Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/726/2025 du 30.09.2025 ( LAA )
En droit
| rÉpublique et | canton de genÈve | |
| POUVOIR JUDICIAIRE
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| A/1863/2025 ATAS/726/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
| Arrêt incident du 30 septembre 2025 Chambre 6 | ||
En la cause
| A______ représentée par Me Florian GODBILLE, avocat
| recourante |
contre
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VAUDOISE GENERALE COMPAGNIE D'ASSURANCES SA
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intimée |
A. a. A______ (ci-après : l’assuré), née le ______ 1994, était apprentie assistante en pharmacie à la B______SA et assurée à ce titre contre le risque accidents auprès de la VAUDOISE GENERALE COMPAGNIE D’ASSURANCES SA (ci-après : l’assurance).
b. Le 20 juillet 2015, l’assurée a été victime d’un accident de la circulation ayant entrainé plusieurs lésions.
B. a. Par décision du 18 octobre 2021, l’assurance a alloué à l’assurée une rente d’invalidité de 56% dès le 1er septembre 2021 et une indemnité pour atteinte à l’intégrité (ci-après : IPAI) de 60%. Certains frais de traitement continuaient d’être pris en charge. La capacité de travail retenue était de 40% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles. La rente mensuelle était de CHF 1'908.05.
b. Le 19 novembre 2021, l’assurée a fait opposition à cette décision, en concluant à l’octroi d’une rente d’invalidité de 100% dès le 1er septembre 2021, à une IPAI de 95% et à la prise en charge de certains traitements.
c. Par courrier du 3 décembre 2024, l’assurance a informé l’assurée qu’entre le 1er septembre 2021 et le 30 novembre 2024, un montant de CHF 18'161.20 lui avait été versé en trop, compte tenu du rétroactif des rentes de l’assurance‑invalidité (ci‑après : AI), qu’elle avait reçu pour la même période. La rente mensuelle était de CHF 1'603.10 dès le 1er septembre 2021, CHF 1'670.45 dès le 1er janvier 2023 et CHF 1'006.70 dès le 1er mars 2024.
d. Par décision sur opposition du 9 avril 2025, l’assurance a confirmé le gain assuré, la capacité de travail de 40% dans une activité adaptée et une IPAI de 60% et modifié sa décision du 18 octobre 2021, en recalculant le montant de la rente d’invalidité dès le 1er septembre 2021, dans le sens de son courrier du 3 décembre 2024, compte tenu du versement des rentes d’invalidité AI.
C. a. Le 26 mai 2025, l’assurée, représentée par un avocat, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision précitée, en concluant, principalement, à l’octroi d’une rente d’invalidité de 100%, soit d’une rente d’invalidité complémentaire mensuelle de CHF 4'653.- dès le 1er septembre 2021, sous déduction des rentes versées par l’AI, à une IPAI de 95% et à la garantie de certains frais de traitement, subsidiairement, à l’ordonnance d’une nouvelle expertise pluridisciplinaire.
b. Le 24 juin 2025, l’assurance a conclu au rejet du recours.
c. Le 23 juillet 2025, la recourante a répliqué, en confirmant ses conclusions et en les complétant, par une requête, à titre provisionnel, visant à ce que l’assurance reprenne sans délai le versement de la rente fixée dans sa « décision du 3 décembre 2023 », puis par décision sur opposition du 9 avril 2025 jusqu’à droit connu sur le sort de la cause et le droit à sa rente complémentaire, ainsi que d’arrêter toute compensation sur sa rente complémentaire avec le prétendu trop versé entre le 1er septembre 2021 et le 30 novembre 2024, subsidiairement, à ce qu’il soit dit qu’elle n’a pas à rembourser tout éventuel montant versé en trop par l’assurance entre le 1er septembre 2021 jusqu’au 30 septembre 2024.
d. Le 6 août 2025, le dossier de l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI) a été versé à la procédure.
e. Le 8 août 2025, l’assurance a indiqué que son courrier du 3 décembre 2024 était informatif sur le principe de la compensation prévue dès le 1er décembre 2024 et n’était pas une décision formelle. Dès le 1er décembre 2024, le versement de la rente d’invalidité avait été suspendu et ce n’était que sept mois plus tard que la recourante le contestait. Si elle n’était pas d’accord avec le principe de la compensation, elle pouvait requérir une décision formelle sujette à opposition.
