Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/818/2025 du 15.10.2025 ( AI ) , REJETE
En droit
| rÉpublique et | canton de genÈve | |
| POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
| A/1152/2024 - A/968/2025 ATAS/818/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
| Arrêt du 15 octobre 2025 Chambre 4 | ||
En la cause
| A______ Représentée par Me Catarina MONTEIRO SANTOS, avocate
| recourante |
contre
|
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE |
intimé |
A. a. A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante) est née le ______ 1972, ressortissante portugaise, résidant en Suisse depuis 2006, mariée et mère de trois enfants nés en 1994, 1997 et 2000. Elle s’est également occupée de son petit-fils qui a été placé chez elle par le SPMI en 2014.
b. Elle a travaillé comme femme de ménage dans une famille à 60% dès septembre 2009 (26 heures par semaine, puis 14 heures par semaine dès 2015).
B. a. L’assurée a formé une demande de prestations d’invalidité le 15 mai 2015, en raison d’un état dépressif depuis 2012.
b. Le 15 octobre 2015, elle a repris son travail.
c. Le 20 octobre 2015, le SMR a indiqué que l’assurée se trouvait en incapacité de travail depuis novembre 2014, en raison d’un burnout qui s’était muté en dépression de gravité moyenne. L’évolution s’était avérée favorable avec une reprise d’activité à 50% dès mai 2015, puis à 100% dès octobre 2015, selon la docteure B______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie
d. Le 3 décembre 2015, l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI ou l’intimé) a refusé de lui octroyer des prestations.
e. Le 17 juin 2016, la Dre B______ a indiqué à l’OAI que l’assurée avait repris son travail à 100% le 1er octobre 2015. L’assurée avait un fils, C______, né en 1994 au Portugal, qui était actuellement sans activité. Il avait un comportement délinquant et avait dû être placé en foyer. Actuellement, il vivait dans sa famille avec ses deux sœurs, dont l’une était au cycle et l’autre à l’ECG. L’assurée avait étudié au Portugal où elle avait obtenu sa maturité, puis elle avait fait un apprentissage de deux ans comme aide éducatrice infantile. Elle avait travaillé 5 ans dans une crèche puis 5 ans dans un service de l’État. Elle avait été très heureuse dans son travail, mais elle était venue en Suisse pour que son mari trouve du travail en 2004. Elle avait alors commencé à faire des ménages. Son fils C______ les avait rejoints en 2005 et leur fille D______ en 2007. En 2009, l’assurée avait trouvé un poste à 50% comme femme de ménage et elle y était encore. Le cancer de son mari s’était déclaré en 2009. Elle était inquiète pour son fils qui ne faisait rien et elle s’occupait de son mari. Elle avait commencé à déprimer et être fatiguée, puis avait entamé un suivi à Phénix en 2014. Elle était capable de travailler.
f. Le 12 juin 2017, la docteure E______, spécialiste en rhumatologie, a indiqué que selon l’anamnèse, l’assurée ressentait des douleurs lombaires et à la périhanche en apparition progressive depuis 2015. Elle était traitée avec effet par physiothérapie et Irien 400 mg.
En 2015, suite à une séance de physiothérapie lors de laquelle son pied gauche aurait trop été mobilisé, le diagnostic de fissure osseuse ou pathologie musculaire avait été posé. La douleur du pied gauche persistait et remontait jusqu’à la périhanche de l’assurée. En novembre 2016 en poussant une chaise roulante, elle avait eu mal à la cheville droite, avec une irradiation dans la hanche. La douleur s’aggravait. L’assurée avait été adressée à la Dre E______ pour une suspicion de spondyloarthrite, diagnostic qui n’avait pas été posé.
g. Le docteur F______, médecin praticien spécialiste, a indiqué, le 9 mai 2017, que l’assurée souffrait de lombosciatalgies et de douleurs à la hanche et au pied gauches. Les douleurs s’atténuaient en cours de journée. L’assurée faisait des entorses à répétition au pied gauche et était incapable de travailler à 100% dès le 1er janvier 2017.
C. a. L’assurée a formé une nouvelle demande de prestations d’invalidité le 8 septembre 2017.
b. Le 29 septembre 2017, elle a été expertisée par le docteur G______, spécialiste en rhumatologie, qui a indiqué qu’elle souffrait de douleurs au pied gauche, qui avaient débuté à la suite d’une manipulation brusque de la cheville gauche en 2015, avec une récidive en novembre 2016. Elle avait repris son activité avec une capacité de travail de 100% (activité de 14 heures par semaine). Elle ne souffrait pas d’un syndrome douloureux chronique.
c. L’assurée a consulté le docteur H______, chiropraticien, le 14 novembre 2017, lequel a indiqué qu’elle souffrait de lombalgies, d’une sciatique non déficitaire gauche, d’une arthralgie du pied gauche et d’une dépression. L’activité habituelle était exigible à 70% avec un rendement réduit de 30%-50%. Elle pouvait travailler de 20 à 14 heures par semaine en allégeant les charges.
d. Dans un rapport du 21 février 2018, le Dr F______ a indiqué que l’état de santé de l’assurée s’était aggravé, avec une rupture ligamentaire de la cheville gauche survenue en décembre 2017. Une intervention chirurgicale était prévue le 8 mars 2018. Les limitations fonctionnelles étaient une instabilité de la cheville. La reprise du travail n’était pas possible actuellement, mais elle était envisageable ultérieurement.
e. Dans un rapport du 8 mars 2018, le professeur I______, spécialiste en chirurgie orthopédique, a posé le diagnostic de laxité antéro-externe de la cheville droite et indiqué avoir procédé à une plastie-suture du ligament latéral externe ainsi que d’un nœud fibreux à la façon de Muller.
