Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/619/2025 du 19.08.2025 ( LAMAL ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/565/2025 ATAS/619/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 19 août 2025 Chambre 10 |
En la cause
A______ et B______, représentées par leur père C______
| recourantes |
contre
CSS ASSURANCE-MALADIE SA
| intimée |
A. a. Les mineures B______ et A______(ci-après : les enfants) sont nées d’une mère porteuse à D______ (Canada) le ______ 2022, à 34 semaines et 5 jours de gestation.
Selon leurs extraits d’acte de naissance, délivrés le ______ 2023 par le Ministère des affaires étrangères de la République française, elles sont les filles de C______ (ci-après : l’intéressé), né le ______ 1986, et de E______, né le ______ 1988, lesquels sont de nationalité française, se sont mariés le ______ 2021 à F______(France) et sont domiciliés à Genève.
Il ressort de la base de données Calvin de l'office cantonal de la population et des migrations que E______ est lié par un partenariat enregistré à C______, lequel est inscrit, pour sa part, comme « célibataire ». E______ est désigné comme étant le père des enfants.
b. Par courriel du 16 décembre 2021, l’intéressé a demandé à la CSS ASSURANCE SA (ci-après : l’assurance) si l’assurance de base ou l’assurance « myFlex » prendrait en charge des soins hospitaliers d’urgence pour un/des enfants naturels qui viendraient au monde à l’étranger, et plus particulièrement au Canada, ainsi que l’éventuelle étendue d’une telle couverture. Il a précisé qu’il ne s’agissait pas de prendre en charge une grossesse, ni les soins apportés à une femme après l’accouchement, mais uniquement une éventuelle hospitalisation d’urgence de nouveau-nés.
c. Selon une note interne de l’assurance, une collaboratrice de la section « Contrôle des prestations » a prié la conseillère de l’agence de Genève en charge du dossier de l’intéressé, le 20 décembre 2021, de confirmer au client qu’il n’y avait aucune prise en charge pour les frais d’hospitalisation des enfants à l’accouchement. En bonne santé, leurs frais seraient à charge de l’assurance de la mère ; en mauvaise santé, une annonce devrait être faite à l’assurance-invalidité. En outre, le père devait annoncer les enfants à la commune de Genève dans les trois mois suivant la naissance. Dans ce cas, « l’assurance de base et LCA seulement à partir de l’annonce à la commune ». En cas de problème, il devrait contacter la Centrale d’appel d’urgence ALLIANZ (ci-après : la Centrale) « pour que les LCA rentre[nt] en matière. Sinon, que dble montant sur AOS ». De plus, la mère et les enfants devaient rentrer en Suisse assez rapidement et y être au moins six mois et un jour pour avoir l’assurance, sinon le cas pourrait être dénoncé à la commune. Le soupçon d’une mère porteuse était évoqué, avec la mention « cas d’école ».
d. Dans un courriel du 23 décembre 2021, la gestionnaire en charge du dossier de l’intéressé lui a indiqué qu’ « un accouchement n’est pas considéré comme un cas d’urgence » et que « Si les enfants doivent pour une raison différentes raisons être hospitalisée cela est une urgence ». L’assurance remboursait « les traitements jusqu’au double des frais en Suisse 90% ». Elle a également attiré son attention sur l’obligation d’annoncer la naissance aux autorités suisses et à l’assurance, laquelle émettrait alors une garantie pour le paiement de diverses prestations, ainsi que sur la nécessité que les enfants se trouvent sur le territoire au plus tard
six mois après leurs naissances.
e. Le 25 janvier 2022, l’assurance a confirmé à l’intéressé qu’elle assurerait « sans restriction de prestations » les enfants pour l’assurance de base obligatoire et pour quatre assurances complémentaires, conformément aux propositions d’assurance qu’elle lui avait envoyées le 22 décembre 2021.
B. a. En date du ______ 2022, l’intéressé a informé la Centrale que les enfants étaient nées la veille à D______ lors d’une césarienne d’urgence et que l’hôpital avait besoin d’une garantie de paiement.
b. Le 26 mars 2022, l’assurance a établi des polices d’assurance
n° 1______pour B______ et n° 2______pour A______, valables dès le ______ 2022, concernant l’assurance obligatoire des soins, ainsi que les quatre assurances complémentaires.
c. Le 30 mai 2022, la Centrale a reçu une demande de garantie du G______ (ci-après : l’hôpital), pour un coût d’environ CHF 97'000.- par enfant.
d. Sur demande de la Centrale, l’intéressé lui a précisé le 19 juin 2022 que la mère des enfants ne projetait pas de venir s’installer en Suisse et que son assurance ne couvrait aucun frais.
e. Les 19 et 23 juin 2022, l’hôpital a adressé de nouvelles demandes de garanties à la Centrale et précisé les raisons médicales ayant justifié cette hospitalisation en néonatologie, soit un faible poids de naissance, un ictère néonatal et une fissure anale.
f. La Centrale a sollicité des rapports médicaux et des informations complémentaires, notamment sur les raisons pour lesquelles, d’une part, l’assurance de la mère ne couvrait pas les frais requis et, d’autre part, la mère ne comptait pas venir en Suisse.
g. Le 20 septembre 2022, l’intéressé a reçu six factures de l’hôpital, datées du
4 août 2022, qu’il a transmises à l’assurance en lui demandant si elle couvrait ces frais.
h. Le 11 octobre 2022, l’assurance a demandé à l’intéressé de lui transmettre un rapport médical détaillé et la preuve du paiement des factures demandées en remboursement, et qu’il remplisse le questionnaire pour l’étranger.
i. Ces pièces ne lui ayant pas été remises, l’assurance a établi des décomptes de prestations les 23 et 25 novembre 2022, par lesquels elle a considéré que les
six factures totalisant un montant de CHF 8'130.85 n’étaient pas à sa charge.
j. Le 16 août 2023, l’intéressé a transmis à la Centrale, pour remboursement, les factures de l’hôpital restées impayées, à hauteur de $CAN 128'147.50 par enfant.
k. Le 25 octobre 2023, il a relancé la Centrale, en l’absence de toute réponse.
l. Par courriel du 31 octobre 2023, H______, collaboratrice de la Centrale, a indiqué à l’intéressé que les « frais liés à la maternité de substitution » étaient « réglés dans le contrat, y compris les frais médicaux et juridiques, l’indemnisation de la mère porteuse, les frais d’agence et l’assurance ». Il était invité à produire les informations concernant sa couverture d’assurance ou directement le contrat pour qu’il soit transmis au siège social pour examen du droit aux prestations.
m. Le 5 novembre 2023, l’intéressé a communiqué les pièces requises, dont le contrat avec la mère porteuse (rédigé en anglais).
n. Dans un message du 9 novembre 2023, H______ a informé l’intéressé que l’accouchement « par choix d’une mère porteuse au Canada » ne donnait pas droit à des prestations de l’assurance de base et que les enfants n’avaient pas d’assurance complémentaire correspondante pour cette prestation.
o. Par courriels du 23 novembre 2023, l’intéressé a relevé que les circonstances entourant la naissance de ses filles avaient été exceptionnelles, avec des complications médicales imprévisibles ayant nécessité une intervention en urgence à 34 semaines et 5 jours de gestation, exposant les enfants et la mère de substitution à des risques importants pour leur santé. Il avait adhéré à l’assurance prénatale afin d’obtenir une garantie de couverture adéquate pour faire face à d’éventuelles complications, quel que soit le lieu de l’accouchement s’il leur était impossible de revenir en Europe. Il sollicitait des éclaircissements notamment sur les conditions spécifiques déclenchant la couverture des frais, sur la manière dont le contrat définissait les prestations et sur les bases légales applicables.