f. Le 19 août 2025, l’assurance a confirmé ses conclusions.
g. Le 25 août 2025, la recourante a rappelé qu’elle s’était opposée à la compensation d’un arriéré et que celle-ci n’ayant pas été confirmée sur opposition, elle était infondée.
h. Le 28 août 2025, la recourante a observé que le gain assuré devant se fonder sur l’ESS, à l’instar de ce qu’avait fait l’OAI. La décision du 9 juin 2022 de l’OAI avait été notifiée à l’intimée, de sorte qu’elle disposait, depuis juin 2022, de toutes les informations utiles pour réaliser un calcul de rente complémentaire. La demande de restitution était donc tardive.
i. À la demande de la chambre de céans, l’intimée a précisé le 17 septembre 2025, le calcul de la compensation du montant de CHF 18'161.20.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. La recourante requiert le prononcé de mesures provisionnelles visant à condamner l’intimée à lui verser le montant de la rente d’invalidité calculé dans la décision litigieuse.
3.
3.1 En procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent en principe être examinés et jugés que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement d'une manière qui la lie sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l’objet de la contestation qui peut être déféré en justice par la voie d'un recours. Le juge n'entre donc pas en matière, sauf exception, sur des conclusions qui vont au-delà de l’objet de la contestation (ATF 134 V 418 consid. 5.2.1 et les références).
3.2 En l’occurrence, la décision litigieuse opère un nouveau calcul de la rente d’invalidité, aboutissant à un taux d’invalidité de 58%, au lieu de 56%, ainsi qu’un calcul de surindemnisation, selon lequel la rente mensuelle d’invalidité due à la recourante est de CHF 1'032.80. Elle ne statue en revanche pas sur la compensation du montant de CHF 18'161.20 avec les rentes d’invalidité en cours, de sorte que cette question ne fait pas partie du présent litige. Partant, la demande de mesures provisionnelles est irrecevable.
La recourante estime cependant qu’elle s’est opposée à la compensation de l’arriéré de CHF 18'161.20 et que celle-ci n’ayant pas été confirmée dans la décision litigieuse, cela signifierait que l’intimée y a renoncé implicitement.
Cet argument ne peut être suivi.
L’annonce de la compensation par courrier de l’intimé du 3 décembre 2024 n’a pas fait l’objet d’une contestation de la recourante antérieurement à la décision litigieuse. En effet, bien que la recourante indique que la compensation a fait l’objet de son opposition, elle ne se réfère à aucune écriture au dossier, étant au surplus relevé que s’agissant de l’opposition, elle est datée du 19 novembre 2021, soit antérieurement au courrier de l’intimée du 3 décembre 2024 annonçant la compensation. La recourante n’a ainsi pas contesté la compensation dans le cadre de son opposition.
4.
4.1 Selon l’art. 49 al. 1 LPGA, l’assureur doit rendre par écrit les décisions qui portent sur des prestations, créances ou injonctions importantes ou avec lesquelles l’intéressé n’est pas d’accord.
Selon l’art. 51 LPGA, les prestations, créances et injonctions qui ne sont pas visées à l’art. 49 al. 1 peuvent être traitées selon une procédure simplifiée (al. 1) ; l’intéressé peut exiger qu’une décision soit rendue (al. 2).
4.2 Une décision qui n’est pas désignée comme telle et qui n’indique pas les moyens de droit à disposition de l’assuré est un prononcé selon la procédure simplifiée qui doit susciter de la part de l’assuré une demande de décision formelle (DUPONT / MOSER-SZELESS, Commentaire romand, Loi fédérale sur la partie générale des assurances sociales, 2025, p. 696 ad art. 49 n. 43).