f. Le 2 mai 2018, le Dr F______ a indiqué à l’OAI que l’état de santé de l’assurée s’était aggravé depuis fin décembre 2017, avec une capacité de travail de 0% dès le 31 janvier 2018 dans toute activité.
g. Le 5 août 2018, le SMR a retenu que l’assurée était totalement incapable de travailler dès le 2 janvier 2017 dans son activité habituelle de femme de ménage et qu’elle était capable de travailler dans une activité adaptée à 50%, avec une augmentation possible à 75% dès le 8 septembre 2018 (six mois post opératoires).
h. En septembre 2018, l’époux de l’assurée a subi une rechute de son cancer de la mâchoire, qui avait commencé en 2009.
i. Dans un rapport du 12 novembre 2018 établi par un médecin du Centre médico‑chirurgical (Genève) CMC SA (ci-après : CMC), il est indiqué que depuis quatre ans, l’assurée subissait des entorses à répétition de la cheville gauche avec une évolution favorable après l’opération du 8 mars 2018 s’agissant de l’instabilité, mais avec toujours une raideur et probablement un syndrome douloureux régional complexe (ci-après : SDRC). Sur le plan rhumatologique, l’assurée souffrait d’arthralgies multiples avec de l’arthrose des apophyses postérieures du rachis lombaire et d’une pathologie dégénérative du rachis cervical. Sa capacité de travail était de 0% dans l’activité habituelle et de 50-75% dans une activité adaptée, en position strictement assise. Une évaluation était nécessaire pour établir les limitations fonctionnelles en lien avec sa pathologie lombaire.
j. En décembre 2018, l’assurée a subi une entorse de la cheville droite.
k. Le 4 janvier 2019, l’OAI a estimé que l’assurée avait un statut mixte, de 61% pour la part professionnelle et de 39% pour les travaux habituels.
l. Selon un rapport d’enquête économique sur le ménage du 26 mars 2019, ses empêchements étaient de 32.20% sans exigibilité et de 0% avec exigibilité de l’aide de son époux et de ses trois enfants, qui étaient âgés de 18, 21 et 24 ans, en tenant compte du fait que son époux était lui-même atteint dans sa santé et que son aide était limitée et fluctuante.
D. a. Par projet de décision du 23 avril 2019, l’OAI a rejeté la demande de prestations de l’assurée.
b. Cette dernière a formé opposition à ce projet de décision le 22 mai 2019.
c. Le 14 juin 2019, la Dre B______ a indiqué que l’assurée était sous antidépresseurs depuis le 1er mars 2017 et que son état psychique s’était péjoré. Elle vivait actuellement une situation difficile avec la rechute cancéreuse de son époux. Elle était fatiguée de lutter contre sa douleur de la jambe et n’avait plus la motivation de vivre.
d. Le 6 février 2020, la Dre B______ a diagnostiqué un épisode dépressif moyen de l’assurée avec syndrome somatique, suite à une rechute dépressive depuis Noël 2019, en lien avec l’annonce de fin de vie de son époux, qui était en soins palliatifs à domicile. La capacité de travail de l’assurée était de 0% dans une activité adaptée tant que son mari serait en soins palliatifs.
e. Le 25 mars 2020, l’époux de l’assurée est décédé.
f. Le 9 novembre 2020, la Dre B______ a indiqué que l’assurée souffrait d’un épisode dépressif moyen, avec syndrome somatique, en rechute dépressive depuis Noël 2019, en raison de l’annonce de fin de vie de son époux, puis du décès de celui-ci.
g. Le 9 mars 2021, le Dr F______ a estimé que la capacité de travail de l’assurée dans une activité adaptée était de 0% sur les plans psychique et somatique.
h. Le 18 mai 2021, le docteur J______, spécialiste en neurologie, a estimé que la capacité de travail de l’assurée était de 100%.
i. Dans un rapport d’expertise du 8 avril 2022, le docteur K______, spécialiste en psychiatrie, et le docteur L______, spécialiste en rhumatologie, du Bureau d’Expertises Médicales (ci-après : BEM), sont retenu que, sur le plan somatique, l’assurée était totalement capable de travailler dans son activité habituelle dès septembre 2018. Sa capacité de travail avait été de 0% de décembre 2014 à mai 2015 sur le plan somatique, puis sur le plan psychique jusqu’à décembre 2019, avec une capacité de travail de 70% dès décembre 2019. L’activité habituelle était adaptée aux limitations fonctionnelles. En conclusions consensuelles, la capacité de travail de l’assurée était de 70% dans toute activité dès décembre 2019 pour des raisons uniquement psychiatriques.
j. Le 12 avril 2022, le SMR s’est écarté des conclusions de l’expertise sur le plan somatique, car les status post opératoires et l’atteinte arthrosique étaient à son avis incompatibles avec la poursuite d’une activité nécessitant des ports de charges et l’utilisation répétée du membre supérieur. En revanche, le SMR était d’accord avec les conclusions de l’expert psychiatrique. Il retenait en conséquence une capacité de travail de 0% dans l’activité habituelle dès le 2 janvier 2017 et, dans une activité adaptée, de 75% dès le 8 septembre 2018 et de 70% dès le 1er décembre 2019.
k. Le 29 août 2022, la Dre B______ a indiqué que l’assurée était sous traitement médicamenteux sans se prononcer sur sa capacité de travail.
