Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/751/2025 du 07.10.2025 ( AI )
En droit
| rÉpublique et | canton de genÈve | |
| POUVOIR JUDICIAIRE 
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| A/4264/2023 ATAS/751/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
| Ordonnance d’expertise du 7 octobre 2025 Chambre 4 | ||
En la cause
| A______ 
 | recourant | 
contre
| 
 OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE | 
 intimé | 
A. a. A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant) est né le ______ 1973, ressortissant espagnol, divorcé et père de deux enfants nés en 2005 et 2008. Il est au bénéfice d’un certificat fédéral de capacité d’employé de commerce et d’un diplôme d’analyste programmeur obtenu en 1994.
b. Selon un jugement de divorce du Tribunal de première instance du 14 mars 2013, l’assuré était au bénéfice des prestations de l’Hospice général et placé de façon volontaire à l’Institution B______, à C______, pour soigner ses problèmes d’addiction pour 18 mois. Au vu du traitement en cours, il n’était pas en mesure de faire des recherches d’emploi. Toutes ses charges actuelles étaient couvertes par les prestations de l’Hospice général. En 2011, il avait gagné environ CHF 6'900.- par mois. En l’état, l’assuré n’était pas en mesure de verser une contribution d’entretien en faveur de ses enfants. Sa compagne était employée d’une banque pour un revenu mensuel de l’ordre de CHF 10'500.-. La garde et l’autorité parentale des enfants lui étaient attribuées. Tant que l’assuré n’aurait pas trouvé de nouveau logement, le droit de visite s’exercerait un week-end sur deux de 10h à 18h et la moitié des vacances scolaire et, dès qu’il aurait trouvé un nouveau logement lui permettant d’accueillir ses enfants, un week-end sur deux du vendredi soir à 18h au dimanche soir à 18h et la moitié des vacances scolaires.
B. a. L’assuré a demandé les prestations de l’assurance-invalidité le 14 octobre 2021, indiquant avoir travaillé à 100% comme administrateur système informatique en 2011 pour D______, à Chexbres, pour un revenu brut de CHF 93'130.- et n’être plus sous contrat de travail. Depuis 2012, il avait un moral bas ainsi que des troubles de la concentration et du sommeil.
b. Le 29 novembre 2021, la docteure E______, médecin généraliste, a informé l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OAI) qu’elle suivait l’assuré depuis le 17 septembre 2017. Il était totalement incapable de travailler depuis septembre 2020. Il était né à Genève de deux parents espagnols. Comme il souffrait d’asthme, il avait été amené en Espagne chez ses grands-parents, auprès desquels il avait vécu très heureux, en voyant ses parents pendant les vacances d’été. L’été de ses 8 ans, sans aucune préparation, il avait été ramené à Genève. La transition avait été très difficile. Il ne parlait pas le français, ne connaissait personne et très mal ses parents. Il avait fait l’objet d’un harcèlement scolaire par sa maîtresse d’école et les autres enfants. Il avait été très seul et triste, mais n’en avait pas parlé à ses parents pour ne pas les inquiéter et parce qu’il ne leur faisait pas confiance. Il avait également été abusé sexuellement par un homme, ce dont il n’avait parlé à personne. Il avait commencé à avoir des idées noires et, à l’âge de 13 ans, il avait commencé à essayer des substances psychoactives. Il se souvenait de la première consommation d’héroïne comme du premier moment où sa souffrance s’était enfin éteinte. Il en avait consommé pendant presque dix ans avant de le révéler à ses parents. Il avait pu suivre une formation et travailler dans l’informatique bancaire. Il avait fait de nombreux sevrages à la demande de son épouse, mais le couple avait fini par se séparer. Ils avaient deux enfants adolescents. Son ex-épouse ne respectait pas le droit de visite, mais l’assuré, englué dans sa dépression, n’avait pas lutté pour le faire respecter. Il n’avait toujours pas parlé de l’abus ni de son déracinement. Il avait fait des séjours prolongés au centre résidentiel CRMT, au B______, puis dans un appartement de l’association I______. Il avait toujours repris une consommation. Avec le temps, il avait parlé de son enfance et de l’abus. On comprenait qu’il lui était impossible de supporter ses douleurs sans substance pour les anesthésier. Au B______, il avait repris une formation et effectué un master en communication avec beaucoup de difficultés, car il avait des troubles mnésiques et des difficultés d’attention. Il avait fini par réussir les examens, mais pas à rendre le travail final et il n’avait donc pas reçu le titre. Après cela, il s’était effondré dans un nouvel épisode dépressif, qui avait rendu illusoire toute recherche d’emploi. Depuis 2 à 3 ans, les produits parvenaient moins à soulager sa souffrance et il avait fini par parler de l’abus sexuel. Il consommait toujours, dans une moindre mesure, plusieurs fois par semaine, de l’héroïne et plus rarement du Dormicum pour oublier.
L’assuré était en traitement agoniste, consommant toujours un petit peu en parallèle. Il vivait seul. Sa thymie était très sombre. Il avait des idées noires récurrentes. Certains jours, il n’arrivait pas à sortir de chez lui. Ses défenses, l’humour et l’autodérision, ne fonctionnaient plus. Il pleurait beaucoup, seul et en consultation. Il se sentait très seul, peinait à trouver la force de lutter pour pouvoir trouver un lien avec ses enfants, était aboulique et anhédonique. Il présentait des troubles du sommeil avec des difficultés d’endormissement et des ruminations malgré les traitements. Il souffrait par ailleurs d’une gonalgie droite invalidante.
