Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/692/2025 du 10.09.2025 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
| rÉpublique et | canton de genÈve | |
| POUVOIR JUDICIAIRE
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| A/72/2025 ATAS/692/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
| Arrêt du 10 septembre 2025 Chambre 4 | ||
En la cause
| A______ représenté par Me Jean‑Michel DUC, avocat
| recourant |
contre
|
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE |
intimé |
A. a. A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en 1987, est titulaire d’un diplôme d’ingénieur mécanicien de l’EPFL obtenu en 2012. Il a travaillé en qualité d’ingénieur de janvier 2013 à février 2015, puis dès janvier 2016 auprès de la société anonyme B______ (ci‑après : l’employeur) pour un revenu mensuel de CHF 6'400.- par mois, auquel s’ajoutait un 13e salaire.
b. L’assuré a subi une incapacité de travail dès le 13 octobre 2017.
c. Selon un rapport établi le 30 janvier 2018 à l’attention de l’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie par le docteur C______, chef de clinique au département de santé mentale et de psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), l’assuré présentait déjà à l’adolescence des idées obsédantes, qui n’étaient pas handicapantes. C’était vers l’âge de 17-18 ans que son trouble obsessionnel compulsif (F42) (ci-après : TOC) avait pris sa forme actuelle, c’est-à-dire des blocages avec une obsession d’erreur lorsqu’il prononçait certains mots. Ces obsessions étaient accompagnées par des vérifications mentales ou physiques dans le dictionnaire. L’impact de cette difficulté était très important, avec une anxiété considérable dans la plupart des conversations et surtout dans le cadre du travail. L’assuré avait également des phobies d’impulsions, moins présentes au moment actuel. L’incapacité de travail était totale depuis le 13 octobre 2017. L’aggravation de l’anxiété en lien avec l’augmentation des responsabilités professionnelles invalidait l’assuré. L’efficacité médicamenteuse avait été partielle. Une réadaptation professionnelle dans une activité avec moins de stress et de responsabilités et moins d’importance des échanges verbaux était proposée.
d. L’employeur a résilié le contrat de travail de l’assuré avec effet au 28 février 2018.
e. Le 23 mars 2018, l’assuré a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé).
f. Selon un rapport d’intervention précoce de l’OAI du 11 juin 2018 établi à la suite d’un entretien avec l’assuré, celui-ci n’était plus parvenu à faire son métier, en raison des échanges avec les clients qu’il ne parvenait pas à affronter. Son employeur avait essayé d’adapter son poste, mais il n’était pas possible d’éviter tout contact avec les clients. L’assuré souhaitait se réorienter dans le domaine de l’informatique et s’était renseigné au sujet des écoles qui délivraient des certificats fédéraux de capacité. Lors de cet entretien, l’OAI a plutôt proposé une formation théorique poussée, par exemple en tant qu’administrateur système.
g. Selon une note de travail du 29 août 2018, l’OAI a communiqué à l’assuré qu’il ne prendrait pas en charge une formation d’ingénieur système. L’assuré pensait qu’en se formant dans l’informatique, il n’aurait plus à côtoyer des gens et qu’il pourrait travailler tranquillement. L’OAI lui avait cependant indiqué que son atteinte pouvait s’exprimer de différentes manières et qu’une réorientation dans l’informatique ne signifiait pas qu’il ne serait plus en contact avec les gens ou que ses symptômes disparaîtraient. Si le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) retenait une capacité de travail nulle dans l’activité habituelle, une éventuelle activité adaptée serait définie sur la base des limitations fonctionnelles.
h. Dans son avis du 4 septembre 2018, le SMR a retenu une incapacité de travail totale dans l’activité habituelle depuis le 12 décembre 2017, tout en admettant une capacité de travail totale dans cette même activité sous réserve du respect des limitations fonctionnelles suivantes : pas de contacts avec la clientèle et pas de nécessité d’un contact verbal avec des collègues. Le TOC n’avait pas empêché l’assuré de terminer ses études. L’aggravation était apparue lors de l’activité professionnelle. Avec des responsabilités modestes et des contacts verbaux réduits au minimum, la capacité de travail de l’assuré pourrait être entière, sans nécessité d’une reconversion professionnelle.
i. Par projet de décision du 30 octobre 2018, l’OAI a nié le droit de l’assuré à des mesures professionnelles et à une rente.
À la même date, il a communiqué à l’assuré qu’il prenait en charge à titre de mesures d’intervention précoce une formation de technicien informatique dès le 6 novembre 2018, sanctionnée par un certificat.
j. Par décision du 11 décembre 2018, l’OAI a confirmé le refus de mesures professionnelles et d’une rente à l’assuré.
k. Le 8 janvier 2019, l’assuré a formé recours contre la décision de l’OAI auprès de la chambre de céans, contestant en substance la capacité de travail totale retenue dans son activité habituelle.
l. Le 31 janvier 2019, l’assuré s’est annoncé à l’assurance-chômage pour faire valoir son droit à des indemnités de chômage dès le 1er février suivant. Selon sa confirmation d’inscription, il avait perçu des indemnités journalières en cas de maladie jusqu’à cette date.