La loi ne prévoit pas le délai dans lequel l’assuré peut former la demande tendant à obtenir une décision rendue conformément à l’art. 49. Le législateur a renoncé à fixer un tel délai, tout en indiquant qu’il ne devrait pas excéder une année. Se référant à la doctrine, pour laquelle le délai pour demander une décision conforme à l’art. 49 doit être supérieur au délai ordinaire de 30 jours, jusqu’à plusieurs mois, le Tribunal a fixé à un an le délai pour demander une décision formelle lorsque la procédure simplifiée a été utilisée à tort ; le Tribunal fédéral a également indiqué que ce délai d’un an était supérieur au délai valant dans un cas d’application ordinaire de l’art. 51 al. 2, sans pour autant préciser ce dernier. Plus tard, le Tribunal fédéral a retenu, s’agissant de la communication d’un décompte d’indemnités journalières, que ce délai est de trois mois ou 90 jours, ce qu’il a réaffirmé dans un arrêt publié de 2022. Pour Wiederkehr, celui-ci est de 90 jours. S’agissant d’un délai à fixer par voie jurisprudentielle, il s’agit de tenir compte des circonstances du cas d’espèce. Le principe de la bonne foi a dans ce contexte une influence prépondérante (DUPONT / MOSER‑SZELESS, op. cit., p. 712 ad art. 59 n. 13).
La procédure simplifiée peut être utilisée pour les prestations, créances et injonctions qui ne sont pas visées à l’art. 49 al. 1 LPGA. En raison du renvoi à l’art. 49 al. 1 LPGA, peuvent faire l’objet d’une procédure simplifiée, les prestations, créances ou injonctions (art. 49 n. 10) qui ne sont pas importantes (art. 49 n. 13) ou avec lesquelles l’intéressé est d’accord (art. 49 n. 15). Ainsi, par exemple, la clôture d’un cas et le refus de prestations par l’assureur-accidents ne doivent pas être prononcés par la voie de la procédure simplifiée, mais doivent faire l’objet d’une décision formelle. La procédure simplifiée ne peut pas être utilisée pour des décisions en constatation (art. 49 al. 2), qui doivent être rendues selon la procédure ordinaire (DUPONT / MOSER‑SZELESS, op. cit., p. 709 ad II al. 1).
Si des décisions informelles concernant des prestations périodiques sont devenues définitives, elles ne peuvent plus être réexaminées que sous le titre de la reconsidération ou de la révision formelle (ATF 148 V 427 considérant 4.1).
4.3 En l’occurrence, l’intimée a informé la recourante par courrier du 3 décembre 2024 (adressé à l’avocate de la recourante) qu’elle compenserait dès le 1er décembre 2024 le versement de la rente d’invalidité avec un montant de CHF 18'161.20 correspondant aux prestations versées à tort. Ce courrier n’est pas qualifié de décision et ne comporte pas l’indication des voies de droit.
Portant sur une injonction qui pourrait être qualifiée d’importante, cette information pourrait devoir l’objet d’une décision formelle selon l’art. 49 al. 1 LPGA, de sorte que la procédure simplifiée utilisée par l’intimée l’aurait été à tort. En effet, la suppression, par compensation, du versement de la rente d’invalidité de la recourante, qui lui était régulièrement versée est d’un montant qui n’est pas négligeable.
Dans cette hypothèse, la recourante peut requérir une décision formelle dans un délai d’un an.
La compensation a été contestée par la recourante par écriture du 23 juillet 2025, soit sept mois après avoir été effectuée. Ce délai étant inférieur à celui d’un an précité, l’intimée doit examiner si une décision formelle sur la question de la compensation doit être rendue.
4.4 Au vu de ce qui précède, la requête de mesures provisionnelles sera déclarée irrecevable et transmise à l’intimée comme objet de sa compétence.
En tant qu’elle comprend une demande de reprise immédiate du versement de la rente d’invalidité, il incombera à l’intimée de se prononcer sur cette question, soit en rendant rapidement une décision formelle qui devra se prononcer également sur le retrait ou non de l’effet suspensif, soit en statuant sur mesures provisionnelles.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant selon l’art. 21 al. 2 LPA-GE
1. Déclare la demande de mesures provisionnelles irrecevable.
2. La transmet à l’intimée, dans le sens des considérants.
3. Réserve le fond.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
| La greffière
Adriana MALANGA |
| La présidente
Valérie MONTANI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le