p. Le lendemain, I______, collaborateur de la Centrale, a répondu à ce message et informé l’intéressé que son courriel avait été transmis au siège principal qui communiquerait une réponse « plus claire et ordonnée ».
q. Par courriel envoyé le 1er décembre 2023, la Centrale s’est référée au contrat de gestation confidentiel, puis a relevé que l’assurance refusait que les frais de traitement pour les naissances prématurées en urgence au Canada soient couverts, car les enfants étaient nées d’une mère porteuse. La maternité de substitution était interdite en Suisse et le couple avait opté pour cette maternité au Canada, volontairement et en sachant qu’il devrait supporter les frais, dont ceux relatifs à la naissance et aux soins des enfants sur place. Que ces dernières soient nées en urgence n’y changeait rien. Une prise en charge des coûts par l’assurance de base n’était pas possible.
r. Par courrier du 7 décembre 2023, l’intéressé a indiqué s’opposer à la décision de l’assurance. Le contrat de gestation liant le couple à la mère porteuse n’impliquait pas l’assurance. Les factures leur avaient été directement transmises et concernaient leurs enfants, pour une hospitalisation non planifiée et en urgence, à l’étranger. Elles s’inscrivaient donc parfaitement dans le cadre des polices d’assurance souscrites. Il sollicitait à nouveau que lui soient communiquées les bases légales sur lesquelles se fondait l’assurance pour refuser la prestation demandée.
s. Par courriel du 18 décembre 2023, J______, collaboratrice de l’assurance, lui a répondu que des investigations étaient nécessaires pour déterminer s’il s’agissait de frais à la charge de l’assurance complémentaire.
t. Par courrier du 7 février 2024, l’assurance a en substance repris les termes de son courriel du 1er décembre 2023.
u. En date du 13 février 2024, l’intéressé a constaté que l’assurance omettait de lui fournir les bases sur lesquelles elle se fondait. Il a relevé que la maternité de substitution, prohibée en Suisse, était autorisée et particulièrement encadrée dans d’autres pays. La leur était légalement réglementée par un contrat canadien et ne violait en aucun cas les lois suisses. Qu’un enfant soit né d’une mère porteuse n’était pas déterminant pour l’adhésion à l’assurance obligatoire suisse. Ses filles étaient des assurées de l’assurance depuis leurs naissances.
C. a. Par deux décisions du 17 mai 2024, l’assurance a refusé la prise en charge des coûts au titre de l’assurance obligatoire des soins pour chacune des enfants. Elle a considéré que la maternité de substitution, qui incluait l’accouchement et la prise en charge des nouveau-nés à l’étranger, était un traitement planifié à l’étranger qui n’autorisait pas la prise en charge des coûts au titre de l’assurance obligatoire. Les coûts des prestations à l’étranger pour cause de maladie découlant d’accouchements prématurés pour les enfants assurés auprès d’elle faisaient partie de « l’accouchement par maternité de substitution à l’étranger » et devaient être considérés comme un traitement planifié. La maternité de substitution était interdite en Suisse et un acte à l’étranger interdit en Suisse ne pouvait donner lieu à aucune obligation d’allouer des prestations selon la loi fédérale sur
l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10). Enfin, elle a relevé ne pas avoir été informée, dans le cadre de leurs échanges antérieurs à l’établissement des polices d’assurance, qu’il s’agissait d’une maternité de substitution.
b. Le 30 mai 2024, l’intéressé a formé opposition à l’encontre de ces décisions. Il a souligné que certains faits relatés dans les décisions étaient incomplets, voire erronés, et que plusieurs questions posées étaient inappropriées et impertinentes, tout comme la demande de production du contrat de gestation. Il a rappelé que ses filles étaient assurées auprès de l’assurance depuis le ______ 2022 et que le remboursement des frais médicaux sollicités était explicitement pris en charge par leurs polices d’assurance. Rendre une décision fondée uniquement sur le type de conception était discriminatoire et contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant. En outre, la maternité de substitution était dans leur cas réglementée par un contrat canadien et ne violait par les lois suisses. Il a sollicité que soit rendue une nouvelle décision dans un délai raisonnable, en prenant en compte la nature imprévisible, non planifiée et urgente, de la situation médicale survenue le
______ 2022 et l’adhésion à l’assurance avec la garantie que des soins médicaux urgents seraient couverts, indépendamment du lieu de l’accouchement.
c. Le 19 juillet 2024, l’assurance a rendu une décision de jonction de cause des deux litiges relatifs à la prise en charge des frais de traitement des enfants.
d. Le 30 juillet 2024, l’assurance a demandé l’avis de l’office fédéral de la santé publique (ci-après : OFSP) quant à la prise en charge des frais médicaux litigieux.
e. Dans sa réponse du 19 août 2024, l’OFSP a remis en cause l’affiliation des enfants à l’assurance-maladie obligatoire dès leurs naissances.
f. Le 15 octobre 2024, l’intéressé, au nom de chacune des enfants, a déposé deux actes pour déni de justice auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de Justice.
Par arrêt du 21 janvier 2025, la chambre de céans a joint les recours pour déni de justice et les a rejetés (ATAS/33/2025).
g. Le 11 novembre 2024, l’assurance a demandé à l’intéressé de lui faire parvenir un acte officiel constatant la filiation entre le père biologique et les enfants.
h. Le 4 décembre 2024, l’intéressé a communiqué à l’assurance les certificats de naissance français des enfants.
i. En date du 6 décembre 2024, l’assurance lui a demandé des informations complémentaires, notamment concernant les nationalités et domiciles de tous les membres de la famille, et si les documents transmis étaient reconnus en Suisse, si des démarches avaient été effectuées en ce sens, et à partir de quelle date la paternité avait été reconnue. Elle a en outre sollicité la transmission du jugement et de l’ordonnance cités dans les extraits de naissance.
j. Le 10 décembre 2024, l’intéressé a considéré que ces demandes étaient inadéquates et relevaient davantage de considérations liées à l’état civil que des compétences de l’assurance en matière d’assurance-maladie. Il a précisé que les enfants étaient de nationalité franco-canadienne, que son époux et lui étaient de nationalité française et que toute la famille vivait à Genève, où il travaillait. Il a remis copie de son acte de mariage.
k. Par décision sur opposition du 21 janvier 2025, l’assurance a rejeté les oppositions du 30 mai 2024 et confirmé ses décisions du 17 mai 2024. Les factures liées à la naissance des jumelles n’étaient pas à la charge de l’assurance obligatoire des soins, puisque l’accouchement était prévu et planifié au Canada. L’intéressé s’était d’ailleurs renseigné avant l’accouchement sur une telle prise en charge. Il n’existait aucune discrimination en lien avec le type de conception, puisque les factures n’auraient pas non plus été prises en charge en cas d’accouchement planifié à l’étranger par la mère biologique.
D. a. Par acte du 19 février 2025, les enfants, représentées par l’intéressé, ont saisi la chambre de céans d’un recours contre cette décision, concluant, sous suite de frais et dépens, à la « réformation » de la décision litigieuse en ce sens que la demande de remboursement des frais médicaux d’urgence était admise, subsidiairement, à l’annulation de la décision et au renvoi de la cause à l’intimée pour nouvelle instruction et nouvelle décision.