l. Selon une note du service de réadaptation du 11 octobre 2022, l’assurée disait avoir chuté le 5 octobre précédent à son domicile et avoir mal au poignet droit. Il s’agissait d’une conséquence de sa problématique de la cheville gauche, car elle n’avait plus d’équilibre, ce qui la faisait tomber. Elle avait eu horriblement mal partout après cette chute.
m. Le 17 octobre 2022, il a été décidé que l’assurée suivrait un stage d’orientation aux ÉPI du 31 octobre 2022 au 5 février 2023.
n. Selon une note du service de réadaptation du 21 octobre 2022, l’assurée avait subi une nouvelle chute qui avait été annoncée à l’OAI le 13 octobre 2022. Elle avait le poignet droit cassé et deux tendons déchirés. L’entrée en mesure d’orientation n’avait plus de sens.
o. Selon un rapport final de mesure d’ordre professionnelle du 25 octobre 2022, le mandat était fermé, car des mesures de réadaptation n’étaient pas appropriées à la situation. Il fallait clarifier l’exigibilité à la lumière des atteintes survenues postérieurement à celles identifiées par le SMR le 12 avril 2022.
p. Le 15 novembre 2022, le professeur M______, spécialiste en médecine interne et néphrologie, a proposé une pause des investigations dans ce domaine pour traiter la pathologie gastro-intestinale de l’assurée.
q. Le 16 décembre 2022, l’assurée a bénéficié d’une infiltration à l’épaule et au poignet droits.
r. Le 28 février 2023, le docteur N______, spécialiste en rhumatologie, a indiqué qu’il allait étudier les radios et IRM des différentes structures articulaires de l’assurée, mais qu’il avait l’impression que la part essentielle de ses douleurs n’était probablement pas organique. Il pouvait toutefois se tromper.
s. Dans un rapport signé le 5 octobre 2023 par les docteurs O______, spécialiste en orthopédie, et le docteur P______, médecin praticien, il est indiqué que l’assurée était incapable de travailler dans toute activité dès le 5 octobre 2022, en raison d’une tendinopathie fissuraire de l’épaule droite et du poignet avec des douleurs lombaires et des cruralgies à droite. Une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée était possible « à faire évaluer par la suite ». L’assurée était en mesure de suivre une mesure de réadaptation.
t. Le 14 novembre 2023, le SMR a retenu, sur la base du rapport médical établi le 5 octobre 2023, une capacité de travail de 0% dans l’activité habituelle et dans une activité adaptée de 0% depuis le 5 octobre 2022 et de 50% dès le 5 octobre 2023.
u. Selon une note du 23 novembre 2023 du service de réadaptation, compte tenu de la situation de l’assurée (capacité de travail, limitations fonctionnelles, parcours professionnel et gains réalisés) des mesures n’étaient pas de nature à réduire le dommage. Elles ne répondaient pas aux conditions de la simplicité ni de l’adéquation. De plus, il ressortait du dossier et de la première tentative de réadaptation que l’assurée ne remplissait pas les conditions subjectives pour la réussite de mesures, car elle était peu encline et motivée à en suivre.
v. Par décision du 7 mars 2024, l’OAI a octroyé à l’assurée une rente de 61% d’une rente entière du 1er janvier au 31 décembre 2023 et dit que des mesures professionnelles n’étaient pas indiquées. Suite à un complément d’instruction, il était retenu qu’elle avait été incapable de travailler à 100% dès le 2 janvier 2017 (début du délai d’attente d’un an) au 9 juillet 2017, puis à 70% du 10 juillet au 30 septembre 2017, 50% du 1er au 31 octobre 2017, 0% du 1er novembre 2017 au 29 janvier 2018 (interruption du délai d’attente d’un an) et à 100% dès le 30 janvier 2018 (nouveau délai d’attente d’un an).
Sa capacité de travail était de 0% dans l’activité habituelle.
Sa capacité dans une activité adaptée était de 70% du 8 septembre 2018 au 30 novembre 2019 (plus trois mois = dès le 1er mars 2020).
Sa capacité de travail était de 0% du 5 octobre 2022 au 4 octobre 2023 (plus trois mois = dès le 1er janvier 2024).
Sa capacité de travail était de 50% dès le 5 octobre 2023 dans une activité adaptée de sorte qu’elle n’avait plus droit à une rente dès le 1er février 2024 (taux global 19%).
Du 1er janvier 2019 au 31 mars 2020, le taux d’invalidité de l’assurée était de 75% dans une activité adaptée.
Du 1er avril 2020 au 31 décembre 2022, il était de 70%.
Du 1er janvier au 31 décembre 2023, il était de 61%, ce qui ouvrait à l’assurée le droit à une rente de 61%.
Dès le 1er janvier 2024, la capacité de travail était de 50% dans l’activité adaptée, le taux d’invalidité était de 31.20% sur le plan professionnel. En tenant compte des travaux ménagers, il était de 19%, de sorte que le droit à la rente devait être supprimé dès le 31 décembre 2023.
E. a. L’assurée a formé recours contre la décision de l’OAI, agissant seule, le 6 avril 2024, puis assistée d’un conseil dès le 22 avril 2024.
Elle concluait, préalablement, à son audition ainsi qu’à une expertise bidisciplinaire, et, principalement, à une rente de 100% illimitée dans le temps, avec suite de frais et dépens. Elle faisait valoir que son état se dégradait et que sa capacité de travail n’était pas de 50% dans une activité adaptée dès le 5 octobre 2023, en raison de la fibromyalgie et de la dépression chronique dont elle souffrait en lien avec ses douleurs.
b. Le 2 mai 2024, l’intimé a conclu au rejet du recours et à la confirmation de sa décision qui était fondée sur une expertise probante du BEM.
c. Les parties ont été entendues par la chambre de céans le 19 février 2025.
d. Elles ont par la suite persisté dans leurs conclusions.