Les diagnostics étaient un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère (F33.2), une dépendance aux opiacés (F11.2) et aux benzodiazépines (F13.2), un trouble de la personnalité et un trouble de la mémoire de l’attention.
Il souffrait également d’une gonalgie droite sur trouble dégénératif et d’une lombalgie commune, sans incidence sur la capacité de travail. Le pronostic sur la capacité de travail était pauvre. Les limitations fonctionnelles étaient des troubles de la mémoire et de l’attention. L’état dépressif et les troubles neuropsychologiques faisaient obstacle à une réadaptation. L’assuré n’était pas limité dans l’accomplissement des tâches ménagères, mais il ne pouvait plus travailler quelle que soit l’activité.
c. Selon un rapport établi le 19 octobre 2018 par F______, psychologue spécialiste en neuropsychologie FSP, l’évaluation neuropsychologique avait mis en évidence chez l’assuré des performances déficitaires en mémoire épisodique verbale et visuo-spatiale (apprentissage, rappel différé, reconnaissance), en attention (attention divisée et intensité), associées à des performances possiblement déficitaires dans les fonctions exécutives (planification, auto-activation, flexibilité mentale) et dans le raisonnement. Sur le plan clinique, de nombreuses erreurs d’inattention avaient été relevées.
Les troubles étaient compatibles avec des séquelles d’une consommation chronique et excessive de substances psychoactives chez un patient qui était toujours sous traitement de substitution (opiacés et benzodiazépines) et qui présentait des troubles du sommeil.
Les plaintes de l’assuré étaient corroborées par les résultats de l’examen et il n’était pas étonnant qu’il ait éprouvé de la difficulté à poursuivre ses études de master. Sur la base des résultats des examens et de l’observation, il avait pu probablement réussir ce master au prix de très nombreuses et intenses révisions et probablement avec de l’aide. Faire ce master lui offrait une stimulation intellectuelle, un cadre quotidien et un entourage social très positifs dans sa situation, ce qui n’impliquait pas forcément qu’il pourrait le réussir et être rentable dans le monde professionnel. Sur la base des troubles observés, seul un emploi routinier, sans stress, sans rendement et sans prise de décision était envisageable.
d. Le 14 décembre 2021, le docteur G______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, a diagnostiqué, selon la classification DSM-5, un autre trouble de la personnalité mixte (301.89), un trouble dépressif persistant, début précoce avec épisode dépressif caractérisé intermittent, épisode actuel sévère (330.4), un trouble de l’usage des anxiolytiques, en rémission prolongée, sous traitement de maintien, moyen (304.10) et un trouble de l’usage des opiacés, en rémission prolongée, sous traitement de maintien, moyen (304.00).
Il ressort notamment de l’anamnèse que l’assuré s’était marié à 30 ans et qu’il avait pu s’occuper de ses enfants en couple pendant quelques années. La séparation, puis le divorce, avaient amorcé la chute et la perte de sens. La dépendance aux opiacés avait marqué cette période avec de longs séjours en résidentiel. Actuellement, l’assuré vivait en logement individuel, ce qui lui permettait de retrouver ses marques et son autonomie. Le suivi en addictologie était réalisé par son médecin traitant, qui lui prescrivait son traitement de substitution, et par un intervenant de la fondation I______.
L’état général était conservé. L’assuré arrivait souvent en retard aux rendez-vous. Il était parfois négligé. Il était orienté aux quatre modes. Il n’y avait pas de signe de prise aigüe ni chronique d’alcool, ni d’intoxication aux opiacés. La concentration et l’attention étaient altérées, la thymie abaissée, les affects congruents à l’humeur, avec des ruminations autour des pertes, notamment de sa place de père. Il avait des idéations suicidaires récurrentes, sans projet scénarisé ainsi que des difficultés à l’endormissement et des réveils nocturnes fréquents. Son discours était cohérent, il n’avait pas d’hallucination et était nosognosique.
S’agissant de la répercussion de l’atteinte à la santé dans les domaines courants de la vie (ménage, loisirs et activités sociales), il avait de la peine à organiser ses journées. Le médecin avait dû l’aider à remplir sa demande pour l’OAI. Un répondant de la fondation I______ l’aidait au quotidien. Du fait d’une attention et d’une concentration altérées, il avait de la peine à mener une activité de bout en bout. S’agissant de ses ressources, sa famille était en Espagne, il n’avait plus de contact avec son ex-épouse ni avec ses deux enfants et, en dehors de son réseau de soutien médical-social, il n’avait plus d’amis.
Du point de vue strictement psychiatrique, sa capacité de travail était de 0% depuis le 1er septembre 2020, dans toute activité, en raison de ses limitations fonctionnelles (concentration, attention, fatigabilité et organisation au quotidien). Le médecin suivait l’assuré régulièrement depuis septembre 2020 à raison d’une consultation par semaine. Il avait pu observer une amélioration de la thymie, qui n’était toutefois pas suffisante pour changer l’intensité de l’épisode dépressif actuel. Si au début du suivi, il y avait eu des manquements de séances, ce n'était plus le cas. Il était prévu de travailler sur le trouble de la personnalité pour limiter les réactions impulsives et les sentiments de vide. L’assuré souhaitait pouvoir retrouver sa place de père, ce qui allait nécessiter des démarches judiciaires pour faire respecter le droit de visite, d’avoir des nouvelles de ses enfants.
