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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1013/2024

ATAS/601/2025 du 11.08.2025 ( AI ) , ADMIS

Rectification d'erreur matérielle : P. 1/19
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1013/2024 ATAS/601/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 11 août 2025

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

représentée par Me David METZGER, avocat * Me Mélanie MATHY DONZÉ * Rectification d'une erreur matérielle le 28.08.2025/MOV/wmh

 

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1968, célibataire, entrée en Suisse en 1990, originaire d’Érythrée et citoyenne suisse depuis le 4 septembre 2014, a exercé une activité de vendeuse à B______ à un taux de 100% du 22 octobre 2013 au 12 décembre 2019.

b. En février 2015, l’assurée a subi une mastectomie suite à un carcinome canalaire au sein gauche.

c. Les 6 et 7 novembre 2020, l’assurée a été opérée d’une ischémie mésentérique aiguë, survenue le 5 novembre 2020, entrainant une incapacité de travail du 4 novembre 2020 au 2 décembre 2020 (lettre de suivi des HUG du 2 mars 2021).

d. Le 17 juin 2021, l’assurée a déposé une demande de prestations d’invalidité, en mentionnant un cancer du sein et une « thrombolyse de ectomie, une parathyroidien et multi lithiases urinaires ».

B. a. Le docteur C______, spécialiste en médecine générale, a attesté le 27 juillet 2021 d’une maladie lithiase, d’un adénome parathyroïdien, d’un carcinome canalaire au sein gauche, d’une ischémie mésentérique, des symptômes de Covid long et d’un état de fatigue général, ainsi qu’un état anxieux et dépressif. La capacité de travail était nulle et l’assurée présentait une capacité de travail de 2 heures par jour dans une activité adaptée.

b. Le 21 février 2022, le docteur D______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, a attesté d’une incapacité de travail totale, d’un trouble de l’humeur et d’intolérance au stress avec d’énormes difficultés à dormir de façon relaxée, une fragilité psychique due à des traumatismes infantiles, un état chronique de dépression grave. Le 7 juillet 2022, il a confirmé une incapacité de travail totale.

c. Le 15 avril 2022, le Dr C______ a mentionné une fatigue générale d’origine endocrinienne, une perte de poids et un état dépressif.

d. Le 30 août 2022, l’assurée a bénéficié d’une infiltration cervicale en raison d’une protrusion discale C6-C7.

e. Le 13 février 2023, le Dr C______ a attesté d’une capacité de travail nulle de la recourante.

f. Le 8 mars 2023, le Dr D______ a mentionné un suivi depuis janvier 2021, un état de dépression grave avec un risque vital engagé, une détresse psychique et sociale et une capacité de travail nulle.

g. À la demande de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci‑après : OAI), le SWISS EXPERTISES MEDICALES SARL (ci‑après : SEM) a rendu le 26 juillet 2023 une expertise bidisciplinaire (docteurs E______, spécialiste en rhumatologie, et F______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie), concluant à un status post cervicalgie avec tableau de NCP en août 2022 non incapacitant et un diagnostic de troubles anxieux et dépressifs mixtes non incapacitants.

À titre préventif, l’assurée devait éviter de porter des charges de plus de 10-15 kg, de travailler le tête penchée en avant et les mouvements de torsion de la colonne cervicale.

h. Le 2 août 2023, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) a retenu une capacité de travail nulle comme caissière dès décembre 2019 et de 100% dans une activité adaptée dès décembre 2019, soit en évitant de porter des charges de plus de 10-15 kg de manière répétée, de surcharger le rachis dans sa totalité et d’effectuer des mouvements de flexions et extensions de la colonne cervicale.

i. Le 6 novembre 2023, l’OAI a fixé le degré d’invalidité à 5% (revenu sans invalidité de CHF 49'425.- et revenu d’invalide de CHF 36'937.- basé sur l’enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) 2018, TA1, femme, total, niveau 1, pour 41,7 heures de travail par semaine, indexé à 2019, avec un abattement de 15%).

j. Par projet de décision du 15 novembre 2023, l’OAI a rejeté la demande de prestations.

k. Le 4 décembre 2023, l’assurée a contesté le projet de décision, en faisant valoir qu’elle était totalement incapable de travailler.

l. Par décision du 14 février 2024, l’OAI a rejeté la demande de prestations.

