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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3351/2025

ATAS/849/2025 du 05.11.2025 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3351/2025 ATAS/849/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt incident du 5 novembre 2025

Chambre 3

 

En la cause

A______

représentée par l’Association Suisse des Assurés (ASSUAS), mandataire

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assurée), née en ______ 1970, a exercé successivement les professions de femme de chambre, employée d’entretien, aide hospitalière, concierge, serveuse en salle dans un hôtel et, en dernier lieu, à compter de septembre 2016, de collaboratrice dans la restauration, à raison de 4 heures par jour, 16 heures par semaine, dans une entreprise dont l’horaire hebdomadaire habituel de travail était de 41 heures.

b. En 2018, l’assurée s’est vu diagnostiquer un carcinome rénal et a été mise en arrêt de travail.

c. En septembre 2018, elle a déposé une première demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) qui, par décision du 21 janvier 2020, lui a reconnu le droit à une rente entière, basée sur un taux d’invalidité de 87%, à compter du 1er avril 2019. Le statut reconnu à l’assurée était celui d’active à 80%.

Cette décision a été rendue à l’issue d’une instruction ayant permis de recueillir, notamment, les éléments suivants :

-       Le Service médical régional (ci-après : SMR), en juin 2019, a constaté que l’assurée était en incapacité totale de travail pour un cancer rénal métastatique depuis le 5 mars 2018. Elle avait été traitée par une néphrectomie et une surrénalectomie droite, puis par immunothérapie et avait subi une métastasectomie en juillet 2018. Depuis l’intervention, l’assurée présentait une asthénie en lien avec les effets secondaires du traitement et une boiterie antalgique du membre inférieur droit. Selon l’oncologue traitant, la capacité à exercer l’activité habituelle était nulle, celle à exercer une activité adaptée sédentaire de 50%. Le SMR, au vu de la situation globale de l’assurée, estimait pour sa part qu’aucune activité n’était plus exigible.

-       Dans le questionnaire relatif au statut qu’elle a rempli en août 2019, l’assurée a indiqué qu’en bonne santé, elle aurait travaillé à 80% dans la restauration ou dans le secteur d’aide à la personne âgée.

-       Une enquête ménagère a été menée le 28 août 2019, lors de laquelle l’assurée a répété que, sans atteinte à sa santé, elle aurait poursuivi son activité, si possible à 80%. Elle a fourni à l’appui de ses allégations des recherches d’emploi dans ce sens. Il a été conclu à un empêchement pondéré de 35,2% dans la sphère ménagère.

-       Le degré d’invalidité global a été évalué à 87% (80% pour la part professionnelle [100% de 80%] + 7% dans la sphère ménagère [35.2% de 20%]).

B. a. En juillet 2023, l’OAI a ouvert une révision du dossier de l’assurée.

Ont alors été recueillis, notamment, les éléments suivants :

-          Dans un questionnaire rempli en juillet 2023, l’assurée a indiqué que son état de santé s’était amélioré depuis deux ans, que le cancer était stable depuis lors et que le suivi consistait en une consultation tous les trois mois.

-          Divers rapports médicaux ont confirmé en substance que le cancer s’était stabilisé et que le pronostic était rassurant ; les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : pas de port de charges lourdes, ni de station debout statique.