m. Dans le cadre de la procédure devant la chambre de céans, l’assuré a notamment produit un rapport du 25 février 2018 établi par le professeur D______ et le docteur E______, médecins au service de psychiatrie des HUG. Ceux-ci ont relevé que le trouble de l’assuré était une peur obsédante de ne pas dire les bons mots lorsqu'il devait s'exprimer, ce qui entraînait des compulsions de vérification et parfois des compulsions verbales. Ce fonctionnement, présent depuis l'âge de 18 ans, s’était aggravé au fur et à mesure des études puis lors de l'entrée dans le monde professionnel, et la problématique s’était accrue dans le contexte d'exigences de qualité et de rendement, incompatibles avec son trouble. La péjoration était notable par rapport à l’époque durant laquelle l’assuré était étudiant, lors de laquelle il avait réussi à s’adapter. Les conséquences du TOC étaient extrêmement concrètes et induisaient un arrêt de l'expression le temps de se soumettre aux compulsions et aux processus de vérification, plus ou moins longs. Une anxiété importante découlait du processus et du regard d'autrui, avec la conscience d'une attitude socialement inadaptée. L’assuré était soumis à une stigmatisation d'autant plus importante dans le milieu professionnel qu’il occupait un poste exigeant de s'exprimer devant des gens ou d'assurer un rôle d'encadrement. Un rôle de chef d'équipe avec une position de leadership et de supervision était ainsi difficile à assumer. La problématique persistait même à un poste « moins en vue » lorsqu’il fallait faire une présentation ou justifier une activité par exemple. Une des conséquences les plus importantes était l'évitement, qui conduisait l’assuré à ne plus participer à des réunions et à restreindre au maximum les interactions interpersonnelles. Les limitations relevaient ainsi de toutes les activités nécessitant une exposition trop contraignante à la phobie de mal s'exprimer, particulièrement aux postes de type encadrement d'équipe ou nécessitant de faire des présentations régulières. L'approche pharmacologique avait permis une diminution du niveau d'anxiété et un travail extrêmement important d'exposition avait conduit à limiter la portée du trouble. L’assuré était désormais capable de faire face au TOC dans la plupart des situations du quotidien avec un échange constructif et une expression continue. Si la problématique était désormais plus modeste au quotidien, elle était en revanche accrue lorsque la notion de performance prenait une place plus importante. L’assuré s’était spontanément réorienté vers le domaine de l'informatique qui, après analyse, permettrait d'envisager un retour favorable vers le milieu du travail. Une expérience dans ce domaine avait permis de constater une bonne capacité d'adaptation avec un cadre permettant de gérer le TOC de façon tout à fait satisfaisante, tenant également compte du rendement. S'agissant de la reprise d'un travail, il convenait de corréler les exigences professionnelles auxquelles l’assuré serait confronté aux acquis actuels. Le retour au précédent poste présenterait un risque notable d'échec au stade actuel et nécessiterait un travail conséquent, sans garantie de succès. La réorientation vers le domaine de l'informatique, vu le type d'activité et l'adhésion de l’assuré, offrait de meilleures chances de succès et pouvait être envisagée dès maintenant. Partant, les médecins considéraient la réorientation professionnelle comme la solution la plus judicieuse. Ce projet permettrait de valider les bénéfices de la thérapie et d'envisager une capacité de travail pleine et sans baisse du rendement dans un avenir raisonnable.
n. Le SMR s’est déterminé sur ce rapport le 26 mars 2019, retenant désormais au vu de son contenu que la capacité de travail de l’assuré dans son activité habituelle était nulle. Il considérait cependant que la capacité de travail était entière dans une activité respectant les limitations fonctionnelles.
o. Le 26 mars 2019, l’OAI s’est rallié à l’appréciation du SMR et a proposé que la cause lui soit renvoyée pour complément d’instruction sur la capacité de travail de l’assuré dans une activité adaptée et pour examiner, le cas échéant, le droit à des mesures d’ordre professionnel.
p. Par arrêt du 17 avril 2019 (ATAS/331/2019), la chambre de céans a admis le recours, annulé la décision de l’OAI du 11 décembre 2018 et lui a renvoyé la cause pour instruction complémentaire.
B. a. Selon une note de l’OAI à la suite d’un entretien du 11 décembre 2019, l’assuré avait retrouvé un contrat de travail à durée indéterminée dans son activité habituelle auprès de la société F______, « validé par son stage de 4 mois ». Il était chargé d’affaires à 100% dans cette entreprise depuis le 16 décembre 2019. Son cahier des charges consistait en suivi de projets et des chantiers dans un bureau d’études. L’assuré affirmait avoir eu un déclic en début d’année pour mieux gérer son trouble. Il s’était résolu à vivre avec celui-ci et avait trouvé des stratégies pour le surmonter. Il avait réalisé qu’il existait de nombreuses personnes dans la même situation que lui et qui continuaient à exercer leur activité. Il s’était rendu compte que quelle que soit son activité, ses obsessions étaient toujours présentes et qu’il devait les confronter pour avoir une vie normale. Il appliquait des stratégies pour faire la sourde oreille à ses obsessions toujours présentes, mais désormais maîtrisées. Il avait besoin de s’isoler pour surmonter le TOC pendant deux heures en tout pendant la journée, en début et en fin de journée. Il travaillait à diminuer ce temps en se confrontant à son TOC sans devoir s’isoler. Il avait perçu des indemnités de chômage dès le 1er février 2019 puis un « salaire usuel » dès le 16 décembre 2019.
b. Par décision du 23 décembre 2019, l’OAI a octroyé à l’assuré une nouvelle mesure de coaching afin de « consolider la reprise » de l’activité.
c. Par courriel du 12 mars 2020, l’assuré a informé l’OAI que malgré les aménagements consentis par son employeur, son TOC avait pris toujours plus d’importance au fil des semaines, au point qu’il n’avait plus réussi à faire son travail. Il avait dû démissionner à fin février après deux semaines d’arrêt maladie. Son coach a précisé à l’OAI le 25 mars 2020 que l’assuré avait donné sa démission car sa préparation psychique lui demandait trop d’énergie et l’épuisait, dès lors qu’il se levait à 4h00-5h00 du matin pour travailler sur son TOC et stabiliser son mental. Il notait néanmoins une progression.
d. Le 6 novembre 2020, l’assuré a déposé une requête urgente de mesures professionnelles auprès de l’OAI. Ses médecins estimaient qu’il n’était plus en mesure d’exercer son activité habituelle en raison de ses affections psychiatriques. Par contre, son état de santé s’était amélioré et il pourrait exercer un travail essentiellement manuel. Selon l’assuré, son médecin, le docteur G______, chef de clinique du département de psychiatrie des HUG, l’amélioration globale sur le plan psychique nécessitait rapidement une reprise d’activité professionnelle. À défaut, cela mettrait en échec toutes les mesures thérapeutiques déployées jusque-là. Dans ce contexte, et afin de respecter ses limitations fonctionnelles psychiatriques, l’assuré souhaitait entreprendre une reconversion professionnelle dans un métier purement manuel et débuter sans tarder un stage préalable, avec reprise progressive du taux d’activité. Il avait songé à l’activité de maçon et recherchait un stage. Dans ces circonstances particulières, l’OAI était invité à statuer à très bref délai sur l’octroi de mesures professionnelles, en particulier un reclassement.
e. Selon une note du 11 novembre 2020, l’OAI avait proposé à l’assuré de faire vérifier par ses médecins si le rapport du SMR était toujours d’actualité. Il attendrait ensuite de ses nouvelles pour lancer les mesures, en commençant par une orientation professionnelle.
f. Dans un rapport établi le 8 décembre 2020, le Dr G______ a attesté que le TOC de l’assuré, bien qu’ayant répondu partiellement au traitement pharmacologique et psychothérapeutique, se caractérisait par une symptomatologie encore invalidante entraînant un handicap fonctionnel significatif sur le plan de la communication, qui grevait ses capacités relationnelles.
