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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/623/2025

ATAS/845/2025 du 04.11.2025 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/623/2025 ATAS/845/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 4 novembre 2025

Chambre 10

 

En la cause

A______,

représentée par Me Lorenzo PARUZZOLO, avocat

 

 

recourante

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. L’entreprise individuelle B______ (ci-après : l’employeur), inscrite au registre du commerce le 27 mai 2020, sise à C______ et active dans les domaines de la carrosserie, de la mécanique et des ventes automobiles, a été déclarée en faillite par arrêt de la Cour de Justice du 1er décembre 2023.

b. A______ (ci-après : l’intéressée) a été engagée par l’employeur à compter du 1er octobre 2021 en qualité de secrétaire à 100%, pour un salaire mensuel de CHF 4'500.-.

c. Par courrier du 30 novembre 2022, l’employeur a résilié le contrat de l’intéressée pour le 31 janvier 2023 et l’a libérée de son obligation de travailler pendant le délai de congé.

d. L’intéressée a informé l’employeur qu’elle était enceinte et que ce licenciement était donc nul.

e. Elle a accouché le 19 août 2023 et a perçu les prestations de
l'assurance-maternité du 19 août au 8 décembre 2023, puis a été indemnisée par la caisse de chômage UNIA à partir du 9 décembre 2023.

f. Par courrier du 10 janvier 2024, envoyé le lendemain et reçu le 12 janvier 2024, l’office des faillites a résilié avec effet immédiat le contrat de travail de l’intéressée.

g. Par jugement du 16 janvier 2024 (JTPH/6/2024), le Tribunal des Prud’hommes a condamné l’employeur à payer à l’intéressée ses salaires dus du 1er juin au
19 août 2023, pour un montant total de CHF 11'758.05, avec intérêts moratoires. Il ressort notamment des faits du jugement que l’intéressée, représentée par une assurance de protection juridique, avait écrit à l’employeur le 24 janvier 2023 afin de relever la nullité de son licenciement en raison de sa grossesse et l'absence des conditions d'exercice du licenciement avec effet immédiat notifié le
12 janvier 2023. Elle lui avait en outre demandé quelles mesures il entendait prendre afin de protéger sa santé compte tenu du fait qu’elle travaillait dans l'atelier et était exposée aux odeurs, aux substances chimiques et à la poussière. Par courrier du 20 février 2023, par l’intermédiaire d’un avocat, elle avait rappelé à l’employeur que son licenciement était nul et que les rapports de travail se poursuivaient automatiquement au-delà du 31 janvier 2023 et avait requis le paiement de son salaire jusqu’à la fin des rapports de travail. À la suite de ses relances, ses salaires des mois de mars, avril et mai 2023 avaient été payés, les
17 avril, respectivement 24 mai et 30 juin 2023, mais l’employeur n’avait pas donné suite à son courrier du 9 août 2023 réclamant le versement de ses salaires afférents aux mois de juin et juillet 2023.

h. Le 31 janvier 2024, l’intéressée a déposé une demande d'indemnité en cas d'insolvabilité auprès de la Caisse cantonale genevoise de chômage (ci‑après : la caisse). Elle a indiqué avoir été employée par l’employeur, déclaré en faillite le 1er décembre 2023, du 1er octobre 2021 au 29 février 2024, avoir effectué son dernier jour de travail le 30 novembre 2023 [recte : 2022], et avoir reçu son salaire jusqu'au 31 mai 2023. À la question de savoir si elle avait été empêchée de travailler pendant la « période de la créance de salaire en suspens », elle a répondu par l’affirmative, précisant sous « motif » : « refus de ma prestation de travail » par l’employeur « et grossesse » pour la période du 1er juin au
18 août 2023, et « faillite » de l’employeur pour la période du 9 décembre 2023 au 29 février 2024.

Elle a annexé sa production de créance salariale auprès de l'Office des faillites, aux termes de laquelle elle était créancière d'une somme de CHF 23'951.- correspondant aux salaires des mois de juin 2023 à février 2024 (CHF 4'500.- pour juin 2023, CHF 4'500.- pour juillet 2023, CHF 2'612.- du 1er au
18 août 2023, CHF 3'339 du 9 au 31 décembre 2023, CHF 4'500.- pour
janvier 2024 et CHF 4'500.- pour février 2024).

B. a. Par décision du 22 avril 2024, la caisse a rejeté la demande de l’intéressée, au motif que le dernier jour travaillé avait été effectué le 30 novembre 2022 et que l'indemnité en cas d'insolvabilité ne couvrait que les créances de salaire qui portaient sur les prestations de travail effectivement fournies.

b. Le 18 mai 2024, l’intéressée a formé opposition à l’encontre de la décision précitée et réclamé la somme de CHF 13'935.40. Elle a relevé que si l’employeur n'était pas tombé en faillite, elle aurait dû percevoir l’intégralité de son salaire jusqu'à l'issue des rapports de travail le 29 février 2024. Elle avait ainsi droit à CHF 11'612.90 pour les salaires avant la faillite le 1er décembre 2023
(CHF 4500.- + CHF 4500.- + CHF 2'612.90 [et non pas CHF 2'758.05 comme retenu par le Tribunal des Prud’hommes]), ainsi que CHF 2'322.50 après la faillite (à titre de différence entre le salaire de CHF 4'500.- et les indemnités de chômage perçues de décembre 2023 à février 2024). Le montant total réclamé de
CHF 13'935.40 était par ailleurs inférieur à quatre mois de salaire (CHF 18'000.- = 4 x CHF 4'500.-).