L’intéressé a soulevé une violation du principe de couverture de l’assurance obligatoire des soins, relevant que l’intimée avait émis des polices d’assurance avec effet rétroactif au ______ 2022 et avait ainsi reconnu que les enfants étaient affiliées à l’assurance obligatoire des soins dès leurs naissances. Elle avait toutefois mis en doute le principe de cette affiliation dans ses échanges ultérieurs avec l’OFSP. La naissance à l’étranger ne saurait, à elle seule, justifier un refus d’affiliation ou une remise en question de la prise en charge des frais médicaux en cas d’urgence. L’assurance obligatoire des soins devait prendre en charge les coûts d’un traitement à l’étranger en cas d’urgence, ce qui était le cas. Ses filles étaient nées à 34 semaines et 5 jours de gestation et avaient nécessité une hospitalisation immédiate en unité de soins intensifs néonatals. L’hospitalisation avait donc revêtu un caractère vital et imprévisible, justifiant une prise en charge médicale immédiate. Les complications médicales survenues au moment de la naissance n’étaient ni planifiées, ni « anticipables », et un retour en Suisse pour y recevoir les soins était matériellement impossible. Cette situation aurait pu arriver à n’importe quelle femme enceinte se trouvant à l’étranger et dont le rapatriement en Suisse était médicalement impossible. L’événement médical imprévisible n’était pas l’accouchement lui-même, mais la prématurité sévère des enfants nécessitant une prise en charge immédiate pour assurer leur survie. Elles n’étaient restées au Canada que durant cinq semaines. Il s’agissait donc d’un séjour temporaire et elles ne s’y étaient pas rendues pour obtenir les prestations dont le remboursement était refusé, mais les avaient subies involontairement. L’intimée ne pouvait pas invoquer la planification d’un accouchement à l’étranger pour refuser de prendre en charge des soins hospitaliers d’urgence vitale. La mère porteuse de ses filles avait été hospitalisée de manière imprévue le 10 mars 2022 et son état avait nécessité une surveillance stricte. Il était arrivé en urgence au Canada le lendemain pour l’assister. Le ______ 2022, ses enfants avaient été admises en unité de soins intensifs pour détresse respiratoire et prématurité sévère afin de recevoir des soins d’urgence vitaux.
Il a invoqué une violation du principe de la bonne foi et de la confiance, rappelant l’affiliation prénatale des assurées, leur garantissant une couverture dès leurs naissances, puis l’émission des polices d’assurance avec effet rétroactif dès la naissance, ce qui avait créé une attente légitime quant à la prise en charge des frais médicaux litigieux. L’intimée avait confirmé une garantie complète et son changement de position constituait une violation manifeste du principe de la bonne foi. À maintes reprises, elle avait laissé entendre que les frais hospitaliers d’urgence seraient couverts, ce qui ressortait de ses conditions générales, brochures et site internet. Le preneur d’assurance n’avait pas à supposer d’éventuelles restrictions, qui n’avaient pas été clairement précisées, étant rappelé que les conditions générales devaient dans un tel cas être interprétées dans le sens le plus favorable à l’assuré.
b. Dans sa réponse du 20 mars 2025, l’intimée a conclu au rejet du recours, dès lors que les factures litigieuses étaient en lien avec un accouchement planifié à l’étranger et n’étaient donc pas à la charge de l’assurance obligatoire des soins. Elle a maintenu qu’il n’y avait aucune discrimination en lien avec le type de conception et que les factures n’auraient pas non plus été prises en charge en cas d’accouchement planifié à l’étranger par la mère biologique. S’agissant du principe de la bonne foi, elle a relevé que l’intéressé ne l’avait jamais informée que la naissance des enfants était planifiée à l’étranger, car il s’agissait d’une maternité de substitution. Cette planification enlevait toute notion d’urgence. Pour le surplus, les conditions générales et extraits de sites internet auxquels se référait l’intéressé ne concernaient pas l’assurance obligatoire des soins.
c. Par duplique du 4 avril 2025, les recourantes ont persisté dans leurs conclusions. L’intéressé a relevé qu’il ressortait des pièces de l’intimée qu’elle avait « soupçonné » une mère porteuse et fait état d’un « cas d’école ». Elle aurait dû clarifier la situation avec lui avant de générer des polices d’assurance, car un devoir d’information renforcé lui incombait en présence d’un cas atypique. La posture de l’intimée était inacceptable sur le plan éthique et incompatible avec ses obligations. Il a maintenu que l’hospitalisation était due à des complications médicales et non au mode de conception. La prise en charge des coûts liés à une hospitalisation à l’étranger ne pouvait être refusée qu’en présence d’une situation où l’assuré se rendait intentionnellement à l’étranger dans le but de suivre un traitement médical, ou lorsque l’urgence survenue était directement imputable au traitement suivi à l’étranger. Les complications post-natales étaient manifestement fortuites et imprévisibles, et un transfert en Suisse était médicalement injustifiable et dangereux. La famille n’avait ni anticipé, ni choisi que les recourantes recevraient des soins d’urgence post-natale à l’étranger, et leur retour en Suisse était impossible. La raison de la présence des enfants au Canada était dénuée de toute pertinence juridique. Seule était déterminante leur hospitalisation d’urgence et indispensable, avec une impossibilité de rapatriement en Suisse, étant relevé qu’un accouchement avant 37 semaines était une complication obstétricale reconnue. L’intimée avait d’ailleurs reconnu que l’hospitalisation en néonatologie était médicalement indiquée. Elle avait violé le principe de confiance et ses obligatoires contractuelles au sens de la loi fédérale sur le contrat d'assurance du
2 avril 1908 (LCA - RS 221.229.1), les échanges et documents n’établissant aucune exclusion explicite de prise en charge. L’intimée refusait cette dernière au seul motif que les enfants étaient nées dans le cadre d’une gestation pour autrui, ce qui instaurait une discrimination directe fondée sur l’origine des enfants. Aucun texte légal ne permettait d’exclure des assurés en fonction du mode de conception ou du lieu de naissance lorsque les conditions matérielles d’urgence étaient réunies.
d. Dans sa duplique du 5 mai 2025, l’intimée a également maintenu ses conclusions. Elle avait clairement indiqué à l’intéressé, dans son courriel du
9 novembre 2023, que l’accouchement par choix d’une mère porteuse au Canada ne donnait pas droit à des prestations de l’assurance de base, faisant ainsi expressément la distinction entre l’assurance obligatoire des soins et les assurances complémentaires. Au demeurant, une simple lecture des polices des recourantes, précises, auraient permis à l’intéressé de faire cette distinction. Celui‑ci savait très bien que la naissance par mère porteuse à l’étranger était inhabituelle et pouvait susciter des interrogations et problématiques juridiques et assécurologiques, mais il s’était contenté de demander des informations d’ordre général, sans indiquer que la naissance était planifiée à l’étranger. La suspicion d’une mère porteuse avait été relevée par les conseillers qui pensaient que l’intéressé omettait d’indiquer tous les faits pertinents pour faire affilier les enfants et faire prendre en charge des prestations à l’étranger. Elle ne contestait pas que l’hospitalisation des recourantes était médicalement indiquées, mais considérait que la notion d’urgence n’était pas remplie. En planifiant la naissance à l’étranger, les traitements médicaux tels que ceux dont avaient bénéficiés les recourantes étaient exécutés à l’étranger. Ils étaient directement liés à la naissance planifiée qui avait eu lieu à l’étranger. Une grossesse gémellaire par mère porteuse était une grossesse à risque, et il n’était pas rare que des jumeaux naissaient prématurément, ce qui entrainait des mesures médicales. L’intéressé avait planifié la naissance de ses filles au Canada, avec tous les risques que cela impliquait, et les factures litigieuses étaient en lien avec un accouchement planifié à l’étranger. L’intéressé ne pouvait invoquer sa bonne foi, étant rappelé qu’il avait volontairement omis d’indiquer certaines informations, alors qu’il savait que la gestation pour autrui était interdite en Suisse. Il avait entretenu un certain flou, notamment sur la question de savoir s’il détenait l’autorité parentale au moment de la naissance. Elle avait ainsi dû faire des suppositions à cet égard pour rendre la décision contestée.
e. Copie de cette écriture a été transmise aux recourantes le 6 mai 2025.
f. Sur ce, la cause a été gardée à juger.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du
6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur
l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 À teneur de l'art. 1 LAMal, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-maladie, à moins que la loi n'y déroge expressément.
