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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3583/2024

ATAS/710/2025 du 22.09.2025 ( LAA ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3583/2024 ATAS/710/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 septembre 2025

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

Représenté par Me Karin BAERTSCHI, avocate

 

recourant

contre

 

GROUPE MUTUEL ASSURANCES GMA SA

 

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1989, a travaillé du 6 mai 2019 au 30 juin 2024 en qualité de gestionnaire de stocks à plein temps pour la société B______ (SUISSE) SA (ci-après : l’employeur).

b. En cette qualité, il était assuré auprès de GROUPE MUTUEL ASSURANCES GMA SA (ci-après : l’assurance ou l’intimée) contre les accidents professionnels et non professionnels.

B. a. Le 1er septembre 2023, l’employeur a complété une déclaration de sinistre dans laquelle il a annoncé que dans le cadre de ses loisirs, soit lors d’un match de foot disputé le 12 mai 2023, l’assuré avait subi une entorse à la cheville droite, en raison d’un coup porté par un autre joueur. Cette entorse avait été suivie de complications et d’un arrêt de travail à 100% dès le 31 août 2023. Les premiers soins avaient été prodigués par le Dr C______, médecin généraliste à D______ (France). À cette déclaration étaient annexées des photographies floues de documents partiellement lisibles, soit notamment :

-          une ordonnance du Dr C______, prescrivant une échographie et une imagerie par résonance magnétique (ci-après : IRM) de la cheville droite ;

-          une IRM de la cheville droite, réalisée le 9 août 2023 en France ;

-          un courrier du 31 août 2023 du Dr E______, médecin du sport à F______ – partiellement masqué par la fiche d’un rendez-vous médical fixé au 25 septembre –, remerciant un confrère (non identifiable) de recevoir l’assuré « pour avis concernant une entorse grave [de] la cheville droite avec rupture du LTFA [ligament talo-fibulaire] et LODA [lésion ostéochondrale du talus].

b. Dans un rapport du 25 septembre 2023, le Dr G______, chirurgien orthopédiste et traumatologue à F______, a indiqué que l’assuré présentait une instabilité douloureuse de la cheville droite avec des entorses à répétition. Le dernier épisode remontait à mai 2023. Il se plaignait depuis de douleurs persistantes. On retrouvait à l’examen clinique des douleurs périmalléolaires avec une laxité articulaire en varus et un tiroir antérieur. Les examens complémentaires confirmaient des lésions ligamentaires avec une ostéophytose tibiotallienne antérieure et une lésion ostéochondrale postérolatérale.

c. Le 25 septembre 2023, l’assuré a complété un questionnaire de l’assurance, en indiquant qu’il avait ressenti pour la première fois des douleurs juste après le match. Au cours de la partie, le joueur impliqué dans l’événement du 12 mai 2023 ne l’avait pas blessé intentionnellement mais son comportement avait été sanctionné par l’arbitre (carton jaune). Invité à dire s’il avait déjà souffert de la cheville droite avant cet événement, l’assuré a répondu par l’affirmative, en précisant qu’il avait fait de la kinésithérapie « pour une simple entorse, il y a quelques années déjà ».

d. Dans un rapport du 13 novembre 2023 à l’assurance, le Dr G______ a posé les diagnostics d’instabilité chronique de la cheville droite, d’arthrose de la cheville droite et de synchondrose talo-calcanéenne droite. L’évolution et l’état actuel étaient marqués par de l’instabilité et des douleurs. Interrogé sur l’étiologie de l’affection en cause, le Dr G______ a répondu : « traumatique ». La participation d’un état antérieur était « non connue » et des circonstances sans rapport avec l’événement survenu le 12 mai 2023 ne jouaient pas de rôle dans l’évolution du cas. Une chirurgie de stabilisation ligamentaire était prévue le 12 décembre 2023. L’incapacité de travail en cours s’expliquait par l’instabilité douloureuse de la cheville. Le pronostic était favorable pour l’instabilité (grâce à la chirurgie prévue) et réservé pour les douleurs, en raison de l’arthrose.

e. Dans un second rapport du 13 novembre 2023, adressé à l’assuré mais destiné à son médecin traitant (« Cher confrère […] »), le Dr G______ a confirmé une laxité importante de l’articulation tibiotalienne de la cheville droite avec un varus et un tiroir antérieur. Cette laxité était en rapport avec des lésions ligamentaires sévères intéressant le ligament talofibulaire antérieur et fibulocalcanéen. Il s’y associait des douleurs qui restaient modérées. La symptomatologie douloureuse pouvait être en rapport avec les lésions chondrales de l’articulation tibiotalienne visualisées sur l’arthroscanner mais également avec une synchondrose talo‑calcanéenne médiale. Néanmoins, le Dr G______ proposait pour l’instant uniquement un geste chirurgical ligamentaire (ligamentoplastie anatomique sous arthroscopie et exérèse de l’ostéophytose antérieure).

f. Par courriel du 22 décembre 2023 à l’assurance, le Dr H______, spécialiste en chirurgie orthopédique et médecin conseil de l’assurance, a indiqué que la prise en charge de l’opération envisagée par le Dr G______ pouvait être acceptée et que l’incapacité de travail post-opératoire serait d’au maximum trois mois.

