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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1203/2025

ATAS/717/2025 du 25.09.2025 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1203/2025 ATAS/717/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 25 septembre 2025

Chambre 5

 

En la cause

A______

 

recourante

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’épouse ou l’assurée), née en ______ 1972, s’est mariée avec B______ le ______ 2003. Entre le ______ 2005 et le ______ 2014, les enfants C______, D______, E______ et F______ sont nés de cette union.

b. Par jugement JTPI/10113/2023 du 11 septembre 2023, le Tribunal de première instance (ci-après : le TPI), statuant sur mesures protectrice de l’union conjugale (ci‑après : MPUC), a autorisé les époux à vivre séparés, attribué la garde des enfants à l’épouse et condamné le mari à verser à cette dernière :

-          à titre de contribution à l’entretien des enfants, par mois, d’avance et par enfant, allocations familiales non comprises, le montant de CHF 2'000.- dès le 1er juillet 2023, de CHF 2'300.- dès 10 ans et de CHF 3'000.- dès le 1er octobre 2024 ;

-          à titre de contribution à son entretien, par mois et d’avance, le montant de CHF 7'100.- du 1er juillet 2023 au 30 septembre 2024 ;

-          à titre d’arriérés de contribution à son entretien au 30 juin 2023, le montant de CHF 38'475.-.

c. Le 9 octobre 2023, l’assurée a fait appel de ce jugement. Son mari en a fait de même le 12 octobre 2023.

d. Sur le plan professionnel, l’assurée s’est inscrite une première fois le 22 mars 2019 auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE), après la perte de son emploi à 80% qu’elle avait exercé auprès de G______(SUISSE) SA (ci-après : G______), du 12 septembre 2011 au 31 mars 2019. Sur quoi, un délai-cadre d’indemnisation avait été ouvert en sa faveur du 1er avril 2019 au 31 décembre 2021, dans le cadre duquel le nombre maximal d’indemnités journalières (586) avait été épuisé le 30 juillet 2021.

B. a. Le 23 juillet 2023, l’assurée a conclu un contrat de travail avec la banque H______ SA (ci-après : H______), prévoyant une entrée en service au 1er octobre 2023 en qualité de conseillère clientèle à distance. Pour cet emploi à 80%, la rémunération convenue s’élevait à CHF 104'000.-, répartie en douze mensualités.

b. Le 27 novembre 2023, durant la période d’essai, l’employeur a résilié le contrat de l’assurée pour le 8 décembre 2023.

c. Le 16 avril 2024, l’assurée s’est inscrite auprès de l’OCE. Dans sa demande d’indemnité de chômage du 23 avril 2024, déposée le jour même au guichet de la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse), l’assurée a indiqué que le dernier rapport de travail en date avait duré du 2 octobre au 8 décembre 2023. Saisi d’une requête de MPUC – déposée par l’assurée le 25 février 2022 –, le TPI avait rendu son jugement le 11 septembre 2023. Son mari avait quitté le domicile conjugal le 24 novembre 2023 mais ne respectait pas le jugement précité, en ne versant pas les contributions dues.

d. Par jugement JTPI/12375/2024 du 10 octobre 2024, le TPI, saisi d’une demande d’avis aux débiteurs, a constaté que le mari de l’assurée n’entendait pas s’acquitter de l’intégralité des contributions d’entretien auxquelles il avait été condamné par jugement du 11 septembre 2023. En conséquence, le TPI a fixé le minimum vital du mari à CHF 6'210.- et ordonné à tout débiteur et/ou employeur du mari de verser mensuellement à l’assurée, sur son compte bancaire, à compter de la notification du jugement, toutes sommes supérieures à ce minimum vital, à concurrence des pensions alimentaires dues pour l’entretien des quatre enfants, selon les montants fixés dans le jugement du 11 septembre 2023.

e. Le 20 novembre 2024, la caisse a rendu une décision de refus d’indemnisation à l’encontre de l’assurée.