Elle a notamment produit :

-          un courriel qu’elle avait adressé à l’employeur le vendredi 6 janvier 2023 afin de lui annoncer la nullité de son licenciement dès lors qu’elle était enceinte depuis le 25 novembre 2022, attestation à l’appui, et du fait qu’elle serait de retour au travail le 9 janvier 2023 ;

-          la réponse du jour même de son employeur, la priant de ne pas se présenter pour l'instant, le temps qu'il étudie son dossier, étant ajouté qu'il lui reviendrait dans les plus brefs délais ;

-          un courriel que son avocat avait envoyé à l’employeur le 6 mars 2023, se référant à leur entretien téléphonique du 3 mars 2023, et rappelant que l’employeur aurait dû lui envoyer un message concernant les tâches de télétravail que l’employée devait effectuer, laquelle restait à disposition pour exécuter le travail demandé.

c. Par décision sur opposition du 22 janvier 2025, la caisse a rejeté l’opposition de l’intéressée. Cette dernière avait fourni pour la dernière fois ses prestations de travail le 30 novembre 2022, date à laquelle elle s'était vu notifier la résiliation de son contrat et avait été libérée de l'obligation de travailler jusqu’à l'échéance de son délai de congé, le 31 janvier 2023. Elle avait fait part de la nullité du congé à son employeur du fait de sa grossesse et proposé ses services. L’entreprise n'avait cependant jamais donné suite à cette proposition, malgré les relances de l’assurée, qui avait dû réclamer le versement de ses salaires pour les mois de mars à
mai 2023. Son courrier du 9 août 2023 était resté sans réponse, menant ainsi au dépôt de la demande en cas clair auprès du Tribunal des Prud'hommes le 19 septembre 2023. En aucun cas l'employeur ne l'avait retenue par des promesses de travail et elle ne pouvait inférer de cette situation que les rapports de travail allaient se poursuivre. Il ne pouvait être nié qu’elle présentait une disponibilité suffisante pour accepter un emploi et pour se soumettre aux prescriptions de contrôle, à tout le moins à compter du mois juin 2023, étant dans une situation de chômage de fait tant par l'absence de travail à fournir que de rémunération. Les éventuelles créances dues postérieurement à la faillite de l’employeur, prononcée le 1er décembre 2023, n'entraient pas en ligne de compte car les conditions restrictives qui auraient permis une indemnisation au titre de l’indemnité en cas d’insolvabilité n’étaient alors pas remplies. D'une part, aucune prestation de travail n'avait été fournie pour la période concernée et, d'autre part, l’assurée avait eu connaissance de la faillite.

C. a. Par acte du 24 février 2025, l’intéressée, représentée par son avocat, a interjeté recours contre cette décision par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice. Elle a conclu, sous suite de frais et dépens, à sa comparution personnelle à titre de mesures d’instruction et, au fond, à l’annulation de la décision entreprise, à ce qu’il soit ordonné à l’intimée de lui allouer des indemnités pour insolvabilité à hauteur de CHF 11'612.90, pour la période du
1er juin au 18 août 2023.

Elle a notamment relevé que, bien que libérée de son obligation de travailler, elle avait toujours proposé ses services à l’employeur, lequel lui avait assuré, par courrier et pas téléphone, qu’il lui verserait ses salaires jusqu’à la fin des rapports de travail. Il avait fait preuve d’une relative bonne volonté, mais avait sollicité sa compréhension et un décalage du paiement de salaire d’un mois au maximum, expliquant qu’il était une petite « D______ » et avait également d’autres charges d’entreprises à régler. Elle était restée à sa disposition jusqu’à la veille de son accouchement, soit jusqu’au 18 août 2023. Indépendamment des termes utilisés dans sa demande d’insolvabilité, cette dernière était exclusivement fondée sur la faillite déclarée de l’employeur. Elle était sous contrat de travail durant les mois de juin à août 2023, étant rappelé que son engagement avait été résilié par l’office des faillites par lettre du 10 janvier 2024, et elle pouvait alors partir du principe que son salaire serait versé pendant toute sa grossesse, puisque l’employeur avait payé, certes en retard, tous ses salaires les mois précédents, le dernier en date du 30 juin 2023. Enceinte et dans une situation précaire, elle se devait de rester à la disposition de l’employeur sur demande éventuelle de sa part pour ne pas lui donner de motif de résilier son contrat avant son accouchement. Les promesses de l’employeur, à savoir qu’il lui payerait son salaire et que des tâches pourraient lui être demandées jusqu’à la fin des rapports de travail, étaient décisives. Contrairement à ce que soutenait l’intimée, elle n’avait pas été dans une situation de chômage de fait en raison de l’absence de travail à fournir et de rémunération, puisque l’employeur n’avait qu’une seule mensualité de retard au mois de
juin 2023 et qu’il n’était pas exclu qu’il lui demande d’effectuer des tâches avant son accouchement.

L’intimée soutenait qu’elle aurait dû résilier son contrat et s’inscrire au chômage, mais aucun employeur ne l’aurait engagée. Elle n’avait adopté aucun comportement fautif ou abusif. La loi ne subordonnait pas le droit à l’indemnité pour insolvabilité à la fourniture effective d’un travail. En outre, dans la mesure où elle avait bénéficié des allocations de maternité depuis le 10 août 2023, la notion de « quatre derniers mois du même rapport de travail » ne saurait être comprise comme les quatre mois précédents la faillite. À défaut, toute femme ayant accouché se verrait arbitrairement privée de la protection sociale de l’indemnité pour insolvabilité pour les mois de salaire impayés antérieurs au congé maternité, ce qui contreviendrait au principe constitutionnel de non‑discrimination. Ainsi, dans son cas, la règle d’indemnisation en matière d’insolvabilité devait être interprétée dans le sens du droit à se voir allouer quatre mois de salaire au maximum, période de perception des allocations de maternité non comprise. Si l’employeur n’était pas tombé en faillite, elle aurait dû percevoir l’intégralité de son salaire jusqu'à l'issue des rapports de travail, dont le terme aurait été reporté au 29 février 2024.

Elle abandonnait ses prétentions en insolvabilité pour la période postérieure à la faillite, car elle avait bénéficié d’indemnités de chômage. Seuls les salaires non perçus du 1er juin au 18 août 2023 étaient réclamés, à savoir CHF 4'500.- pour les mois de juin et juillet et CHF 2'612.90 pour le mois d’août 2023, soit la somme de CHF 11'612.90, montants qui étaient attestés par le jugement prud’homal et inférieurs au maximum légal de quatre mois. Nier le paiement de cette somme était contraire au mécanisme de l’insolvabilité prévu par la loi, dont le but était de garantir la subsistance du travailleur en cas de faillite de l’employeur. Un résultat contraire serait arbitraire dans le cas particulier, étant rappelé qu’elle était restée la seule lésée dans cette affaire alors qu’il pouvait être attendu de l’État qu’il supplée à la faillite de l’employeur.