g. Le 18 janvier 2024, l’assuré a subi cette intervention (initialement prévue le 12 décembre 2023). Selon le compte-rendu opératoire y relatif, le Dr G______ avait procédé à une ligamentoplastie anatomique de la cheville au Gracilis pour instabilité. Ce geste chirurgical avait été complété par une reconstruction ligamentaire tibiotalienne et sous-talienne, une ostéotomie tibiotalienne de résection intra-articulaire ainsi qu’une libération mobilisatrice des articulations tibiotalienne et sous-talienne sous arthroscopie. Les consignes postopératoires prévoyaient du repos surtout pendant les deux premières semaines, une botte sans appui (béquilles) pendant trois semaines puis avec « orthèse appui » pendant trois semaines, la prise d’antiinflammatoires (sauf contre-indication), d’antalgiques et d’anticoagulants ainsi qu’une consultation de contrôle trois semaines après l’intervention.

h. Dans un rapport du 12 février 2024 à l’assurance, le Dr G______ a indiqué que l’évolution post-opératoire était favorable. L’étiologie de l’affection en cause était traumatique, sans participation d’un état antérieur. Des circonstances sans rapport avec l’événement survenu le 12 mai 2023 ne jouaient pas de rôle dans l’évolution du cas. Le traitement actuel était antalgique, complété par de la rééducation. La durée probable du traitement médical serait de trois à six mois. Le pronostic était favorable. L’incapacité de travail actuelle se justifiait pour la période postopératoire et une reprise du travail à 100% pourrait avoir lieu le 9 mai 2024.

i. Par pli du 22 avril 2024, l’employeur a résilié le contrat de travail de l’assuré pour le 30 juin 2024.

j. Dans un rapport du 6 mai 2024 au médecin traitant, le Dr G______ a indiqué que la ligamentoplastie de la cheville droite avait abouti à un bon résultat sur le plan de l’instabilité, mais que l’assuré se plaignait néanmoins de douleurs persistantes au niveau de la synchondrose talo-calcanéenne. Dans ces conditions, le Dr G______ lui avait proposé une arthrodèse sous-talienne par voie médiale avec résection de la synchondrose.

k. Par courriel du 10 mai 2024, l’assuré a informé l’assurance qu’il se soumettrait à une nouvelle intervention chirurgicale à la cheville droite le 28 mai 2024.

l. Par courriel du 24 mai 2024, l’assurance a fait savoir à l’assuré que la décision de se soumettre à l’intervention du 28 mai 2024 lui appartenait mais qu’en l’état, la garantie de la prise en charge de cette intervention ne lui serait pas donnée.

m. Par courriel du 27 mai 2024 à l’assurance, le Dr H______ a relevé à la lecture du rapport du 6 mai 2024 du Dr G______ que la plastie ligamentaire n’avait pas connu de complication, vu le bon résultat rapporté, et qu’elle n’était pas la cause du traitement prévu le 28 mai 2024. L’intervention prévue à cette date consisterait en effet en une arthrodèse. La réalisation de celle-ci était dictée par la présence d’une synchondrose talo-calcanéenne qui n’avait pas été traitée lors de l’opération du 18 janvier 2024. Or, selon le Dr H______, cette synchondrose talo-calcanéenne était une « entité préexistante (constitutionnelle) ». Dans ces conditions, le lien de causalité entre l’événement du 12 mai 2023 et l’arthrodèse sous-astragalienne (ou sous-talienne) prévue était « hautement / très hautement improbable ». Enfin, le Dr H______ a indiqué qu’il souhaitait avoir plus d’informations concernant les antécédents de l’assuré (instabilité chronique de la cheville) et pouvoir compléter les informations ressortant du dossier radiologique (IRM du 9 août 2023 et tout examen radiologique réalisé depuis le 18 janvier 2024).

n. Par courrier du 28 mai 2024, l’assurance a fait observer à l’assuré qu’il était en incapacité de travail sans interruption notable depuis le 12 mai 2023. Aussi l’a-t-il invité à déposer une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité compétent afin de se prémunir contre un éventuel report de son droit aux prestations AI.

o. Dans un compte rendu opératoire du 28 mai 2024, le Dr G______ a posé le diagnostic d’arthrose sous-talienne. Après avoir effectué une synovectomie et une résection du cartilage, il avait procédé à une arthrodèse au moyen de deux vis et jugé le contrôle scopique satisfaisant.