1.3 Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai de trente jours
(art. 60 al. 1 LPGA) prévus par la loi, le recours est recevable.
2. Le litige porte sur le bien-fondé de la décision du 21 janvier 2025, par laquelle l’intimée a refusé de prendre en charge, au titre de l’assurance-maladie obligatoire, les factures liées à l’hospitalisation des recourantes à l’étranger.
3. Aux termes de l’art. 3 al. 1 LAMal, toute personne domiciliée en Suisse doit s'assurer pour les soins en cas de maladie, ou être assurée par son représentant légal, dans les trois mois qui suivent sa prise de domicile ou sa naissance en Suisse.
Cette disposition concrétise un des buts principaux de la LAMal, qui est de rendre l'assurance-maladie obligatoire pour l'ensemble de la population en Suisse
(ATF 126 V 265 consid. 3b).
L’art. 1 al. 1 de l’ordonnance sur l'assurance-maladie (OAMal - RS 832.102) précise que les personnes domiciliées en Suisse au sens des art. 23 à 26 du code civil suisse (CC - RS 210) sont tenues de s'assurer, conformément à l'art. 3 de la loi.
3.1 En vertu de l'art. 24 LAMal, l'assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des prestations définies aux art. 25 à 31 en tenant compte des conditions des art. 32 à 34 LAMal.
Selon l'art. 25 LAMal, l'assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des prestations qui servent à diagnostiquer ou à traiter une maladie et ses séquelles (al. 1). Ces prestations comprennent (al. 2) : les examens et traitements dispensés sous forme ambulatoire, en milieu hospitalier ou dans un établissement
médico-social ainsi que les soins dispensés dans un hôpital par des médecins
(let. a ch. 1), des chiropraticiens (let. a ch. 2), des infirmiers (let. a ch. 2bis, en vigueur depuis le 1er janvier 2024), des personnes fournissant des prestations sur prescription ou sur mandat d'un médecin ou d'un chiropraticien (let. a ch. 3), les analyses, médicaments, moyens et appareils diagnostiques ou thérapeutiques prescrits par un médecin ou, dans les limites fixées par le Conseil fédéral, par un chiropraticien (let. b), une participation aux frais des cures balnéaires prescrites par un médecin (let. c), les mesures de réadaptation effectuées ou prescrites par un médecin (let. d), le séjour à l'hôpital correspondant au standard de la division commune (let. e), le séjour en cas d'accouchement dans une maison de naissance (let. fbis), une contribution aux frais de transport médicalement nécessaires ainsi qu'aux frais de sauvetage (let. g), les prestations des pharmaciens lors de la remise des médicaments prescrits conformément à la let. b (let. h).
L’art. 32 LAMal dispose que les prestations mentionnées aux art. 25 à 31 doivent être efficaces, appropriées et économiques. L’efficacité doit être démontrée selon des méthodes scientifiques (al. 1). L’efficacité, l’adéquation et le caractère économique des prestations sont réexaminés périodiquement (al. 2).
L’art. 64 LAMal précise que les assurés participent aux coûts des prestations dont ils bénéficient (al. 1). Leur participation comprend un montant fixe par année (franchise) et 10% des coûts qui dépassent la franchise (quote-part ; al. 2). Le Conseil fédéral fixe le montant de la franchise et le montant maximal annuel de la quote-part (al. 3). Pour les enfants, aucune franchise n’est exigée et le montant maximum de la quote-part est réduit de moitié. Plusieurs enfants d’une même famille, assurés par le même assureur, payent ensemble au maximum le montant de la franchise et de la quote-part dus par un adulte (al. 4). En cas d’hospitalisation, les assurés versent, en outre, une contribution aux frais de séjour, échelonnée en fonction des charges de famille. Le Conseil fédéral fixe le montant de cette contribution (al. 5).
3.2 À teneur de l’art. 29 LAMal, l’assurance obligatoire des soins prend en charge, en plus des coûts des mêmes prestations que pour la maladie, ceux des prestations spécifiques de maternité (al. 1). Ces prestations comprennent les examens de contrôle, effectués par un médecin ou une sage-femme ou prescrits par un médecin, pendant et après la grossesse (al. 2 let. a), l’accouchement à domicile, dans un hôpital ou dans une maison de naissance ainsi que l’assistance d’un médecin ou d’une sage-femme (al. 2 let. b), les conseils nécessaires en cas d’allaitement (al. 2 let. c), les soins accordés au nouveau-né en bonne santé et son séjour, tant qu’il demeure à l’hôpital avec sa mère (al. 2 let. d).
Les prestations d’assurance fournies pendant la grossesse sont destinées à la mère. De même, des interventions effectuées en cours de grossesse sur l’enfant à naître sont du ressort de l’assurance de la mère (ATF 125 V 8 consid. 4b). En revanche, le traitement et les soins prodigués au nourrisson malade de même que les mesures de prévention (art. 26 LAMal et 12 OAMal) sont à la charge de l’assurance de l’enfant (ATF 125 V 8 consid. 5).
3.3 L’assurance-maladie est régie par le principe de territorialité, ancré à l’art. 34 al. 2 LAMal. Selon ce principe, seules sont à la charge de la caisse-maladie les prestations dispensées en Suisse ou, s’agissant de prestations délivrées sur ordonnance, celles qui sont prescrites par un fournisseur de prestations admis à pratiquer en Suisse afin d’être fournies en Suisse (Martin ZOBL / Kerstin Noëlle VOKINGER in Basler Kommentar, Krankenversicherungsgesetz und Krankenversicherungsaufsichts-gesetz, 2020, n. 3 ad art. 34 LAMal).
L’art. 34 LAMal dispose notamment que le Conseil fédéral peut prévoir la prise en charge par l'assurance obligatoire des soins, des coûts des prestations prévues aux art. 25 al. 2 et 29 LAMal qui sont fournies à l'étranger, pour des raisons médicales ou dans le cadre d'une coopération transfrontalière, à des assurés qui résident en Suisse (al. 2 let. a) ; les coûts d’accouchements à l’étranger pour des raisons autres que médicales (al. 2 let. b). Il peut limiter la prise en charge des coûts visés à l’al. 2 (al. 3).
Se fondant sur cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a édicté
l'art. 36 OAMal intitulé « Prestations à l'étranger ».