F. a. Par décision du 14 février 2025, l’intimé a informé l’assurée que du 1er janvier au 31 décembre 2023, elle avait droit à une rente entière d’invalidité de CHF 1'458.- par mois.
b. Le 19 mars 2025, la recourante a formé recours auprès de la chambre de céans contre la décision précitée, relevant qu’une décision avait déjà été rendue par l’OAI le 7 mars 2024 sur son droit à une rente pour l’année 2023. Il s’agissait donc d’une nouvelle décision portant partiellement sur le même objet, ce qui était surprenant vu l’instruction en cours suite à son recours contre la décision de l’intimé du 7 mars 2024. La recourante sollicitait la jonction des causes, qui portaient sur un contexte de fait identique et à l’annulation de la décision du 14 février 2025, avec suite de frais et dépens.
c. Le 15 avril 2025, l’intimé a relevé que la décision litigieuse remplaçait celle déjà contestée dans la procédure A/1152/2024 et a conclu à la jonction des procédures, relevant qu’elles avaient la même motivation de base et que seul changeait le montant de la rente, en raison de la modification des revenus pris en compte pour le calcul du revenu annuel moyen déterminant, qui comprenait un supplément pour personne veuve.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).
2.
2.1 Selon l'art. 70 LPA, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune (al. 1). La jonction n'est toutefois pas ordonnée si la première procédure est en état d'être jugée alors que la ou les autres viennent d'être introduites (al. 2).
Selon la doctrine et la jurisprudence, l'art. 70 LPA est une norme potestative. La décision de joindre ou non des causes en droit administratif procède ainsi avant tout de l'exercice du pouvoir d'appréciation du juge, qui est large en la matière. Elle peut également reposer sur des considérations d'économie de procédure, ce que l'art. 70 al. 2 LPA rappelle du reste expressément. Une jonction des causes ne présente d'utilité que si elle permet de simplifier la procédure ; elle se justifie en présence de situations identiques (Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 237 et références jurisprudentielles citées).
2.2 En l’espèce, il se justifie de joindre les procédures, qui portent sur le droit à une rente d’invalidité de la recourante pour la même période, la décision du 14 février 2025 n’étant qu’un nouveau calcul du montant pour l’année 2023 et ne revenant pas sur le droit de la recourante à une rente tel qu’il avait été établi par la décision du 7 mars 2024.
3. Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente entière d’invalidité dès le 1er janvier 2023 sans limitation dans le temps.
4.
4.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI ‑ RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.
En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).
Selon la jurisprudence, une décision par laquelle l'assurance-invalidité accorde une rente d'invalidité avec effet rétroactif et, en même temps, prévoit l'augmentation, la réduction ou la suppression de cette rente, correspond à une décision de révision au sens de l’art. 17 LPGA (ATF 130 V 343 consid. 3.5.2 ; 125 V 413 consid. 2d et les références ; VSI 2001 p. 157 consid. 2). Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d'invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l'art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l'état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 130 V 343 consid. 3.5 ; 113 V 273 consid. 1a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_1006/2010 du 22 mars 2011 consid 2.2).
Dans les cas de révision selon l'art. 17 LPGA, conformément aux principes généraux du droit intertemporel (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1), il convient d’évaluer, selon la situation juridique en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, si une modification déterminante pour le droit à la rente est intervenue jusqu’à cette date. Si tel est le cas, les dispositions de la LAI et celles du RAI dans leur version valable jusqu'au 31 décembre 2021 sont applicables. Si la modification déterminante est intervenue après cette date, les dispositions de la LAI et du RAI dans leur version en vigueur à partir du 1er janvier 2022 sont applicables. La date de la modification se détermine selon l'art. 88a RAI (arrêts du Tribunal fédéral 8C_55/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.2 ; 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.3).
En l’occurrence, est litigieuse la révision, au sens de l’art. 17 LPGA, d’une rente d’invalidité dont le droit est né postérieurement au 31 décembre 2021, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.
4.2 L’art. 17 al. 1 LPGA dispose que la rente d'invalidité est, d'office ou sur demande, révisée pour l'avenir, à savoir augmentée, réduite ou supprimée, lorsque le taux d'invalidité de l'assuré :
a. subit une modification d'au moins 5 points de pourcentage, ou
b. atteint 100%.
Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA (ATF 149 V 91 consid. 7.5 et les références). La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important. Tel est le cas lorsque la capacité de travail s'améliore grâce à l'accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 147 V 167 consid. 4.1 et les références).
Une amélioration de la capacité de gain ou de la capacité d'accomplir les travaux habituels de l'assuré n'est déterminante pour la suppression de tout ou partie du droit aux prestations qu'à partir du moment où l'on peut s'attendre à ce que l'amélioration constatée se maintienne durant une assez longue période. Il en va de même lorsqu'un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans interruption notable et sans qu'une complication prochaine soit à craindre (art. 88a al. 1 RAI). Le fardeau de la preuve quant à cette amélioration de la capacité de travail incombe à l’administration (arrêt du Tribunal fédéral 8C_510/2020 du 15 avril 2021 consid. 2.2 et les références).
Un motif de révision a été retenu notamment lorsqu’une méthode différente d’évaluation de l’invalidité s’applique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_716/2022 du 5 juillet 2023 consid. 4.2), lors d’un changement de poste de travail (arrêt du Tribunal fédéral 9C_33/2016 du 16 août 2016 consid. 8.1) et lorsqu’une mesure de réadaptation a réussi (arrêt du Tribunal fédéral 9C_231/2016 du 1er juin 2016 consid. 2.1).