g. Le 11 décembre 2020, le conseil de l’assuré a sommé l’OAI de statuer sur sa requête.
h. Selon une note du 15 décembre 2020, l’OAI avait convenu avec l’assuré au vu de l’inaptitude provisoire dans l’activité habituelle de ne pas allouer de reclassement, mais des mesures de réadaptation respectant les limitations fonctionnelles dès 2021.
i. Le 22 janvier 2021, le conseil de l’assuré a déposé un recours pour déni de justice auprès de la chambre de céans, reprochant à l’OAI de ne pas avoir statué sur les mesures professionnelles requises.
j. Le 2 avril 2021, l’OAI a communiqué à l’assuré qu’il avait droit à des mesures de réinsertion et en particulier à la prise en charge d’un entraînement à l’endurance du 22 février au 23 mai 2021, avec versement d’indemnités journalières durant cette mesure. Cet entraînement aurait lieu auprès d’H______, la ferme de I______.
k. Par arrêt du 28 avril 2021 (ATAS/392/2021), la chambre de céans a déclaré le recours pour déni de justice sans objet.
C. a. L’assuré a poursuivi sa mesure d’entraînement à l’endurance jusqu’au 12 juin 2022, dont le bilan a été extrêmement positif selon la maître socio‑professionnelle. L’assuré a par la suite suivi une mesure de reclassement en tant que chef de projet / ingénieur auprès de J______ SA du 12 décembre 2022 au 30 septembre 2024, tout en suivant une formation de modeleur BIM (Building Information Modeling). Il a été engagé dès le 1er octobre 2024 par J______ SA, moyennant un salaire annuel de CHF 84'500.- pour un taux de travail de 90%.
b. Selon le calcul du degré d’invalidité auquel a procédé l’OAI le 3 octobre 2024, le degré d’invalidité était nul, compte tenu du salaire sans invalidité de CHF 92'429.- correspondant au salaire réalisé en 2017 après indexation, et du revenu après invalidité de CHF 93'889.- extrapolé à un taux d’activité de 100%. Dans cette note, il s’est référé à l’avis du SMR du 26 mars 2019, affirmant que ce service avait conclu à une capacité de travail nulle dans l’activité habituelle mais complète dès la même date dans une activité adaptée.
c. Le 29 octobre 2024, l’OAI a adressé à l’assuré un projet de décision refusant l’octroi d’une rente, soulignant que la capacité de travail était nulle dans l’activité habituelle depuis le 12 octobre 2017, mais entière dans une activité adaptée dès cette date.
d. Le 4 décembre 2024, l’assuré a adressé un courrier intitulé « Objections » en lien avec le projet de décision de l’OAI, en sollicitant une copie du dossier et un délai complémentaire afin de motiver ses objections.
e. Le 5 décembre 2024, l’OAI a informé l’assuré que l’octroi d’un délai complémentaire n’était pas possible, conformément à la loi.
f. Par décision du 9 décembre 2024, l’OAI a confirmé les termes de son projet.
D. a. L’assuré a interjeté recours contre cette décision auprès de la chambre de céans par écriture du 9 janvier 2025. Il a conclu, sous suite de dépens, à sa réforme en ce sens qu’il devait être mis au bénéfice d’une rente entière du 1er octobre 2018 au 21 février 2021, et subsidiairement à son annulation et au renvoi du dossier à l’intimé pour nouvelle instruction. Il a reproché à l’intimé d’avoir violé son droit d’être entendu en rendant sa décision, soutenant qu’il n’avait pas requis de prolongation pour déposer des objections, mais uniquement pour les compléter. L’intimé l’avait ainsi empêché de se déterminer en ayant pris connaissance du dossier. Invoquant la garantie de la double instance, il a requis le renvoi de la cause à l’intimé pour ce motif. Le recourant n’a pas contesté le refus de la rente à l’issue des mesures professionnelles. Néanmoins, les indemnités journalières lui avaient été versées dès le 22 février 2021. Or, il était en incapacité de travail dès le 12 octobre 2017 et il n’avait recouvré sa capacité de travail qu’au 1er octobre 2024. Il avait ainsi droit à une rente entière d’invalidité du 1er octobre 2018 au 21 février 2021.
b. Dans sa réponse du 6 février 2025, l’intimé a conclu au rejet du recours. S’agissant de la violation du droit d’être entendu, il a souligné que le recourant n’avait réagi au projet de décision que le 5 décembre 2024, soit plus de trente jours après sa notification. Il n’y avait aucun motif pour lui accorder un délai supplémentaire. S’agissant du droit à la rente, conformément au principe de la priorité de la réadaptation sur la rente, il ne pouvait être reconnu lorsqu’une mesure de réadaptation était susceptible d'avoir une incidence sur la capacité de gain de la personne assurée. En l’espèce, le recourant était apte à la réadaptation à l’issue du délai de carence, et le SMR avait estimé sa capacité de travail entière dès cette date dans une activité. Partant, l’intimé n’avait pas à examiner le droit à la rente.
c. Dans sa réplique du 3 mars 2025, le recourant a persisté dans ses conclusions. Son état de santé avait conduit à l’interruption de l’activité entreprise chez F______ et faisait ainsi obstacle à une réadaptation. Le recourant avait sollicité des mesures de réadaptation et avait déposé un recours pour déni de justice en raison du fait que l’intimé n’avait pas statué sur ce point. Pour la période antérieure au 22 février 2021, la réadaptation avait été empêchée en raison de l'erreur d'appréciation de l’intimé, ayant conduit à l'annulation de sa décision du 11 décembre 2018, puis en raison des difficultés de santé rencontrées par le recourant et de l’inertie de l’intimé lorsque son état de santé s’était amélioré. Il n’était pas acceptable que les errances de l’intimé portent préjudice au recourant et génèrent des périodes de carence de son droit à une rente d’invalidité, alors que le droit à des indemnités journalières n’était pas encore reconnu, faute de mesures de réadaptation.
d. Par duplique du 25 mars 2025, l’intimé a persisté dans sa position. Il a derechef soutenu qu’à l’issue du délai de carence, le recourant était apte à la réadaptation, ce qui excluait d’examiner le droit à la rente.
e. La chambre de céans a transmis copie de cette écriture au recourant le 27 mars 2025.
f. Sur ce, la cause a été gardée à juger.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).