Cette disposition prévoit que le Département fédéral de l'intérieur désigne, après avoir consulté la commission compétente, les prestations prévues aux art. 25 al. 2 et 29 de la loi dont les coûts occasionnés à l’étranger sont pris en charge par l’assurance obligatoire des soins lorsqu’elles ne peuvent être fournies en Suisse (al. 1). L’assurance obligatoire des soins prend en charge le coût des traitements effectués en cas d’urgence à l’étranger. Il y a urgence lorsque l’assuré, qui séjourne temporairement à l’étranger, a besoin d’un traitement médical et qu’un retour en Suisse n’est pas approprié. Il n’y a pas d’urgence lorsque l’assuré se rend à l’étranger dans le but de suivre ce traitement (al. 2). L’assurance obligatoire des soins prend en charge, dans le cadre de l’art. 29 de la loi, les coûts d’un accouchement ayant eu lieu à l’étranger lorsqu’il constitue le seul moyen de procurer à l’enfant la nationalité de la mère ou du père, ou lorsque l’enfant serait apatride s’il était né en Suisse (al. 3). Les prestations visées aux al. 1 et 2, et les traitements effectués à l’étranger pour les frontaliers, les travailleurs détachés et les personnes occupées par un service public, ainsi que pour les membres de leur famille (art. 3 à 5), sont pris en charge jusqu’à concurrence du double du montant qui aurait été payé si le traitement avait eu lieu en Suisse ; dans les cas prévus à l’al. 3, le montant maximum correspond à celui qui aurait été payé en Suisse. Pour les assurés visés aux art. 4 et 5, la prise en charge des coûts s’effectue sur la base des tarifs et des prix applicables à leur dernier lieu de résidence en Suisse. Si le traitement effectué pour les assurés visés à l’art. 1, al. 2, let. d à ebis, ne suit pas les règles sur l’entraide internationale en matière de prestations, la prise en charge des coûts s’effectue sur la base des tarifs et des prix applicables à leur dernier lieu de résidence ou de travail en Suisse; si aucun de ces lieux ne peut être déterminé, la prise en charge s’effectue sur la base des tarifs et des prix applicables dans le canton du siège de l’assureur (al. 4). Les dispositions sur l’entraide internationale en matière de prestations demeurent réservées (al. 5).
3.3.1 Selon la jurisprudence, une exception au principe de la territorialité selon
l'art. 36 al. 1 OAMal en corrélation avec l'art. 34 al. 2 LAMal n'est admissible que dans deux éventualités du point de vue de la LAMal. Ou bien il n'existe aucune possibilité de traitement de la maladie en Suisse ; ou bien il est établi, dans un cas particulier, qu'une mesure thérapeutique en Suisse, par rapport à une alternative de traitement à l'étranger, comporte pour le patient des risques importants et notablement plus élevés (RAMA 2003 n. KV 253 p. 229 consid. 2).
3.3.2 S'agissant de la condition d'urgence, prévue à l'art. 36 al. 2 OAMal, ce qui est déterminant c'est que l'assuré ait subitement besoin et de manière imprévue d'un traitement à l'étranger. Il faut que des raisons médicales s'opposent à un report du traitement et qu'un retour en Suisse apparaisse inapproprié (arrêt du Tribunal fédéral 9C_11/2007 du 4 mars 2008 consid. 3.2). Toutefois, le caractère approprié du retour à domicile ne s'apprécie pas exclusivement selon des critères médicaux. Il convient en effet de prendre en considération l'ensemble des circonstances du cas d'espèce. Il est ainsi compréhensible qu'un assuré, en proie à des douleurs aiguës, se rende sans plus attendre chez un médecin situé au lieu de séjour pour une première consultation et l'éventuelle prescription d'un médicament (arrêt du Tribunal fédéral K 7/02 du 23 août 2002 consid. 4). Par ailleurs, les coûts du retour à domicile doivent notamment se situer dans un rapport raisonnable avec les frais (arrêts du Tribunal fédéral K 24/04 du 20 avril 2005 consid. 5.4 et K 7/02 du 23 août 2002 consid. 4).
Lorsqu'un retour en Suisse est inapproprié, la prise en charge du traitement à l'étranger reste soumise aux limites de l'art. 36 al. 4 OAMal et il y a lieu de s'assurer que les critères d'efficacité et d'économicité sont également pris en compte (ATF 128 V 75 consid. 4 b ; 131 V 271).
Le traitement qui se trouve dans un lien de connexité temporel et matériel avec une mesure thérapeutique qui a été administrée pour des raisons autres que médicales hors du canton, ne revêt pas un caractère urgent et n'est pour ce motif pas pris en charge. Il n'en va différemment que s'il apparaît, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la maladie nécessitant des soins urgents serait également survenue sans le traitement volontaire hors du canton. Ces principes s'appliquent par analogie aux conditions posées par l'art. 36 al. 2 OAMal pour la prise en charge de soins urgents fournis à l'étranger (ATF 146 V 185 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_177/2017 du 20 juin 2017 consid. 4.3). Ainsi, même en cas d'urgence, si l'atteinte à la santé est imputable d'une manière ou d'une autre au traitement médical suivi à l'étranger, l'assurance obligatoire des soins n'a pas à prendre en charge les coûts dérivant de ce traitement. On ajoutera que l'existence d'un simple risque imputable au traitement médical suivi à l'étranger peut en principe suffire pour exclure la prise en charge par l'assurance obligatoire des soins (arrêt du Tribunal fédéral 9C_177/2017 précité consid. 7.2). Dans cette affaire, le Tribunal fédéral a constaté que la détérioration de l'état de santé de l'assurée ne présentait aucun lien avec le traitement expérimental suivi à l'étranger mais correspondait à une évolution prévisible d'un cancer des poumons de stade IV. En d'autres termes, l'hospitalisation serait également survenue même si l'assurée n'avait pas suivi les essais cliniques aux États-Unis. Dans ces circonstances, le seul fait que l'assurée se trouvait à l'étranger pour suivre un traitement expérimental ne saurait la priver de la couverture de l'assurance obligatoire des soins ; peu importe donc le motif de son voyage à l'étranger. De même, le fait qu'une détérioration rapide de son état de santé était prévisible ne changeait rien. Il aurait encore fallu, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, que cette détérioration soit imputable au traitement médical suivi à l'étranger (arrêt 9C_177/2017 précité consid. 7.2).
3.3.3 En cas d’accouchement à l’étranger, la notion d’urgence doit être relativisée en cas de grossesse normale, puisque la femme enceinte sait que son état requiert à terme des soins médicaux et qu’elle connaît généralement la date présumée de son accouchement. Dans cette situation, il lui appartient, sauf à admettre sa volonté d’accoucher à l’étranger, de prendre toutes les dispositions utiles, plus le terme supposé de l’accouchement s’approche, pour éviter un déplacement à l’étranger, respectivement, pour assurer son retour en Suisse. Il arrive en effet un moment à partir duquel un voyage s’avère médicalement contre-indiqué, si bien qu’un accouchement sur place est nécessaire et que les soins à prodiguer deviennent en tout état de cause urgents. Le Tribunal fédéral a jugé que le caractère de l'urgence n'était en l’occurrence pas réalisé dans le cas de l'assurée, qui s’était rendue aux États-Unis le 26 juillet 1999 où elle comptait rester une semaine à dix jours et, qui avait continué d'y séjourner pour une raison inconnue jusqu'au 31 août 1999, date à partir de laquelle les médecins lui avaient formellement interdit de prendre l'avion alors qu'elle se trouvait alors à la
35e semaine de grossesse, soit à une période où l'éventualité d'un accouchement, même avant terme, était notoirement plus élevé qu'au cours des mois précédents. Le Tribunal a retenu que nonobstant son état, l’assurée avait prolongé son séjour aux États-Unis sans raison médicale et qu’après avoir consulté un médecin le
23 août 1999, elle avait encore laissé passer une semaine alors qu'il lui était possible, durant ce laps de temps, de voyager (arrêt du Tribunal fédéral K 14/03 du 2 février 2004).