À l’appui de sa position, elle a constaté que l’assurée n’avait pas exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisation, vu que sa dernière activité avait duré du 1er octobre au 8 décembre 2023 et qu’elle ne pouvait pas se prévaloir d’une libération des conditions relatives à la période de cotisation. Il convenait, en effet, de répondre par la négative à la question de savoir si, par suite de séparation de corps ou de divorce, d’invalidité ou de mort de son conjoint ne remontant pas à plus d’une année, l’assurée se voyait contrainte d’exercer une activité lucrative ou de l’étendre. En l’espèce, au moment de son inscription, soit le 16 avril 2024, les pensions qui lui étaient allouées selon le jugement JTPI/10113/2023 du 11 septembre 2023 s’élevaient à CHF 16'300.- par mois (soit CHF 2'300.- par enfant et CHF 7'100.- pour l’assurée). D’après les éléments versés au dossier, les charges de l’assurée demeuraient équivalentes à celles qu’elle avait avant sa séparation. Ainsi, les pensions qui lui étaient allouées, à hauteur de CHF 16'300.- par mois, représentaient un revenu suffisant pour lui permettre de maintenir son train de vie. Partant, la nécessité de reprendre une activité salariée n’était pas démontrée.

f. Le 5 décembre 2024, l’assurée a formé opposition à cette décision, motif pris que la caisse se fondait sur le jugement JTPI/10113/2023 du 11 septembre 2023 pour évaluer son niveau de vie. Or, ce jugement n’avait pas été respecté dans les faits. En outre, il avait été partiellement annulé par un arrêt de la chambre civile de la Cour de justice ACJC/1499/2024 du 21 novembre 2024, dont le dispositif condamnait le mari, entre autres :

-          à verser à son épouse, pour la période de décembre 2021 à novembre 2023, la somme de CHF 12'752.- à titre d'arriérés de contribution à l'entretien des enfants, ainsi que la somme de CHF 9'565.- à titre de remboursement de sa part de frais hypothécaires (période de juillet à novembre 2023) et d’amortissement (pour l’année 2023) ;

-          à s’acquitter de la part d’impôts de son épouse pour l’année 2022 ;

-          à verser à son épouse, par mois et d’avance, une contribution à son entretien de CHF 5'965.- de décembre 2023 à mai 2024, puis de CHF 500.- dès le 1er juin 2024 ;

-          à verser, par mois et d’avance, allocations familiales non comprises, pour la période de décembre 2023 à mai 2024, une contribution d’entretien de CHF 1'700.- en faveur de C______, de CHF 1'670.- en faveur de D______ et d’E______ et de CHF 1'360.- en faveur de F______ ;

-          à verser, dès le 1er juin 2024, par mois et d’avance, allocations familiales non comprises, une contribution à l’entretien de chacun de ses enfants de CHF 2'500.- jusqu’à l'âge de 15 ans, de CHF 2'650.- jusqu’à la majorité puis de CHF 1'700.- en cas d’études ou de formations sérieuses et suivies.

g. Le 7 janvier 2025, l’assurée a déposé auprès de la caisse la version intégrale de l’arrêt ACJC/1499/2024 précité.

h. Par décision du 7 mars 2025, la caisse a rejeté l’opposition en exposant, en substance, que le jugement JTPI/10113/2023 du 11 septembre 2023 laissait à l’assurée des revenus mensuels suffisants pour maintenir son niveau de vie et que l’arrêt ACJC/1499/2024 du 21 novembre 2024 ne permettait pas d’aboutir à une autre conclusion. En effet, selon cet arrêt, jusqu’au 31 mai 2024, l’assurée avait droit à une contribution d’entretien, hors allocations familiales, de CHF 12'365.- par mois (soit CHF 1'700.- + CHF 1'670.- + CHF 1'670.- + CHF 1'360.- + CHF 5'965.-). À cela, il fallait ajouter CHF 1'641.- à titre d’allocations familiales (CHF 400.- + CHF 411.- + CHF 411.- + CHF 415.-) et les revenus qu’elle tirait de la location d’appartements en France pour un montant de EUR 1'100.- par mois. À compter du 1er juin 2024, les contributions d’entretien étaient réduites à CHF 10'000.- (soit CHF 1'700.- + CHF 2'650.- + CHF 2'650.- + CHF 2'500.- + CHF 500.-), hors allocations familiales (CHF 1'641.-). En tenant compte de ces dernières, l’assurée avait droit à CHF 11'641.- par mois depuis le 1er juin 2024, montant auquel s’ajoutaient les revenus tirés de la location d’appartements en France (EUR 1'100.- par mois). En définitive, l’assurée ne justifiait pas d’une période de cotisation d’au moins douze mois durant le délai-cadre de cotisation ayant couru du 16 avril 2022 au 15 avril 2024. De plus, elle ne pouvait pas se prévaloir d’un motif de libération des conditions relatives à la période de cotisation à la suite de « son divorce » (recte : « sa séparation »), dès lors que les pensions ou rentes dont elle bénéficiait représentaient un revenu suffisant pour lui permettre de maintenir le niveau de vie qui était le sien avant la séparation. En conséquence, un lien de causalité entre la séparation et la nécessité de reprendre une activité salariée n’était pas démontré.