2. La LAI a connu une nouvelle entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Dès lors que le litige porte sur le droit à la rente du 1er octobre 2018 au 21 février 2021, le droit en vigueur à cette époque est applicable, conformément aux principes de droit intertemporel (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1).
3. En procédure juridictionnelle administrative, en principe, seuls les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement, d'une manière qui la lie sous la forme d'une décision, peuvent être examinés et jugés. Dans cette mesure, la décision détermine l'objet de la contestation qui peut être déféré en justice par la voie d'un recours. Le juge n'entre donc pas en matière, sauf exception, sur des conclusions qui vont au-delà de l'objet de la contestation. L'objet du litige dans la procédure de recours est le rapport juridique réglé dans la décision attaquée, dans la mesure où – d’après les conclusions du recours – il est remis en question par la partie recourante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_256/2023 du 25 janvier 2024 consid. 2.1).
Eu égard à la décision querellée et aux conclusions du recours, le litige porte sur le droit du recourant à une rente d’invalidité du 1er octobre 2018 au 21 février 2021.
4. Il convient en premier lieu d’examiner le grief du recourant relatif à une violation de son droit d’être entendu au motif que l’intimé a rendu sa décision sans attendre la motivation de ses objections.
4.1 Selon l’art. 57a LAI, au moyen d’un préavis, l’office d’assurance-invalidité communique à l’assuré toute décision finale qu’il entend prendre au sujet d’une demande de prestations, ou au sujet de la suppression ou de la réduction d’une prestation déjà allouée ainsi que toute décision qu’il entend prendre au sujet d’une suspension à titre provisionnel des prestations. L’assuré a le droit d’être entendu, conformément à l’art. 42 LPGA (al. 1). Lorsque la décision prévue touche l’obligation d’un autre assureur d’allouer des prestations, l’office d’assurance-invalidité entend celui-ci avant de rendre une décision (al. 2). Les parties peuvent faire part de leurs observations concernant le préavis dans un délai de 30 jours (al. 3). Il s’agit là d’un délai légal, lequel n’est pas prolongeable (ATF 143 V 71 consid. 4.3.4, arrêt du Tribunal fédéral 8C_557/2023 du 22 mai 2024 consid. 5.3.1). Dans le cas d’un assuré qui avait formulé des objections à l'encontre du projet de décision de l’office d’assurance-invalidité en précisant qu'il allait produire des rapports médicaux, auquel celui-ci avait imparti deux délais supplémentaires et décliné la troisième demande de prolongation, le Tribunal fédéral a nié une violation du droit d’être entendu, l’assuré ne pouvant être suivi en tant qu’il soutenait n’avoir pas requis une prolongation du délai légal puisqu’il avait déjà déposé des objections, sans se prononcer toutefois sur la question de savoir si le législateur, en promulguant l'art. 57a al. 3 LAI, entendait opérer une distinction entre un délai pour adresser des objections et un délai pour les compléter (arrêt du Tribunal fédéral 9C_6/2024 du 27 mai 2024 consid. 4.2).
4.2 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale (Cst.- RS 101) comprend notamment le droit pour l'intéressé d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1). Une violation du droit d'être entendu peut être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen. Toutefois, une telle réparation doit rester l'exception et n'est admissible, en principe, que dans l'hypothèse d'une atteinte qui n'est pas particulièrement grave. Cela étant, une réparation de la violation du droit d'être entendu peut également se justifier, même en présence d'un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 147 IV 340 consid. 4.11.3).
4.3 En l’espèce, le courrier intitulé « Objections » que le conseil du recourant a adressé à l’intimé le 4 décembre 2024 ne contenait aucun argument contestant le projet, ni de conclusion, mais uniquement une demande de transmission du dossier. Dans ces circonstances, on ne saurait voir l’octroi d’une prolongation comme un simple délai visant à compléter les déterminations du recourant sur le préavis, celle-ci étant inexistantes. Le fait que celui-ci ait requis la production du dossier ne permet pas de parvenir à une autre appréciation, dès lors qu’il aurait pu la solliciter sans attendre l’écoulement du délai de préavis, étant souligné que ledit conseil était constitué de longue date.
Par surabondance, si une éventuelle violation du droit d’être entendu devait être admise dans le cas d’espèce, elle pourrait être considérée comme réparée compte tenu de la pleine cognition de la chambre de céans.
Ce grief sera ainsi écarté.
5. Conformément à l'art. 8 al. 1er LAI, les assurés invalides ou menacés d’une invalidité ont droit à des mesures de réadaptation pour autant que ces mesures soient nécessaires et de nature à rétablir, maintenir ou améliorer leur capacité de gain ou leur capacité d’accomplir leurs travaux habituels, et que les conditions d'octroi des différentes mesures soient remplies.
5.1 Aux termes de l’art. 14a al. 1 let. a LAI, ont droit à des mesures de réinsertion préparant à la réadaptation professionnelle (mesures de réinsertion) notamment les assurés qui présentent depuis six mois au moins une incapacité de travail (art. 6 LPGA) de 50% au moins. Le droit aux mesures de réinsertion n’existe que si ces mesures servent à créer les conditions permettant la mise en œuvre de mesures d’ordre professionnel (art. 14 al. 1bis LAI). Selon la jurisprudence, le droit à ces mesures suppose une incapacité de travail de 50% au moins non seulement dans sa profession ou son domaine d'activité (art. 6 première phrase LPGA), mais également dans une autre profession ou un autre domaine d'activité (ATF 137 V 1 consid. 7).
5.2 L'art. 17 LAI dispose que l'assuré a droit au reclassement dans une nouvelle profession lorsque son invalidité rend cette mesure nécessaire, et que sa capacité de gain peut ainsi, selon toute vraisemblance, être sauvegardée ou améliorée de manière notable. L'art. 6 al. 1 du règlement sur l'assurance-invalidité (RAI ‑ RS 831.201) définit les mesures de reclassement comme les mesures de formation destinées à des assurés qui en ont besoin, en raison de leur invalidité, après achèvement d’une formation professionnelle initiale ou après le début de l’exercice d’une activité lucrative sans formation préalable, pour maintenir ou pour améliorer leur capacité de gain. La jurisprudence a apporté une précision à cette définition en indiquant que le concept de reclassement recouvre l'ensemble des mesures de réadaptation de nature professionnelle qui sont nécessaires et suffisantes pour procurer à l'assuré une possibilité de gain à peu près équivalente à celle que lui offrait son ancienne activité (ATF 139 V 399 consid. 5.4).