La recourante a notamment produit le courrier de son employeur du
28 février 2023, par lequel il lui avait indiqué prendre bonne note de sa lettre du 20 février 2023, notamment de la nullité de la résiliation de son contrat de travail et du versement du salaire jusqu’à la fin des rapports de travail. S’agissant des mesures à entreprendre en vue de protéger la santé de l’employée, il ne souhaitait effectivement pas que cette dernière se trouve dans une situation pouvant engendrer du stress durant sa grossesse. Puisqu’elle ne pouvait travailler sans risque au sein de son entreprise, il avait décidé qu’elle pourrait effectuer du télétravail depuis son domicilie pendant sa grossesse.

b. Dans sa réponse du 24 mars 2025, l’intimée a conclu au rejet du recours.

Les directives relatives à l’indemnité en cas d'insolvabilité prévoyaient que cette indemnité couvrait en règle générale exclusivement les prétentions de salaire pour un travail fourni, alors que la recourante avait effectué son dernier jour de travail le 30 novembre 2022, date à laquelle elle avait été libérée de son obligation de travailler. Le courrier du 28 février 2023 produit par l’intéressée ne lui était d’aucun secours, car aucune pièce n’attestait que l’employeur l’avait retenu par des promesses de travail, à la suite de cette lettre. Au contraire, celui-ci avait persisté à refuser la prestation de travail offerte par la recourante et n’avait jamais répondu à sa demande du 6 mars 2023 relative aux tâches de télétravail qu’elle pourrait effectuer. Il ne s’agissait donc pas d’une demeure de l’employeur, mais bien d’une libération de l’obligation de travailler.

Au surplus, le contrat de travail avait pris fin le 10 janvier 2024, de sorte que les quatre derniers mois du rapport de travail avaient débuté en septembre 2023, période pendant laquelle l’intéressée avait été indemnisée par
l’assurance-maternité, puis par l’assurance-chômage. Il s’agissait en outre d’une période non revendiquée par la recourante.

c. Par réplique du 22 mai 2025, la recourante a persisté dans ses conclusions, notamment dans sa demande de comparution personnelle, soutenant que l’argumentation juridique de l’intimée s’avérait particulièrement intransigeante à l’égard d’une employée enceinte qui devrait plutôt être protégée par les deniers publics de l’État vis-à-vis d’un employeur défaillant.

d. Le 17 juin 2025, la chambre de céans a entendu les parties.

Sur question, l’avocat de la recourante a déclaré avoir été en contact avec l'employeur de sa cliente après son courriel du 6 mars 2023, à son souvenir à raison d’une ou deux conversations téléphoniques au mois de mars. L'employeur lui avait expliqué qu'il était une petite « D______ », qu'il avait des priorités plus importantes, à savoir le paiement de son loyer et des deux autres employés de l’entreprise. Il s'était toutefois clairement engagé à payer le salaire, étant rappelé le dernier paiement intervenu le 30 juin 2023.

La recourante a confirmé qu’elle n’avait plus effectué aucune tâche pour son employeur après le 30 novembre 2022, mais qu’elle était restée à sa disposition. Étant donné qu'il prenait habituellement ses vacances au mois de juillet, elle avait pensé qu'il lui demanderait d'effectuer certaines activités durant son absence, comme par exemple prendre le téléphone. Elle n’avait pas eu de contact avec lui suite à l'annonce de sa grossesse en janvier 2023. Elle lui avait dit qu’elle était prête à reprendre son travail, puisque le licenciement était nul. Il lui avait envoyé un courrier contenant des reproches de nature pénale à son domicile. À la suite de cela, elle avait fait appel à son assurance de protection juridique. Sur questions, elle a indiqué qu’il était possible que ce courrier soit celui du 12 janvier 2023 cité dans le jugement des Prud'hommes, et a précisé qu’elle n’avait pas été en incapacité de travail et qu’elle ne demandait qu'à pouvoir effectuer ses activités.

Son avocat a relevé qu'il était reproché à sa mandante de ne pas s'être inscrite au chômage avant son accouchement, mais que si elle l'avait fait, elle n'aurait perçu des indemnités qu'à hauteur de 70% de son dernier salaire, et que la différence de 30% (de CHF 11'612.90) devait être prise en charge par l’intimée en application de la convention de l’Organisation internationale du Travail (ci-après : OIT)
n° 173 du 25 juin 1992 concernant la protection des créances des travailleurs en cas d'insolvabilité de leur employeur (RS 0.822.727.3), plus précisément à son
art. 12 let. a. Il a par ailleurs insisté sur le point que sa cliente avait été disposée à effectuer du télétravail et que l'employeur n'avait pas refusé cette offre de prestation, et a contesté que la date déterminante pour calculer rétroactivement les quatre mois soit celle du licenciement effectué par l'office des faillites. Selon lui, le travailleur devrait être indemnisé à hauteur de quatre mois de salaire.

La représentante de l’intimée a relevé que le refus par l'employeur de l'offre de prestation était clairement mentionné dans l’opposition et ressortait par ailleurs des pièces du dossier. Le principe était que l'employée avait droit au salaire afférant aux quatre derniers mois travaillés. Or, la recourante n’avait pas travaillé.

Le mandataire de l’intéressée a contesté cette position, se référant à la jurisprudence fédérale et à la convention de l'OIT, étant encore rappelé que l'employeur avait été condamné à payer des salaires à sa cliente par jugement du Tribunal des Prud’hommes.

La représentante de l’intimée a alors constaté que ledit jugement précisait également que l'employeur avait prolongé la libération de l'obligation de travailler de la recourante. Sur demande de la partie recourante, elle a indiqué ne pas être en mesure de dire si l’intimée aurait ou non versé les indemnités litigieuses dans le cas où l’intéressée avait travaillé.