p. Dans un rapport du 17 juillet 2024, le Dr H______ a estimé que le lien de causalité entre le traitement réalisé dès le 28 mai 2024 et l’événement du 12 mai 2023 était hautement, voire très hautement improbable. Pour motiver son point de vue, il a rappelé qu’après l’intervention du 18 janvier 2024 (ligamentoplastie), prise en charge par l’assurance, l’évolution sur le plan de la stabilité de la cheville (et de l’efficacité de cette chirurgie ligamentaire) avait été favorable (cf. rapport du 6 mai 2024 du Dr G______). L’assuré présentait toutefois des douleurs persistantes, mises essentiellement sur le compte d’une arthrose sous-talienne, diagnostic qui avait conduit à la réalisation, le 28 mai 2024, d’une arthrodèse sous-talienne (ou sous-astragalienne). Cette arthrose sous-astragalienne, qui était clairement mise en évidence sur les images IRM, était présente avant l’événement du 12 mai 2023 et peut-être en lien avec une synchondrose du versant médial de l’articulation, mais probablement aussi en lien avec les entorses à répétition anciennes. En définitive, l’événement du 12 mai 2023 avait peut-être créé ou aggravé une lésion ligamentaire externe de la cheville droite – correctement traitée le 18 janvier 2024. Pour le reste, ce même événement avait permis de révéler, mais non pas de causer (ou aggraver) une arthrose sous-astragalienne (et une arthrose tibio-astragalienne), de sorte que le lien de causalité entre le traitement réalisé dès le 28 mai 2024 et l’accident du 12 mai 2023 était hautement, voire très hautement improbable. Pour les seules conséquences directes (i.e. ligamentaires supposées) de l’événement du 12 mai 2023, le délai de cessation des effets délétères ne devait pas dépasser trois à quatre mois après l’intervention du 18 janvier 2024. Ce délai était suffisant pour une cicatrisation optimale et une récupération fonctionnelle (stabilité) de la cheville au plus tard à la veille de la chirurgie visant à bloquer l’articulation sous-astragalienne.

q. Par décision du 23 juillet 2024, l’assurance a informé l’assuré que les prestations d’assurance lui seraient versées jusqu’au 27 mai 2024 et que les soins donnés dès le 28 mai 2024 relèveraient par conséquent de la compétence de son assureur-maladie. Sur le plan médical, il ressortait en effet de l’appréciation du médecin-conseil contacté que les troubles qui subsistaient aujourd’hui n’étaient plus en relation de causalité avec l’accident survenu le 12 mai 2023.

r. Le 13 août 2024, l’assuré a formé opposition à cette décision et conclu en substance à la prise en charge des indemnités journalières et des prestations pour soins au-delà du 27 mai 2024.

À l’appui de sa position, il a relevé que lors du match disputé le 12 mai 2023, il avait reçu un tacle par derrière qui avait gravement blessé sa cheville droite. Cette blessure avait nécessité non seulement une ligamentoplastie – prise en charge par l’assurance –, mais aussi une seconde opération le 28 mai 2024. Cette intervention était la conséquence directe de l’accident du 12 mai 2023.

En vue de démontrer le lien de causalité entre l’intervention du 28 mai 2024 et l’accident du 12 mai 2023, l’assuré a produit un rapport du 7 août 2024, dans lequel le Dr C______ attestait que les deux gestes opératoires (ligamentoplastie et arthrodèse) étaient en lien avec le traumatisme compliqué qu’il avait subi à la cheville droite.

s. Par décision du 1er octobre 2024, l’assurance a rejeté l’opposition, en se référant au rapport du 17 juillet 2024 du Dr H______.

C. a. Le 29 octobre 2024, l’assuré, représenté par une avocate, a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice d’un recours contre cette décision, concluant à son annulation et à la prise en charge des prestations d’assurance
au-delà du 27 mai 2024, celles-ci devant inclure l’intervention chirurgicale du 28 mai 2024 ainsi que les indemnités journalières en lien avec l’incapacité totale de travail ayant duré jusqu’au 30 novembre 2024.

À l’appui de sa position, il a produit notamment :

-          un rapport du 21 août 2024 du Dr G______, indiquant que l’assuré ne présentait pas de douleurs articulaires avant l’accident du 12 mai 2023, malgré la synchondrose sous-talienne, de sorte que cet événement avait décompensé ces douleurs. Il existait de nombreuses synchondroses asymptomatiques mais pour cette pathologie, il était assez fréquent que les douleurs apparaissent après un traumatisme. Selon le Dr G______, il existait donc un lien entre l’accident et la souffrance articulaire de l’articulation sous-talienne ayant nécessité une arthrodèse. La synchondrose talo-calcanéenne de l’assuré était présente avant l’accident du 12 mai 2023 mais il s’agissait d’un facteur de risque de douleurs articulaires dans le cadre de son instabilité ;

-          un rapport du 9 octobre 2024 du Dr G______, attestant que l’assuré était en incapacité de travail depuis le 31 août 2023 et qu’il le serait jusqu’au 30 novembre 2024 inclus. Il présentait une instabilité douloureuse de la cheville droite dans les suites d’une entorse en mai 2023. Suite à cet accident, il avait dû être opéré d’une ligamentoplastie de cheville et d’une arthrodèse sous-talienne.

Tirant argument de ces rapports et de celui du 7 août 2024 du Dr C______, le recourant a fait valoir qu’ils contredisaient l’appréciation du Dr H______ et la mettaient en doute. Ainsi, la mise en œuvre d’une expertise était en principe nécessaire. Cependant, sur la base des avis des Drs C______ et G______, il pouvait être admis, sans mesure d’instruction complémentaire, que le lien de causalité entre l’arthrodèse sous-talienne, réalisée le 28 mai 2024, et l’accident du 12 mai 2023 était donné, si bien qu’il incombait à l’intimée de prendre en charge cet acte chirurgical et les indemnités journalières jusqu’à la fin de l’incapacité de travail au 30 novembre 2024.

b. Par réponse du 7 janvier 2024, l’intimée a conclu au rejet du recours.