C. a. Le 25 mars 2024, l’assurée, représentée par un avocat, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) à l’encontre de la décision précitée, en concluant à son annulation et à l’octroi de mesures professionnelles et d’une rente entière d’invalidité dès le 1er décembre 2021. Elle a communiqué un rapport du Dr D______ du 19 mars 2024, selon lequel l’assurée présentait un état de traumatisme psychique récurrent et un état de dépression sévère sans épisode psychotique, ayant des pensées de mort par périodes, des cauchemars liés aux traumatismes dans son Pays et à son destin rempli de souffrances somatiques, des états de grande anxiété récurrents, un trouble de somatisation dû à des douleurs gastro-intestinales, osseuses, neurologiques et sexuelles. La capacité de travail était nulle.

b. Le 23 avril 2024, l’assurée a complété son recours. L’expertise psychiatrique du Dr F______, qui n’avait pas été réalisée selon les règles de l’art, n’était pas probante. Quant à l’expertise du Dr E______, elle comprenait une importante contradiction en mentionnant, d’une part, une capacité de travail de 100% au plan rhumatologique et, d’autre part, une capacité de travail nulle comme caissière, en mentionnant des limitations fonctionnelles.

Par ailleurs, l’OAI n’avait pas instruit la problématique endocrinienne entrainant un état de fatigue générale.

c. Le 6 mai 2024, le SMR a estimé que le rapport du Dr D______ du 19 mars 2024 n’était pas de nature à remettre en question son appréciation du 2 août 2023.

d. Le 1er juillet 2024, l’OAI a conclu au rejet du recours, en considérant que l’expertise du SEM était probante.

e. Le 29 juillet 2024, la recourante a répliqué, en soulignant que l’intimé ne s’était pas prononcé sur les points soulevés à l’encontre de l’expertise du SEM et qu’il fallait écarter la valeur probante de celle-ci.

f. Le 7 octobre 2024, les parties ont été entendues en audience de comparution.

g. Le 11 octobre 2024, la recourante a produit une lettre de sortie des soins de réadaptation psychosomatique de la clinique de Montana, suite à son séjour du 15 mai au 1er juin 2023. Le diagnostic principal était celui d’état dépressif récurrent.

h. Le 28 octobre 2024, le SMR a observé que la récidive de carcinome canalaire au sein gauche était survenue après la décision litigieuse et que le séjour à la clinique de Montana avait été pris en compte par l’expertise bidisciplinaire du 20 juin 2023.

i. Le 18 novembre 2024, la chambre de céans a confié une expertise judiciaire à la docteure G______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, en considérant ce qui suit :

l’intimé s’est fondé sur le rapport bidisciplinaire du SEM pour retenir, dès décembre 2019, une capacité de travail nulle comme caissière et totale dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles somatiques.

Du point de vue psychiatrique, le Dr F______ a considéré que la recourante présentait une association de symptômes anxieux et dépressifs dont l’intensité et la durée n’étaient pas suffisantes pour qu’un diagnostic caractérisé d’autres troubles anxieux ou dépressifs soit posé. Il s’agissait d’une association de symptômes relativement mineurs et largement répandus dans la population générale, non incapacitants.

En revanche, le Dr D______ a attesté le 19 mars 2024 d’un état de traumatisme psychique récurrent, d’un état de dépression sévère sans épisode psychotique, avec des pensées de mort par périodes, d’un trouble de l’adaptation, d’états de grande anxiété récurrents dus au vécu traumatisé de la recourante et son devenir. Celle-ci présentait une anhédonie totale et une asthénie très importante. Son affection psychique l’empêchait totalement de travailler.

Quant à la clinique de Montana, elle a posé le diagnostic d’état dépressif récurrent ayant nécessité une réhabilitation psychosomatique.