Dans une jurisprudence ultérieure, le Tribunal fédéral a précisé qu’une situation d’urgence en cas d’accouchement supposait que la femme enceinte ne se soit pas rendue à l’étranger avec l’intention d’y mettre au monde son enfant ou d’y bénéficier d’un traitement lié à la grossesse, et qu’au cours de son séjour à l’étranger, elle soit surprise par les signes d’un accouchement imminent de telle sorte qu’un retour en Suisse constituerait une mesure irresponsable d’un point de vue médical. Il y avait urgence lorsque l’intention de rester au lieu de séjour ne surgissait qu’au moment où le retour au domicile ne constituait plus une alternative (arrêts du Tribunal fédéral 9C_144/2015 du 17 juillet 2015
consid. 4.2.1 ; 9C_408/2009 du 9 septembre 2009 consid. 9).
3.3.4 La chambre de céans a été saisie d’un litige portant sur la prise en charge des frais d’accouchement et d’hospitalisation, pour la mère et son enfant, suite à un accouchement déclenché au Centre hospitalier de la région d’Annecy (ci‑après : Centre) en raison d’un retard de croissance du fœtus. Elle a relevé que les futurs parents avaient projeté que l’accouchement devait de toute manière se dérouler au Centre, de sorte que l’urgence devait être niée. En outre, il ressortait des pièces que l’assurée avait été admise au Centre pour un « déclanchement programmé » et qu’elle aurait eu largement le temps de se rendre dans un établissement hospitalier genevois. Elle a donc jugé que la mère et son enfant ne pouvaient pas prétendre à la prise en charge de leurs frais encourus à l’étranger sur la base de l’art. 36 al. 2 OAMal. Elle a ensuite constaté qu’il n’y avait pas eu de violation du devoir de conseils de la part de l’assurance, du moins concernant les frais d’accouchement. L’assurance était ainsi fondée à limiter le remboursement des factures concernant la mère aux montants-limites qu’elle avait promis de rembourser, de manière volontaire, par courrier du 2 novembre 2012. S’agissant de l’hospitalisation de l’enfant, qui n’avait pas fait l’objet de la déclaration de prise en charge du 2 novembre 2012, elle constituait néanmoins la conséquence directe de l’accouchement autorisé au Centre. Conformément aux règles de la bonne foi, l’assurance aurait dû au moins indiquer, dans son courrier du 2 novembre 2012, qu’un séjour hospitalier de l’enfant à naître aurait lieu dans un hôpital non conventionné et que cela aurait pour conséquence que le coût des prestations excédants, cas échéant, les montants prévus par la convention tarifaire applicable ne serait pas pris en charge. Nantie des renseignements qui avaient été omis au sujet de l’enfant, le comportement raisonnable de la mère aurait vraisemblablement consisté à ne pas accoucher au Centre, mais dans un hôpital conventionné à Genève. L’assurance devait donc prendre à sa charge le montant facturé par le Centre, sous déduction de la franchise et de la quote-part (ATAS/28/2015 du 19 janvier 2015).
Les parties ont recouru auprès du Tribunal fédéral contre cet arrêt. L’assurée a requis la prise en charge de la totalité des frais d’accouchement et l’assurance a nié devoir s’acquitter de prestations supérieures à celles déjà remboursées. Le Tribunal fédéral a confirmé que le caractère urgent de l’accouchement pouvait en l’occurrence être nié, au vu de l’intention préalablement formée de la parturiente d’accoucher au Centre (arrêt du Tribunal fédéral 9C_144/2015 du 17 juillet 2015 consid. 4.2). Il a toutefois retenu un défaut d’instruction correspondant à une violation du droit d’être entendue de l’assurée, qui n’avait pas été invitée à prouver les faits dont elle se prévalait, à savoir que l’assurance était en possession du devis du Centre lorsqu'elle l’avait renseignée sur l'étendue de sa prise en charge le 2 novembre 2012 et avait par conséquent violé son devoir de conseil en lui communiquant des informations incomplètes (consid. 4.3). Il a donc renvoyé la cause aux premiers juges pour qu’ils complètent l’instruction (consid. 4.4) S’agissant du recours de l’assurance portant sur la prise en charge des frais relatifs au séjour de l’enfant au Centre, il a relevé que, dès lors que l’assurance avait accepté, le 2 novembre 2012, de déroger au principe de la territorialité des prestations pour l'accouchement de son assurée, elle ne pouvait pas se limiter à garantir les montants-limites y relatifs, sans avertir l’intéressée que les frais d'accouchement qu'elle prenait en charge ne comprenaient pas d'éventuels coûts supplémentaires liés aux soins à apporter à l'enfant en cas de complications, et que le séjour hospitalier de l'enfant ne serait pas pris en charge aux mêmes conditions que s'il naissait dans un hôpital au lieu de domicile des parents. Il s'agissait alors de donner à l'assurée suffisamment de renseignements pour qu'elle fût en mesure de décider du lieu de son accouchement en sachant que la prise en charge des coûts y relatifs pouvait lui incomber en (grande) partie si la situation ne correspondait pas à une naissance sans complication (consid. 5.2). Notre Haute cour a conclu que le recours de l’assurance était mal fondé et devait être rejeté, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si son obligation de prester aurait éventuellement pu être fondée sur le caractère urgent des soins médicaux dont a bénéficié l'enfant de l'assurée dès sa naissance, dans le service de néonatologie d'un établissement hospitalier à l’étranger (consid. 6).
3.4 L’art. 27 LPGA prévoit que, dans les limites de leur domaine de compétence, les assureurs et les organes d’exécution des diverses assurances sociales sont tenus de renseigner les personnes intéressées sur leurs droits et obligations (al. 1). Chacun a le droit d’être conseillé, en principe gratuitement, sur ses droits et obligations. Sont compétents pour cela les assureurs à l’égard desquels les intéressés doivent faire valoir leurs droits ou remplir leurs obligations (al. 2).
3.4.1 L’alinéa premier ne porte que sur une information générale des assurés, par le biais par exemple de brochures d’informations ou de lettres-circulaires. En revanche, l’alinéa 2 prévoit l’obligation de donner une information précise ou un conseil dans un cas particulier, de sorte qu’il peut conduire à l’obligation de verser des prestations sur la base du principe de la bonne foi (voir à ce propos la Journée AIM, « Premiers problèmes d’application de la LPGA », intervention de Monsieur le Juge fédéral Ulrich MEYER, le 7 mai 2004 à Lausanne).
Le devoir de conseils de l'assureur social au sens de l'art. 27 al. 2 LPGA comprend l'obligation d'attirer l'attention de la personne intéressée sur le fait que son comportement pourrait mettre en péril la réalisation de l'une des conditions du droit aux prestations (ATF 131 V 472 consid. 4.3).
Ce devoir s'étend non seulement aux circonstances de fait déterminantes, mais également aux circonstances de nature juridique (SVR 2007 KV n° 14 p. 53 et la référence). Son contenu dépend entièrement de la situation concrète dans laquelle se trouve l'assuré, telle qu'elle est reconnaissable pour l'administration. Aucun devoir de renseignement ou de conseil au sens de l'art. 27 LPGA n'incombe à l'institution d'assurance tant qu'elle ne peut pas, en prêtant l'attention usuelle, reconnaître que la personne assurée se trouve dans une situation dans laquelle elle risque de perdre son droit aux prestations (ATF 133 V 249 consid. 7.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_557/2010 du 7 mars 2011 consid. 4.1).