De son point de vue, la position soutenue par le Dr G______ dans son rapport du 21 août 2024 constituait un raisonnement post hoc ergo propter hoc en tant que ce médecin évoquait une synchondrose asymptomatique avant l’accident mais douloureuse après cet événement. Quant à l’affirmation selon laquelle il était assez fréquent que les douleurs apparaissent après un traumatisme, elle était d’ordre général mais non motivée en lien avec les spécificités du cas particulier. Insuffisamment voire pas du tout motivés sur la question du lien de causalité entre l’arthrodèse et l’accident du 12 mai 2023, les avis médicaux des Drs G______ et C______ étaient dépourvus de valeur probante, contrairement au rapport du 17 juillet 2024 du Dr H______.

c. Le 6 mars 2025, le recourant a répliqué et produit :

-          un certificat du 29 janvier 2025, dans lequel le Dr G______ mentionnait n’avoir pas d’autre explication à donner à l’assurance, vu que le précédent rapport, du 21 août 2024, « expliquant la relation entre le traumatisme et la déclaration des douleurs en rapport avec la synchondrose sous-talienne » était exhaustif ;

-          un rapport du 27 janvier 2025 dans lequel le Dr C______ a indiqué que le recourant était suivi pour une pathologie de la cheville droite en lien direct avec l’accident du « 11/05/2023 » (recte : 12 mai 2023) et ayant entraîné des lésions aiguës typiques de l’accident, confirmées par les examens d’imagerie. Les lésions de cet accident avaient nécessité de la rééducation mais surtout deux opérations en 2024 (ligamentoplastie et arthrodèse). On constatait des séquelles encore présentes ce jour avec des amplitudes articulaires limitées et des douleurs mécaniques. Le matériel d’ostéosynthèse était en place ;

-          un rapport du 26 février 2025, dans lequel le Dr C______ a indiqué que l’accident du 12 mai 2023 avait causé une entorse de la cheville droite, compliquée d’une rupture du ligament talo-fibulaire antérieur et d’une distension des ligaments calcanéo-fibulaire, talo-fibulaire et du faisceau profond du « LCM + géode du dôme talien postéro-latéral ». Les interventions chirurgicales effectuées étaient en lien avec le traumatisme du fait des pseudarthroses induites, de l’arthrose majorée et des instabilités ligamentaires chroniques.

d. Le 25 mars 2025, l’intimée a dupliqué, en soutenant que les pièces produites le 6 mars 2025 par le recourant n’apportaient pas d’éléments ni d’arguments nouveaux au débat, de sorte qu’elle renvoyait à ses précédentes écritures et maintenait ses conclusions.

e. Le 26 mars 2025, une copie de ce courrier a été transmise, pour information, au recourant.

f. Les autres faits seront mentionnés, si nécessaire, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-accidents, à moins que la loi n’y déroge expressément.

1.3 La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10).

1.4 Interjeté dans le délai légal de 30 jours (art. 56 et 60 al. 1 LPGA ; art. 62 al. 1 LPA) et respectant les exigences de forme prévues par l’art. 61 let. b LPGA (cf. aussi l’art. 89B LPA), le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le droit du recourant aux prestations d’assurance au-delà du 27 mai 2024.

3.              

3.1 Aux termes de l’art. 6 al. 1 LAA, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel ou non, et de maladie professionnelle.

Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA).

Selon l’art. 6 al. 2 LAA, l’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles énumérées aux lettres a à h (dont les déchirures du ménisque et les déchirures de tendons), pour autant que celles-ci ne soient pas dues de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie.

3.2 Dans un ATF 146 V 51, le Tribunal fédéral a examiné les répercussions de la modification législative relative aux lésions corporelles assimilées à un accident. Il s’est notamment penché sur la question de savoir quelle disposition était désormais applicable lorsque l’assureur-accidents a admis l’existence d’un accident au sens de l’art. 4 LPGA et que l’assuré souffre d’une lésion corporelle au sens de l’art. 6 al. 2 LAA. Le Tribunal fédéral a admis que, dans cette hypothèse, l’assureur-accidents doit prendre en charge les suites de la lésion en cause sur la base de l’art. 6 al. 1 LAA ; en revanche, en l’absence d’un accident au sens juridique, le cas doit être examiné sous l’angle de l’art. 6 al. 2 LAA (ATF 146 V 51 consid. 9.1 ; résumé dans la RSAS 1/2020 p. 33ss. ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_520/2020 du 3 mai 2021 consid. 5.1).