-          Le SMR, dans un avis du 17 octobre 2023, a rappelé que l’assurée avait été victime d’un cancer rénal métastatique pulmonaire et osseux de stade IV, qu’elle était aussi connue pour un anévrisme du segment ophtalmique de l’artère carotide interne droite avec suivi à deux ans, une hypothyroïdie substituée, une maladie de Widal (asthme et polypose rhino-sinusienne) opérée en 2021 et une abdominoplastie en juillet 2022. Il a noté que l’oncologue des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), en septembre 2023, avait conclu à une rémission complète, clinique et radiologique, du cancer, avec un pronostic rassurant, tout en faisant état d’une fatigabilité et de limitations fonctionnelles (éviter le port de charges lourdes et la station debout prolongée). En mars 2022, un médecin-adjoint en oncologie avait confirmé la rémission complète et qualifié l’état général de bon, sans aucun symptôme. La docteure B______, en novembre 2022, avait confirmé la très bonne réponse oncologique sous immunothérapie, laquelle avait été maintenue jusqu’à mai 2020 ; un scanner pratiqué en août 2022 avait montré une très bonne réponse chez une assurée très sportive. Le docteur C______, médecin-adjoint aux HUG en chirurgie orthopédique, avait mentionné, en juin 2023, une évolution favorable à cinq ans de la résection d’une métastase de carcinome rénal au niveau du tibia droit, avec une bonne stabilité de montage ; il avait rapporté des douleurs occasionnelles en lien avec l’activité sportive intense pratiquée par l’assurée. Le docteur D______, néphrologue, en août 2023, avait indiqué un suivi régulier de la fonction rénale (une fois par an, avec biologie tous les six mois) ; il n’avait relevé ni plainte, ni limitation, ni hospitalisation en lien avec la néphrologie. Le docteur E______, médecin-adjoint agrégé aux HUG, n’avait retenu en septembre 2023 aucune atteinte incapacitante sur le plan oto-rhino-laryngologique. Dans un rapport du 2 février 2024, le docteur F______, du département d’oncologie des HUG, avait évalué la capacité de travail à 100% dans une activité professionnelle légère, sans port de charges lourdes, ni station debout prolongée.

-          Au vu de ces éléments, le SMR, le 13 mars 2024, a admis que l’activité habituelle n’était plus exigible, mais retenu une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles, avec, cependant, au vu de la fatigabilité, une baisse de rendement de 30%. Il y avait eu amélioration de l’état de santé depuis la dernière décision au fond et la capacité de travail dans une activité adaptée était de 70% et ce, depuis le 11 septembre 2023. Les limitations fonctionnelles retenues étaient les suivantes : fatigabilité, éviter le port de charges de plus de 10 kg, les travaux physiques lourds, la station debout prolongée, la marche prolongée ou sur terrain irrégulier, le travail en hauteur, les escaliers à répétition et privilégier une activité plutôt légère et sédentaire.

b. L’OAI a transmis le dossier à son service de réadaptation, qui a estimé qu’au vu du large éventail d’activités simples et répétitives offertes par le marché du travail en général, il fallait admettre qu’un nombre significatif d’entre elles, ne nécessitant aucune formation spécifique, étaient adaptées aux limitations fonctionnelles retenues. À titre d’exemples, ont été citées des tâches simples de vérification, de conditionnement léger, de contrôle, ou encore des activités d’accueil. Il n’y avait ainsi pas lieu d’octroyer à l’assurée de mesures d’ordre professionnel.

Il a été rappelé qu’en dernier lieu, l’assurée avait travaillé en tant que collaboratrice en restauration à raison de 16 h./sem., que selon le curriculum versé au dossier, elle avait occupé divers postes en tant que serveuse, employée d’entretien, femme de chambre, concierge et aide hospitalière, qu’il ressortait de ses comptes individuels AVS que, depuis 1994, elle avait occupé plusieurs activités de manière irrégulière et avait par ailleurs cotisé durant plusieurs années comme personne sans activité lucrative.

L’OAI a comparé le revenu avant invalidité (CHF 48'625.-, calculé sur la base du dernier salaire effectif, indexé et à 100%) au revenu après invalidité (Enquête suisse sur la structure des salaires [ESS] 2020, TA1, tirage_skill_level, niveau 1 = 4'276.- CHF/mois pour un horaire de 40 h./sem = 4'457.- CHF/mois pour 41,7 h./sem. = CHF 53'488.- en 2020 à 100% = CHF 54'222.- en 2024 = CHF 34'160.- à 70% après réduction forfaitaire supplémentaire de 10%), ce qui a révélé une perte de gain de CHF 14'465.-, correspondant à un degré d’invalidité de 29,75% dans la sphère professionnelle. Le degré d’invalidité global a été calculé comme suit : 23,8% d’invalidité dans la sphère professionnelle (29,75% de 80% et 0% dans la sphère ménagère (0% d’empêchement de 20%), soit un degré d’invalidité global de 23,8%, insuffisant pour ouvrir droit à une rente.

c. Un projet de décision a été adressé à l’assurée le 8 juillet 2024. Il en ressortait que sa rente serait supprimée.