En revanche, il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 147 V 167 consid. 4.1 et les références). Un motif de révision au sens de l'art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références). Le simple fait qu'un diagnostic ne soit plus retenu à la suite d'un examen ultérieur ne saurait justifier, à lui seul, la révision du droit à la rente, dans la mesure où un tel constat ne permet pas d'exclure l'existence d'une appréciation différente d'un état de fait qui, pour l'essentiel, est demeuré inchangé. Une modification sensible de l'état de santé ne saurait être admise que si le nouveau diagnostic est corroboré par un changement clairement objectivé de la situation clinique et par l'amélioration, voire la disparition des limitations fonctionnelles précédemment décrites (arrêts du Tribunal fédéral 9C_860/2015 du 1er juin 2016 consid. 4.3 ; cf. également 9C_353/2020 du 5 mai 2021 consid. 2.2 et les références).
Les constatations et conclusions médicales dans le cadre d’une révision doivent porter précisément sur les changements survenus par rapport à l’atteinte à la santé et à ses effets depuis l’appréciation médicale antérieure déterminante. La valeur probante d’une expertise réalisée dans le cadre de la révision du droit à la rente dépend donc essentiellement de la question de savoir si elle contient des explications suffisantes sur la mesure dans laquelle une modification de l’état de santé a eu lieu. Demeurent réservées les situations dans lesquelles il est évident que l’état de santé s’est modifié (arrêt du Tribunal fédéral 8C_385/2023 du 30 novembre 2023 consid. 4.2.3 et les références).
L'octroi rétroactif d'une rente d'invalidité limitée dans le temps présuppose, en règle générale, l'existence de motifs de révision, c'est-à-dire un changement ayant une incidence sur le droit à la rente intervenu avant même que la décision de rente ne soit rendue (ATF 148 V 321 consid. 7.3.1 ; 145 V 215 V 215 consid. 8.2 ; 145 V 209 consid. 5.3). Dans le cas de l’octroi rétroactif d’une rente temporaire ou échelonnée, les bases de comparaison déterminantes sont, d'une part, la date du début du droit à la rente et, d'autre part, la date de la modification du droit à la rente compte tenu du délai de trois mois de l'art. 88a RAI (arrêt du Tribunal fédéral 8C_51/2024 du 2 juillet 2024 consid. 2.4 et les références).
4.3 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).
A droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (art. 28 al. 1 LAI).
Une rente n’est pas octroyée tant que toutes les possibilités de réadaptation au sens de l’art. 8 al. 1bis et 1ter n’ont pas été épuisées (art. 28 al. 1bis LAI).
La notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).
4.4 L'évaluation des syndromes sans pathogenèse ni étiologie claire et sans constat de déficit organique ne fait pas l'objet d'un consensus médical (arrêt du Tribunal fédéral 9C_619/2012 du 9 juillet 2013 consid. 4.1).
Dans un arrêt du 3 juin 2015 (ATF 141 V 281), le Tribunal fédéral a jugé que la capacité de travail réellement exigible des personnes souffrant d’une symptomatologie douloureuse sans substrat organique doit être évaluée dans le cadre d’une procédure d’établissement des faits structurée et sur la base d’une vision d’ensemble, à la lumière des circonstances du cas particulier et sans résultat prédéfini. L’évaluation doit être effectuée sur la base d’un catalogue d’indicateurs de gravité et de cohérence. Les principes jurisprudentiels développés en matière de troubles somatoformes douloureux sont également applicables à la fibromyalgie (ATF 132 V 65 consid. 4.1).
La fibromyalgie est une affection rhumatismale reconnue par l'Organisation mondiale de la santé (CIM-10, M79.0). Elle est caractérisée par une douleur généralisée et chronique du système ostéo-articulaire et s'accompagne généralement d'une constellation de perturbations essentiellement subjectives (tels que fatigue, troubles du sommeil, sentiment de détresse, céphalées, manifestations digestives et urinaires d'allure fonctionnelle). Les critères diagnostiques, établis pour la première fois par l'American Rheumatism Association, sont la combinaison d'une douleur généralisée intéressant l'axe du corps, les hémicorps droit et gauche, à la fois au-dessus et en dessous de la taille, durant au moins trois mois, ainsi que des douleurs à la palpation d'au moins 11 points douloureux ("tender points") sur 18. Si les symptômes fibromyalgiques se manifestent de la même manière sous les deux formes, celle secondaire - qui est trois fois plus répandue dans la population - se distingue de celle primaire par le fait qu'elle se trouve associée à d'autres maladies (par exemple des maladies dégénératives rhumatismales). Aucune étiologie n'a pu être clairement établie pour la forme primaire de la fibromyalgie, dont le diagnostic est posé par exclusion (tender points douloureux en l'absence de toute autre maladie, en particulier inflammatoire) (ATF 132 V 65).
La reconnaissance de l'existence d’une fibromyalgie suppose d'abord la présence d'un diagnostic émanant d’un rhumatologue s'appuyant lege artis sur les critères d'un système de classification reconnu (ATF 132 V 65 consid. 3.2).
4.5 Lors de l'examen du droit à une rente d'invalidité en cas de troubles psychiques, il y a lieu d'examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs (ATF 141 V 281 ; 143 V 409 consid. 4.5 et 143 V 418 consid. 6 et 7), car les maladies psychiques ne peuvent en principe être déterminées ou prouvées que de manière limitée sur la base de critères objectifs. La question des effets fonctionnels d'un trouble doit dès lors être au centre. La preuve d'une invalidité ouvrant le droit à une rente ne peut en principe être considérée comme rapportée que lorsqu'il existe une cohérence au niveau des limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation de la capacité de travail invalidante n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée.
Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1). Il convient également d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs limitant les capacités fonctionnelles et, d'autre part, les potentiels de compensation (ressources).
La reconnaissance d’un trouble psychique doit reposer sur le diagnostic posé par un psychiatre (ATF 130 V 396 consid. 5.3).
4.6 Le Tribunal fédéral a développé dans sa jurisprudence relative à l’établissement de la capacité de travail exigible des personnes souffrant d’une symptomatologie douloureuse sans substrat organique les indicateurs suivants, qui s’appliquent également pour déterminer la capacité de travail exigible des personnes souffrant de troubles psychiques :
Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic. Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par l'atteinte de celles dues à des facteurs non assurés.
Il convient encore d'examiner le succès du traitement et de la réadaptation ou la résistance à ces derniers. Ce critère est un indicateur important pour apprécier le degré de gravité. L’échec définitif d’un traitement indiqué, réalisé lege artis sur un assuré qui coopère de manière optimale, permet de conclure à un pronostic négatif. Si le traitement ne correspond pas ou plus aux connaissances médicales actuelles ou paraît inapproprié dans le cas d’espèce, on ne peut rien en déduire s’agissant du degré de gravité de la pathologie. Les troubles psychiques sont invalidants lorsqu'ils sont graves et ne peuvent pas ou plus être traités médicalement. Des déductions sur le degré de gravité d’une atteinte à la santé peuvent être tirées non seulement du traitement médical mais aussi de la réadaptation. Si des mesures de réadaptation entrent en considération après une évaluation médicale, l’attitude de l’assuré est déterminante pour juger du caractère invalidant ou non de l’atteinte à la santé. Le refus de l'assuré d'y participer est un indice sérieux d'une atteinte non invalidante. À l’inverse, une réadaptation qui se conclut par un échec en dépit d’une coopération optimale de la personne assurée peut être significative dans le cadre d’un examen global, tenant compte des circonstances du cas particulier (consid. 4.3.1.2).
La comorbidité psychique ne doit être prise en considération qu’en fonction de son importance concrète dans le cas d’espèce, par exemple pour juger si elle prive l’assuré de ressources. Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble psychique avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Un trouble qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidant en tant que tel n’est pas une comorbidité, mais doit à la rigueur être pris en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité.
Il convient ensuite d'accorder une importance accrue au complexe de personnalité de l’assuré (développement et structure de la personnalité, fonctions psychiques fondamentales). Le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du Moi » (conscience de soi et de l’autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation) entre aussi en considération. Comme les diagnostics relevant des troubles de la personnalité sont, plus que d’autres indicateurs, dépendants du médecin examinateur, les exigences de motivation sont particulièrement élevées.
Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie.
Il s’agit, encore, de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé.
Il faut examiner ensuite la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, pour évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré, est là aussi, un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons que l'atteinte à la santé assurée.
Le juge vérifie librement si l’expert médical a exclusivement tenu compte des déficits fonctionnels résultant de l’atteinte à la santé et, si son évaluation de l’exigibilité repose sur une base objective. Une expertise psychiatrique est, en principe, nécessaire quand il s'agit de se prononcer sur l'incapacité de travail que les troubles somatoformes douloureux sont susceptibles d'entraîner (ATF 130 V 352 consid. 2.2.2 et 5.3.2).
4.7 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).
Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).
En principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).
5.
5.1 En l’espèce, la recourante fait valoir que son état s’était dégradé et que sa capacité de travail n’était pas de 50% dans une activité adaptée dès le 5 octobre 2023, en raison de la fibromyalgie et de la dépression chronique dont elle souffrait en lien avec ses douleurs, et demande qu’une expertise soit ordonnée.
L’intimé s’est fondé, pour rendre la décision querellée, sur le rapport établi le 5 octobre 2023 par les Drs O______ et P______, qui retenaient que la recourante n’était, pour l’instant, pas capable de reprendre son activité professionnelle, en raison des tendinopathies fissuraires à l’épaule droite et de son poignet, des douleurs lombaires et de la cruralgie droite, pour un délai indéterminé. Une activité adaptée était possible à 50%, à faire évaluer par la suite.
La recourante invoque le diagnostic fibromyalgie, qui n’était pas retenu par les Drs O______ et P______, lesquels sont respectivement médecin praticien et orthopédiste et par conséquent pas compétents pour se prononcer sur ce diagnostic.
Il ressort du rapport d’expertise du BEM du 8 avril 2022 que l’expert rhumatologue a examiné cette question et qu’il n’a pas retenu le diagnostic de fibromyalgie, précisant, s’agissant des critères de ce diagnostic, que l’indice d’étendue de la douleur était de 5/19 et l’échelle des symptômes de 5/12 et que, s’agissant des symptômes et signes de Waddell, les symptômes étaient de 2/5 et les signes de 2/5.
Dans un rapport du 28 février 2023, le Dr N______, spécialiste en rhumatologie, a examiné la recourante et indiqué en conclusion qu’il avait l’impression que la part essentielle des douleurs de celle-ci n’était probablement pas organique, précisant qu’il pouvait se tromper. Ce rapport ne remet pas sérieusement en cause les conclusions de l’expert rhumatologue, dès lors que le Dr N______ n’a pas évoqué le diagnostic de fibromyalgie, ni fait de constats à ce sujet.