Au vu des rapports divergents du Dr D______ et de la clinique de Montana, d’une part, et de l’expertise du Dr F______, d’autre part, la valeur probante de celle-ci ne peut, en l’état, être confirmée, ce d’autant que la recourante a fait part à l’expert d’idées suicidaires quotidiennes (rapport d’expertise du Dr F______ p. 36 et enregistrement de l’expertise), lesquelles n’ont pas été prises en compte par l’expert dans son évaluation médicale (rapport d’expertise du Dr F______ p. 41 et 43). Dans ces conditions, une instruction complémentaire psychiatrique est nécessaire, par le biais d’une expertise judiciaire laquelle sera confiée à la Dre G______.

j. Le 17 mars 2025, le Dr D______ a rendu un rapport, attestant d’une rechute du cancer en novembre 2024, avec une dépression sévère sans symptômes psychotiques. L’assurée était totalement incapable de travailler.

k. Le 30 avril 2025, la Dre G______ a rendu son rapport d’expertise, concluant à un diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques depuis 2014 (apparition du cancer du sein) ; l’état s’était péjoré avec la rechute de cancer en novembre 2024. Les plaintes étaient objectivées, le tableau était cohérent, les limitations du niveau d’activité étaient uniformes dans tous les domaines, le niveau d’activités sociales était faible et le comportement était cohérent. La capacité de travail était nulle. L’ischémie mésentérique de 2021 avait empiré le trouble dépressif récurrent ; les rechutes dépressives semblaient plus fréquentes et plus importantes depuis cette date. Elle présentait des limitations fonctionnelles de fatigue, de ruminations anxiodépressives quasiment constantes, une thymie triste avec beaucoup de pleurs, une perte de l’élan vital, une anhédonie, des idées noires, une culpabilité, un trouble de l’attention et de la concentration. Le traitement était adéquat. Depuis novembre 2024, les traitements psychotiques suivis avaient dû être interrompus en raison de l’interaction avec la chimiothérapie.

l. Le 12 mai 2025, le SMR a estimé que l’expertise judiciaire n’était pas de nature à remettre en question la capacité de travail de 100% dans une activité adaptée précédemment retenue (avis du SMR du 2 août 2023). La symptomatologie constatée par l’experte était apparue en novembre 2024, soit postérieurement à la décision litigieuse.

m. Le 26 mai 2025, l’OAI a estimé que le rapport d’expertise attestait d’une aggravation de l’état de santé postérieure à la décision litigieuse.

n. Le 27 mai 2025, la recourante a conclu à l’octroi d’une rente entière d’invalidité dès le 1er décembre 2021, sur la base du rapport d’expertise judiciaire.

o. Le 11 juin 2025, l’experte judiciaire a rendu, à la demande de la chambre de céans, un complément d’expertise.

Trois épisodes dépressifs étaient survenus, le premier en 2014 lors de la découverte du cancer du sein, le second en 2021 et un troisième en novembre 2024, date de la rechute du cancer du sein. Ces trois épisodes faisaient partie du trouble dépressif récurrent. La recourante était en incapacité de travail totale depuis son ischémie mésentérique de 2021, qui avait marqué des rechutes dépressives plus fréquentes et d’intensité plus importante.

p. Le 19 juin 2025, le SMR a estimé que le complément d’expertise n’était pas probant.

q. Le 8 juillet 2025, l’OAI s’est rallié à l’avis du SMR précité.

r. Le 18 juillet 2025, la recourante a communiqué un rapport du Dr D______ du 16 juillet 2025, selon lequel l’état de santé actuel était déjà présent « dans le diagnostic de cancer en 2015 dont la rechute en 2024 ».

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité et à des mesures d’ordre professionnel.