3.3 En l’espèce, il n’est pas contesté par les parties que l’événement du 12 mai 2023 est constitutif d’un accident au sens de l’art. 4 LPGA. Partant, il n’est pas nécessaire de déterminer si certaines lésions constatées par les médecins figurent dans la liste de l’art. 6 al. 2 LAA, puisque même dans l’affirmative, la cause devrait être examinée exclusivement sous l’angle de l’art. 6 al. 1 LAA. Cela implique que si une lésion au sens de l’art. 6 al. 2 LAA est due à un accident assuré, l’assureur doit la prendre en charge jusqu’à ce que cet accident n’en constitue plus la cause naturelle et adéquate et que l’atteinte à la santé qui subsiste est due uniquement à des causes étrangères à l’accident considéré (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et 9.1 ; ci-après : consid. 4.2 et 4.3).

4.             Il convient ainsi d’examiner, au regard des principes exposés à l’ATF 146 V 51 précité, la question du lien de causalité entre les lésions constatées et l’accident du 17 mars 2021, étant précisé qu’en relation avec les art. 10 (droit au traitement médical) et 16 (droit à l’indemnité journalière) LAA, l’art. 6 al. 1 LAA implique, pour l’ouverture du droit aux prestations, l’existence d’un rapport de causalité naturelle et adéquate entre l’accident, d’une part, le traitement médical et l’incapacité de travail de la personne assurée, d’autre part (arrêt du Tribunal fédéral 8C_726/2008 du 14 mai 2009 consid. 2.1).

4.1 Le droit à des prestations découlant d’un accident assuré suppose d’abord, entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière. Il n’est pas nécessaire que l’accident soit la cause unique ou immédiate de l’atteinte à la santé : il suffit qu’associé éventuellement à d’autres facteurs, il ait provoqué l’atteinte à la santé, c’est-à-dire qu’il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1). Ainsi, l’assureur-accidents doit également prendre en charge les causes indirectes d’un accident (RAMA 2003 n. U 487 p. 337 consid. 5.2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_684/2008 du 5 janvier 2009 consid. 5.1 et 8C_444/2008 du 23 décembre 2008 consid. 5).

Savoir si l’événement assuré et l’atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l’administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d’ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l’appréciation des preuves dans l’assurance sociale. Ainsi, lorsque l’existence d’un rapport de cause à effet entre l’accident et le dommage paraît possible, mais qu’elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l’accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; 119 V 335 consid. 1 ; 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le seul fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu’après la survenance d’un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident. Il convient en principe d’en rechercher l’étiologie et de vérifier, sur cette base, l’existence du rapport de causalité avec l’événement assuré (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc » ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; RAMA 1999 n. U 341 p. 408 consid. 3b).

4.2 Une fois que le lien de causalité naturelle a été établi au degré de la vraisemblance prépondérante, l’obligation de prester de l’assureur cesse lorsque l’accident ne constitue pas (plus) la cause naturelle et adéquate du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l’accident. Tel est le cas lorsque l’état de santé de l’intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l’accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l’accident par suite d’un développement ordinaire (statu quo sine) (RAMA 1994 n. U 206 p. 328 consid. 3b ; RAMA 1992 n. U 142 p. 75 consid. 4b). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) selon le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 ; RAMA 2000 n. U 363 p. 46).

4.3 Sous la note marginale « concours de diverses causes du dommage », l’art. 36 al. 1 LAA dispose que les prestations pour soins, les remboursements de frais, ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l’atteinte à la santé n’est que partiellement imputable à l’accident.

Lorsqu’un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l’assurance-accidents d’allouer des prestations cesse si l’accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l’accident. Tel est le cas lorsque l’état de santé de l’intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l’accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l’accident par suite d’un développement ordinaire (statu quo sine). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n’est pas rétabli, l’assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l’état maladif préexistant, dans la mesure où il s’est manifesté à l’occasion de l’accident ou a été aggravé par ce dernier (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) sur le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 129 V 177 consid. 3.1 et les références), étant précisé que le fardeau de la preuve de la disparition du lien de causalité appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (ATF 146 V 51 précité consid. 5.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_606/2021 du 5 juillet 2022 consid. 3.2).

4.4 Le droit à des prestations de l’assurance-accidents suppose en outre l’existence d’un lien de causalité adéquate entre l’accident et l’atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s’est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2 ; 125 V 456 consid. 5a et les références). En présence d’une atteinte à la santé physique, le problème de la causalité adéquate ne se pose toutefois guère, car l’assureur-accidents répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l’expérience médicale (ATF 118 V 286 consid. 3a et 117 V 359 consid. 5d/bb ; arrêt du Tribunal fédéral U 351/04 du 14 février 2006 consid. 3.2).

5.              

5.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l’accident, l’incapacité de travail, l’invalidité, l’atteinte à l’intégrité physique ou mentale) supposent l’instruction de faits d’ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l’assuré à des prestations, l’administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid. 5.1).

5.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre.

L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

5.2.1 Ainsi, le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d’un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu’aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l’assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l’objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l’égard de l’assuré. Ce n’est qu’en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l’impartialité d’une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l’importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l’impartialité de l’expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères : s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ; 142 V 58 consid. 5.1 et les références ; 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références). Ainsi, dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4).