C. a. Le 4 avril 2025, l’assurée a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’un recours contre cette décision, concluant principalement à son annulation, à l’octroi des indemnités journalières et subsidiairement au renvoi de la cause à l’intimée.

À l’appui de sa position, elle a fait valoir que, même si un appel avait été formé à l’encontre du jugement JTPI/10113/2023, l’effet suspensif de l’appel n’avait pas été octroyé s’agissant des pensions alimentaires courantes, en particulier les points du dispositif de ce jugement, condamnant son mari non seulement à lui verser à titre de contribution à l’entretien des enfants, par mois, d’avance et par enfant, allocations familiales non comprises, le montant de CHF 2'000.- dès le 1er juillet 2023, de CHF 2'300.- dès l’âge de 10 ans et de CHF 3'000.- dès le 1er octobre 2024 (ch. 9 du dispositif), mais aussi à lui verser à titre de contribution à son entretien, par mois et d’avance, le montant de CHF 7'100.- du 1er juillet 2023 au 30 septembre 2024 (ch. 10 du dispositif). Malgré le caractère exécutoire des ch. 9 et 10 précités, son époux n’avait pas daigné lui verser intégralement les montants dus mais environ CHF 4'000.- seulement en lieu et place. En conséquence, elle avait été contrainte de déposer, le 16 juillet 2024, une requête à laquelle le TPI avait donné suite en ordonnant la mise en œuvre d’un avis aux débiteurs par jugement JTPI/12375/2024 du 10 octobre 2024. À cet égard, le TPI avait arrêté le minimum vital de son mari à CHF 6'210.-, de sorte qu’un montant de l’ordre de CHF 7'100.- devait lui être versé chaque mois par I______SA (ci-après : l’employeur du mari). Selon les relevés de compte produits, l’employeur de son mari lui avait effectivement versé CHF 7'100.- en octobre et novembre 2024, mais ce montant était tombé à CHF 1'466.25 en décembre 2024, avant de se stabiliser à CHF 3'495.35 par mois en janvier, février et mars 2025. Malgré ses demandes répétées, aucune explication quant au versement de ce faible montant ne lui avait été fournie par l’employeur de son mari. Ainsi, bien qu’une mesure d’avis aux débiteurs eût été prononcée, elle ne percevait mensuellement qu’un montant de CHF 3'495.- pour ses quatre enfants, montant qui ne couvrait pas intégralement leurs charges. Enfin, malgré ses efforts, elle n’avait pas encore retrouvé d’emploi à ce jour. Ainsi, sa situation financière réelle ne coïncidait pas avec l’arrêt ACJC/1499/2024 du 21 novembre 2024, ni même avec le jugement JTPI/12375/2024 du 10 octobre 2024, puisque ces décisions de justice n’étaient respectées ni par son mari, ni par l’employeur de celui-ci. Partant, c’était à tort que l’intimée avait retenu que les revenus de la recourante et les contributions d’entretien dues par son époux lui permettaient de maintenir son niveau de vie. Au contraire, l’existence d’une nécessité économique devait être admise dans le cadre de sa séparation, justifiant ainsi une libération des conditions relatives à la période de cotisation.

b. Par réponse du 23 mai 2025, l’intimée a conclu au rejet du recours.