La problématique centrale était un trouble de l'attachement, du fait qu'il avait dû quitter sa mère alors qu'il n'était pas âgé de 6 mois. Il avait pu reconstituer un univers plus sécure en Espagne. Toutefois, à l'âge de 8 ans, celui-ci s'était écroulé. Il avait dû quitter un milieu dans lequel il se sentait bien pour rejoindre ses parents, avec lesquels il n'avait pas beaucoup de liens, hormis pendant les vacances d'été. Du coup, l'intégration à Genève s'était mal déroulée sans compter le harcèlement subi à l'école primaire. Il ne pouvait pas parler de ses difficultés avec ses parents ni avec sa sœur qui était trop jeune. Lorsqu'il avait été abusé, cela avait aggravé son isolement et ses difficultés à faire confiance à des adultes. Le trouble de la personnalité avait commencé dans l'enfance pour se construire sur un attachement insécure, angoissant, doublé d'une absence de communication avec ses parents. La prise d'opiacés s'expliquait d'autant mieux et les addictions lui avaient permis de fonctionner pendant des années avant de devenir problématiques. Pour pouvoir accéder au noyau des troubles psychiques, il avait fallu d'abord stabiliser sa situation sociale et aborder l'addiction. Actuellement, l’assuré était en mesure de travailler sur ses traumatismes précoces et plus tardifs. Durant tout le suivi, la problématique addictologique était restée secondaire. Un traitement de « SSRI » (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine) avait été évoqué, toutefois les expériences passées n'avaient pas été positives et les médicaments essayés n'avaient pas permis d'apporter une amélioration significative. Il prenait malgré tout de la Trazadne et de la Quetiapine. Dans ces conditions et au vu du trouble de la personnalité, la psychothérapie restait le seul outil susceptible d'apporter une amélioration à court, moyen et long terme.
e. Le 4 octobre 2022, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci‑après : le SMR) a proposé une expertise psychiatrique avec un nouveau bilan neuropsychologique, si l’expert le jugeait nécessaire.
f. L’expertise a été confiée au docteur H______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie.
Dans son rapport du 10 février 2023, l’expert a retenu que l’assuré présentait des troubles dépressifs récurrents moyens avec syndrome somatique depuis septembre 2020 dans le contexte d'un trouble de la personnalité mixte émotionnellement labile de type impulsif et anxieuse et de dépendance à plusieurs substances avec utilisation épisodique (opiacés, alcool, benzodiazépines, cannabis).
Sa capacité de travail était de 50% depuis septembre 2020, en tenant compte des indicateurs standards de gravité. Toute activité adaptée au niveau d'acquisition, sans confrontation aux substances et adaptée d’un point de vue somatique était adaptée. La capacité de travail était la même dans une activité adaptée.
g. Dans un avis du 20 février 2023, le SMR a retenu que la capacité de travail de l’assuré dans son activité habituelle d’informaticien dans le domaine bancaire était de 50% dès le 1er septembre 2020. La capacité était la même dans une activité adaptée. Les limitations fonctionnelles étaient un ralentissement psychomoteur modéré, des troubles de la concentration modérés et isolement social partiel avec comportements nettement disharmonieux dans plusieurs secteurs du fonctionnement (affectivité, sensibilité, impulsions, manière de percevoir et de penser, mode de relation à autrui).
h. Par projet de décision du 3 mars 2023, l’OAI a octroyé à l’assuré une demi‑rente d’invalidité fondée sur un degré d’invalidité de 50% dès le 1er avril 2022. Il avait déposé une demande de prestations le 14 octobre 2021. Son statut était celui d’une personne active qui présentait une capacité de travail de 50% dans toute activité depuis le 1er septembre 2020. Sa perte de gain (degré d’invalidité) se confondait avec ses incapacités de travail.
À l’échéance de l’année de carence requise, soit en septembre 2021, son incapacité de travail était de 50%, ce qui lui ouvrait le droit à une demi-rente dès cette date. Toutefois, le droit au versement des prestations ne prenait naissance que six mois après le dépôt de la demande, soit le 1er avril 2022. Des mesures professionnelles n’étaient pas indiquées.
i. Ce projet a été confirmé par décision du 23 novembre 2023.
C. a. Le 23 décembre 2023, l’assuré a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), en faisant valoir que son état de santé ne lui permettait pas de travailler et concluant à une pleine rente d’invalidité. Il ne pouvait plus revoir ses enfants depuis que son ex-épouse ne les lui laissait plus. Elle avait même porté plainte contre lui en affirmant faussement qu’il aurait pu avoir des gestes déplacés sur sa fille. Il y avait eu une enquête et un jugement, qui avaient pu démontrer que ce n'était pas réel. Au vu des abus qu’il avait lui-même subis étant enfant, cela avait été particulièrement dur à supporter. C’était grâce au responsable du centre de jour d’I______, qui avait rédigé le recours, ainsi que des Drs E______ et G______ qu’il n’avait pas rechuté et réussi à survivre. Il souhaitait reprendre une activité dans un atelier protégé. Toutes les tentatives qu’il avait effectuées par le passé pour revenir dans le marché primaire dans sa profession d'informaticien s’étaient soldées par des échecs qu’il ne souhaitait plus revivre.