3.             Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

Si un droit à la rente a pris naissance jusqu’au 31 décembre 2021, un éventuel passage au nouveau système de rentes linéaire s'effectue, selon l'âge du bénéficiaire de rente, conformément aux let. b et c des dispositions transitoires de la LAI relatives à la modification du 19 juin 2020. Selon la let. b al. 1, les bénéficiaires de rente dont le droit à la rente a pris naissance avant l'entrée en vigueur de cette modification et qui, à l'entrée en vigueur de la modification, ont certes 30 ans révolus, mais pas encore 55 ans, conservent la quotité de la rente tant que leur taux d'invalidité ne subit pas de modification au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA (arrêt du Tribunal fédéral 9C _499/2022 du 29 juin 2023 consid. 4.1).

En l’occurrence, la décision querellée a certes été rendue postérieurement au 1er janvier 2022. Toutefois, la demande de prestations ayant été déposée en juin 2021 et le délai d’attente d’une année venant à échéance en décembre 2020, un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait antérieurement au 1er janvier 2022 (art. 28 al. 1 let. b et 29 al. 1 LAI), de sorte que les dispositions applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. En outre, dans la mesure où la recourante avait, au 1er janvier 2022, 30 ans révolus mais moins de 55 ans, la quotité éventuelle de sa rente subsisterait tant que son taux d’invalidité ne subit pas de modification au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA.

3.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

3.2 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

3.2.1 Le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques ou psychosomatiques et aux syndromes de dépendance (ATF 148 V 49 ; 145 V 215 ; 143 V 418 ; 143 V 409). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_265/2023 du 19 août 2024 consid. 3.2).

3.2.2 Le point de départ de l'évaluation prévue pour les troubles somatoformes douloureux (ATF 141 V 281), les troubles dépressifs (ATF 143 V 409), les autres troubles psychiques (ATF 143 V 418) et les troubles mentaux du comportement liés à l’utilisation de substances psychoactives (ATF 145 V 215) est l'ensemble des éléments médicaux et constatations y relatives. Les experts doivent motiver le diagnostic psychique de telle manière que l'organe d'application du droit puisse comprendre non seulement si les critères de classification sont remplis, mais également si la pathologie diagnostiquée présente un degré de gravité susceptible d'occasionner des limitations dans les fonctions de la vie courante. Á ce stade, ladite autorité doit encore s'assurer que l'atteinte à la santé résiste aux motifs d'exclusion, tels que l'exagération des symptômes ou d'autres manifestations analogues, qui conduiraient d'emblée à nier le droit à la rente (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1, 2.1.2, 2.2 et 2.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.1.1).

3.2.3 Selon la jurisprudence, l'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.2). Il y a ainsi lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble somatoforme douloureux au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2). Á lui seul, un simple comportement ostensible ne permet pas de conclure à une exagération (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et la référence).

3.2.4 Une fois le diagnostic posé par un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2), la capacité de travail réellement exigible doit être examinée, sans résultat prédéfini, au moyen d’un catalogue d’indicateurs, appliqué en fonction des circonstances du cas particulier (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.1.1). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

La grille d’évaluation de la capacité résiduelle de travail comprend tout d’abord un examen des indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel », lesquels forment le socle de base pour l'évaluation des troubles psychiques. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à l’examen sous l’angle de la catégorie « cohérence ». Ces indicateurs comportent une analyse du complexe « atteinte à la santé », lequel comprend la prise en considération des éléments pertinents pour le diagnostic, du succès ou de l’échec d’un traitement effectué dans les règles de l’art, du succès ou de l’échec d’une éventuelle réadaptation, et enfin de l’existence d’une éventuelle comorbidité physique ou psychique. Il s’agit également d’effectuer une analyse du complexe « personnalité », soit un diagnostic de la personnalité de l’assuré et de ses ressources personnelles, et du complexe « contexte social » (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3 et les références).

4.             Il y a lieu ensuite d’effectuer un examen des indicateurs en lien avec la catégorie « cohérence », à savoir examiner notamment si l’atteinte à la santé se manifeste de la même manière dans l’activité professionnelle (pour les personnes sans activité lucrative, dans l’exercice des tâches habituelles) et dans les autres domaines de la vie ; si des traitements sont mis à profit ou, au contraire, négligés et prendre en compte le comportement de la personne assurée dans le cadre de sa réadaptation professionnelle (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.4 et les références).