3.4.2 Le défaut de renseignement dans une situation où une obligation de renseigner est prévue par la loi, ou lorsque les circonstances concrètes du cas particulier auraient commandé une information de l'assureur, est assimilé à une déclaration erronée qui peut, sous certaines conditions, obliger l'autorité (en l'espèce l'assureur) à consentir à un administré un avantage auquel il n'aurait pu prétendre, en vertu du principe de la protection de la bonne foi découlant de
l'art. 9 Cst. (ATF 131 V 472 consid. 5).
Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (a) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (b) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (c) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour (d) prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice, et (e) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 131 II 627 consid. 6.1 et les références citées). Ces principes s'appliquent par analogie au défaut de renseignement, la condition c devant toutefois être formulée de la façon suivante : que l'administré n'ait pas eu connaissance du contenu du renseignement omis ou que ce contenu était tellement évident qu'il n'avait pas à s'attendre à une autre information (ATF 131 V 472 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_601/2009 du 31 mai 2010 consid. 4.2). S’il est vrai que sous l'empire de l'art. 27 al. 2 LPGA, l'assureur social n'est plus en droit d'invoquer que l'assuré aurait pu adopter un comportement adéquat s'il n'avait pas ignoré la loi, il n’en demeure pas moins que la reconnaissance d'un devoir de conseils au sens de cette disposition dépend bien plutôt du point de savoir si l'assureur social disposait, selon la situation concrète telle qu'elle se présentait à lui, d'indices suffisants qui lui imposaient au regard du principe de la bonne foi de renseigner l'intéressé. On ne saurait cependant attendre de l'assureur social qu'il donne des informations dont on peut admettre qu'elles sont connues de manière générale, sans quoi l'administration risquerait à titre préventif de submerger l'assuré d'informations qui ne lui sont pas nécessaires ou qu'il ne souhaite pas (arrêt 9C_894/2008 du 18 décembre 2008 consid. 3.2, in RSAS 2009 p. 132 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_97/2009 du 14 octobre 2009 consid. 3.3 et les références citées).
Dans le dernier arrêt cité, qui concernait une caisse-maladie qui avait été consultée par un assuré en vue de la prise en charge d’une prestation future à l’étranger en principe non prise en charge par l’assurance obligatoire des soins (traitement dentaire), le Tribunal fédéral a considéré qu’il incombait à la caisse, qui avait été avertie de la date relativement proche de l’intervention projetée, de réagir sans délai et d’informer l’assuré sur les règles applicables en pareille occurrence et sur l’absence de prise en charge des frais de traitement en découlant en principe. À défaut, elle manquait à son devoir de conseils au sens de l’art. 27 al. 2 LPGA (arrêt du Tribunal fédéral 9C_97/2009 du 14 octobre 2009 consid. 3.2).
3.5 Enfin, il sera rappelé que l’art. 119 al. 2 let. d de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101) prévoit que le don d’embryon et toutes les formes de maternité de substitution sont interdites.
4. En l’espèce, les recourantes soutiennent que les frais litigieux relèvent d’un traitement dispensé à l’étranger en cas d’urgence, dès lors qu’elles ont dû être hospitalisées en unité de soins intensif néonatals, de manière imprévisible, dès leurs naissances, en raison de complications médicales. Ces dernières n’avaient pas été planifiées et un retour en Suisse était matériellement impossible.
4.1 La chambre de céans rappelle en premier lieu que l’intimée a admis que les recourantes pouvaient être affiliées à l’assurance-obligatoire des soins dès leurs naissances, car elle pouvait supposer que leur père biologique, domicilié en Suisse, les avait reconnues au Canada déjà et détenait donc l’autorité parentale au moment de leurs naissances.
Ce point n’étant pas litigieux, il n’y a pas lieu d’y revenir.
4.2 Elle relève ensuite qu’il ressort du contrat de gestation pour autrui conclu le 30 juin 2021 par les parents d’intention, d’une part, et la mère de substitution et son époux, d’autre part, que les parties ont expressément prévu que la procédure de transfert d’embryon, la grossesse et l’accouchement se dérouleraient au Canada. Ce document indique en outre que les parents d’intention reconnaissent que les frais des soins aux enfants et les coûts hospitaliers ne seront pas couverts par l’assurance de la mère de substitution, et que les coûts en cas de naissance prématurée ou de complications pourraient être supérieurs à $CAN 17'000.- par jour. Les parents d’intention reconnaissent et acceptent qu’ils seraient responsables pour de tels coûts. Ils garantissent en outre qu’ils souscriront une assurance, au moins trois mois avant le transfert, afin de couvrir ces frais potentiels. Ils acceptent expressément qu’ils seront entièrement responsables si une facture concernant les soins des enfants est présentée à la mère de substitution
(ch. 18.9).
4.2.1 Concernant la prise en charge des enfants à la naissance, il est rappelé que les soins dispensés aux nouveau-nés qui ne relèvent pas de la maladie sont considérés comme des soins de maternité, qu’ils soient prodigués en Suisse ou à l’étranger.
Ainsi, en cas de naissance en bonne santé, les recourantes n’auraient pu prétendre à aucune prestation de la part de l’assurance-maladie obligatoire, la mère porteuse n’étant pas affiliée en Suisse. Les parents d’intention savaient et avaient accepté que les frais relatifs à un éventuel séjour hospitalier auprès de la mère porteuse resteraient à leur charge, puisque ces coûts n’étaient pas couverts par l’assurance de celle-ci.
4.2.2 S’agissant des frais engendrés par les complications médicales, le Tribunal fédéral n’a pas tranché la question de savoir si l’obligation de prester de l’assurance-maladie obligatoire peut être fondée sur le caractère urgent des soins médicaux prodigués à la naissance, dans le service de néonatologie d'un établissement hospitalier à l'étranger (arrêt du Tribunal fédéral 9C_144/2015 du 17 juillet 2015).
Cette question peut également demeurer ouverte dans la présente cause, eu égard à ce qui suit.
4.3 Les recourantes invoquent une violation du principe de la bonne foi et de la confiance. Elles font valoir que leur affiliation prénatale leur garantissait une couverture dès leur naissance et que l’émission des polices d’assurance avec effet rétroactif dès la naissance avait créé une attente légitime quant à la prise en charge des frais médicaux litigieux. Les conditions générales, brochures et site internet de l’intimée laissaient entendre que les frais hospitaliers d’urgence seraient couverts, et le preneur d’assurance n’avait pas à supposer d’éventuelles restrictions, qui n’avaient pas été clairement précisées, et les conditions générales devaient dans un tel cas être interprétées dans le sens le plus favorable à l’assuré.
La chambre de céans rappelle au préalable que, par courriel du 16 décembre 2021, l’intéressé s’est enquis auprès de l’intimée de la prise en charge des frais liés à une hospitalisation d’urgence de nouveau-nés à l’étranger, et plus particulièrement au Canada, tant par l’assurance obligatoire des soins que par l’assurance-maladie complémentaire. Il a précisé que sa demande de renseignements ne portait pas sur les frais liés à une grossesse ou aux soins apportés à la femme après son accouchement, mais uniquement sur la prise en charge d’une éventuelle hospitalisation d’urgence de nouveau-nés.