Le recourant a produit un rapport établi le 20 décembre 2023 par le Dr G______, qui relevait quelques incohérences dans le rapport d’expertise du Dr H______, en particulier sur le fait que l’assuré voyait ses enfants, ce qui n’était malheureusement pas le cas. Il ne se rendait pas en vacances en Espagne, mais y trouvait plutôt un refuge où il pouvait régresser et se faire prendre en charge par ses parents 24 h sur 24. Le Dr G______ confirmait le trouble mixte de la personnalité présent depuis l'enfance. L'abus sexuel subi avait contribué à ce trouble et à la vulnérabilité qui pouvait être objectivée. Malgré ses difficultés, l’assuré s’était toujours battu pour s’en sortir et pour retrouver sa place dans la société (résidentiels, hospitalisation, essais de réaliser un Master) sans oublier son rôle de père. Le responsable du centre de jour d’I______, la Dre E______ et lui-même avaient dû se battre pour que l’assuré accepte de déposer une demande auprès de l’OAI et qu'il ait la force de participer à l'expertise. Son trouble de la personnalité était le cœur du traitement psychothérapeutique et il avait un impact réel sur sa capacité de travail. Les travaux récents sur la dépression montraient assez clairement que c’était la vulnérabilité qui impactait sur les rechutes et la chronicisation du trouble dépressif récurrent.
Le Dr G______ ajoutait qu’en utilisant l'échelle MINI-CIF 10, l’expert avait systématiquement minimisé l'impact des troubles de l’assuré : au point VIII, il mettait 1 au lieu de 3 (l’assuré n’avait pratiquement plus d'amis et il ne voyait pas ses enfants), au point XII, il mettait 0 au lieu de 2 (régulièrement, l’assuré venait au bureau sans avoir pris de douche depuis une semaine ou avec des habits qui n’étaient pas propres). Au fond, l'isolement social était beaucoup plus profond que ne l'indiquait l'expert, ce qui donnait une impression d'un meilleur niveau de fonctionnement. Par ailleurs, l'expert ne parlait pas du métier de l'assuré d’informaticien bancaire. Au vu des limitations fonctionnelles objectivées, il était peu probable qu'il puisse trouver un emploi en cette qualité, même à temps partiel. Il était douteux que le recourant puisse avoir une capacité résiduelle même dans une activité non qualifiée à 50%. En revanche, il pouvait se projeter dans une activité exercée dans un atelier protégé.
Concernant le traitement, l’assuré avait passé plus de sept ans en institutions spécialisées sans pour autant que son état de santé ne s'améliore durablement. Il avait même dû renoncer à finir son master en raison de ses troubles psychiques. Les recommandations de l'expert ne tenaient pas compte des traitements passés et de la preuve de leur inefficacité sur sa capacité de travail. Le suivi psychiatrique avait été au début beaucoup plus intense (fréquence hebdomadaire) et avait permis une certaine amélioration sans toutefois impacter la capacité de travail. Il avait fallu beaucoup de temps et d'énergie au Dr G______ pour que l’assuré accepte de faire les démarches auprès de l'assurance invalidité. Encore aujourd'hui, il se sentait mal à l'aise et coupable de solliciter de l'aide dans ce domaine.
Concernant le traitement médicamenteux, il avait déjà été essayé par le passé sans succès. L'expert se contredisait dans ses recommandations : d'un côté il disait ne pas pouvoir réaliser une prise de sang en raison des accès veineux endommagés de l’assuré par les prises passées de toxiques et d'un autre côté il disait que son état s'améliorerait si l’on pouvait changer d'antidépresseur et effectuer un monitoring plasmatique régulier.
Par ailleurs, les connaissances scientifiques établissaient clairement qu'il n'y avait pas de corrélation entre le taux plasmatique d'un antidépresseur et son efficacité clinique.
Pour le côté dépressif, l’assuré prenait bien un antidépresseur depuis de nombreuses années comme l'indiquaient les recommandations européennes de 2016, associé à une psychothérapie spécifique. Concernant le trouble de la personnalité mixte, il n'y avait pas de traitement médicamenteux efficace et c’était la psychothérapie qui était en première ligne. C’était exactement le traitement du patient. Si l'expert l'avait contacté, il aurait pu se rendre compte que l’assuré avait bien bénéficié de psychothérapies reconnues avec l’intensité nécessaire (hebdomadaire), à savoir du CBASP pour le trouble dépressif récurrent avec un effet positif clair et qu'il n'y avait pas de thérapie spécifique définie pour un trouble mixte de la personnalité. Concernant le traumatisme sexuel dans l'enfance, il avait été travaillé, ce qui avait permis à l’assuré de retrouver une relation plus apaisée avec ses parents. Le Dr G______ espérait pouvoir poursuivre le travail lorsque l’assuré pourrait reprendre sa place de père et à ce moment, il intensifierait la prise en charge psychothérapeutique. Le pronostic était bien entendu réservé au vu de la chronicité et de la durée depuis le début des troubles.
b. Par réponse du 22 février 2024, l’intimé a conclu au rejet du recours, se référant à la motivation de sa décision. L’expertise du Dr H______ devait se voir reconnaitre pleine valeur probante et l'analyse des indicateurs permettait de confirmer la capacité de travail de 50% dans toute activité retenue par l'expert.