4.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

4.2 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).

4.3 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

4.4 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

4.5 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

4.6 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

5.              

5.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

5.2 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

6.             En l’occurrence, la chambre de céans a estimé nécessaire de diligenter une expertise psychiatrique judiciaire, celle du Dr F______ n’étant pas convaincante.

Fondé sur toutes les pièces du dossier, comprenant une anamnèse complète, la description des plaintes de la recourante et de sa journée-type, un status clinique, posant des diagnostics clairs, procédant à l’analyse des indicateurs de gravité et à une appréciation convaincante de la capacité de travail de la recourante, le rapport d’expertise et son complément de la Dre G______ remplissent les critères jurisprudentiels précités pour qu’il leur soit reconnu une pleine valeur probante.

L’experte conclut à la présence d’un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques et d’une incapacité de travail totale depuis l’ischémie mésentérique de 2021, laquelle avait péjoré l’état psychique en empirant le trouble dépressif récurrent (rapport d’expertise judiciaire, points 9.1.1 et 11.2). Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : fatigue, aboulie, limitations anxiodépressives quasiment constantes, thymie triste avec beaucoup de pleurs et perte de l’élan vital, troubles de l’appétit et du sommeil, troubles de l’attention et de la concentration et culpabilité importante. Ces symptômes généraient une impossibilité de se rendre à un travail et d’exécuter les tâches demandées ; ils limitaient fortement les possibilités de gestion au quotidien (activités de la vie quotidienne, vie sociale).

Les plaintes étaient objectivées, le tableau était cohérent, sans atypies, il n’y avait pas de discordance entre les plaintes et le comportement de la recourante, le niveau d’activité sociale était faible, la recourante était authentique, sans montrer d’exagérations. Les ressources mentale, sociale et familiale étaient faibles.

6.1 L’intimé conteste la valeur probante de l’expertise judiciaire, en tant qu’elle admet une incapacité de travail totale de la recourante antérieurement à novembre 2024, date de la récidive du cancer du sein (laquelle est postérieure à la décision litigieuse), en se ralliant aux avis du SMR des 12 mai et 19 juin 2025.

Les critiques émises par l’intimé à l’encontre des conclusions de l’experte judiciaire reconnaissant une incapacité de travail totale de la recourante dès 2021, ne peuvent être retenues.

6.1.1 Selon l’intimé, le trouble dépressif ne pouvait être récurrent et sévère depuis 2014, dès lors qu’aucun autre épisode n’avait précédé celui de 2014.

À cet égard, l’experte judiciaire a exposé que le trouble dépressif récurrent était composé de trois épisodes survenus l’un en 2014, l’autre en 2021 et le dernier en novembre 2024. Certes, comme relevé par le SMR, le trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques, est mentionné dans le rapport d’expertise (points 4.1 et 4.1.1) comme diagnostic avec une date d’apparition en 2024, ce qui ne permet pas de comprendre si c’est un premier épisode dépressif sévère qui est survenu en 2014 ou un trouble dépressif déjà récurrent. Cependant, le complément d’expertise judiciaire du 11 juin 2025 permet de comprendre qu’en 2014, un premier épisode dépressif est survenu et, vu le deuxième épisode de 2021, un trouble dépressif récurrent pouvait ensuite être évoqué, explication qui a levé le doute sur la date d’apparition du trouble dépressif récurrent.

6.1.2 En l’absence de précision sur la date d’apparition des symptômes rapportés par l’experte, l’intimé estime que c’est la récidive de cancer, en novembre 2024, qui est le déclencheur de l’épisode actuel.

Or, le complément d’expertise du 11 juin 2025 précise que depuis l’épisode d’ischémie, le sentiment de désespoir et de faiblesse a augmenté, les rechutes dépressives se sont intensifiées et sont devenues plus fréquentes, et les limitations fonctionnelles sont en lien avec la péjoration du trouble dépressif récurrent, soit présentes depuis 2021 (fatigue, ruminations anxiodépressives quasiment constantes, thymie triste avec beaucoup de pleurs, perte de l’élan vital, anhédonie, idées noires, culpabilité, trouble de l’attention et de la concentration).