6. En vertu de l’art. 28 al. 1er LAI, l’assuré a droit à une rente d’invalidité aux conditions suivantes : sa capacité de gain ou sa capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a) ; il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) ; au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (let. c).
6.1 L’art. 28 al. 1 let. a LAI consacre le principe selon lequel le droit à la rente ne peut en principe naître que lorsque toutes les possibilités de réadaptation, dont les mesures de réinsertion, ont été épuisées. Le fait que les mesures de réadaptation n’aient été que partiellement couronnées de succès, voire aient échoué, est sans incidence sur cet état de fait. Néanmoins, avant ce moment, un droit (temporaire) à la rente peut exceptionnellement naître si l’assuré n’était pas ou pas encore apte à la réadaptation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_380/2021 du 31 janvier 2022 consid. 5.1). Ce n’est que lorsqu’aucune mesure de réadaptation n’entre en considération qu’un droit à la rente peut être examiné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_108/2012 du 5 juin 2012 consid. 2.2.1). Un assuré qui, au terme de la période d'attente d'une année, n'est pas, ou pas encore apte à être réadapté, a ainsi droit à une rente, même si des mesures de réadaptation sont envisagées à l’avenir (ATF 121 V 190 consid. 4d ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_787/2014 du 5 février 2015 consid. 3.2). Lorsque les mesures d’évaluation visant à établir si la personne est apte à la réadaptation révèlent que tel n’est pas le cas, une rente peut être allouée de manière rétroactive (arrêt du Tribunal fédéral 8C_24/2024 du 23 décembre 2024 consid. 5.2.1). Le Tribunal fédéral s’est récemment penché sur le cas d’un assuré ayant déposé une demande de prestations en septembre 2017 après avoir été en incapacité de travail dès avril 2016, à qui l’office d’assurance‑invalidité avait alloué un quart de rente d'invalidité de juillet 2018 à février 2021, veille d’un stage d'entraînement à l'endurance, et a nié le droit à la rente par la suite. Dans le cadre du recours interjeté contre cette décision par l’assuré, l’office d’assurance-invalidité avait proposé au tribunal cantonal une reformatio in pejus de sa décision, en ce sens que la rente devait être refusée de juillet 2018 à février 2021 en vertu du principe de priorité de la réadaptation sur la rente. L’instance cantonale a quant à elle admis le droit de l'assuré à une demi‑rente d'invalidité du 1er juillet 2018 au 28 février 2021 et confirmé la décision de l’office d’assurance-invalidité pour le surplus. Le Tribunal fédéral a retenu que dans sa communication clôturant la phase d’intervention précoce, l’office d’assurance-invalidité avait indiqué qu'aucune mesure d'ordre professionnel n'entrait en ligne de compte, et cette communication n’était pas dépourvue de toute portée juridique. Si des mesures de réadaptation, y compris les mesures de réinsertion y préparant, avaient été sérieusement envisageables à l'époque, il aurait appartenu à l’office d’assurance-invalidité de compléter l'instruction en vue de déterminer les mesures adéquates et, le cas échéant, de les mettre en œuvre sans tarder. Or, il n’en avait rien fait, dès lors qu'il considérait qu'aucune mesure de réadaptation professionnelle n'entrait en considération à ce stade en vue de diminuer l'invalidité. Partant, il a rejeté le recours de l’office d’assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_652/2024 du 28 juillet 2025 consid. 4.3).
6.2 Dans un récent arrêt de principe confirmant le principe de la priorité de la réadaptation sur la rente, notre Haute Cour a précisé que l’art. 28 LAI ne présentait pas de lacune en tant qu’il niait le droit à la rente après le délai de carence d’une année lorsque des mesures de réadaptation n’étaient pas terminées à ce moment – lesdites mesures étant en l’espèce de nature médicale et directement exigibles de l’assuré, lequel pouvait améliorer sa capacité de travail de sa propre initiative en renonçant à la consommation d'alcool et de drogue et en prenant les médicaments nécessaires au traitement de son trouble de l'attention. Il n’y avait ainsi pas lieu de combler une lacune en octroyant à l’assuré une rente dans l’attente de la fin des mesures de réadaptation (ATF 148 V 397 consid. 6.2.4 et 7). En matière de réadaptation par des mesures médicales, lors de l'évaluation de l'invalidité, le succès d'un traitement peut être anticipé en vertu de l’obligation de la réadaptation par soi-même, c’est-à-dire pris en compte immédiatement sans qu'il soit nécessaire de procéder au préalable à une procédure de mise en demeure et de réflexion, pour autant que la réussite du traitement dépende directement du comportement de la personne assurée qui est à même de rétablir sa capacité de travail sans l’aide de spécialistes. Tel est le cas lorsque des mesures thérapeutiques susceptibles d'améliorer considérablement la capacité de travail (par exemple la prise de médicaments prescrits) peuvent être mises en œuvre par l’assuré de sa propre initiative. Lorsque l’assuré ne peut rétablir de lui-même sa capacité de travail ou influer sur son aptitude à la réadaptation, un droit à la rente peut être admis en cas d’atteinte qui n’a pas encore été traitée. Cela vaut également lorsque le potentiel de traitement et les mesures thérapeutiques à envisager doivent être clarifiés. Le succès d’un traitement programmé ne peut être analysé qu’une fois ce traitement achevé. Tant que celui-ci perdure, un droit à la rente entre en considération (arrêt du Tribunal fédéral 9C_443/2023 du 28 février 2025 consid. 5.1.4). Dans le cas d’une assurée dont l’état de santé n’était pas stabilisé et avait notamment nécessité une intervention neurochirurgicale, le Tribunal fédéral a considéré que des mesures professionnelles n'étaient pas encore exigibles avant la stabilisation de l’état de santé, si bien que l’octroi d’une rente avec effet rétroactif était justifié (arrêt du Tribunal fédéral 9C_559/2021 du 14 juillet 2022 consid. 2.2, le consid. 4.2)