L’expert rhumatologue G______ n’a pas non plus retenu ce diagnostic en 2017, ni la Dre E______, qui est également rhumatologue, dans ses rapports des 12 juin et 4 août 2017.
Il sera encore relevé que l’expert psychiatre du BEM a retenu qu’il n’y avait pas d’éléments permettant de retenir un trouble somatoforme persistant, car les douleurs n’étaient pas mises en avant dans le tableau clinique. Il n’y avait pas de dramatisation par la recourante ni de refus de reconnaître les conclusions rassurantes des médecins, les douleurs pouvaient trouver une explication physiologique et la recourante ne cherchait pas une sollicitation accrue de son entourage.
En conclusion, aucune pièce médicale au dossier ne permet de retenir que la recourante souffrirait d’une fibromyalgie, voire d’un trouble somatoforme persistant, de sorte que son premier grief doit être écarté.
5.2
5.2.1 S’agissant de l’état dépressif allégué par la recourante, l’expert psychiatre du BEM a retenu, en mars 2022, le diagnostic incapacitant de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen, avec syndrome somatique (F33.11), ce qui correspond au rapport de la psychiatre de la recourante, la Dre B______ du 6 février 2020, qui retenait ce diagnostic suite à une rechute dépressive depuis Noël 2020. L’expert psychiatre a relevé que la symptomatologie décrite par la psychiatre traitante le 9 novembre 2020 était proche de celle qu’il décrivait.
Le 25 mars 2020, l’époux de l’assurée est décédé.
Le 9 novembre 2020, la Dre B______ a indiqué que l’état psychique de la recourante s’était aggravé, car elle vivait une période difficile en raison du décès de son époux. Elle n’arrivait pas à travailler et ses enfants s’occupaient de tout à la maison. Elle retenait toujours un épisode dépressif moyen avec syndrome somatique. S’agissant de la capacité de travail de la recourante dans son activité habituelle, la Dre B______ a indiqué qu’elle était actuellement en arrêt maladie à 100%, lequel avait été ordonné par le Dr F______. Les limitations fonctionnelles étaient la fatigue, pas de concentration, pas d’énergie, un épuisement, une fluctuation dans l’humeur, une anesthésie psychique, un deuil difficile et le manque de son mari. La psychiatre a précisé que, du point de sa spécialité, il était difficile de se prononcer sur la capacité de travail dans une activé adaptée aux limitations fonctionnelles, la recourante disant vouloir obtenir une rente d’invalidité.
L’expert psychiatre a constaté que le rapport de la Dre B______ du 9 novembre 2020 faisait état d’une symptomatologie proche de celle qu’il avait constatée. Selon lui, les limitations étaient des troubles légers de l’attention, de la fatigabilité et le travail exigible devait être peu sollicitant intellectuellement, répétitif et sans prise de décision immédiate ni traitement d’informations simultanées. Il a retenu que la capacité de travail de la recourante était de 70% par baisse de rendement de 30% dès décembre 2019.
Dans la mesure où la psychiatre de la recourante ne s’est pas prononcée sur la capacité de travail de celle-ci dans une activité adaptée dans son rapport du 9 novembre 2020, ni par la suite d’ailleurs, elle n’a pas remis en cause les conclusions de l’expert psychiatre sur ce point.
5.2.2 Il convient d’examiner encore si l’expert psychiatre a déterminé la capacité de travail de la recourante sur la base des indicateurs de gravité développés par le Tribunal fédéral s’agissant des atteintes psychiques.
Il n’a pas examiné de manière systématique et explicite les indicateurs de gravité, mais il a suffisamment motivé son rapport pour que l’on puisse considérer qu’il les a pris en compte.
S’agissant du degré de gravité minimal inhérent au diagnostic, il a relevé que la plupart des symptômes de la recourante étaient d’intensité moyenne.
L’on ne peut retenir l’indicateur d’un échec définitif du traitement malgré une bonne collaboration de la recourante, dès lors que l’expert psychiatre n’a pas retenu un épisode dépressif chronique, au motif que la recourante avait déjà connu une nette amélioration clinique dès mai 2025, suite à un épisode dépressif incapacitant en 2014. De plus, il préconisait la poursuite de la psychothérapie et un éventuel changement de la thérapie médicamenteuse devant l’absence d’amélioration clinique, ce qui était susceptible d’apporter une amélioration clinique en l’espace de six mois.
L’expert n’a pas retenu de comorbidités psychiques ni de troubles de la personnalité pouvant avoir un impact important sur les ressources de la recourante. La personnalité de celle-ci était, selon son appréciation, marquée par une volonté d’être indépendante, surtout financièrement, et le fait de demander l’aide de ses enfants était vécu comme un effondrement narcissique. Cela étant, l’expert ne trouvait pas de véritable dépendance même si la recourante avait besoin de l’aide des autres. Elle était capable de prendre des décisions même si cela était plus difficile en raison de la dépression.
Elle habitait avec ses deux filles et pouvait faire un peu de ménage et parfois préparer à manger. Ses enfants lui faisaient les courses et une de ses filles pouvait l’aider pour les tâches ménagères. La recourante indiquait être soutenue et ne pas être critiquée par son entourage. Elle s’enfermait beaucoup et voyait moins ses amis. Elle voyait toutefois encore une amie de longue date de temps en temps. Avant, elle aimait aller au cinéma, marcher au bord du lac et se promener. Maintenant, elle avait moins d’activités, car elle n’avait pas d’envies. Son fils aîné avait eu de mauvaises fréquentations et des problèmes judiciaires, mais il allait bien actuellement. Elle n’avait pas eu d’autres difficultés relationnelles ou éducationnelles avec ses autres enfants.