Il ressortait de l'examen clinique que l'intensité des troubles était modérée, avec un impact modéré mais significatif sur le quotidien et avec des limitations objectivables lors de l'examen clinique dans le sens d'un ralentissement psychomoteur modéré, des troubles de la concentration modérée et d'un isolement social partiel chez un assuré limité aussi dans les activités lourdes physiquement.
S'agissant des ressources, il ressortait du rapport d'expertise que le recourant lisait de temps en temps, écoutait de la musique, regardait parfois des émissions, des vidéos sur You Tube, partageait parfois des repas avec ses enfants, gérait l'ensemble des tâches quotidiennes seul et sans aide, mais qu’il avait besoin de plus de temps pour se mobiliser. Il était aidé pour la gestion de l'administratif complexe. Il se déplaçait en transports publics, pouvait voyager (étant parti en Espagne durant l'été 2022 pendant un mois pour rendre visite à ses parents). L'isolement était partiel, mais pas total.
L'analyse de la vie quotidienne indiquait qu'il n'existait pas de limitation uniforme dans toutes les activités de la vie quotidienne et montrait que le recourant disposait de ressources personnelles préservées.
S'agissant du traitement, l'expert indiquait que l'absence d'un changement récent du traitement antidépresseur et avec seulement de la Trazodone à faible dose dans le passé durant plusieurs années, sans suivi psychiatrique hebdomadaire mais mensuel, qui était exigible par l'aide sociale, sans hospitalisation psychiatrique récente, plaidait aussi indirectement contre un trouble sévère mais plutôt modéré, contre une décompensation du trouble de la personnalité et contre des limitations fonctionnelles sévères mais plutôt modérés.
Au vu de ce qui précédait, c’était à juste titre que l’intimé avait suivi les conclusions de l'expert. La divergence d'opinion entre l'expert psychiatre et le psychiatre traitant quant à la capacité de travail ne suffisait pas à remettre en cause les conclusions de l’expertise.
À l’appui de sa réponse, l’OAI a transmis un avis médical du SMR établi le 8 février 2024.
c. Le 17 mars 2024, le recourant a transmis à la chambre de céans trois lettres de sortie qui démontraient qu’il avait été hospitalisé, en réalité plus de quatorze fois, sans compter les séjours en institution où, au total, il avait passé cinq à six ans. Il avait toujours essayé de se soigner et de s’en sortir. Il n’y arrivait plus et sa vie en ce moment était très compliquée par le fait qu’il avait beaucoup de peine à se mobiliser au quotidien, que cela soit pour se faire à manger ou tout simplement pour se lever et prendre soin de lui ne serait-ce que pour l’hygiène. Il préfèrerait retravailler et dépendre de personne, mais malheureusement, après plus de trente ans de suivi thérapeutique, psychiatrique et de différents traitements il n’en pouvait plus physiquement mais surtout psychologiquement. À cause de son état actuel, il avait eu besoin d’aide pour les demandes de documents et bien sûr pour écrire sa lettre.
d. Le 7 mai 2024, l’intimé a indiqué, sur la base d’un avis du SMR du 28 mars 2024, que les rapports d’anciennes hospitalisations produits par le recourant n’amenaient pas de nouvel élément médical objectif, l’expert ayant tenu compte dans son rapport des nombreuses hospitalisations (treize à Belle-Idée citées à la page 9 de l’expertise).
e. Le 21 août 2024, le recourant a fait valoir que certains des arguments avancés par l’intimé étaient faux, voire mensongers. Il n’avait ni appartement, ni adresse à son nom. Il vivait actuellement dans un studio relais de la fondation I______, qui était normalement destiné à ses séjours de 18 mois au maximum et qui faisait 20 m2. Il y vivait depuis plus de cinq ans, mais il ne pouvait pas y mettre son adresse car le bail n'était pas à son nom, raison pour laquelle il mentionnait en entête l’adresse du B______, ce qui faisait qu’il recevait son courrier avec du retard.
Le recourant a également émis des critiques sur le déroulement de l’expertise, indiquant notamment qu’il s’était retrouvé dans une « usine à gaz » et qu’une fois terminée la discussion avec la psychologue, celle-ci lui avait fait commencé un test pour voir sa capacité de concentration, sa manière de réfléchir et sa logique qu’il appliquait. Au bout d'un quart d'heure, elle avait interrompu l'exercice, car le psychiatre était disponible pour le voir. Il n’avait jamais terminé le test, car après l'entretien avec le psychiatre on lui avait dit que c'était bon et qu'ils avaient fait tout le nécessaire. Le psychiatre ne l’avait regardé dans les yeux qu’au moment de lui dire bonjour et au revoir. Durant tout l’entretien, il n'avait pas décollé les yeux de son natel. Il avait eu la sensation que tout était joué d'avance et avait eu l'impression d'être traité comme un numéro.
f. Le 23 septembre 2024, l’OAI a répondu aux critiques du recourant sur le déroulement de l’expertise.
g. Le recourant a été entendu par la chambre de céans le 14 mai 2025.
h. Par courrier du 16 septembre 2025, la chambre de céans a informé les parties de son intention de mettre en œuvre une expertise psychiatrique qui serait confiée à la docteure J______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, et leur a communiqué les questions qu’elle avait l’intention de lui poser, en leur impartissant un délai pour faire valoir une éventuelle cause de récusation et se déterminer sur les questions posées.
i. L’intimé n’a pas fait valoir de motif de récusation de l’expert et a suggéré des questions complémentaires à lui soumettre.
j. Le recourant n’a pas répondu au courrier du 16 septembre 2025.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).