5.2.2 Une appréciation médicale, respectivement une expertise médicale établie sur la base d'un dossier n’est pas en soi sans valeur probante. Une expertise médicale établie sur la base d'un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d'appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l'assuré (RAMA 2001 n. U 438 p. 346 consid. 3d). L’importance de l’examen personnel de l’assuré par l’expert n’est reléguée au second plan que lorsqu’il s’agit, pour l’essentiel, de porter un jugement sur des éléments d’ordre médical déjà établis et que des investigations médicales nouvelles s’avèrent superflues. En pareil cas, une expertise médicale effectuée uniquement sur la base d’un dossier peut se voir reconnaître une pleine valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_681/2011 du 27 juin 2012 consid. 4.1 et les références).

5.2.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S’il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l’éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l’existence d’éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

5.2.4 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; SVR 2008 IV n. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

6.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

 

 

7.              

7.1 La procédure dans le domaine des assurances sociales est régie par le principe inquisitoire d’après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par l’assureur (art. 43 al. 1 LPGA) ou, éventuellement, par le juge (art. 61 let. c LPGA). Ce principe n’est cependant pas absolu. Sa portée peut être restreinte par le devoir des parties de collaborer à l’instruction de l’affaire. Celui‑ci comprend en particulier l’obligation de ces dernières d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 ; VSI 1994, p. 220 consid. 4). Si le principe inquisitoire dispense les parties de l’obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d’absence de preuve, c’est à la partie qui voulait en déduire un droit d’en supporter les conséquences, sauf si l’impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse. Cette règle ne s’applique toutefois que s’il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d’établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 139 V 176 consid. 5.2 et les références).

7.2 Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations, la règle selon laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (RAMA 2000 n. U 363 p. 46) entre seulement en considération s’il n’est pas possible, dans le cadre du principe inquisitoire, d’établir sur la base d’une appréciation des preuves un état de fait qui au degré de vraisemblance prépondérante corresponde à la réalité (ATF 117 V 261 consid. 3b et les références). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l’accident. Il est encore moins question d’exiger de l’assureur-accidents la preuve négative, qu’aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé. Est seul décisif le point de savoir si les causes accidentelles d’une atteinte à la santé ne jouent plus de rôle et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2017 du 6 juin 2018 consid. 3.3).

8.             Le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu’il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu’ils n’auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu’il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu’une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu’il considère que l’état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l’expertise administrative n’a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu’ici, lorsqu’il s’agit de préciser un point de l’expertise ordonnée par l’administration ou de demander un complément à l’expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

9.              

9.1 Faisant siennes les conclusions du 17 juillet 2024 du Dr H______, l’intimée estime que le statu quo sine était rétabli le 27 mai 2024, et qu’ainsi, elle était en droit de mettre un terme à l’octroi des prestations à cette date.

9.2 Pour sa part, le recourant conteste implicitement la survenance du statu quo sine le 27 mai 2024 car il a dû se soumettre à une intervention chirurgicale le 28 mai 2024 (arthrodèse sous-talienne) et présentait, à cette date, une incapacité de travail ayant duré jusqu’au 30 novembre 2024.

9.2.1 Concernant l’intervention du 28 mai 2024 à la cheville droite, il ressort des éléments radiologiques du dossier, relatés par le Dr H______ (mais pas directement accessibles, les pièces 3 et 4 de l’intimée représentant des surfaces bleues mais non les rapports annoncés en page de garde du bordereau de pièces), que le recourant présentait, selon le rapport d’échographie du 1er août 2023, une atteinte ligamentaire talo-fibulaire antérieure avec arrachement cortical (avulsion) du côté fibulaire et un épaississement, sans rupture, du ligament collatéral médial et, selon le rapport d’IRM du 9 août 2023, une rupture du ligament talo-fibulaire antérieur, une distension du ligament calcanéo-fibulaire et du faisceau profond du ligament collatéral médial ainsi qu’une géode du dôme talien posto-latéral avec ulcération cartilagineuse, sans mention d’un œdème médullaire ni d’une autre lésion des tissus mous.

9.2.2 En ce qui concerne la lecture et/ou l’interprétation qui est faite du rapport d’IRM du 9 aout 2023, la chambre de céans constate que les appréciations des médecins traitants du recourant et du médecin-conseil de l’intimée divergent, ce qui se répercute sur leurs appréciations respectives d’un éventuel lien de causalité entre l’arthrodèse du 28 mai 2024 et l’accident du 12 mai 2023.