Cette description permet de comprendre que la symptomatologie décrite est survenue en 2021 déjà, soit antérieurement à novembre 2024, date retenue à tort par l’intimé.

6.1.3 Selon l’intimé, il convenait de se référer à l’évaluation du Dr F______ qui avait exclu, en juillet 2023, la présence d’un épisode dépressif sévère.

À cet égard, l’experte a relevé qu’il était possible que lors de l’expertise du Dr F______, la recourante avait présenté un temps de rémission entre des épisodes dépressifs, ce qui expliquait la différence de symptômes constatés par ce médecin.

Au surplus, la chambre de céans constate, comme déjà relevé dans l’ordonnance d’expertise, que le Dr F______, en juillet 2023, a minimisé le tableau psychique de la recourante, en ne prenant notamment pas en compte les idées suicidaires mentionnées par celle-ci.

Par ailleurs, l’expertise du Dr F______ présente certaines incohérences. Celui-ci a exclu, à l’examen clinique, des symptômes anxieux significatifs, en considérant que ceux-ci sont de sévérité mineure, et largement répandus dans la population générale, sans impact sur la réalisation des tâches élémentaires de la vie quotidienne (rapport d’expertise, p. 41). Ce faisant, il ne tient pas compte des deux consultations de la recourante aux urgences médicales en 2023 qu’il cite pourtant, et qui ne sauraient être considérées comme correspondant à une symptomatologie « largement répandues dans la population générale ». Il ne tient pas non plus compte des plaintes et de l’anamnèse de la recourante, laquelle a été hospitalisée à la Clinique genevoise de Montana le mois précédent (la recourante décrivant qu’avant cela, elle était tout le temps enfermée chez elle, avec la peur d’être jugée et des angoisses la nuit), ainsi qu’une autre hospitalisation en mai-juin 2023. En outre, relativement à la réalisation des tâches quotidiennes, la recourante a signalé que si elle n’était pas bien, elle les reportait au lendemain (rapport d’expertise, p. 35). Ces éléments vont à l’encontre des constats de l’expert quant à la présence de symptômes de sévérité mineure et l’expert n’explique en particulier pas l’incohérence entre ses conclusions, les plaintes et l’anamnèse de la recourante.

Il en est de même quant aux symptômes dépressifs. L’expert estime que ceux-ci sont également mineurs, sans impact sur la réalisation des tâches élémentaires de la vie quotidienne. À nouveau, l’expert n’explique pas l’incohérence entre cette conclusion (rapport d’expertise, p. 41) et plusieurs faits qu’il mentionne soit l’hospitalisation de la recourante à la Clinique genevoise de Montana du 15 mai au 1er juin 2023 en raison d’un état dépressif récurrent, ainsi que l’autre hospitalisation, qu’il signale un mois avant l’entretien (rapport d’expertise, p. 35), ainsi que les idées suicidaires de la recourante durant plusieurs années et encore actuellement (rapport d’expertise, p. 36 et 41) avec la présence d’un moral catastrophique (rapport d’expertise, p. 37). L’expert ne tient pas compte non plus de la description de la journée-type, laquelle montre un niveau d’activité très bas, un isolement social important de la recourante (rapport d’expertise, p. 38), ainsi qu’une importante asthénie, confirmée par le psychiatre-traitant dans ses différents rapports, notamment dans celui du 19 mars 2024, mentionnant qu’elle dort toute la journée, sans vie sexuelle, affective, de relation ou professionnelle. L’expert estime qu’il n’y a pas de limitation uniforme du niveau d’activité dans tous les domaines comparables de la vie (rapport d’expertise, p. 42), sans expliquer l’incohérence de cette conclusion avec la description de la journée-type de la recourante, qu’il ne met pas en doute, et qui montre des limitations importantes du niveau d’activité quotidien.