2. Le litige porte sur le droit du recourant à une rente entière d’invalidité dès le 1er avril 2022.
3.
3.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.
En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).
En l’occurrence, le litige porte sur la quotité de la rente d’invalidité, dont il n’est pas contesté que le droit est né postérieurement au 31 décembre 2021, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.
3.2 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).
A droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (art. 28 al. 1 LAI).
Une rente n'est pas octroyée tant que toutes les possibilités de réadaptation au sens de l'art. 8 al. 1bis et 1ter n'ont pas été épuisées (art. 28 al. 1bis LAI).
3.3 Lors de l'examen du droit à une rente d'invalidité en cas de troubles psychiques, il y a lieu d'examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs (ATF 141 V 281 ; 143 V 409 consid. 4.5 ; 143 V 418 consid. 6 et 7), car les maladies psychiques ne peuvent en principe être déterminées ou prouvées que de manière limitée sur la base de critères objectifs. La question des effets fonctionnels d'un trouble doit dès lors être au centre. La preuve d'une invalidité ouvrant le droit à une rente ne peut en principe être considérée comme rapportée que lorsqu'il existe une cohérence au niveau des limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation de la capacité de travail invalidante n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée.
Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1). Il convient également d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs limitant les capacités fonctionnelles et, d'autre part, les potentiels de compensation (ressources).
Dans un arrêt du 11 juillet 2019 (9C_724/2018), le Tribunal fédéral a changé sa jurisprudence concernant le droit à des prestations de l'assurance-invalidité en cas de toxicomanie. Comme pour toutes les autres maladies psychiques, il convient désormais de clarifier au moyen d'une grille d'évaluation normative et structurée si la dépendance à des substances addictives diagnostiquée par des spécialistes influe sur la capacité de travail de la personne concernée.
Le Tribunal fédéral a développé les indicateurs suivants :
Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic. Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par l'atteinte de celles dues à des facteurs non assurés.
Il convient encore d'examiner le succès du traitement et de la réadaptation ou la résistance à ces derniers. Ce critère est un indicateur important pour apprécier le degré de gravité. L’échec définitif d’un traitement indiqué, réalisé lege artis sur un assuré qui coopère de manière optimale, permet de conclure à un pronostic négatif. Si le traitement ne correspond pas ou plus aux connaissances médicales actuelles ou paraît inapproprié dans le cas d’espèce, on ne peut rien en déduire s’agissant du degré de gravité de la pathologie. Les troubles psychiques sont invalidants lorsqu'ils sont graves et ne peuvent pas ou plus être traités médicalement. Des déductions sur le degré de gravité d’une atteinte à la santé peuvent être tirées non seulement du traitement médical mais aussi de la réadaptation.
La comorbidité psychique ne doit être prise en considération qu’en fonction de son importance concrète dans le cas d’espèce, par exemple pour juger si elle prive l’assuré de ressources. Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble psychique avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Un trouble qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidant en tant que tel n’est pas une comorbidité, mais doit à la rigueur être pris en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité.
Il convient ensuite d'accorder une importance accrue au complexe de personnalité de l’assuré (développement et structure de la personnalité, fonctions psychiques fondamentales). Le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du Moi » (conscience de soi et de l’autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation) entre aussi en considération. Comme les diagnostics relevant des troubles de la personnalité sont, plus que d’autres indicateurs, dépendants du médecin examinateur, les exigences de motivation sont particulièrement élevées.
Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie.
Il s’agit, encore, de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé.
Il faut examiner en suite la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, pour évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons que l'atteinte à la santé assurée.
3.4 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).
Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.
Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).
En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).
4.
4.1 En l’espèce, le recourant conteste la valeur probante de l’expertise du Dr H______ et soutient qu’il est totalement incapable de travailler.
4.2 L’expert a retenu que le recourant avait de bonnes ressources, ce qui paraît discutable. Même si l’isolement du recourant n’est pas total, mais partiel comme l’a retenu l’expert, il est très limité. Il ne voit pas ses enfants, ou peu, et ses liens avec des amis sont également très limités. En effet, le Dr G______ a indiqué dans son rapport du 20 décembre 2023 que le recourant n’avait pratiquement plus d'amis et il ne voyait pas ses enfants, précisant que la mère de ceux-ci avait coupé tous les liens avec le recourant après l’avoir accusé d’attouchements sur leur fille. Le recourant a indiqué dans son recours qu’il ne voyait plus ses enfants, ce qu’il a confirmé dans ses déclarations à la chambre de céans, précisant qu’actuellement, il lui arrivait de les voir, précisant que c’était compliqué avec leur mère et que plus tard, il allait s’atteler à remettre en place le système de visite tel qu’il était prévu dans la convention de divorce.