Selon le Dr H______, « le collègue radiologue ne décrit pas les formations ostéophytaires tibio-taliennes antérieures, en miroir, reflet d’entorses anciennes (datant de nombreux mois, voire plutôt des années) ou d’un conflit chronique aisément appréciables sur les images de profil […]. Il ne décrit pas non plus les altérations dégénératives (irrégularité de surface et microlésions sous-chondrales tibiales) de la partie antérieure du tibia ». Le Dr H______ note également la présence d’une « arthrose sous-astragalienne médiale (pincement sévère appréciable sur les images de face), sur possible synchondrose » (cf. rapport du 17 juillet 2024, p. 3). Il précise que « rien sur les images IRM n’évoque une lésion structurelle récente de [l’]articulation sous-astragalienne » et que ces images IRM mettent clairement en évidence une arthrose sous-astragalienne présente avant l’événement du 12 mai 2023, atteinte qui est peut-être en lien avec une synchondrose du versant médial de l’articulation, mais probablement aussi avec les entorses à répétition anciennes. Ces dernières ont « probablement aussi déclenché une arthropathie dégénérative tibio-astragalienne, entité clairement appréciable sur les images IRM », de sorte que « là aussi, rien n’indique une aggravation à l’issue du traumatisme subi le 12 mai 2023 (en l’absence encore une fois d’une séquelle de fracture, œdème médullaire, etc.) » (cf. rapport du 17 juillet 2024, p. 7). Aussi le Dr H______ en conclut que l’événement du 12 mai 2023 a peut-être créé ou aggravé une lésion ligamentaire externe de la cheville mais seulement révélé – mais non pas causé (ou aggravé) – une arthrose sous-astragalienne et tibio-astragalienne, de sorte que pour les seules conséquences directes (ligamentaires supposées) de l’événement du 12 mai 2023, le délai de cessation des effets délétères ne devait pas dépasser trois à quatre mois après l’intervention du 18 janvier 2024.

Quant au Dr C______, ce médecin généraliste relate le rapport d’IRM du 9 août 2023 (ci-dessus : consid. 9.2.1) et considère que les anomalies qui y sont relevées par le radiologue constituent les séquelles de l’entorse grave subie le 12 mai 2023, celles-ci incluant l’arthrose et la synchondrose, d’où la nécessité de deux gestes opératoires, à savoir une ligamentoplastie et une arthrodèse réalisées en 2024 (cf. rapport du 7 août 2024 du Dr C______ ; pièce 38 intimée). Concernant ces deux interventions, ce médecin précise qu’elles étaient en lien avec le traumatisme du fait des pseudarthroses induites, de l’arthrose majorée et des instabilités ligamentaires chroniques (cf. rapport du 26 février 2025 ; pièce 12 recourant).

S’agissant enfin du Dr G______, il apparaît que sa position a évolué au fil du temps. Alors qu’il indiquait encore à l’intimée, le 13 novembre 2023, que l’étiologie de l’arthrose de la cheville et de la synchondrose talo-calcanéenne droite était traumatique, sans que des circonstances étrangères à l’événement du 12 mai 2023 aient joué un rôle dans l’évolution du cas, il expliquait en revanche, les 21 août et 9 octobre 2024, que la synchondrose talo-calcanéenne était présente avant l’accident du 12 mai 2023. Même si elle était asymptomatique avant cet événement, cette synchondrose talo-calcanéenne n’en représentait pas moins un facteur de risque de douleurs articulaires dans le cadre de l’instabilité douloureuse de la cheville droite apparue dans les suites de l’entorse du 12 mai 2023. Vu qu’il était assez fréquent, en présence d’une synchondrose talo-calcanéenne, que des douleurs apparaissent après un traumatisme, il existait donc un lien de causalité entre l’accident et la souffrance articulaire de l’articulation sous-talienne ayant nécessité l’arthrodèse réalisée le 28 mai 2024.

9.2.3 Dans la mesure où il n’appartient pas au juge de tirer des conclusions qui relèvent de la science et des tâches du corps médical (cf. arrêt du Tribunal fédéral I 1080 du 13 avril 2007 consid. 4.2), la chambre de céans ne saurait prendre position sur l’étendue des atteintes de la cheville droite objectivées à l’IRM du 9 août 2023, plus précisément leur caractère antérieur à l’événement, tel qu’il est défendu par le Dr H______ ou réfuté par le Dr C______. En tout état, il s’avère que même en se référant à l’appréciation la moins favorable au recourant, soit celle du Dr H______, sur laquelle l’intimée fonde la décision litigieuse, il apparaît que ce médecin-conseil conclut que l’événement du 12 mai 2023 a permis de révéler, mais non pas de causer (ou aggraver) une arthrose sous astragalienne et tibio-astragalienne (cf. rapport du 17 juillet 2024, p. 7).

Or, selon la jurisprudence précitée (cf. ci-dessus : consid. 4.3), que le Tribunal fédéral précise comme suit, si des troubles, qui n’existaient pas auparavant, apparaissent à la suite d’un accident et s’il y a lieu de supposer que l’accident n’a fait qu’activer un état dégénératif préexistant (jusqu’alors asymptomatique) sans en être la cause, l’assureur-accidents doit fournir des prestations pour le syndrome douloureux directement lié à l’accident jusqu’à ce que le statu quo sine vel ante soit atteint, et ce même si, après pondération des causes concurrentes, l’atteinte à la santé résulte en grande partie de la maladie (arrêt du Tribunal fédéral 8C_269/2016 du 10 août 2016 consid. 2.4 et les arrêts cités).