d. L’assurée s’étant opposée à ce projet, le dossier a été soumis une nouvelle fois au SMR, qui, le 27 janvier 2025, a constaté que toutes les pièces médicales versées au dossier faisaient état d’une rémission totale du carcinome rénal, que le suivi n’était que semestriel, qu’il n’y avait pas de prise en charge par un psychiatre, que l’algodystrophie évoquée par la docteure G______, dans un rapport du 6 janvier 2025, n’était pas confirmée par le rhumatologue, qui concluait, lui, à une fibromyalgie. Il convenait dès lors de mettre sur pied une expertise pluridisciplinaire, rhumatologique, psychiatrique et de médecine interne.

e. Ladite expertise a été confiée à H______ Sàrl, plus particulièrement aux docteurs I______, spécialiste en médecine interne générale, J______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, et K______, spécialiste en rhumatologie, lesquels ont rendu leur rapport en date du 2 juillet 2025.

L’expert en médecine interne n’a retenu aucun diagnostic incapacitant. Le carcinome rénal avait justifié une incapacité de travail transitoire, de février 2018 à mars 2022, et n’était plus incapacitant du point de vue de la médecine interne, puisqu’en rémission complète.

L’expert psychiatre n’a pas non plus conclu à un diagnostic incapacitant. Il a mentionné, en précisant qu’ils étaient non invalidants : un trouble anxieux phobique sans précision, un épisode dépressif d’intensité légère, sans syndrome somatique, de possibles troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation d’alcool, et a conclu à une capacité de travail de 100%, dans toute activité sans stress, c’est-à-dire sans pression importante et sans la présence d’un trop grand nombre de personnes.

L’expert rhumatologue a retenu à titre de diagnostics incapacitants : des douleurs neuropathiques chroniques des séquelles orthopédiques avec boiterie dans un status post métastasectomie, avec plaque du tibial proximal droit et radiothérapie complémentaire, des atteintes dégénératives débutantes et une fibromyalgie. Il a également mentionné, en précisant qu’elle était non invalidante, une ostéoporose non fracturaire. Il a retenu comme limitations fonctionnelles : la nécessité d’une activité à prédominance sédentaire, permettant l’alternance des positions assise et debout et de courtes pauses, l’obligation d’éviter les positions debout prolongée, accroupie ou agenouillée, les montées et descentes régulières d’escaliers, l’usage d’échelles et d’escabeaux, les efforts de soulèvement au-delà de 5 kg depuis le sol et il a préconisé une répartition harmonieuse des horaires de travail pour limiter la fatigue chronique. L’expert rhumatologue a confirmé la totale incapacité à exercer l’activité habituelle depuis 2018, mais évalué la capacité de travail dans une activité adaptée à 100% avec perte de rendement de 25% (en lien avec l’intensité des douleurs neuropathiques du membre inférieur droit) de juillet 2018 à février 2019, puis à 100% avec perte de rendement de 30% dès le 30 août 2024, date du diagnostic confirmé par le rhumatologue de la fibromyalgie associée.

Il a été constaté que l’assurée disposait de ressources internes globalement conservées (caractère volontaire, grande expérience professionnelle dans diverses activités ; capacité de planification et de structuration) ; elle restait autonome dans son quotidien pour la gestion des tâches administratives et pour ses déplacements. L’absence d’éléments d’autolimitation, de divergences, d’exagération et de simulation a été notée. La cohérence a été jugée conservée entre les données anamnestiques, les plaintes de l’intéressée, les constatations à l’examen clinique et les résultats des examens. Les experts ont donc admis que les diagnostics avaient un impact sur la capacité de travail de l’expertisée, bien que les limitations ne soient pas strictement uniformes dans l’ensemble des domaines de la vie et que, par ailleurs, la mise à contribution des options thérapeutiques n’ait été qualifiée que de partielle. D’un point de vue consensuel, les experts ont conclu à une capacité de travail nulle dans l’activité habituelle depuis 2018 pour raisons rhumatologiques, mais admis une capacité de travail de 75% de mars 2022 à août 2024, puis de 70% en raison de la fibromyalgie associée, dans une activité adaptée (à prédominance sédentaire, n’impliquant ni gestion d’émotions, ni stress, c’est-à-dire sans pression temporelle importante et sans présence de trop de monde au travail, afin de respecter les éléments anxieux).

f. Le SMR, pour sa part, a confirmé que la capacité de travail devait être considérée comme nulle dans l’activité habituelle – non adaptée aux limitations fonctionnelles rhumatologiques. Il a retenu, comme les experts, une capacité de travail de 75% dès mars 2022, puis de 70% dès août 2024 pour raisons rhumatologiques. Il a également estimé que les limitations fonctionnelles relevées par l’expert psychiatre en rapport avec les éléments anxieux et phobiques étaient partiellement incapacitantes.

g. Par décision du 25 août 2025, l’OAI a annoncé à l’assurée que sa rente serait supprimée après notification de la décision, pour la fin du mois suivant, étant précisé qu’un recours n’aurait pas d’effet suspensif.