Par ailleurs, ses séjours en Espagne ne peuvent être considérés comme des vacances récréatives, dès lors qu’elles lui permettent, selon ses dires, d’être pris en charge par ses parents, car il a beaucoup de peine à prendre soin de lui-même. Le 20 décembre 2023, le Dr G______ a confirmé que le recourant ne se rendait pas en vacances en Espagne, mais qu’il y trouvait plutôt un refuge où il pouvait régresser et se faire prendre en charge par ses parents.
Enfin, le fait qu’il lise de temps en temps, écoute de la musique, regarde parfois des émissions, des vidéos sur You Tube ne suffit pas non plus à retenir de bonnes ressources.
4.3 L’expert a retenu que le trouble de la personnalité et la dépendance du recourant n’étaient pas incapacitants, au motif qu’il avait pu se former et travailler sans limitations dans le passé et en l’absence de décompensation actuellement. Or, on ne peut soutenir qu’il a pu se former sans limitations, car la Dre E______ a indiqué le 29 novembre 2021 qu’au B______, le recourant avait repris une formation et effectué un master en communication avec beaucoup de difficultés, car il avait des troubles mnésiques et des difficultés d’attention et s’il avait fini par réussir les examens, il n’avait pas pu rendre le travail final et n’avait donc pas reçu le titre. Après cela, il s’était effondré dans un nouvel épisode dépressif, qui avait rendu illusoire toute recherche d’emploi.
De plus, l’évaluation neuropsychologique du 19 octobre 2018 avait démontré que le recourant avait des performances déficitaires en mémoire épisodique verbale et visio-spatiale, en attention, associées à des performances possiblement déficitaires dans les fonctions exécutives et dans le raisonnement. Selon la neuropsychologue, si le recourant avait pu réussir son master, cela avait été au prix de très nombreuses et intenses révisions et probablement avec de l’aide, et cela ne permettait pas de retenir qu’il pourrait être rentable dans le monde professionnel.
4.4 Le fait que le recourant a pu assumer un travail dans le passé n’implique pas qu’il le pourrait toujours. Le Dr G______ a indiqué en effet le 14 décembre 2021 que sa séparation puis son divorce avaient amorcé une chute et une perte de sens pour lui. Ses addictions lui avaient permis de fonctionner pendant des années avant de devenir problématiques.
Pour F______, ses troubles étaient compatibles avec les séquelles d’une consommation chronique et excessive de substances psychoactives chez un patient qui était toujours sous traitement de substitution (opiacés et benzodiazépines) et qui présentait des troubles du sommeil.
Il ressort du rapport du Dr G______ du 14 décembre 2021, que le recourant avait de la peine à organiser ses journées. Le médecin avait dû l’aider à remplir sa demande pour l’OAI et un répondant de la fondation I______ l’aidait au quotidien. Du fait d’une attention et d’une concentration altérées, il avait de la peine à mener une activité de bout en bout. Cela confirme les déclarations du recourant du 17 mars 2024, selon lesquelles sa vie en ce moment était très compliquée par le fait qu’il avait beaucoup de peine à se mobiliser au quotidien, que cela soit pour se faire à manger ou tout simplement pour se lever et prendre soin de lui ne serait-ce que pour l’hygiène. Le 21 août 2024, il a encore indiqué que son quotidien était fait de bas et de hauts, plutôt de bas. Quand c’était très bas, il n’arrivait pas à sortir de son lit pour ainsi dire pendant des semaines. Il devait constamment fixer ses rendez-vous en début d’après-midi, car il souffrait d’insomnie et s’endormait en général lorsque le jour se levait. Il était toujours sous traitement de substitution, et sous antidépresseurs, mais il était incapable de fonctionner correctement. Il ne pouvait pas travailler à 50% dans sa situation.
S’agissant des indicateurs relatifs aux comorbidités et à la personnalité, l’expert n’a pas procédé à une analyse globale de la situation du recourant en tenant compte de l’ensemble de ses pathologies, alors que les exigences de motivation sont particulièrement élevées à ce sujet.
Il apparaît peu vraisemblable que le recourant puisse reprendre son activité habituelle d’informaticien dans le domaine bancaire, comme l’a retenu l’expert, même à 50%, vu les conclusions de l’évaluation neuropsychologique du 19 octobre 2018. Même dans une activité adaptée, une telle exigibilité paraît douteuse, au vu de l’ensemble de la situation du recourant. Le 14 décembre 2021, le Dr G______ retenait que le recourant souffrait d’un épisode dépressif sévère et que sa capacité de travail était de 0% depuis le 1er septembre 2020, dans toute activité, en raison de ses limitations fonctionnelles (concentration, attention, fatigabilité et organisation au quotidien). Le Dr G______ a confirmé ses conclusions dans son rapport du 20 décembre 2023. Dans son rapport du 29 novembre 2021, la Dre E______, médecin généraliste, arrive à la même conclusion.
Les rapports des médecins traitants du recourant sont fondés sur un suivi régulier du recourant, ils sont bien motivés et convaincants. Ils remettent ainsi sérieusement en cause les conclusions du Dr H______ sur la capacité de travail.
5. En conclusion, le rapport d’expertise du Dr H______ n’apparaît pas suffisamment probant et il se justifie de faire procéder à une nouvelle expertise du recourant par un psychiatre expérimenté dans le domaine des addictions, laquelle sera confiée à la Dre J______.
Les questions complémentaires demandées par l’intimé seront ajoutées à la mission d’expertise.