6.3 Le principe de la priorité de la réadaptation sur la rente a pour conséquence qu'avant de se prononcer sur le droit à la rente, les offices d’assurance-invalidité doivent examiner d'office toutes les mesures de réadaptation qui pourraient être nécessaires et de nature à rétablir, à améliorer ou à conserver la capacité de gain de l’assuré. Cet examen doit avoir lieu avant l'octroi de la rente ou sa modification, c'est-à-dire tant lors du premier examen de la demande que dans le cadre d'une procédure de révision. Sur le plan procédural, cette exigence était concrétisée par l'ancien art. 70 al. 1 RAI, abrogé le 1er janvier 2022 mais applicable ratione temporis au présent cas. Aux termes de cette disposition, une fois que la demande a été déposée, l’office d’assurance-invalidité doit en principe organiser une séance d'évaluation dans le but de déterminer si l'assuré est susceptible d'être réadapté. Si durant l'instruction, ledit office parvient à la conclusion que l'assuré peut rétablir, maintenir ou améliorer sa capacité de gain par ses propres efforts ou en se soumettant à un traitement médical ou à des mesures de réadaptation, il doit répondre par la négative à la question du droit à la rente et envisager ou ordonner d'éventuelles autres mesures de réadaptation. Il en va de même lorsque le corps médical fixe une capacité résiduelle de travail, tout en soulignant que celle-ci ne pourra être atteinte que moyennant l'exécution préalable de mesures de réadaptation. Dans ce cas, l’office d’assurance-invalidité doit établir un plan de réadaptation sur la base du résultat de la séance d’évaluation prévue à l’art. 70 al. 1 RAI (art. 70 al. 2 aRAI). S'il apparaît d'emblée qu'aucune mesure de réadaptation raisonnablement exigible n'entre en considération pour rétablir, maintenir ou améliorer la capacité de gain, le droit à la rente peut être reconnu, même si des mesures de réadaptation sont envisagées ultérieurement (Michel VALTERIO, Commentaire, Loi fédérale sur l'assurance-invalidité [LAI], 2018, n. 3 ad art. 28 LAI). Le principe selon lequel la réadaptation prime la rente vaut également en cas de mesures de réinsertion : aussi longtemps que de telles mesures entrent en considération, il n’y a pas lieu d’examiner le droit à une rente (arrêts du Tribunal fédéral 9C_380/2021 du 31 janvier 2022 consid. 5.1 et 9C_689/2019 du 20 décembre 2019 consid. 3.1). La preuve de l'absence de capacité de réadaptation comme condition à l'octroi d'une rente d'invalidité doit présenter un degré de vraisemblance prépondérante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_559/2021 précité consid. 2.2).
7. Aux termes de l’art. 22 LAI, l’assuré a droit à une indemnité journalière pendant l’exécution des mesures de réadaptation prévues à l’art. 8 al. 3, si ces mesures l’empêchent d’exercer une activité lucrative durant trois jours consécutifs au moins, ou s’il présente, dans son activité habituelle, une incapacité de travail (art. 6 LPGA) de 50% au moins (al. 1). Le Conseil fédéral fixe les conditions auxquelles sont versées les indemnités journalières pour des jours isolés, pour la durée de l’instruction du cas, pour le temps précédant la réadaptation, pour le placement à l’essai et lors d’une interruption des mesures de réadaptation pour cause de maladie, d’accident ou de maternité (al. 6).
7.1 Faisant usage de cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a édicté l’art. 18 RAI, lequel prévoit dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021 que l’assuré qui présente une incapacité de travail de 50% au moins et qui doit attendre le début d’une formation professionnelle initiale ou d’un reclassement professionnel a droit, durant le délai d’attente, à une indemnité journalière (al. 1). Le droit à l’indemnité naît au moment où l’office d’assurance-invalidité constate qu’une formation professionnelle initiale ou un reclassement professionnel est indiqué (al. 2), Les bénéficiaires de rentes qui se soumettent à des mesures de réadaptation n’ont pas droit aux indemnités journalières pendant le délai d’attente (al. 3). Tant que l’assuré a droit à une indemnité journalière de l’assurance‑chômage, il ne peut faire valoir aucun droit à une indemnité journalière de l’assurance-invalidité (al. 4).
7.2 Le droit à des indemnités journalières d’attente est donné en cas de capacité de travail de 50% et d’aptitude à la réadaptation subjective et objective établie de telle manière que des mesures de réadaptation – et non de simples mesures d’instruction destinées à réunir les données nécessaires sur l’état de santé, l’activité, la capacité de travail, l’aptitude à être réadapté ou encore sur l'indication de mesures de réadaptation – entrent sérieusement en question. Il n’est en revanche pas nécessaire que l’exécution de ces mesures ait déjà été décidée (ATF 129 V 490 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_942/2009 du 15 mars 2010 consid. 5.3, sur le contenu et la nature des mesures d’instruction arrêt du Tribunal fédéral 9C_544/2009 du 16 octobre 2009 consid. 4.1). Le droit à des indemnités journalières durant le délai d’attente en vertu de l’art. 18 LAI n’est ouvert que lorsque les causes de ce délai d’attente ne sont pas imputables à l’assuré. Tel est principalement le cas lorsque celui-ci doit attendre le début de ces mesures car il ne peut se faire plus tôt. Lorsque les causes de l’attente sont liées à l’assuré, par exemple à des circonstances personnelles ou une maladie, les indemnités journalières d’attente ne sont pas dues (ATF 114 V 139 consid. 2b). Selon le chiffre 1045 de la circulaire concernant les indemnités journalières de l’assurance-invalidité (CIJ) dans sa version en vigueur dès le 1er janvier 2018, les bénéficiaires d’indemnités journalières ou d’une rente de l’assurance-militaire, d’indemnités de chômage entières ou d’indemnités journalières pour perte de gain n’ont pas droit aux indemnités journalières de l'assurance-invalidité pendant les périodes d’attente (cf. également arrêt du Tribunal fédéral 9C_942/2009 du 15 mars 2010 consid. 5.4.3 en ce qui concerne l’exclusion du droit aux indemnités journalières de l’assurance-invalidité en cas de chômage).