La chambre de céans a imparti à la recourante un délai au 27 juin 2025 pour produire le courrier de l'employeur du 12 janvier 2023 prononçant un licenciement avec effet immédiat, le courrier du 24 janvier 2023 de son assurance de protection juridique et le courrier du 20 février 2023 de son avocat, et a octroyé un délai aux parties au 31 juillet 2025 pour fournir leurs dernières observations.

e. Le 30 juin 2025, la recourante a déposé au greffe de la chambre de céans les pièces suivantes :

-          le courrier du 12 janvier 2023, dans lequel l’employeur a émis plusieurs reproches à l’encontre de sa collaboratrice, soit des actes commis le
3 juin 2022 et ayant engendré des dommages et frais pour l’entreprise, ainsi que le 22 novembre 2022 contrevenant aux devoirs de diligence et de fidélité du travailleur, au secret de fabrication et d’affaires, aux conditions de travail, et constitutifs d’un enregistrement non autorisé de conversations ; ces
« infractions graves » représentaient un juste motif d’éventuelles actions pénales et civiles, mais cela n’était pas dans ses intentions ; il ne pouvait ni ne souhaitait poursuivre leur collaboration, et le délai de congé qui lui avait été accordé était un « accord amiable motivé par des liens indépendants des liens contractuels » qui les liaient ; cependant, les actes de l’employée avaient justifié et justifiaient toujours un licenciement immédiat au sens de
l’art. 337 CO, et avaient rompu la confiance nécessaire à l’exécution de son contrat de travail tant dans ses relations avec l’employeur qu’avec ses collègues, dont il était tenu de protéger la personnalité ; bien que sa situation personnelle ait changé, le licenciement restait « licite et valide », étant relevé qu’une grossesse n’était pas une « immunité légale » ; il avait été convenu de ne pas rendre cela « officiel » par égard pour l’employée et sa future recherche d’emploi, « sans même aborder la question de nos liens
familiaux » ;

-          la lettre du 24 janvier 2023 de son assurance de protection juridique indiquant que le congé ordinaire donné le 30 novembre 2022 était nul en raison de sa grossesse, et que les « conditions d’existence et d’exercice d’un licenciement immédiat » au sens de l’art. 337 CO faisaient défaut ; le détail des mesures que l’employeur entendait prendre pour protéger sa santé était sollicité et il était invité à procéder à l’analyse des risques par un médecin du travail afin de lui proposer des mesures adéquates, étant ajouté qu’« en cas de refus de la protection » de sa santé, la situation serait dénoncée à l’OCIRT ; une action en justice était par ailleurs réservée ; l’intéressée était en arrêt de travail depuis la veille ;

-          le courrier de son avocat du 20 février 2023, rappelant à l’employeur que le licenciement était nul et que les rapports de travail se poursuivaient automatiquement au-delà du 31 janvier 2023, « avec pour conséquence le paiement du salaire, étant précisé que vous avez libérer votre employée de l’obligation de travailler » ;

-          son certificat de travail.

f. Par écriture du 21 juillet 2025, la recourante a persisté dans ses conclusions et a requis l’octroi d’un montant de CHF 11'612.90, subsidiairement de CHF 8'314.90 et plus subsidiairement encore de CHF 3'483.90.

Elle a soutenu que le contenu du courrier de l’employeur du 12 janvier 2023 comprenait de faux motifs de licenciement avec effet immédiat pour tenter de ne pas remettre en cause la fin de son contrat au 31 janvier 2023, relevant que si ces allégations avaient été véridiques, il n’aurait pas été d’accord de payer son salaire pendant le délai de congé de deux mois et ne lui aurait pas établi un bon certificat de travail. Selon toute vraisemblance, il avait été mal conseillé par un mandataire qui avait inventé un scénario insensé, avant de revenir à la raison, en lui proposant du télétravail et lui manifestant des égards de santé. Ainsi, après l’avoir, dans un premier temps, libérée de son obligation de travailler, il s’était ravisé en apprenant sa grossesse et lui avait promis des tâches de télétravail. Il lui avait en outre payé son salaire le 30 juin 2023, de sorte qu’elle pouvait légitimement penser qu’elle pourrait encore être appelée à effectuer de telles tâches en juillet et août 2023. Ces éléments, combinés à sa grossesse avancée, l’avaient incitée à ne pas recourir aux indemnités de chômage et à demeurer à la disposition de son employeur. Il était parfaitement illusoire de penser qu’un autre employeur aurait pris le risque financier d’engager une employée enceinte dans son septième mois de grossesse.

Dans une argumentation subsidiaire, elle a invoqué la convention de l’OIT
n° 173, dont les dispositions étaient directement applicables et ne faisaient aucune distinction en fonction de la réalisation ou non de la prestation de travail. Le seul critère déterminant était la notion de salaire, lequel avait été reconnu par le jugement des Prud’hommes. Compte tenu de son revenu de CHF 4'500.-, le montant équivalent à huit semaines de salaire à indemniser, conformément à
l’art. 12 let. a de ladite convention, était de CHF 8'314.10 (CHF 4'500.- /
4.33 x 8).

En outre, elle a rappelé que si elle s’était inscrite au chômage dès le 1er juin 2023, elle aurait subi un dommage de 30% du salaire mensuel perdu, correspondant en l’occurrence à la somme de CHF 3'483.90 (CHF 11'612.90 x 30%). L’intimée ne pouvait donc pas rejeter intégralement sa demande d’insolvabilité et elle avait droit au minimum à ce montant.

g. Sur demande de la recourante, son écriture a été transmise à l’intimée afin que cette dernière puisse se prononcer sur son contenu dans ses dernières observations.

h. En date du 29 juillet 2025, l’intimée a maintenu ses conclusions, soulignant qu’il n’y avait pas place pour la demeure de l’employeur dès lors qu’il n’avait pas retenu la recourante par des promesses de travail.

S’agissant de la convention de l’OIT, dont l’entrée en vigueur était postérieure aux dispositions de la loi sur l'assurance-chômage, elle fixait de grands principes précisément approuvés par le Conseil fédéral et conformes à la législation interne.