PAR CES MOTIFS,
 LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant préparatoirement
I. Ordonne une expertise psychiatrique de A______.
II. Commet à ces fins la Dre J______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie.
III. Dit que la mission d’expertise sera la suivante :
1. prendre connaissance du dossier de la cause ;
2. prendre tous renseignements nécessaires auprès des médecins ayant traité l’expertisé (notamment les rapports établis suite aux hospitalisations de l’expertisé à l’hôpital de K______ dans le canton de L______) ;
3. examiner et entendre l’expertisé et, si nécessaire, ordonner d’autres examens ;
IV. Charge l'experte d’établir un rapport détaillé comprenant :
4. une anamnèse détaillée ;
5. la description d’une journée type de l’expertisé ;
6. les plaintes et données subjectives de l’expertisé ;
7. un status clinique et des constatations objectives ;
8. les diagnostics selon la classification internationale.
V. Charge l’experte de répondre aux questions suivantes :
9. Depuis quand l’atteinte ou les atteintes à la santé de l’expertisé est-elle ou sont-elles présente(s) ?
10. Quel est le degré de gravité de chacun des troubles diagnostiqués (faible, moyen, grave) ?
11. Existe-il une dépendance (alcoolisme, pharmacodépendance ou toxicomanie) ?
12. Dans quelle mesure les atteintes diagnostiquées limitent-elles les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? (N’inclure que les déficits fonctionnels émanant des observations qui ont été déterminantes pour le diagnostic de l’atteinte à la santé, en confirmant ou en rejetant des limitations fonctionnelles alléguées par l’expertisé).
13. Quelles sont les limitations entraînées par les diagnostics posés ?
14. Y a-t-il exagération des symptômes ou constellation semblable (discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l’anamnèse, allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, absence de demande de soins médicaux, plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact) ?
15. Dans l’affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?
16. Quels ont été les traitements entrepris et avec quel succès (évolution et résultats des thérapies) ?
17. L’expertisé a-t-il fait preuve de résistance à l’égard des traitements proposés ? La compliance est-elle bonne ?
18. Dans quelle mesure les traitements ont-ils été mis à profit ou négligés ?
19. Effectuer un dosage sanguin des psychotropes prescrits et évaluer la compliance de l’expertisé ;
20. Effectuer un dosage sanguin/urinaire des substances psychoactives afin d’évaluer la consommation de l’expertisé ;
21. Un traitement est-il exigible de l’expertisé ?
22. Une abstinence aux substances psychoactives est-elle exigible de l’expertisé ;
23. Pour le cas où il y aurait refus ou mauvaise acceptation d’une thérapie recommandée et accessible : cette attitude doit-elle être attribuée à une incapacité de l’expertisé à reconnaître sa maladie ?
24. Les limitations du niveau d’activité sont-elles uniformes dans tous les domaines (professionnel mais aussi personnel) ? Quel est le niveau d’activité sociale et comment a-t-il évolué depuis la survenance de l’atteinte à la santé ?
25. L’addiction constatée nécessite-t-elle une prise en charge spécialisée ?
26. Existe-t-il un trouble de la personnalité ou une altération des capacités inhérentes à la personnalité ?
27. De quelles ressources mobilisables l’expertisé dispose-t-il ?
28. Quel est le contexte social ? L’expertisé peut-il compter sur le soutien de ses proches ?
29. Dans l’ensemble, le comportement de l’expertisé vous semble-t-il cohérent ? Pourquoi ?
30. Quelles sont ses répercussions fonctionnelles (conscience de soi et de l’autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité, motivation, notamment) sur la capacité à gérer le quotidien, à travailler et/ou en termes d’adaptation ? Motiver votre position.
31. Mentionner globalement les conséquences des divers diagnostics retenus sur la capacité de travail de l’expertisé, en pourcent,
a) dans l’activité habituelle,
b) dans une activité adaptée.
32. Dater la survenance de l’incapacité de travail durable, le cas échéant, indiquer l'évolution de son taux et décrire son évolution.
33. Évaluer l'exigibilité, en pourcent, d'une activité lucrative adaptée, indiquer depuis quand une telle activité est exigible et quel est le domaine d'activité adapté.
34. Dire s'il y a une diminution de rendement et la chiffrer.
35. Cas échéant, la diminution de rendement est-elle déjà comprise dans l’évaluation de la capacité de travail de l’expertisé ?
36. Évaluer la possibilité d'améliorer la capacité de travail par des mesures médicales. Indiquer quelles seraient les propositions thérapeutiques et leur influence sur la capacité de travail.
37. Êtes-vous d'accord avec les conclusions du Dr H______ du 10 février 2023 ?
38. Êtes-vous d'accord avec les rapports du Dr G______ des 14 décembre 2021 et 20 décembre 2023 ?
39. Êtes-vous d'accord avec le rapport de la Dre E______ du 29 novembre 2021 ?
40. Êtes-vous d'accord avec l’évaluation neuropsychologique de F______ du 19 octobre 2018 ?
41. Faire toute remarque utile.
VI. Invite l'experte à déposer à sa meilleure convenance un rapport en trois exemplaires à la chambre de céans.
VII. Réserve le fond.
| La greffière 
 
 
 Janeth WEPF 
 | 
 | La présidente 
 
 
 Catherine TAPPONNIER 
 | 
Une copie conforme de la présente ordonnance est notifiée aux parties par le greffe le