L’intimée lui a envoyé des propositions d’assurance le 22 décembre 2021 et un courriel le lendemain, le 23 décembre 2021, mentionnant qu’un accouchement n’était pas considéré comme un cas d’urgence et que « Si les enfants doivent pour une raison différentes raisons être hospitalisée cela est une urgence ». Elle s’est ainsi contentée d’une réponse sommaire et vague, de surcroît peu compréhensible compte tenu de l’erreur de syntaxe, sans renseigner clairement l’intéressé en lui signifiant les coûts qui pourraient être pris en charge par l’assurance-obligatoire des soins et ceux qui ne feraient l’objet d’aucun remboursement. La requête précise de l’intéressé appelait pourtant une réponse explicite. L’intéressé s’est renseigné sur la prise en charge des frais d’hospitalisation à l’étranger de nouveau-nés. Seuls deux cas de figure peuvent être envisagés. Soit un enfant naît en bonne santé et il séjourne auprès de sa mère, soit il est atteint dans sa santé et il nécessite des soins médicaux. L’intimée ayant distingué, d’une part, l’ « accouchement » et, d’autre part, « différentes raisons », l’intéressé pouvait de bonne foi comprendre qu’un accouchement ordinaire ne constituait pas un cas d’urgence de sorte que l’hospitalisation du nouveau-né ne serait pas prise en charge tant qu’il était hospitalisé avec sa mère, alors que si l’hospitalisation du nouveau-né était due à ses problèmes de santé, les frais liés à de telles complications seraient pris en charge par l’assurance-maladie de base.
À toutes fins utiles, la chambre de céans relèvera que la note interne relative à l’entretien du 20 décembre 2021 entre deux collaboratrices de l’intimée, que cette dernière ne prétend pas avoir communiquée aux recourantes, était tout aussi confuse et incomplète. En effet, même si la collaboratrice de la section « Contrôle des prestations » a noté qu’il convenait de confirmer au client qu’il n’y avait « aucune prise en charge pour les frais d’hospitalisation des enfants à l’accouchement », que les frais des enfants en bonne santé seraient à la charge de la mère et qu’en cas de « mauvaise santé » une annonce devrait être faite à l’assurance-invalidité, elle a également indiqué que le père devrait contacter la Centrale d’appel d’urgence en cas de problème « pour que les LCA rentre[nt] en matière. Sinon, que dble montant sur AOS », ce qui suggère donc une prise en charge de l’assurance-maladie obligatoire.
L’intimée a ensuite confirmé à l’intéressé, le 25 janvier 2022, qu’elle assurerait « sans restriction de prestations » les enfants pour l’assurance de base obligatoire et pour quatre assurances complémentaires. Si les polices d’assurance sont effectivement déterminantes pour l’assurance complémentaire, tel n’est pas le cas pour l’assurance obligatoire des soins, régie par la loi, qui prévoit notamment une exception au principe de territorialité en cas d’urgence. Or, le recourant s’est précisément informé auprès de l’intimée pour savoir si les frais liés à une hospitalisation en cas de complications dès la naissance pourraient ou non être considérés comme relevant d’une urgence. La confirmation d’affiliation, mentionnant une affiliation « sans restriction », était de nature à le conforter sur le fait que d’éventuelles complications seraient prises en charge par l’intimée.
Au regard du principe de la bonne foi, il incombait à l’intimée d’apporter une réponse précise à l’intéressé et de lui indiquer clairement qu’elle refuserait, en application du principe de territorialité, de prendre en charge les frais d’une hospitalisation d’un nouveau-né au Canada, quel que soit d’ailleurs l’état de santé de l’enfant, au motif qu’elle estimait que de tels frais résultaient d’une naissance planifiée à l’étranger et ne constituaient pas une urgence. Si l’intimée avait correctement renseigné l’intéressé sur ces points, celui-ci aurait selon toute vraisemblance choisi de conclure des couvertures d’assurance au Canada pour les enfants à naître, au vu des coûts élevés auxquels il s’exposait en cas de complications.
On ajoutera encore que, dans sa dernière écriture du 5 mai 2025, l’intimée a affirmé, concernant l’intéressé, « La gestation pour autrui étant interdite en Suisse, il pouvait bien se douter que cette manière de faire pouvait soulever des problématiques de prise en charge dans la mesure où les naissances surviennent à l’étranger et sont planifiées. Il a volontairement omis d’indiquer certaines informations ». L’intimée reconnaît ainsi le besoin d’informations de l’intéressé, ainsi que la situation juridique complexe et atypique dans laquelle il se trouvait. Son devoir de conseils requérait qu’elle le rende attentif à sa position, à savoir qu’elle refuserait de verser des prestations à la naissance des enfants, ce d’autant plus que la prise en charge des soins médicaux prodigués à la naissance, dans le service de néonatologie d'un établissement hospitalier à l'étranger, a été laissée ouverte par le Tribunal fédéral, qui ne l’a ainsi à ce jour pas exclue. Que l’intéressé ne lui ait pas précisé que les naissances étaient « planifiées » à l’étranger est sans pertinence, puisque ce fait se déduisait de toute évidence de sa demande même de renseignements. Pour le reste, l’intéressé n’avait pas à informer spontanément l’intimée de l’existence d’une maternité de substitution, fait non pertinent pour déterminer la couverture d’assurance des enfants, et que l’intimée pouvait en outre aisément en inférer des questions posées, comme l’atteste son « soupçon » de recours à une mère porteuse.
Enfin, la chambre de céans constate que, suite à la demande de remboursement des recourantes du 16 août 2023, l’intimée n’a pas été en mesure de justifier son refus de prise en charge, argumentation juridique à l’appui, avant le prononcé de ses décisions du 17 mai 2024. Avant cette date, elle s’était contentée de se référer au contrat de gestation et à la maternité de substitution, en dépit des nombreuses relances des recourantes, sans motiver à satisfaction son refus. Sa prise de position tardive démontre que l’intimée n’avait préalablement procédé qu’à une analyse sommaire du cas soulevé par l’intéressé, alors que ce dernier avait dûment sollicité des renseignements dès le mois de décembre 2021.
Partant, le défaut de renseignement clair dans cette situation concrète, qui aurait commandé une information précise de l’intimée, doit être assimilé à une déclaration erronée. Les conditions jurisprudentielles étant réunies, l’intimée est tenue à consentir aux recourantes, en vertu du principe de la protection de la bonne foi, un avantage auquel celles-ci n'auraient pu prétendre.
4.4 Eu égard aux éléments qui précèdent, la décision litigieuse doit être annulée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si l’obligation de prester de l’intimée aurait pu être fondée sur le caractère urgent des soins médicaux dont ont bénéficié les recourantes dès leurs naissances dans un service de néonatologie au Canada.
La cause sera renvoyée à l’intimée pour qu’elle examine la demande de remboursement des recourantes du 16 août 2023 et rende une nouvelle décision sur la prise en charge des factures transmises, dans les limites posées par
l’art. 36 al. 4 OAMal.
5. Partant, le recours doit être partiellement admis et la décision du 21 janvier 2025 annulée.
Les recourantes, qui obtiennent partiellement gain de cause, interviennent sans l’assistance d’un mandataire professionnel et ne font pas valoir de dépenses particulières. Elles n’ont par conséquent pas droit à des dépens.
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement.
3. Annule la décision du 21 janvier 2025.
4. Renvoie la cause à l’intimée pour qu’elle rende une nouvelle décision au sens des considérants.
5. Dit que la procédure est gratuite.
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Melina CHODYNIECKI |
| La présidente
Joanna JODRY |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le