Concernant la question de la recourante sur une éventuelle indemnisation en cas de travail fourni pour la période de juin au 18 août 2023, elle a répondu par la positive dans la mesure où toutes les autres conditions du droit étaient réunies.

i. Copie de cette écriture a été communiquée à la recourante le 6 août 2025.

j. Le 12 août 2025, la recourante a produit des observations spontanées. Elle a maintenu que l’employeur, après avoir appris sa grossesse, avait modifié sa décision et exigé qu’elle fournisse du télétravail, ce qui équivalait à une promesse de travail. Le paiement du différentiel de 30% consistait en un dommage de salaire imputable, dont le devoir d’indemnisation découlait « nécessairement » tant de l’art. 12 let. a de la convention de l’OIT n° 173 que de l’art. 52 al. 1 de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (LACI - RS 837.0). Enfin, la convention de l’OIT n° 173 ne se limitait pas à fixer de grands principes comme soutenu par l’intimée, puisque son art. 12 let. a était parfaitement précis et calculable.

k. Copie de cette missive a été envoyée à l’intimée le lendemain et la cause gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du
6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la LACI.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans la forme et le délai de trente jours prévus par la loi, l'acte de recours est recevable (art. 56ss LPGA et 62ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l'intimée de nier le droit de la recourante à une indemnité pour insolvabilité à la suite de la faillite de l’employeur prononcée par jugement du 1er décembre 2023.

3.             Selon l'art. 51 al. 1 LACI, les travailleurs assujettis au paiement des cotisations, qui sont au service d'un employeur insolvable sujet à une procédure d'exécution forcée en Suisse ou employant des travailleurs en Suisse, ont droit à une indemnité pour insolvabilité lorsque : une procédure de faillite est engagée contre leur employeur et qu'ils ont, à ce moment-là, des créances de salaire envers lui ou que (let. a) ; la procédure de faillite n'est pas engagée pour la seule raison qu'aucun créancier n'est prêt, à cause de l'endettement notoire de l'employeur, à faire l'avance des frais ou (let. b) ; ils ont présenté une demande de saisie pour créance de salaire envers leur employeur (let. c).

Conformément à l'art. 52 al. 1 LACI, l'indemnité couvre les créances de salaire portant sur les quatre derniers mois au plus d'un même rapport de travail, jusqu'à concurrence, pour chaque mois, du montant maximal visé à l'art. 3 al. 2. Les allocations dues aux travailleurs font partie intégrante du salaire.

L’art. 53 al. 1 LACI dispose que lorsque l'employeur a été déclaré en faillite, le travailleur doit présenter sa demande d'indemnisation à la caisse publique compétente à raison du lieu de l'office des poursuites ou des faillites, dans un délai de 60 jours à compter de la date de la publication de la faillite dans la Feuille officielle suisse du commerce.

3.1 Les dispositions des art. 51ss LACI ont introduit une assurance perte de gain en cas d'insolvabilité de l'employeur, destinée à combler une lacune dans le système de protection sociale. Pour le législateur, le privilège conféré par la LP aux créances de salaire (art. 219 LP) ne donnait en effet pas une garantie suffisante au travailleur, si bien qu'il était nécessaire de lui assurer la protection par le droit public, à tout le moins pendant une période limitée et déterminée. Il s'est donc agi de protéger les créances de salaire du travailleur pour lui assurer les moyens d'existence et éviter que des pertes ne le touchent durement dans son existence (Message du Conseil fédéral concernant une nouvelle loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du
2 juillet 1980, FF
1980 III 532 ; arrêt du Tribunal fédéral C 164/01 du
28 janvier 2002 consid. 2a ; Gabriel AUBERT, L'employeur insolvable, in Journée 1992 de droit du travail et de la sécurité sociale, 1994, p. 128ss).

Contrairement aux autres prestations de l’assurance-chômage, l’indemnité en cas d'insolvabilité ne couvre pas le risque de perte d’emploi, mais uniquement le risque d’insolvabilité de l’employeur. Elle est versée lorsque l’employeur insolvable ne peut plus payer au travailleur le salaire qui lui est dû conformément au contrat. Elle a pour but de protéger les créances de salaire du travailleur, afin d’éviter que des pertes de salaire ne le touchent durement dans ses moyens d’existence (Bulletin LACI ICI du Secrétariat d’État à l’économie [SECO] Marché du travail/Assurance-chômage, état au 1er janvier 2024, A1).

Comme l'indemnité en cas d'insolvabilité est en fait étrangère au système de l'assurance-chômage, elle doit se limiter à garantir la subsistance du travailleur en cas de faillite de l'employeur et ne doit de ce fait couvrir que les créances du travailleur qui, selon toute attente, auraient été payées par l'employeur solvable si les rapports de travail avaient été maintenus au cours des quatre derniers mois, conformément à l'art. 52 al. 1 LACI. En d'autres termes, le but de l'indemnité en cas d'insolvabilité est de garantir à la personne assurée le salaire sur lequel elle pouvait compter durant les quatre derniers mois de travail avant l'ouverture de la faillite (ATF 137 V 96 consid. 6.2, 6.3 et 6.5).

Le but de l'indemnisation est de couvrir des créances salariales pour du travail effectué, et ce pour une durée limitée de quatre mois. Il ne s'agit pas, comme dans le régime de l'indemnité de chômage, de fournir, le cas échéant durant un
délai-cadre d'indemnisation c'est-à-dire à moyen terme, une compensation convenable d'un manque à gagner causé par le chômage (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, n. 1 ad. art. 52 LACI).

3.2 Les créances de salaire au sens de l'art. 51 LACI sont celles qui résultent d'un temps de travail effectif, pendant lequel l'assuré n'était pas apte au placement car il devait se tenir à disposition de l'employeur (ATF 132 V 82 consid. 3.2 ;
Urs BURGHERR, Die Insolvenzentschädigung, Zahlungsunfähigkeit des Arbeitgebers als versichertes Risiko, Diss. Zurich 2004 p. 90 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_801/2011 du 11 juin 2012). La créance de salaire doit se rapporter à des heures de travail réelles, pendant lesquelles l’assuré ne peut pas être à la disposition du service de l’emploi parce qu’il doit être à la disposition de l’employeur. Si l’assuré était apte au placement et en mesure de remplir les exigences de prescription de contrôle, il n’a pas droit à une indemnité en cas d'insolvabilité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_526/2017 du 15 mai 2018).