7.3 Le versement d’indemnités journalières doit permettre à l’assuré de pourvoir à son entretien (arrêt du Tribunal fédéral I 753/02 du 26 août 2003 consid. 4). La règlementation prévoyant le versement de ces indemnités entre le moment où l'assurance-invalidité constate qu’une reconversion est indiquée et le début de celle-ci a cependant non seulement pour but d’éviter que l’assuré ne soit laissé sans prestations financières de l’assurance-invalidité, mais aussi d’éviter la naissance d’un droit à la rente après que la nécessité d’une reconversion a été reconnue, mais avant que la situation ait été clarifiée. Le droit aux indemnités journalières d’attente selon l’art. 18 RAI suppose que la personne assurée doive attendre le début de mesures de réadaptation, et non pas simplement des mesures d'instruction destinées à réunir les données nécessaires sur son état de santé, son activité, sa capacité de travail, son aptitude à être réadapté ou encore sur l'indication de mesures de réadaptation. Le fait que des clarifications doivent encore être menées afin de définir la mesure de réadaptation concrètement indiquée ne fait en revanche pas obstacle au versement d’indemnités journalières. Il n’est ainsi pas nécessaire d’avoir déjà décidé de la mesure de reclassement octroyée. Le droit à des indemnités journalières débute ainsi – pour autant que les autres conditions soient remplies – au moment où l’office d’assurance-invalidité constate qu’une reconversion est indiquée, et entreprend et ordonne d’autres démarches en lien avec cette mesure, par exemple la recherche d’une place appropriée. Ce droit ne s’ouvre ainsi pas seulement lorsque la personne assurée doit attendre le début d’une mesure déjà décidée, faute de possibilité de la commencer plus tôt (Silvia BUCHER, Eingliederungsrecht der Invalidenversicherung, 2011, p. 477ss). On précisera que dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2007, l’art. 18 al. 2 RAI disposait que le droit à l’indemnité journalière s’ouvrait au moment où l’office d’assurance-invalidité constatait, sur la base de l’instruction, que des mesures de réadaptation étaient indiquées, mais en tout cas quatre mois après le dépôt de la demande. Ce délai maximal de quatre mois a été supprimé lors de l’entrée en vigueur de la 5ème révision de l’assurance-invalidité, au motif que la phase préalable d'intervention précoce, durant laquelle l’assuré ne perçoit en principe pas d’indemnités journalières, durerait en principe six mois au plus (Commentaire de la modification du RAI du 28 septembre 2007, disponible en ligne à l’adresse https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/9685.pdf). Par ailleurs, l’art. 49 LAI prévoit un délai de douze mois pour décider de mettre en œuvre ou non des mesures de réadaptation et impose ainsi à l’office d’assurance-invalidité de statuer rapidement – étant toutefois précisé qu’il s’agit là d’un délai d’ordre (arrêt du tribunal administratif du canton de Zoug S 2021 23 du 18 août 2021 consid. 5.2). On précisera encore que jusqu’au 31 décembre 2007, le droit aux indemnités journalières d’attente était ouvert lorsqu’il était constaté que des mesures de réadaptation en général étaient indiquées. Dès le 1er janvier 2008, l’art. 18 al. 2 RAI a restreint ce droit aux seuls cas d’indication constatée à une formation professionnelle initiale ou un reclassement, et depuis le 1er janvier 2022, seule la constatation de la nécessité d’un reclassement ouvre le droit à ces indemnités.
7.4 En cas de retard de décision de l’office d’assurance-invalidité au-delà du délai d’exécution des mesures d’intervention précoce, l'assuré déclaré tardivement apte au reclassement professionnel subit un dommage par l'ouverture retardée du droit aux indemnités journalières de l’assurance-invalidité, dont le versement aurait commencé plus tôt si les délais légaux avaient été respectés. Ce dommage devra être compensé, sauf à ouvrir avec effet rétroactif le droit aux indemnités journalières (Jacques-André SCHNEIDER / Béatrice STÜCKELBERG VIJVERBERG, LAI, Perte de gain maladie et LACI : quel suivi individualisé pour l'assuré ? in La 5e révision de l'AI, 2009, p. 68). Sous l’empire de l’art. 18 al. 2 RAI dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 1984, lequel prévoyait que l’indemnité journalière était allouée au plus tôt dès le prononcé ordonnant les mesures de réadaptation, le Tribunal fédéral a retenu que cette disposition était conforme à la loi mais qu’exceptionnellement, le droit aux indemnités journalières devait être reconnu pour une période antérieure lorsqu’un temps anormalement long s’était écoulé entre le prononcé et la demande de prestations (RCC 1990 p. 227 consid. 2b).
7.5 Le Tribunal fédéral a nié le droit aux indemnités journalières d’attente dans le cas où l’office d’assurance-invalidité avait estimé que la formation préconisée par les médecins de l’assuré n’était pas adéquate, et avait proposé un stage dans le but d’évaluer la capacité de travail et d’orienter un éventuel reclassement dans une autre direction. Il a estimé qu’aucune mesure précise de réadaptation ni démarche préalable à la mise en œuvre d’un reclassement n’avait été entreprise, et qu’un stage ne relevait pas d’une mesure concrète de réadaptation mais visait avant tout à réunir des données sur la capacité de travail de l’assuré et sur l’indication de telles mesures (Pratique VSI 4/2000 p. 211). Dans un arrêt du 5 juillet 2017 (AI 7/17 - 191/2017) portant sur le droit aux indemnités journalières d’attente d’une assurée, la cour des assurances sociales du canton de Vaud a relevé que celle-ci avait produit des rapports médicaux au regard desquels il n’était pas certain que la formation suivie ou une autre mesure de réadaptation reste envisageable, de sorte que l’office d’assurance-invalidité était tenu de procéder à une instruction sur ce point. La nature et le bien-fondé d’une mesure de réadaptation n’étaient ainsi pas établis, ce qui excluait le droit à de telles indemnités. Dans un autre arrêt du 6 juin 2013 (AI 40/12 - 129/2013 consid. 6c), la même instance a nié le droit aux indemnités journalières d’attente sur la base d’un examen du SMR et d’un stage COPAI, dès lors qu’il s’agissait de mesures d’instruction servant à déterminer si des mesures d'ordre professionnel étaient indiquées.
8. En l’espèce, au plan médical, tant le SMR que les médecins traitants du recourant admettent que celui-ci était apte à la réadaptation pendant la durée de l’instruction, ce que confirme le fait que le Prof. D______ et le Dr E______ ont préconisé une reconversion professionnelle dès février 2018, que le Dr G______ n’a pas non plus exclue. En particulier, le recourant ne peut être suivi lorsqu’il soutient, au stade de son recours, qu’il n’était pas apte à la réadaptation en raison de son état de santé à la fin de son emploi auprès d’F______. D’une part, aucun rapport médical ne l’atteste. D’autre part, il ne s’agissait pas là d’une activité adaptée, puisque le recourant avait repris l’activité habituelle, dont l’intimé a reconnu qu’elle n’était plus exigible. L’échec de cette reprise ne permet ainsi pas de conclure à l’absence d’aptitude à la réadaptation dans une activité adaptée.