C. a. Par écriture du 24 septembre 2025, l’assurée a interjeté recours contre cette décision en concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif et, quant au fond, à ce que le droit à une rente entière d’invalidité continue à lui être reconnu, cas échéant après mise en œuvre d’une expertise judiciaire pluridisciplinaire.

En premier lieu, la recourante conteste le statut d’active à 80%. Elle allègue qu’en bonne santé, elle aurait travaillé à plein temps.

En second lieu, elle conteste pouvoir exercer la moindre activité lucrative, soutient que l’expertise médicale ne remplit pas les conditions permettant de lui reconnaître pleine valeur probante, que l’amélioration n’a pas été rendue vraisemblable et se réfère à cet égard à deux courriers rédigés par le Dr L______, spécialiste en médecine interne et en rhumatologie.

Dans un premier courrier, daté du 30 août 2024, le Dr L______ confirme la rémission complète du cancer de sa patiente, précise que l’examen clinique permet d’écarter toute arthrite ou polyarthrose, mais qu’en revanche les points douloureux d’une fibromyalgie sont mis en évidence. Après minéralométrie, il confirme par ailleurs la présence d’une ostéoporose et précise avoir mis l’assurée sous traitement.

Dans un second courrier du 24 septembre 2025, le médecin confirme l’existence d’une fibromyalgie et d’une ostéoporose. Il ajoute que sa patiente se plaint de fortes douleurs dans tout le corps ayant débuté à l’arrêt du traitement du cancer et qu’elle a beaucoup de peine à se déplacer en raison des séquelles au niveau de sa jambe droite. Sous traitement majeur d’antalgiques, elle rencontre d’importants problèmes cognitifs. Le rhumatologue dit s’écarter complètement de l’évaluation de la capacité de travail faite par les experts. Il conclut pour sa part à une totale incapacité de travail, dans toute activité, depuis 2018.

b. Invité à se déterminer, l’intimé, par écriture du 7 octobre 2025, a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif.

Selon lui, l’expertise doit se voir reconnaître pleine valeur probante.

Quant au changement de statut requis, l’intimé fait remarquer que, même si la Cour de céans y souscrivait, cela ne serait pas décisif, puisque le taux d’invalidité obtenu resterait largement inférieur au seuil à partir duquel un droit à la rente peut être reconnu.

Les chances de succès de la recourante sur le fond ne paraissant pas évidentes à première vue, l’intérêt de l’intimé à l’exécution immédiate de la décision doit l’emporter, puisqu’il existe un risque important que la recourante ne puisse rembourser les prestations qui lui seraient versées à tort.

c. Les autres faits seront repris, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est prima facie recevable (art. 56 et 60 de la LPGA ; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [(LPA-GE - E 5 10)].

4.              

4.1 Depuis le 1er janvier 2021, les art. 49 al. 5 et 52 al. 4 LPGA prévoient que l’assureur peut, dans sa décision, priver tout recours de l’effet suspensif, même si cette décision porte sur une prestation en espèces. Les décisions ordonnant la restitution de prestations versées indûment sont exceptées.

Selon le message du Conseil fédéral du 2 mars 2018 concernant la modification de la LPGA (FF 2018 1597), l’art. 49 al. 5 LPGA correspond à l’ancien art. 97 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10), en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, qui s’appliquait par analogie à l’assurance-invalidité et aux prestations complémentaires (cf. art. 66 LAI et 27 de la loi fédérale sur les prestations complémentaires du 6 octobre 2006 [LPC – RS 831.30] dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020), et selon la jurisprudence, également par analogie à l’assurance-chômage et à l’assurance-maladie.

Il était alors possible, par une application étendue de l’art. 55 al. 2 de la loi du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA - RS 107.021) en relation avec l’art. 55 al. 1 LPGA, de priver de l’effet suspensif tout recours éventuel contre une décision qui ne portait pas sur une prestation en espèces.

