sensitive, n’en constitue pas moins une des branches du plexus brachial inférieur. Rappelant qu’une paralysie inférieure du plexus brachial est cotée à 35% selon la table 1, le Dr E______ en conclut qu’une simple atteinte sensitive du nerf antébrachial cutané médial peut être évaluée à 5% au maximum.

Le recourant objecte que l’intimée a omis de prendre en considération l’atteinte à la santé psychique résultant de l’événement de l’accident et qu’en l’occurrence, le taux d’IPAI devrait se monter à 20% conformément à ce que prévoit l’OLAA à son annexe 3 OLAA en cas d’atteinte à des fonctions psychiques partielles, comme la mémoire et la capacité de concentration.

En argumentant de la sorte, le recourant ne remet pas en cause les explications du Dr E______ concernant l’atteinte à l’intégrité physique, il tente en revanche de porter la discussion sur le terrain d’une éventuelle atteinte à l’intégrité psychique. Cela étant, cette thématique n’a pas lieu d’être approfondie vu l’absence de lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques et l’accident (cf. ci-dessus : consid. 8.5).

Dans ces circonstances, la décision litigieuse n’est pas critiquable en tant qu’elle fixe à 5% l’IPAI due au recourant.

11.         Compte tenu de ce qui précède, le recours est rejeté.

12.         La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

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PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Pascale HUGI

 

La présidente

 

 

 

 

Amélie PIGUET MAYSTRE

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le