La libération des conditions relatives à la période de cotisation n’était possible que s’il existait un lien de causalité non seulement entre le motif invoqué (in casu : la séparation des conjoints) et la nécessité de prendre ou d’augmenter une activité lucrative, mais aussi entre ce motif de libération et l’absence de durée minimale de cotisation. En l’espèce, on ignorait si la recourante s’était adressée au service cantonal d’avance et de recouvrement des pensions alimentaires (ci-après : SCARPA) pour recouvrer les pensions qui lui étaient dues – et acquittées mais qu’en partie – par son mari. En tout état, la question de savoir si la recourante s’était effectivement adressée au SCARPA et, par voie de conséquence, la question de la causalité entre la séparation de la recourante d’avec son mari et la nécessité pour celle-ci de prendre une activité lucrative pouvait rester ouverte dès lors que le lien de causalité entre cette séparation et l’absence de durée minimale de cotisation n’était de toute manière pas réalisé : le fait que la recourante n’exerçait pas d’activité lucrative n’était pas dû à la prise en charge de F______, née le _____ 2014, puisqu’elle avait continué à travailler à 80% après la naissance de ce quatrième enfant. Dès lors, il n’y avait pas de lien de causalité entre la situation conjugale et familiale de la recourante et l’absence de cotisation minimale. En conséquence, une libération des conditions relatives à la période de cotisation de douze mois ne pouvait pas entrer en considération.

c. Par plis des 27 mai et 24 juin 2025, la chambre de céans a invité à deux reprises la recourante à répliquer.

d. La recourante ne s’étant pas manifestée au terme du premier et du second délai impartis pour produire son écriture, ni par la suite, la chambre de céans a informé les parties le 17 juillet 2025 que la cause était gardée à juger en l’état du dossier.

e. Les autres faits seront mentionnés, si nécessaire, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ – E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI – RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LACI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-chômage obligatoire et à l’indemnité en cas d’insolvabilité, à moins que la LACI n’y déroge expressément.

1.3 La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA ‑ E 5 10).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56ss LPGA et 62ss LPA).

2.             Le litige porte sur la question de savoir si la recourante a droit aux prestations de l’assurance-chômage, en particulier si elle remplit les conditions relatives à la période de cotisation.

3.              

3.1 Selon l’art. 8 al. 1 let. e LACI, l’assuré a droit à l’indemnité de chômage s’il remplit notamment les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré.

Tel est le cas de celui qui, dans les limites du délai-cadre de deux ans prévu par l'art. 9 al. 3 LACI, a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisations (art. 13 al. 1 LACI).

3.2 En l’espèce, il n’est pas contesté que cette exigence légale n’est pas remplie puisque, durant le délai-cadre de cotisation courant du 16 avril 2022 au 15 avril 2024, la recourante n’a exercé une activité soumise à cotisations qu’entre le 1er octobre et le 8 décembre 2024 auprès de H______. Il convient, dès lors, d’examiner si la recourante peut faire valoir un motif de libération de l’obligation de cotiser.

Selon l’art. 14 al. 2 LACI invoqué par la recourante, sont libérées des conditions relatives à la période de cotisation les personnes qui, par suite de séparation de corps ou de divorce, d’invalidité (art. 8 LPGA) ou de mort de leur conjoint ou pour des raisons semblables ou pour cause de suppression de leur rente d’invalidité, sont contraintes d’exercer une activité salariée ou de l’étendre. Cette disposition n’est applicable que si l’événement en question ne remonte pas à plus d’une année et si la personne concernée était domiciliée en Suisse au moment où il s’est produit.

L’art. 14 al. 2 LACI est également applicable en cas de séparation de fait (arrêt du Tribunal fédéral C 105/00 du 23 octobre 2000 consid. 3a).

En l’occurrence, le motif de libération invoqué et pouvant seul entrer en ligne de compte est celui de la séparation de la recourante d’avec son époux.