En outre, si l’intimé a nié le droit à des mesures d’ordre professionnel dans sa décision du 11 décembre 2018, il a en définitive admis dans le cadre de la procédure de recours à l’encontre de cette décision que le droit à des mesures d’ordre professionnel devait être examiné. Sur ce plan, la situation du recourant diffère de celle tranchée par le Tribunal fédéral dans l’arrêt précité du 28 juillet 2025 (8C_652/2024). On peut ajouter que le recourant s’est annoncé au chômage dès le 1er février 2019 et a retrouvé par la suite une activité, ce qui tend à confirmer son aptitude à la réadaptation, quand bien même la reprise n’a pas été concluante, au vu du caractère inapproprié de l’activité. Cet état de fait justifiait par ailleurs de surseoir dans un premier temps à la mise en œuvre de mesures de réinsertion ou d’un reclassement, qui étaient alors superfétatoires au vu de la reprise. On ne saurait ainsi inférer de l’absence d’octroi de mesures d’ordre professionnel avant février 2021 une inaptitude à la réadaptation. Par ailleurs, si le traitement médical du recourant s’est poursuivi durant cette période, il ne ressort pas des rapports des médecins que celui-ci aurait été incompatible avec des mesures d’ordre professionnel.
Le recourant soutient que les errances de l’intimé ne devraient pas lui porter préjudice. À ce sujet, la chambre de céans peut renvoyer aux considérants du tribunal des assurances du canton de Saint-Gall (arrêt IV 2016/241 du 13 septembre 2018 consid. 3.2). Cette instance a rappelé que dans la pratique, il survient des cas dans lesquels l’assuré perçoit une rente limitée dans le temps avant le début des mesures d’ordre professionnel, dite « rente d’incapacité de travail » (Arbeitsunfähigkeitsrente), visant à combler une lacune dans la réglementation du droit aux indemnités journalières de l’assurance-invalidité, limitées à la durée des mesures de réadaptation – le droit aux indemnités journalières d’attente étant admis de manière si restrictive qu’il est pratiquement sans portée pratique. Toutefois, il est fréquent que les assurés qui subissent une incapacité de travail ne perçoivent pendant de longues périodes ni indemnités journalières, ni rente de l’assurance-invalidité. La rente d’incapacité de travail censée pallier ces situations choquantes ne repose toutefois pas sur une base légale suffisante, et ne saurait être allouée au titre du comblement d’une lacune, dès lors que le législateur a sciemment renoncé à créer un régime de prestations continues dans l’assurance-invalidité. La chambre de céans ajoutera que le principe interdisant l’octroi d’une rente avant la fin de mesures de réadaptation exigibles est ancré à l’art. 28 LAI, soit dans une loi fédérale qu’elle est tenue d’appliquer, conformément à l’art. 190 Cst. On pourrait certes s’interroger sur l’opportunité d’une modification législative sur ce point, mais il appartient au législateur, et non pas au juge, d'apporter d'éventuels correctifs nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_256/2018 du 19 juillet 2018 consid. 4.1). Par ailleurs, on pourrait se demander si une éventuelle réparation d’un dommage au sens de l’art. 78 LPGA pourrait également entrer en ligne de compte, et atténuer ainsi les conséquences financières de longues périodes sans indemnités journalières et sans droit à la rente, dans les cas où l’office d’assurance-invalidité ne tranche pas le droit aux mesures de réadaptation dans un délai adéquat. Cette question n’a toutefois pas à être tranchée dans la présente procédure.
Il est vrai que dans le cas d’espèce, on peut déplorer les délais dans la mise en œuvre des mesures d’ordre professionnel, en premier lieu en raison de la décision initiale de l’intimé – dont celui-ci a implicitement reconnu qu’elle était erronée – puis après la fin de l’activité chez F______. Ces atermoiements ne permettent toutefois pas de revenir sur le principe légal de la priorité de la réadaptation sur la rente.
Partant, la décision de l’intimé niant le droit à la rente jusqu’au 21 février 2021 en raison de l’aptitude à la réadaptation du recourant durant cette période est conforme au droit.
Bien que ce point ne fasse pas formellement l’objet de la décision litigieuse, il convient toutefois au vu des circonstances de relever que le recourant ne semble pas avoir perçu d’indemnités journalières d’attente avant la mise en œuvre des mesures de réinsertion puis de reclassement, dont l’octroi permettrait de tempérer à tout le moins partiellement la rigueur du système. Sans préjuger du droit à de telles indemnités journalières, notamment au vu de l’éventuelle perception d’indemnités de chômage durant une partie de la période courant du 1er octobre 2018 au 21 février 2021, il apparaît à la lecture des notes du service de réadaptation de l’intimé que la nécessité de mesures de réadaptation, et en particulier d’un reclassement, a été admise assez tôt dans l’instruction, quand bien même leur nature n’a été déterminée précisément que plus tard. Par ailleurs, une fois ces mesures définies de manière plus précise, leur mise en œuvre a été retardée pour des raisons étrangères à la personne du recourant, l’intimé indiquant dans sa note du 5 février 2021 que la pandémie de coronavirus avait freiné leur octroi et leur déroulement, et que certaines demandes de place n’avaient pas pu aboutir en raison des restrictions sanitaires. Dans ces conditions, il n’est pas exclu qu’un droit à des indemnités journalières d’attente puisse être ouvert, à tout le moins pour une partie de la période litigieuse.
Partant, le recours doit être partiellement admis, dès lors que l’intimé n’a pas statué sur l’ensemble des prestations éventuellement dues, soit sur les indemnités journalières d’attente. C’est le lieu de rappeler qu’en s'annonçant à l'assurance-invalidité, l'assuré sauvegarde en règle générale tous ses droits à des prestations d'assurance, même s'il n'en précise pas la nature exacte, l'annonce comprenant toutes les prétentions qui, de bonne foi, sont liées à la survenance du risque annoncé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_532/2011 du 7 mai 2012 consid. 4.2). La cause sera ainsi renvoyée à l’intimé pour examen du droit à de telles indemnités d’attente.
Au vu de l’issue du litige, le recourant peut prétendre à des dépens, qui seront fixés à CHF 1'000.- (art. 61 let. g LPGA).
La procédure en matière de contestations portant sur des prestations de l’assurance-invalidité n’étant pas gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), l’intimé supporte l’émolument de procédure de CHF 200.-.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Admet partiellement le recours.
3. Confirme la décision de l’intimé en tant qu’elle nie le droit à la rente du recourant.
4. Renvoie la cause à l’intimé pour décision sur le droit aux indemnités journalières d’attente au sens des considérants.
5. Condamne l’intimé à verser au recourant une indemnité de dépens de CHF 1'000.-
6. Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
| La greffière
Janeth WEPF |
| La présidente
Catherine TAPPONNIER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le