Certaines créances salariales ne peuvent être couvertes par l’indemnité en cas d'insolvabilité. Suivant les cas, seule l’indemnité de chômage peut devoir être versée. Pour délimiter le champ d’application de ces deux types d’indemnité, il faut se demander si, durant la période en cause, l’assuré était apte au placement (art. 15 al. 1 LACI) et s’il pouvait se soumettre aux prescriptions de contrôle visées à l’art. 17 LACI. Dans l’affirmative, il n’a pas droit à l’indemnité en cas d’insolvabilité. Il en va ainsi de l’assuré licencié sans respect du délai de dédite ou avec effet immédiat et sans justes motifs au sens de l’art. 337c CO ; de celui qui a été congédié en temps inopportun au sens de l’art. 336c CO ; ou encore de celui mis à pied et libéré de l’obligation de travailler (ATF 132 V 82 consid. 3.2 ;
DTA 2008 p. 242 consid. 2.2) ; il en va de même de l’assuré licencié et libéré de l'obligation de travailler pendant le délai de résiliation du contrat, le Tribunal fédéral ayant jugé qu'il avait la disponibilité nécessaire pour être apte au placement, de sorte que le droit à l’indemnité en cas d'insolvabilité était exclu (arrêt du Tribunal fédéral C 164/01 du 28 janvier 2002 consid. 3b). Dans ces cas, l’assuré présente une disponibilité suffisante pour accepter un emploi et pour se soumettre aux prescriptions de contrôle (ATF 121 V 377 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral C 326/01 du 19 avril 2002 consid. 7.1). C’est alors l’indemnité de chômage (le cas échéant l’indemnité au sens de l’art. 29 LACI) qui peut être versée (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014,
ad art. 52, p. 428-429).

3.3 Après le temps d'essai, l'employeur ne peut pas résilier le contrat pendant la grossesse et au cours des seize semaines qui suivent l'accouchement (art. 336c al. 1 let. c CO). Le congé donné pendant cette période est nul (art. 336c al. 2 CO) et les rapports de travail sont maintenus. Si l'employeur n'accepte pas que le travailleur reprenne son emploi, il se trouve en demeure (art. 324 CO) et reste tenu au paiement du salaire (Denis WEBER, La protection des travailleurs contre les licenciements en temps inopportun, étude de l'art. 336c CO, 1992, p. 137). À la différence de l'art. 336c al. 2 CO, l'art. 337c al. 1 CO (relatif à la résiliation immédiate injustifiée du contrat de travail) fait naître une créance endommages-intérêts ; le contrat prend fin, en fait et en droit, et le travailleur a droit à ce qu'il aurait gagné si les rapports de travail avaient pris fin à l'échéance du délai de congé ou à la cessation du contrat conclu pour une durée indéterminée (ATF 120 II 245 consid. 3a).

Mais, sous l'angle de l'aptitude au placement, la situation du travailleur congédié en temps inopportun, qui n'a plus à effectuer son travail, ne diffère pas vraiment de celle du travailleur sans emploi qui a été licencié avec effet immédiat et de manière injustifiée : dans les deux cas l'intéressé présente une disponibilité suffisante pour accepter un travail convenable et pour se soumettre aux prescriptions de contrôle (ATF 121 V 377 consid. 2b).

Le maintien, en droit, des rapports de travail n'est d'ailleurs pas non plus un critère déterminant pour juger du droit à l'indemnité de chômage (ATF 119 V 157
consid. 2a). Les prétentions visées par l'art. 29 LACI, pour lesquelles il peut exister des doutes (et qui correspondent aux prétentions de salaire ou à des indemnités au sens de l'art. 11 al. 3 LACI) concernent toutes les prétentions de l'assuré qui ont le caractère de salaires ou qui sont assimilables à un salaire ; il s'agit, en particulier, de prétentions du travailleur en cas de résiliation du contrat de travail en temps inopportun, de licenciement immédiat injustifié et de résiliation immédiate justifiée par le travailleur (ATF 121 V 377 consid. 2 et la référence).

3.4 La Directive LACI ICI (indemnité en cas d'insolvabilité ; état au
1er juillet 2024) prévoit notamment que l’indemnité pour insolvabilité couvre les créances de salaire que les travailleurs ont envers leur employeur pour une période pendant laquelle ils ne pouvaient se mettre à la disposition du marché du travail, tandis que l’indemnité de chômage couvre les pertes de salaire consécutives à la perte d’un emploi. L’indemnité en cas d’insolvabilité couvre en règle générale exclusivement les prétentions de salaire pour un travail qui a été fourni
(exception : cf. A5 ; Directive LACI ICI A2).

Est considéré comme critère déterminant pour délimiter l’indemnité pour insolvabilité de l’indemnité de chômage le fait que l'assuré se soit mis à disposition du service de l'emploi et qu'il remplisse ses obligations de contrôle. L'assuré a droit à l’indemnité de chômage lorsqu'il se retrouve effectivement ou juridiquement au chômage, et que, par conséquent, il s'est inscrit en vue d'être placé et remplit les prescriptions de contrôle. Si des doutes sérieux subsistent quant à savoir si l'assuré a droit, pour la durée de sa perte de travail, au versement par son ancien employeur du salaire afférent au délai de congé ou à une indemnité pour cause de résiliation du rapport de travail avec effet immédiat ou que ces prétentions puissent être satisfaites, c'est l’indemnité de chômage qui lui sera versée en vertu de l'art. 29 al. 1 LACI. La caisse se subroge alors à l'assuré dans tous ses droits y compris le privilège légal (Directive LACI ICI A3).

L’indemnité en cas d'insolvabilité ne couvre pas les prétentions en raison d’un congédiement avec effet immédiat et injustifié du travailleur (Directive LACI ICI A4 et les références).