Il ressort de ce qui précède que la recourante dispose encore de certaines ressources et que son atteinte à la santé la limite de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités.
L’expert a précisé n’avoir retrouvé aucune incohérence clinique ni exagération des douleurs. Il avait trouvé des signes objectivables de fatigue et de fatigabilité durant l’entretien et quelques troubles d’attention, ce qui corroborait les dires de l’expertisée, qui avait une bonne confiance médicamenteuse. Il n’apparaît ainsi pas que celle-ci aurait eu un comportement incohérent pouvant indiquer que ses limitations fonctionnelles seraient dues à d’autres raisons que son atteinte à la santé assurée.
En conclusion, les conclusions de l’expert psychiatre qui retient une capacité de travail de 70% par baisse du rendement de 30% sur le plan strictement psychiatrique apparaissent compatibles avec l’analyse des indicateurs de gravité.
Le rapport établi par la Dre B______ le 9 novembre 2020, n’amène pas d’éléments qui remettraient sérieusement en cause l’analyse des indicateurs faite sur la base du rapport de l’expert psychiatre.
Il en résulte qu’il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la dépression de la recourante ne l’empêchait pas de travailler à 50% dès le 5 octobre 2023.
C’est donc à juste titre que l’intimé a retenu, sur la base d’une capacité de travail résiduelle de 50%, que le taux d’invalidité de la recourante était de 19% dès le 1er janvier 2024 – soit trois mois après l’amélioration de sa capacité de travail survenue le 5 octobre 2023, en application de l’art. 88a RAI – ce qui ne lui ouvrait plus de droit à une rente d’invalidité.
5.3 S’agissant du statut de la recourante, la chambre de céans constate, à teneur de la note sur le statut de l’intimé du 4 janvier 2019, que la recourante n’a pas été interpellée à ce sujet, qui relève pourtant de sa volonté interne. L’intimé ne pouvait s’en tenir au taux de la dernière activité exercée par la recourante avant son atteinte à la santé.
Il faut également relever que l’intimé a indiqué dans cette note que la recourante était sans formation professionnelle, ce qui est faux, dès lors qu’il ressort de son dossier qu’elle a obtenu sa maturité, puis qu’elle a fait un apprentissage de deux ans comme aide éducatrice infantile. Elle a ensuite travaillé cinq ans dans une crèche, puis cinq ans dans un service de l’État portugais. Elle a été très heureuse dans son travail, qu’elle a dû quitter lorsqu’elle est venue en Suisse en 2004 pour que son mari trouve du travail, ce qui démontre une personne motivée par le travail.
Elle a renoncé à faire une équivalence de sa formation en Suisse et commencé à faire des ménages pour des raisons financières.
Elle a déclaré avoir voulu travailler à temps partiel lorsque ses enfants étaient jeunes, mais qu’elle aurait augmenté son temps de travail à 100%, si elle avait été en bonne santé, lorsque le plus jeune de ses enfants aurait atteint 16 ou 17 ans, précisant que le fait qu’elle devait garder son petit-fils ne l’aurait pas empêchée de travailler, car le SPMI payait une personne pour s’occuper de lui lorsqu’il n’était pas à la crèche. En 2017, date de sa demande de prestations, ses enfants étaient âgés 23 ans, 20 ans et 17 ans, de sorte qu’en bonne santé, elle se serait sentie libre de travailler plus.
Le fait que son époux touchait une rente d’invalidité puis son décès sont des circonstances qui laissent penser qu’en bonne santé, elle aurait effectivement privilégié un emploi à plein temps. Le fait que cela soit rare dans son domaine d’activité ne permet pas de l’exclure.
Par ailleurs, pour déterminer la méthode d'évaluation du degré d'invalidité applicable au cas particulier, il faut non pas, malgré la teneur de l'art. 8 al. 3 LPGA, chercher à savoir dans quelle mesure l'exercice d'une activité lucrative aurait été exigible de la part de la personne assurée, mais se demander ce que l'assurée aurait fait si l'atteinte à la santé n'était pas survenue (ATF 133 V 504 consid. 3.3 ; 133 V 477 consid. 6.3). On ne peut opposer à la recourante qu'elle n'a pas exercé une activité lucrative à plein temps pendant plusieurs années avant la survenance de son atteinte à la santé, car elle avait alors trois jeunes enfants et que depuis son arrivée en Suisse elle s'est efforcée à s'insérer sur le marché du travail (cf arrêt du Tribunal fédéral 9C_630/2021 du 22 mars 2022).
Au vu de ces éléments, la chambre de céans retient un statut d’active pour la recourante. Cela est toutefois sans conséquence sur les taux d’invalidité établis par l’intimé, de sorte que la décision lui octroyant une rente d’invalidité de 61% d’une rente entière du 1er janvier au 31 décembre 2023 doit être confirmée.
5.4 Il résulte du statut d’active retenu que ses griefs sur les empêchements ménagers n’ont pas à être examinés, puisqu’il n’y pas lieu d’en tenir compte pour déterminer son taux d’invalidité dans ce cas.
6. Infondé, le recours sera rejeté.
Un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge de la recourante (art. 69 al. 1bis LAI).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
Préalablement :
1. Ordonne la jonction de la procédure A/968/2025 à la procédure A/1152/2024.
À la forme :
2. Déclare les recours recevables.
Au fond :
3. Les rejette.
4. Met un émolument de CHF 200.- à la charge de la recourante.
5. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
| La greffière
Janeth WEPF |
| La présidente
Catherine TAPPONNIER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le