Au regard des principes jurisprudentiels reproduits ci-dessus, la chambre de céans constate que les conclusions du Dr H______ reflètent une vision réductrice du concours de diverses causes du dommage. En effet, en tant que ce médecin conclut que « pour les seules conséquences directes (ligamentaires supposées) de l’événement du 12 mai 2023, le délai de cessation des effets délétères ne devait pas dépasser les trois à quatre mois post-opératoires, délai suffisant pour une cicatrisation optimale et une récupération fonctionnelle (stabilité) de la cheville, au plus tard à la veille de la chirurgie visant à bloquer l’articulation sous-astragalienne » (cf. rapport du 17 juillet 2024, p. 9), son raisonnement laisse de côté un point important qu’il a lui-même admis, à savoir que l’accident du 12 mai 2023 « a permis de révéler, mais non pas causer (ou aggraver) une arthrose sous-astragalienne (ainsi qu’une arthrose tibio-astragalienne » (cf. rapport du 17 juillet 2024, p. 7). De plus, en fixant un retour au statu quo sine au plus tard au 27 mai 2024, parce qu’un délai de trois à quatre mois à compter de l’intervention du 18 janvier 2024 serait « suffisant pour une cicatrisation optimale et une récupération fonctionnelle (stabilité) de la cheville » (rapport du 17 juillet 2024, p. 9), le Dr H______ ne se prononce pas sur un point essentiel relevé par le Dr G______, à savoir l’apparition de douleurs articulaires dans le contexte de l’instabilité de la cheville induite par l’événement du 12 mai 2023, l’explication retenue par le Dr G______ étant que cet accident a rendu la synchondrose préexistante symptomatique (douleurs articulaires), justifiant ainsi l’arthrodèse du 28 mai 2024 (cf. rapports des 21 août et 9 octobre 2024 du Dr G______). Il s’ensuit qu’en l’état du dossier, le Dr H______ ne saurait être suivi en tant qu’il affirme que « le lien de causalité naturelle entre le traitement réalisé dès le 28 mai 2024 et l’événement du 12 mai 2023 est hautement, voire très hautement improbable » (cf. rapport du 17 juillet 2024, p. 7 in fine). Dans la mesure où le rapport du Dr H______ ne permet pas de tenir pour établie, au degré de la vraisemblance prépondérante, cette absence de lien de causalité, la question de la persistance – même partielle – de ce lien, entre l’intervention du 28 mai 2024 et l’incapacité de travail jusqu’au 30 novembre 2024 d’une part, et l’accident du 12 mai 2023 d’autre part, demeure ouverte en l’état – lacunaire – de l’instruction médicale.

9.2.4 Le rapport du 17 juillet 2024 du Dr H______ étant ainsi dépourvu de valeur probante et par conséquent impropre à établir la survenance d’un statu quo sine au 27 mai 2024, il reste à examiner si l’on peut donner favorablement suite aux conclusions du recourant sur la base des rapports de ses médecins traitants.

À cet égard, la chambre de céans constate que les rapports des 7 août 2024 et 27 janvier 2025 du Dr C______ reposent sur un raisonnement post hoc ergo propter hoc, insuffisant pour établir un rapport de causalité naturelle avec l’accident. Dans son rapport du 26 février 2025, ce médecin avance certes une explication – en invoquant un lien entre les deux interventions chirurgicales et le traumatisme « du fait des pseudarthroses induites, de l’arthrose majorée et des instabilit[é]s ligamentaires chroniques » (cf. pièce 12 recourant) –, mais cet avis n’émane pas d’un spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie. De plus, cette appréciation, qui n’est pas centrée sur la question litigieuse de la persistance des effets de l’accident au-delà du 27 mai 2024, est trop imprécise et n’aborde pas la thématique de la synchondrose talo-calcanéenne, que tant le Dr H______ que le Dr G______ intègrent à leur analyse. Enfin, la chambre de céans ne saurait pas non plus se fonder sur le rapport du 21 août 2024 du Dr G______. En tant que ce médecin explique qu’une synchondrose sous-talienne constitue un facteur de risque « assez fréquent » de développer des douleurs articulaires après un traumatisme, il fournit une explication abstraite et théorique ne mentionnant pas les raisons pour lesquelles dans le cas particulier, soit au vu des spécificités de l’accident du 12 mai 2023 et du dossier médical du recourant, incluant les antécédents (« entorses à répétition » ; cf. rapport du 25 septembre 2023 du Dr G______), le risque évoqué se serait effectivement réalisé le 12 mai 2023, au degré de la vraisemblance prépondérante.

9.3 Au vu de ce qui précède, la chambre de céans n’est pas en mesure de trancher le fond du litige. Vu l’absence d’avis médicaux probants sur la question litigieuse de l’éventuelle survenance du statu quo sine, il se justifie de renvoyer la cause à l’intimée afin qu’elle procède à des investigations complémentaires (cf. ci-dessus : consid. 9.2.3) en vue d’établir d’office l’ensemble des faits déterminants et, le cas échéant, d’administrer les preuves nécessaires, au besoin par une expertise, avant de rendre une nouvelle décision (cf. art. 43 al. 1 LPGA).

10.         Partant, le recours sera partiellement admis, la décision litigieuse sera annulée et la cause renvoyée à l’intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

Le recourant obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 1'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens, à charge de l’intimée (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités de procédure administrative du 30 juillet 1986 –RFPA ; RS E 5 10.003).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

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PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision sur opposition du 1er octobre 2024.

4.        Renvoie la cause à l’intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

5.        Alloue une indemnité de CHF 1'500.- à titre de dépens, à charge de l’intimée.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le