L’expert écarte ensuite le diagnostic d’épisode dépressif sévère, en relevant qu’il faudrait un état de détresse associé, soit à une agitation, soit à un ralentissement marqué avec des idées de suicide manifestes et une incapacité de poursuivre les activités sociales, professionnelles ou ménagères (rapport d’expertise, p. 43). Or, à la lecture des plaintes et de l’anamnèse de la recourante, plusieurs critères avancés par l’expert sont retrouvés.

Contrairement à l’avis de l’intimé, l’expertise du Dr F______ ne met ainsi pas en doute l’expertise judiciaire de la Dre G______.

6.1.4 Selon l’intimé, l’état psychique de la recourante aurait été aggravé par l’arrêt de la médication psychiatrique en novembre 2024, incompatible avec le traitement contre le cancer. Ce fait n’est cependant pas contesté par l’experte, qui estime effectivement que l’état de santé de la recourante s’est péjoré en novembre 2024 (expertise judiciaire, point 4.4).

6.1.5 La récurrence du trouble dépressif n’aurait été relevée ni par le Dr D______, ni par l’expert F______. À cet égard, l’expertise du Dr F______, n’est pas déterminante, comme rappelé supra, et le Dr D______ a confirmé qu’il estimait que ce qui était considéré comme réactionnel et actuel était en réalité récurrent (rapport du 16 juillet 2025), ce qui va dans le sens des constats de l’experte G______.

6.1.6 La survenance de l’incapacité de travail, fixée à 2021 est, selon l’intimé, une appréciation rétrospective sans précision de « la dynamique de l’aggravation en terme de sévérité » et aucun rapport de médecin somaticien n’avait signalé la notion de trouble psychique ou de traitement psychiatrique depuis 2014.

À cet égard, l’experte judiciaire a précisé, dans son complément d’expertise, que l’épisode de l’ischémie avait augmenté le sentiment de désespoir et de faiblesse et entrainé des rechutes rapprochées et plus intenses du trouble dépressif, avec des limitations fonctionnelles de fatigue, ruminations anxiodépressives quasiment constantes, thymie triste avec beaucoup de pleurs, perte de l’élan vital, anhédonie, idées noires, culpabilité, trouble de l’attention et de la concentration, cette symptomatologie étant totalement incapacitante.

Contrairement à l’avis de l’intimé, l’experte a ainsi motivé la survenance de l’incapacité de travail en 2021. Celle-ci est d’ailleurs objectivée par la problématique somatique de l’épisode de l’ischémie qui a donné lieu à une incapacité de travail totale du 4 novembre 2020 au 2 décembre 2020, et les rapports du Dr D______, lequel a attesté d’un état chronique de dépression, totalement incapacitant, depuis janvier 2021.

En outre, cette incapacité de travail totale est confirmée par l’avis des médecins-traitant, lesquels l’ont mentionnée dans plusieurs rapports médicaux, établis en temps réels, soit ceux des 27 juillet 2021, 15 avril 2022 et 13 février 2023 pour le Dr C______ et ceux des 21 février 2022, 7 juillet 2022, 8 mars 2023, 8 juin 2023 et 19 mars 2024 pour le Dr D______, étant précisé que celui-ci suit la recourante depuis le 13 janvier 2021 (cf. note de greffe du 23 juillet 2025) et qu’il atteste d’une incapacité de travail totale depuis le début de son suivi. Enfin, le début de la prise en charge de la recourante par le Dr D______, le 13 janvier 2021, témoigne aussi d’une aggravation de l’état de santé de la recourante à la suite de l’épisode de l’ischémie.

Dans ces conditions, l’avis de l’intimé selon lequel le diagnostic posé par l’experte serait fondé sur une estimation rétrospective de la recourante elle-même alors qu’il aurait dû être établi par une anamnèse psychiatrique (avis du SMR du 19 juin 2025) doit être écarté, l’anamnèse psychiatrique effectuée par l’experte ayant tenu compte non seulement des dires de la recourante mais d’éléments objectifs, tels que l’épisode d’ischémie et l’avis des médecins-intervenants, lesquels ont estimé que l’incapacité de travail était totale, le Dr D______ l'ayant attestée depuis le début de son suivi en janvier 2021, avec un diagnostic d’état dépressif sévère sans symptômes psychotiques.