3.3 L’art. 14 al. 2 LACI vise à favoriser les personnes qui, en raison de certains événements, se trouvent soudainement confrontées à une situation de nature à mettre en péril leurs moyens d’existence. Son application suppose un lien de causalité entre le motif de libération – en l’occurrence la séparation – et la nécessité de prendre ou d’augmenter une activité lucrative dépendante. La preuve stricte de la causalité, dans une acceptation scientifique, ne doit pas être exigée ; l’existence d’un lien de causalité doit déjà être admise lorsqu’il apparaît crédible et compréhensible que l’événement en question est à l’origine de la décision du conjoint d’exercer une activité salariée ou de l’étendre (cf. ATF 125 V 125 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral C 365/00 du 7 décembre 2001 consid. 2). Lors de l’examen de la nécessité économique, il convient de comparer les revenus (y compris les revenus de la fortune) et les frais courants, en tenant compte de la fortune éventuellement disponible. S’il s'avère que la personne assurée n’est pas en mesure de faire face à ses obligations financières à court et à moyen terme, il y a lieu de conclure à une situation de détresse financière. Ce n’est par exemple pas le cas, malgré un divorce, si la personne assurée reçoit des contributions d’entretien substantielles de la part de son ex-conjoint ou si elle dispose d’une fortune importante (arrêt du Tribunal fédéral C 266/04 du 10 juin 2005 consid. 5.3.2 ss ; Thomas NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, vol. XIV, Soziale Sicherheit, 3e éd. 2016, p. 2340, n. 246). Une réduction du train de vie habituel doit être acceptée dans les cas prévus à l'art. 14 al. 2 LACI (DTA 2006, p. 56). Enfin, les conditions de la causalité et de la nécessité économique ne sont pas remplies lorsque l’époux débirentier ne verse pas les prestations d’entretien dues mais que l’assuré ne peut prouver qu’il ne pouvait les obtenir auprès des services de recouvrement et d’avance des contributions d’entretien (arrêt du Tribunal fédéral C 365/00 précité). Cette preuve est difficile à rapporter, étant donné que si l’exécution forcée ne permet pas de recouvrer les prestations dues, il existe des services publics de recouvrement et d’avance des contributions d’entretien qui versent lesdites prestations (cf. Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, p. 141 in fine).

3.4 Le lien de causalité doit cependant exister non seulement entre le motif invoqué et la nécessité de prendre une activité économique ou d’en augmenter le taux (ci-dessus : consid. 3.3), mais aussi entre le motif de libération et l’absence d’une période de cotisation suffisante (SVR 2000 ALV n. 15 p. 42 consid. 6d non publié dans l’ATF 124 V 400). L’art. 14 al. 2 LACI ne vise ainsi que les situations où l’intéressé a été empêché d’accomplir une période minimale de cotisation parce qu’il s'est consacré exclusivement à la tenue du ménage et au confort domestique de sa famille. Ce qui est déterminant, c'est la soudaineté de la nécessité de reprendre une activité lucrative et le fait que l’entrée dans la vie active ou la réintégration de celle-ci n’avait pas été prévue. Ne peut dès lors se prévaloir d’un motif de libération l’assurée qui n’a pas exercé d’activité salariée parce qu’elle déployait, avant la séparation d’avec son ex-conjoint, une activité indépendante en compagnie de celui-ci (ATF 125 V 123 consid. 2c in fine ; SVR 2000 ALV n. 15 p. 42 ibidem). Il en va de même de l’assuré qui a effectué de nombreuses recherches d'emploi avant que ne survienne le motif de libération invoqué (par analogie DTA 2000 n. 18 p. 88 consid. 2 ; ATF 121 V 344 consid. 5c/cc) ou de celui qui a toujours eu la volonté d’exercer une activité salariée durant la vie commune avec son épouse mais qui, pour une raison autre que conjugale et familiale – probablement liée à la situation du marché du travail –, n’a pas vu aboutir ses nombreuses démarches pour trouver une telle activité. Dans ces cas, le lien de causalité entre la situation conjugale et familiale et l’absence de cotisation minimale fait défaut (arrêt du Tribunal fédéral 8C_610/2009 du 28 juillet 2010 consid. 6 et les références).

4.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d’un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l’exactitude d’une allégation, sans que d’autres possibilités revêtent une importance significative ou entrent raisonnablement en considération (ATF 144 V 427 consid. 3.2 ; 139 V 176 consid. 5.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

5.             En l’occurrence, tant la décision initiale du 20 novembre 2024 que la décision querellée fondent leur refus de déroger à la période de cotisation minimale de douze mois sur l’absence de lien de causalité entre la séparation de la recourante d’avec son mari et la nécessité de celle-ci de prendre une activité économique, au motif que les pensions alimentaires qui lui sont dues en vertu du jugement du TPI du 11 septembre 2023, respectivement de l’arrêt de la Cour de justice du 21 novembre 2024, lui assureraient des revenus mensuels suffisants pour maintenir son niveau de vie.