De plus, conformément à la jurisprudence et à la majorité de la doctrine, mais contrairement à la lettre de la loi, seule une décision qui engageait son destinataire à une prestation en espèces était considérée comme une décision portant sur une prestation en espèces. Par conséquent, les décisions d’octroi de prestations des assurances sociales ne constituaient pas des décisions portant sur une prestation en espèces au sens de la PA. Si une prestation en espèces (durable ou non) était interrompue ou réduite, l’effet suspensif pouvait donc être retiré. L

Le Conseil fédéral a estimé que pour prévenir tout flou juridique dans ce domaine – puisqu’il est courant, dans les assurances sociales, de qualifier de prestations en espèces des prestations comme les rentes, les indemnités journalières, l’allocation pour impotent, etc. (cf. à ce sujet la définition des prestations en espèces à l’art. 15 LPGA) –, il était nécessaire d’élaborer une base légale claire pour toutes les assurances sociales soumises à la LPGA. La nouvelle réglementation assure ainsi la sécurité juridique et elle est essentielle, notamment en lien avec la règle relative à la suspension des prestations à titre provisionnel prévue par le nouvel art. 52a LPGA, entré en vigueur le 1er janvier 2021. La pratique fondée sur l’ATF 130 V 407, qui n’autorise pas le retrait de l’effet suspensif en cas de créances en restitution de prestations indûment perçues, n’est en revanche pas modifiée en vertu de cette harmonisation de la LPGA (cf. art. 49 al. 5 2ème phrase LPGA).

4.2 Les dispositions de la PA continuent à s’appliquer pour les questions liées à l’effet suspensif qui ne sont pas réglées par l’art. 49 al. 5 LPGA (cf. art. 55 al. 1 LPGA). Le juge saisi du recours peut restituer l'effet suspensif à un recours auquel l’autorité inférieure l’avait retiré ; la demande de restitution de l’effet suspensif étant traitée sans délai, conformément à l'art. 55 al. 3 PA. 

5.             Selon la jurisprudence, le retrait de l’effet suspensif est le fruit d’une pesée des intérêts qui s’inscrit dans l’examen général du principe de la proportionnalité, lequel exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l’aptitude) et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité). En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 142 I 76 consid. 3.5.1 et la référence).

La possibilité de retirer ou de restituer l'effet suspensif au recours n'est pas subordonnée à la condition qu'il existe, dans le cas particulier, des circonstances tout à fait exceptionnelles qui justifient cette mesure. Il incombe bien plutôt à l'autorité appelée à statuer d'examiner si les motifs qui parlent en faveur de l'exécution immédiate de la décision l'emportent sur ceux qui peuvent être invoqués à l'appui de la solution contraire. L'autorité dispose sur ce point d'une certaine liberté d'appréciation. En général, elle se fondera sur l'état de fait tel qu'il résulte du dossier, sans effectuer de longues investigations supplémentaires. En procédant à la pesée des intérêts en présence, les prévisions sur l'issue du litige au fond peuvent également être prises en considération; il faut cependant qu'elles ne fassent aucun doute (ATF 124 V 82 consid. 6a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_885/2014 du 17 avril 2015 consid. 4.2).

L'intérêt de la personne assurée à pouvoir continuer à bénéficier des prestations qu'elle percevait jusqu'alors n'est pas d'une importance décisive, tant qu'il n'y a pas lieu d'admettre que, selon toute vraisemblance, elle l'emportera dans la cause principale. Ne saurait à cet égard constituer un élément déterminant la situation matérielle difficile dans laquelle se trouve la personne assurée depuis la diminution ou la suppression des prestations. En pareilles circonstances, l'intérêt de l'administration apparaît généralement prépondérant, puisque dans l'hypothèse où l'effet suspensif serait accordé et le recours serait finalement rejeté, l'intérêt de l'administration à ne pas verser des prestations paraît l'emporter sur celui de la personne assurée; il serait effectivement à craindre qu'une éventuelle procédure en restitution des prestations versées à tort ne se révèle infructueuse (ATF 119 V 503 consid. 4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_207/2014 du 1er mai 2014 consid. 5.3 et les références). La jurisprudence a également précisé que le retrait de l'effet suspensif prononcé dans le cadre d'une décision de diminution ou de suppression de rente à la suite d'une procédure de révision couvrait également la période courant jusqu'à ce qu'une nouvelle décision soit rendue après le renvoi de la cause par le tribunal cantonal des assurances pour instruction complémentaire, pour autant que la procédure de révision n'a pas été initiée de façon abusive (ATF 129 V 370 consid. 4; voir également arrêts du Tribunal fédéral 9C_ 846/2018 du 29 novembre 2019 consid. 7.1 et 9C_207/2014 du 1er mai 2014 consid. 5.3).