Par ailleurs, le Dr D______ a fait état, déjà dans son rapport du 21 février 2022, du fait que la recourante pleurait souvent, vivait enfermée chez elle, avec une intolérance au stress, une réponse psychique très rigide et impulsive aux événements, avec de la fatigue, un niveau élevé d’anhédonie, incapable d’assumer les tâches de la maison, sans ressources, avec d’importants troubles du sommeil, des troubles cognitifs et un état chronique de dépression. Dans son rapport subséquent du 8 mars 2023, le Dr D______ relève une perte de confiance et de l’estime de soi, une anhédonie, un état dépressif grave, sans possibilité de se projeter dans le futur, beaucoup de pleurs ; elle était renfermée, ne faisait rien de ses journées, présentait une détresse psychique et sociale, n’avait pas de ressources disponibles et était constamment fatiguée ; elle avait des troubles cognitifs.

Au demeurant, les symptômes et limitations fonctionnelles retenus par le Dr D______ depuis le début de son suivi, le 13 janvier 2021, rejoignent celles relevées par l’experte judiciaire, justifiant l’incapacité de travail totale de la recourante et vont à l’encontre de l’avis de l’intimé qui estime que, pour la période de 2021 à octobre 2024, les diagnostics posés par l’experte judiciaire ne reposent que sur les dires de la recourante.

Enfin, contrairement à l’avis de l’intimé, les médecins somaticiens ont attesté de problématiques psychiques. C’est le cas du Dr C______, lequel relève, dans son rapport du 27 juillet 2021, un état anxieux et dépressif, avec fatigue et une dépression signalée comme « autre élément pouvant entrer en ligne de compte », puis, le 15 avril 2022, un état dépressif et une fatigue générale et le 13 février 2023 un état dépressif, avec un suivi psychiatrique.

6.2 Au vu de ce qui précède, il convient d’admettre la valeur probante de l’expertise judiciaire. Celle-ci retient une incapacité de travail totale de la recourante depuis 2021.

À cet égard, l’experte judiciaire s’est clairement référée à l’épisode de l’ischémie pour marquer le début de l’incapacité de travail totale. Or, cet épisode est survenu le 5 novembre 2020, avec une incapacité de travail totale somatique admise par les médecins des HUG du 4 novembre 2020 au 2 décembre 2020. C’est donc la date de la survenance de l’ischémie qu’il convient de retenir, étant souligné qu’il existe certaines constellations, comme c’est le cas en l’espèce, dans lesquelles il convient de s’écarter de l’incapacité de travail déterminée par une expertise médicale, sans que celle-ci n’en perde sa valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_316/2017 du 5 octobre 2017 ; A/2394/2019 du 7 février 2022).

6.3 Au demeurant, la recourante ayant présenté une incapacité de travail totale depuis le 4 novembre 2020, le délai de carence d’une année est venu à échéance le 4 novembre 2021.

Vu l’incapacité de travail totale de la recourante, dans toutes activités, le droit à une rente entière d’invalidité doit être reconnu.

Cependant, la demande de prestations ayant été déposée le 17 juin 2021, le droit à la rente d’invalidité ne peut naître que depuis le 1er décembre 2021.

7.             Partant, le recours sera admis, la décision litigieuse annulée et il sera dit que la recourante a droit à une rente entière d’invalidité depuis le 1er décembre 2021.

La recourante obtenant gain de cause, une indemnité lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]), arrêtée en l’espèce à CHF 4’000.-.

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l’intimé au paiement d'un émolument (art. 69 al. 1bis LAI), arrêté à CHF 200.-.

 

 

 

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision de l’intimé du 14 février 2024.

4.        Dit que la recourante a droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er décembre 2021.

5.        Alloue à la recourante, à la charge de l’intimé, une indemnité de CHF 4'000.- à titre de frais et dépens.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le