D’avis contraire, la recourante fait valoir que dans les faits, sa situation financière réelle ne correspondrait pas à celle prévue par les décisions précitées rendues par la justice civile. En effet, malgré l’avis aux débiteurs mis en œuvre par jugement JTPI/12375/2024 du 10 octobre 2024, ni son mari ni l’employeur de celui-ci ne feraient le nécessaire pour lui verser l’intégralité des pensions alimentaires dues.

La chambre de céans constate pour sa part qu’il ressort du jugement du 10 octobre 2024 précité que le mari de la recourante ne s’est acquitté que très partiellement des montants dus au titre de l’entretien de la famille dès octobre 2023 (cf. pièce 29 intimée, p. 8 ss) et que cette situation était ainsi d’actualité le 16 avril 2024, date à laquelle l’assurée s’est inscrite auprès de l’OCE. Quant aux relevés de compte produits (cf. pièce 6 recourante), qui sont concomitants ou postérieurs à la mise en œuvre de l’avis aux débiteurs, ils révèlent que si les versements effectués par l’employeur du mari de la recourante s’élevaient encore à CHF 7'100.- en octobre et novembre 2024, ce montant était tombé à CHF 1'466.25 en décembre 2024, avant d’atteindre CHF 3'495.35 par mois en janvier, février et mars 2025. Pour le reste, on ignore si la recourante a entrepris des démarches auprès du SCARPA et si elle remplirait les conditions pour pouvoir bénéficier de l’aide de ce service. Cela étant, la question de savoir si en raison de la séparation d’avec son mari et de la nécessité économique alléguée en résultant, la recourante se voit contrainte de reprendre une activité lucrative peut rester ouverte en l’absence de lien de causalité entre cette séparation et l’absence de durée minimale de cotisations de douze mois durant le délai-cadre de cotisation – courant du 16 avril 2022 au 15 avril 2024. Il ressort en effet de la première demande d’indemnité de chômage, du 28 septembre 2019 (pièces 0a et 0b intimée), et de l’arrêt de la Cour de justice du 21 novembre 2024 (pièce 40a intimée, p. 35 ss), que du temps où elle faisait ménage commun avec son mari, la recourante avait travaillé pour la G______ du 12 septembre 2011 au 31 mars 2019, d’abord à plein temps puis à 80% après la naissance de la benjamine en ______ 2014. En outre, la fin de la collaboration avec la G______ n’avait pas été dictée par un hypothétique impératif familial et/ou souhait de la recourante de mener une existence de femme au foyer, mais par un licenciement économique (cf. pièce 0b intimée), lequel avait débouché sur une période de chômage du 1er mars 2019 au 30 juillet 2021, suivie d’une période de fin de droit au cours de laquelle l’intéressée avait « effectué en vain de nombreuses recherches d’emploi » (cf. pièce 40a intimée, p. 35, dernier §). Ces recherches avaient finalement été couronnées de succès, vu la conclusion d’un contrat de travail à 80% avec H______, prenant effet le 1er octobre 2023. Quant à la résiliation de ce contrat pour le 8 décembre 2023, elle n’est pas le fait de la recourante mais de cet employeur, en raison de « performances » jugées insuffisantes (cf. pièce 1c intimée).

Il résulte de ces éléments que durant la vie commune avec son mari, plus précisément depuis septembre 2011 au plus tard, la recourante a toujours eu la volonté d’exercer une activité salariée mais que c’est pour une raison autre que conjugale et familiale – probablement liée à la situation du marché du travail – qu’elle n’a pas vu aboutir ses nombreuses démarches pour trouver une telle activité entre le 1er avril 2019 et le 30 septembre 2023, et qu’elle n’a pas pu non plus maintenir la dernière activité salariée en date, commencée le 1er octobre 2023, au-delà du 8 décembre 2023. Dans ces conditions, il convient de considérer que le lien de causalité entre le motif de libération invoqué – la séparation – et l’absence de durée minimale de cotisations n’est pas donné.

6.             Compte tenu de ce qui précède, le recours est rejeté.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le