6.             En l’espèce, la recourante conteste le statut d’active à 80%. Elle allègue qu’en bonne santé, elle aurait travaillé à plein temps.

Elle produit à l’appui de ses dires une demande de stage qu’elle a adressée en janvier 2012, aux HUG dans le cadre d’une formation en aide, en soins et accompagnement et une candidature spontanée faite en janvier 2014 à Genève-Plage pour un poste d’employée polyvalente de restauration.

Cela étant, force est de constater que ces deux seules démarches ne suffiront vraisemblablement pas à établir la volonté de la recourante de travailler à 100%. D’autant qu’elles remontent à 2012 et 2014, bien avant la première demande de prestations, déposée en 2018, lors de l’instruction de laquelle la recourante a clairement manifesté – à réitérées reprises, dans le formulaire relatif au statut, mais également lors de l’enquête ménagère – sa volonté de travailler, non pas à 100%, mais à 80%. La recourante ne démontre par ailleurs pas que sa situation personnelle aurait changé depuis le dépôt de la première demande de prestations. Enfin, ainsi que le fait remarquer l’intimé, même en admettant un statut d’active à 100%, le degré d’invalidité ne serait pas augmenté au point d’atteindre un niveau suffisant pour ouvrir droit à une rente, ce dont convient d’ailleurs la recourante elle-même dans ses écritures (elle calcule que lui reconnaître un taux d’active à 100% augmenterait le degré d’invalidité à 29,75%).

En second lieu, la recourante conteste pouvoir exercer la moindre activité lucrative, soutient que l’expertise médicale ne remplit pas les conditions permettant de lui reconnaître pleine valeur probante, que l’amélioration n’a pas été rendue vraisemblable et se réfère à deux courriers rédigés par le Dr L______.

Or, ce dernier, dans son second courrier du 24 septembre 2025, s’il confirme l’existence d’une fibromyalgie et d’une ostéoporose, précise cependant que ce dernier diagnostic « ne rentre pas dans la discussion sur la capacité de travail ». Il invoque des problèmes cognitifs sans les documenter, précisant qu’ils n’ont pas encore fait l’objet d’investigations. Ils n’ont donc pas été objectivés, un examen neurocomportemental étant prévu pour le 20 novembre 2025. Le rhumatologue traitant qualifie lui-même l’expertise de « bien faite et relevante » et confirme par ailleurs que les diagnostics retenus sont exacts. En revanche, il dit s’écarter complètement de l’évaluation de la capacité de travail faite par les experts ; selon lui, les douleurs dans la jambe droite, les troubles cognitifs et la fatigue probablement liée au traitement rendent impossible toute reprise du travail. Cela étant, il ne fait qu’évaluer différemment des experts un même état de fait, sans amener d’élément objectif qui aurait été ignoré dans l’expertise. Enfin, il argue que, si le cancer est en rémission, une récidive ne peut être exclue dans un avenir proche. Cela étant, on ne saurait se fonder sur le risque de récidive du cancer pour l’évaluation médicale, étant précisé que tout changement futur des circonstances pourra évidemment donner lieu à une nouvelle demande de la recourante auprès de l’OAI.

Eu égard aux considérations qui précèdent, il apparaît que les chances de succès de la recourante sur le fond ne paraissant pas évidentes prima facie, de sorte que l’intérêt de l’intimé à l’exécution immédiate de la décision doit l’emporter, puisqu’il existe un risque important que la recourante ne puisse rembourser les prestations qui lui seraient versées à tort.

Il convient donc de rejeter la demande de restitution de l’effet suspensif.

 

***


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant selon l’art. 21 al. 2 LPA-GE

Préalablement :

1.        Rejette la demande de restitution de l’effet suspensif.

2.        Réserve la suite de la procédure.

3.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) aux conditions de l’art. 93 al. 1 LTF ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

Karine STECK

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le