Par contre, les périodes pendant lesquelles l’assuré a été empêché de travailler, sans faute de sa part, pour des raisons inhérentes à sa personne (p. ex. maladie, accident, service militaire ; cf. art. 324a CO) ou parce qu’il a pris des vacances, sont assimilées à des périodes de travail et sont dès lors indemnisées par le biais de l’ indemnité en cas d'insolvabilité, à condition que l’employeur ait été tenu de continuer à verser le salaire et que l’assuré ne touchait aucune autre compensation légale ou contractuelle du salaire pendant la période en question. S'il est établi que le rapport de travail n'a pas été résilié, que le travailleur a demandé à l'employeur de lui fournir du travail et que ce dernier l'a retenu par des promesses de travail, les pertes de salaire de l'assuré, qui sont imputables à la demeure de l'employeur, sont assimilables à des périodes de travail et indemnisées par le biais de l’indemnité pour insolvabilité. Malgré l’avis contraire du Tribunal fédéral
(ATF 125 V 492), ces exceptions sont justifiées car l’assuré est, en l’occurrence, encore sous rapport de travail. Il ne se trouve au chômage ni du point de vue juridique, ni en fait, ce qui le rend inapte au placement (Directive LACI ICI A5).

3.5 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

En présence de deux versions différentes et contradictoires d'un état de fait, la préférence doit être accordée en général à celle que l'assuré a donnée alors qu'il en ignorait peut-être les conséquences juridiques (règle dite des « premières déclarations » ou déclarations de la première heure), les explications nouvelles pouvant être consciemment ou non le fruit de réflexions ultérieures
(ATF 142 V 590 consid. 5.2 ; 121 V 45 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_238/2018 du 22 octobre 2018 consid. 6).

4.             En l’espèce, il convient d’examiner si la recourante présentait une disponibilité suffisante pour accepter un travail convenable et pour se soumettre aux prescriptions de contrôle du chômage, étant rappelé que le maintien ou non du contrat de travail n’est pas décisif.

4.1 L’intéressée soutient que l’employeur, après l’avoir libérée de son obligation de travailler dans un premier temps, s’était ravisé en apprenant sa grossesse et lui avait promis des tâches de télétravail. Elle rappelle en outre avoir reçu son dernier salaire le 30 juin 2023, de sorte qu’elle pouvait légitimement penser qu’elle pourrait être appelée à effectuer de telles tâches en juillet et août 2023, durant les vacances de l’employeur.

4.2 La chambre de céans constate d’emblée que cette augmentation est en contradiction avec les premières déclarations de la recourante. En effet, cette dernière avait clairement indiqué, dans sa demande litigieuse, que l’employeur avait refusé ses prestations. Elle avait également affirmé, dans son opposition du 18 mai 2024, qu’elle avait été libérée de son obligation de travailler, que l’employeur n’avait pas « souhaité » ses services, qu’il avait « persisté à refuser » sa prestation de travail et que le courriel de son avocat du 6 mars 2023 était
« demeuré sans réponse ».

Elle observe ensuite qu’aucune pièce au dossier ne permet de considérer que l’intéressée aurait été retenue par des promesses de travail. Si l’employeur lui a effectivement indiqué qu’elle pourrait faire du télétravail depuis son domicile pendant sa grossesse afin de lui épargner une « situation pouvant engendrer du stress » (cf. courrier du 28 février 2023), il sied de replacer cette proposition dans son contexte. Dans un premier temps, l’employeur a prononcé un licenciement ordinaire accompagné d’une libération de l’obligation de travailler durant le délai légal de congé (cf. courrier du 30 novembre 2022), manifestant ainsi sans la moindre ambigüité qu’il ne voulait plus que la recourante reste à son service. Après avoir appris que ce congé était nul car l’intéressée était enceinte, il l’a immédiatement priée de ne pas se présenter à son poste (cf. courriel du
6 janvier 2023), confirmant ainsi sa volonté précédemment exprimée. Quelques jours plus tard, il l’a licenciée avec effet immédiat, lui faisant de nombreux reproches ayant conduit à une rupture du lien de confiance, et ce en dépit des relations familiales qui les unissaient (cf. courrier du 12 janvier 2023). La proposition de télétravail n’est intervenue qu’après la réception du courrier de l’assurance de protection juridique lui enjoignant de faire procéder à une analyse des risques par un médecin du travail, sous peine de dénonciation à l’OCIRT
(cf. courrier du 24 janvier 2023). En déclarant à l’intéressée qu’il l’autorisait à effectuer du télétravail, l’employeur a sans nul doute voulu s’épargner les mesures de prévention exigées par le conseil de la recourante, pensant à tort, au vu du contenu du courrier du mandataire, que la résiliation avec effet immédiat ne pouvait pas mettre fin à la relation contractuelle.

Cela étant, l’employeur n’a pas confié la moindre tâche à la recourante après le dernier jour de travail effectué le 30 novembre 2022. Il n’a d’ailleurs jamais répondu au courriel du 6 mars 2023 de l’avocat de l’intéressée, qui sollicitait la communication des activités que celle-ci pourrait réaliser depuis chez elle.

Rien ne permet de retenir que l’employeur aurait déclaré à la recourante ou à son représentant qu’il lui fournirait prochainement du travail, et encore moins qu’il l’aurait retenue par des promesses.

4.3 On voit mal comment la recourante, qui reconnaît ne plus avoir travaillé postérieurement au 30 novembre 2022, ne plus avoir eu de contact avec l’employeur après son courriel du 6 janvier 2023 la priant de ne pas venir au travail, ne plus avoir offert ses services à l’employeur après le courriel de son avocat du 6 mars 2023, et n’avoir jamais été invitée à effectuer la moindre tâche depuis le 30 novembre 2022, pouvait de bonne foi penser qu’elle serait sollicitée durant les vacances estivales de l’employeur. Elle devait au contraire comprendre, malgré le contenu du courrier du 28 février 2023, qu’elle ne serait plus sollicitée pour fournir sa prestation contractuelle. Ses premières déclarations confirment par ailleurs cette conclusion, à laquelle est également parvenu le Tribunal des Prud’hommes (JTPH/6/2024 consid. 4c).

Libérée de son obligation de travailler, à tout le moins à partir du mois de
mars 2023, la recourante était donc apte à l’emploi et en mesure de se soumettre aux prescriptions de contrôle de l’assurance-chômage, étant rappelé qu’elle ne conteste pas avoir été en capacité totale de travail jusqu’au terme de sa grossesse.

4.4 L’intimée pouvait ainsi retenir que la recourante disposait, du 1er juin au
18 août 2023, d'une pleine aptitude au placement, avec pour conséquence qu’elle était en mesure de se soumettre aux prescriptions de contrôle du chômage et de se mettre à la disposition d'un nouvel employeur.

Partant, la créance salariale de l’intéressée ne peut pas être couverte par l'indemnité en cas d'insolvabilité. La question de savoir si l'indemnité en cas d'insolvabilité devrait garantir un total de quatre mois de salaire sans tenir compte du droit aux allocations perte de gain en cas de congé maternité, comme le soutient la recourante, peut donc rester indécise.

5.             Subsidiairement, la recourante invoque la convention de l’OIT n° 173 et soutient que son art. 12 let. a, directement applicable, ne fait aucune distinction en fonction de la réalisation ou non de la prestation de travail, seule la notion de salaire étant déterminante.

5.1 La Suisse a ratifié l'ensemble de la Convention OIT n° 173 concernant la protection des créances des travailleurs en cas d'insolvabilité de leur employeur du 25 juin 1992, entrée en vigueur pour la Suisse le 16 juin 1996, avec une réserve toutefois, aux termes de laquelle elle entend faire usage de la possibilité d'exclusion prévue au titre de l'art. 4 par. 2 et 3 de la convention, plus spécialement pour les personnes ayant occupé une position assimilable à celle d'un employeur (Message sur la convention et la recommandation adoptées en 1992 par la Conférence internationale du Travail lors de sa 79e session du
11 mai 1994, FF 1994 III 481, p. 485).

Selon l'art. 12 de cette convention, les créances des travailleurs protégées en vertu de la présente partie de la convention doivent comprendre au moins les créances au titre des salaires afférents à une période déterminée, qui ne doit pas être inférieure à huit semaines, précédant l’insolvabilité ou la cessation de la relation d’emploi (let. a) ; les créances au titre des congés payés dus en raison du travail effectué pendant une période déterminée, qui ne doit pas être inférieure à six mois, précédant l'insolvabilité ou la cessation de la relation d'emploi (let. b) ; les créances au titre des montants dus pour d'autres absences rémunérées afférentes à une période déterminée, qui ne doit pas être inférieure à huit semaines, précédant l'insolvabilité ou la cessation de la relation d'emploi (let. c) ; les indemnités de départ dues aux travailleurs à l'occasion de la cessation de leur relation d'emploi (let. d).

Dans son message précité, le Conseil fédéral a relevé, s’agissant de l’art. 12 let. a, que selon notre législation nationale (art. 52 LACI), l'indemnité en cas d'insolvabilité couvre les créances de salaire portant sur les trois derniers mois du rapport de travail, ce qui va au-delà de la durée de protection exigée par la convention. Quant à l’art. 12 let. c, il a considéré que selon notre législation nationale « (art. 52, 1er al., LACI, et art. 324, 4e a.l, CO) », l'indemnité en cas d'insolvabilité couvre ce genre de créances à titre subsidiaire. En effet, si, pour la période couverte par l'indemnité en cas d'insolvabilité, le travailleur peut prétendre des indemnités journalières de maladie ou d'accident ou l'assurance pour perte de gains, elles doivent être déduites du montant de l'indemnité en cas d'insolvabilité. Demeurent réservées des conventions spéciales comme notamment des conventions collectives de travail qui prévoient le versement à l'employeur avec effet libératoire. Il a conclu qu’il pouvait se rallier aux exigences de l'art. 12 (FF 1994 III 481, p. 488).

Le Conseil fédéral a relevé que les dispositions de la convention n’étaient pas directement applicables et que la convention n° 173 n'était par conséquent pas sujette au référendum facultatif sur les traités internationaux selon l'art. 89 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
(Cst - RS 101 ; FF 1994 III 481, p. 490).

5.2 Ainsi, contrairement à ce que soutient la recourante, les dispositions de la convention ne sont pas directement applicables. Le droit suisse, et notamment le système propre à l’indemnité en cas d’insolvabilité, satisfait aux exigences fixées par la convention de l’OIT n° 173, d’autre part.

En outre, si l’art. 12 let. a de la convention ne précise en effet pas que le travail doit avoir été effectivement fourni, force est de constater que cet élément est pris en considération à la let. b (« créances au titre des congés payés dus en raison du travail effectué ») et à la let. c (« créances au titre des montants dus pour d'autres absences rémunérées afférentes à une période déterminée »), de sorte que toutes les créances des travailleurs ne sont pas protégées par la convention.

Enfin, il sera rappelé que l’art. 52 LACI ne fait pas non plus de distinction entre la réalisation ou non de la prestation de travail, mais que cette exigence découle de la jurisprudence et permet de distinguer le droit à l’indemnité pour insolvabilité de celui à l’indemnité de chômage.

6.             Encore plus subsidiairement, la recourante soutient que si elle s’était inscrite au chômage dès le 1er juin 2023, elle aurait subi un dommage de 30% du salaire mensuel perdu, correspondant en l’occurrence à la somme de CHF 3'483.90
(CHF 11'612.90 x 30%), dont elle sollicite l’octroi de la part de l’intimée.

Cette conclusion est difficilement compréhensible, faute de toute argumentation juridique. La chambre de céans se limitera à rappeler que l’indemnité en cas d'insolvabilité et l'indemnité de chômage poursuivent des objectifs différents et que le montant desdites indemnités est prévu par la loi. Le « dommage » qui serait resté à sa charge si elle avait perçu des indemnités de chômage n’est donc pas pertinent.

7.             Partant, le recours sera rejeté.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente

 

 

 

 

Joanna JODRY

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le